Coulomb Laureline, Douguet Florence, Fillaut Thierry, Hontebeyrie Juliette, Vilbrod Alain
Cet article s’attache à rendre compte des pratiques de sensibilisation et de repérage du risque alcool chez les femmes enceintes par les généralistes et les sages-femmes libérales, ainsi que des représentations qui les sous-tendent.
Il s’appuie sur l’analyse de contenu thématique de trois enquêtes par entretiens semi-directifs réalisées auprès de 17 médecins généralistes et 75 sages-femmes libérales.
Ni les généralistes ni les sages-femmes interrogés n’abordent dans leur ensemble systématiquement la question de l’alcool avec les femmes enceintes de leurs patientèles, ni ne recourent à des outils pour évaluer leur alcoolisation. Ces pratiques sont très liées à leurs perceptions personnelles du risque alcool chez les femmes et de l’alcoolisation fœtale et aux représentations qu’ils ont de leurs patientèles.
Mots-clés : France, médecins généralistes, sages-femmes libérales, alcoolisation fœtale, suivi de grossesse.
General practitioners and liberal midwives facing alcohol risk in pregnancy
- When representations influence practices
This article focuses on general practitioners’ and midwives’ practices of awareness and identification of alcohol risk during pregnancy and the representations that underlie such practices.
The study is based on content analysis of three research projects using semi-structured interviews among 17 general practitioners and 75 midwives.
Neither the general practitioners nor the midwives interviewed address in a systematic way the issue of alcohol consumption with pregnant patients, nor they use tools to assess their alcohol use. These practices are closely linked to their personal representations of alcohol risk among women and fetal alcoholisation, as well as the representations of their own patients.
Keywords : France, general practionners, independent midwives, fetal alcohol spectrum disorder, pregnancy monitoring.
La place qu’occupent les soignants de proximité que sont les médecins généralistes et les sages-femmes libérales dans les suivis de grossesse est aujourd’hui centrale : la part des femmes enceintes déclarant avoir été suivies par un médecin généraliste est passée de 15 % en 2003 à 19 % en 2016 et celle des femmes suivies par une sage-femme de 3 % à 25 % (Inserm, 2017). Il n’est donc pas surprenant que les pouvoirs publics attendent d’eux qu’ils participent activement à la prévention, au suivi et au dépistage du risque alcool chez les femmes enceintes ou souhaitant le devenir et à la prévention de l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale. Ce problème de santé est désormais considéré comme prioritaire après les décennies de scepticisme qui ont suivi la « découverte » en 1968 du syndrome d’alcoolisation fœtale par le pédiatre nantais Paul Lemoine (Fillaut, Hontebeyrie, Douguet, 2017). Depuis ces premiers travaux, l’effet tératogène de l’alcool a été posé scientifiquement et des études internationales ont montré l’importance de l’exposition prénatale à l’alcool comme cause de handicap mental. C’est au regard de telles données que l’abstinence totale d’alcool pendant la grossesse est préconisée dans la plupart des pays occidentaux (Varescon, Wendland, Gaugue-Finot, 2006 ; HAS, 2013).
Pour autant, malgré les recommandations réitérées des sociétés professionnelles (Société française d’alcoologie et d’addictologie, Collège des gynécologues et obstétriciens…) et des institutions publiques (Haute autorité de santé, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé / Santé publique France) en la matière et malgré les campagnes lancées en direction du grand public et des professionnels en faveur d’une abstinence d’alcool dès le projet de grossesse et tout au long de celle-ci (campagnes « zéro alcool pendant la grossesse », pictogramme sur les conditionnements de boissons alcoolisées), médecins généralistes et sages-femmes libérales semblent encore moyennement impliqués dans la prise en compte de ce problème. En 2017, 4 femmes enceintes ou mères d’enfants âgés de 5 ans ou moins sur 10 déclaraient ne pas avoir été informées des risques liés à la consommation d’alcool par le médecin ou la sage-femme qui suivait ou avait suivi leur grossesse (Andler et al., 2018). De fait, comme les autres professionnels de la naissance étudiés à plusieurs reprises (Dumas et al, 2006 ; Leroy-Creutz et al,. 2015), les médecins généralistes et sages-femmes libérales ont fréquemment des difficultés à aborder la question de l’alcool avec les femmes dont ils suivent la grossesse et à percevoir l’intérêt de pratiquer un dépistage de leur consommation.
Les raisons qui peuvent expliquer cette réserve à aborder la question de l’alcool avec les femmes enceintes sont diverses. Le champ de la périnatalité, comme tout domaine de la santé, est concerné par le développement d’une « médecine de la surveillance » (Armstrong, 1995) et par la diffusion de la notion de risque dans la mesure où « l’incertitude accompagne très régulièrement l’action thérapeutique » (Carricaburu et al, 2010 : 7). Ainsi, « l’état actuel des connaissances ne permet pas de définir le seuil de consommation d’alcool en-dessous duquel il n’y aurait pas de risques » pour le fœtus (Santé publique France, 2018) et l’ampleur du phénomène peut sembler relative au regard des quelque 800 000 naissances vivantes observées dans la dernière décennie : « entre 2006 et 2013, 3 207 enfants ont, lors de leur séjour hospitalier, eu un diagnostic pour troubles causés par l’alcoolisation fœtale (TCAF) durant la période néonatale, soit 0,48 cas pour 1 000 naissances, incluant 0,07 cas de syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) pour 1 000 naissances » (Laporal et al., 2018 : 1). Cette situation d’incertitude provoque alors des tensions chez les professionnels et favorise l’émergence d’attitudes variées face au risque alcool-grossesse : « Nous avons noté l’importance des mécanismes irrationnels et non rationnels dans les actions à la maladie, des malades et de leurs familiers. En dépit de leur formation et de leur compétence de savants, il serait étrange que les médecins, comme groupe, fussent intégralement exempts des mêmes tendances » (Parsons, 1970 : 178). La difficulté des professionnels de santé à aborder les questions d’alcool avec leurs patients tient en effet aux « dimensions socioculturelles au cœur des alcoolismes » et à « la congruence des discours profanes et professionnels » (Gaussot, Palierne, 2011 : 107).
Ainsi, lorsqu’on interroge des généralistes et sages-femmes sur le thème grossesse-alcool, leurs attitudes et leurs pratiques respectives (généralistes d’une part, sages-femmes de l’autre) ou comparées (généralistes vs sages-femmes) apparaissent hétérogènes, voire divergentes. De manière générale, ces pratiques sont très liées à leurs représentations personnelles du risque alcool chez les femmes et de l’alcoolisation fœtale et à leurs représentations de leurs propres patientèles : « Porteurs de normes sociales dominantes, les professionnels de la santé en charge de la procréation constituent des figures clés dans les modes de prise en charge actuels : leurs savoirs, leurs pratiques, leurs attitudes et leurs imaginaires reflètent et en même temps contribuent à fortement modeler les représentations sociales et les sentiments collectifs qui entourent la naissance » (Burton-Jeangros, Hammer, Maffi, 2010 : 12). Ces pratiques hétérogènes tiennent aussi à leur appropriation des recommandations d’abstinence émanant des experts et des autorités publiques. Si cette appropriation constitue un processus dynamique de « création de sens » ou de « mise en sens » (Alter, 2013 ; Créspin, 2014), celle-ci – comme nous allons le montrer par la suite – ne va pas de soi et prend des formes singulières selon les professionnels considérés.
Cet article présente quelques résultats d’une recherche soutenue par la Fondation pour la recherche en alcoologie (contrats 2016-07 et 2017-07) qui s’attache notamment à rendre compte des pratiques de sensibilisation et de repérage du risque alcool chez les femmes enceintes par les généralistes et les sages-femmes libérales ainsi que des représentations qui les sous-tendent. Elle s’inscrit dans un ensemble de travaux sur les professionnels de santé de premier recours, notamment les sages-femmes (Douguet, Vilbrod, 2017a), et sur les conduites d’alcoolisation (Déroff, Fillaut, 2015).
Les résultats présentés ici s’appuient sur trois enquêtes par entretiens semi-directifs complétées par une recension et une méta-analyse des thèses de médecine générale et des mémoires de maïeutique soutenus depuis le début des années 2000 sur ce thème. La première enquête s’est déroulée auprès de 17 médecins généralistes installés dans trois départements bretons. La deuxième a été réalisée auprès de 35 sages-femmes libérales exerçant dans différentes régions et la troisième à l’échelle nationale auprès de 40 sages-femmes libérales pratiquant des accouchements à domicile.
La Bretagne a fait l’objet d’une attention particulière ; la réalité locale y est le reflet des ambiguïtés de la prévention de l’alcoolisation fœtale. Au rang des régions françaises où la morbidité et la mortalité par alcoolisme sont les plus élevées, elle se caractérise par des consommations excessives déclarées chez les femmes de 15 à 75 ans et une propension à l’ivresse chez les jeunes filles sensiblement supérieures à la moyenne nationale. Et pour ces raisons, elle est souvent citée dans les études et les rapports sur l’alcoolisation fœtale comme particulièrement touchée par ce problème de santé. Or, jusqu’à une époque récente, aucune donnée précise ne venait confirmer ces affirmations et c’est tardivement, en application des instructions ministérielles, que le risque grossesse-alcool a commencé à retenir l’attention des professionnels et est devenu une priorité régionale en périnatalité (Fillaut, 2017).
Menés en face à face ou à défaut par téléphone, les entretiens enregistrés et intégralement retranscrits ont fait l’objet d’une analyse de contenu thématique pour repérer les thèmes et sous-thèmes présents ou absents dans le verbatim et en étudier les similitudes, les différences, les contradictions, les nuances ou encore les singularités : c’est à leur valeur qu’est accordée de l’importance plus qu’au nombre de leurs apparitions. Les guides d’entretiens ont été adaptés à chaque catégorie professionnelle tout en incluant des questions communes sur le sujet grossesse et alcool. Ont été abordés le profil des patientèles, les connaissances des professionnels sur la grossesse et l’alcool, leur formation sur ce thème, leurs pratiques de repérage de la consommation d’alcool chez les femmes enceintes ou désirant l’être, leurs façons d’aborder la question avec ces femmes, les informations données sur les risques liés à l’alcoolisation fœtale, les conseils dispensés ou encore leur point de vue sur le « message, clair, cohérent et identique de la part des professionnels : “zéro alcool durant la grossesse” » que « toutes les femmes doivent recevoir » (Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, 2011 : 5).
Des attitudes et pratiques hétérogènes
Comme tout intervenant auprès de femmes enceintes ou désirant l’être, les médecins généralistes et les sages-femmes libérales sont supposés aborder la question de l’alcool avec ces patientes, évaluer leur consommation et les informer des risques encourus. Or les professionnels que nous avons interrogés demeurent peu enclins à le faire, ou pour le moins ont des difficultés à évoquer ce sujet. Ils ont des pratiques assez diversifiées en matière de dépistage et de sensibilisation aux risques encourus, leur démarche est encore peu structurée, peu formalisée et ne se saisit pas des outils existants.
Plusieurs enquêtes menées depuis une quinzaine d’années dans le cadre de thèses de médecine ont montré que les recommandations visant à prévenir l’alcoolisation fœtale étaient diversement suivies par les généralistes. C’est la lecture que faisait par exemple en 2006 Élodie Gigon des résultats du questionnaire qu’elle avait adressé aux généralistes de Loire‑Atlantique (76 répondants) : si « l’interrogatoire à propos du tabac [était] quasi systématique et se [réalisait] sans difficulté dans 97 % des cas, […] celui concernant la consommation d’alcool [était] beaucoup moins “automatiqueˮ » ; 59 % ne posaient pas systématiquement la question de l’alcool et un tiers rencontrait même des difficultés à évoquer ce sujet (Gigon, 2006 : 31). Deux de ses consœurs faisaient le même constat deux ans plus tard après avoir interrogé des généralistes sur le thème grossesse-alcool dans le cadre de groupes focalisés réalisés dans le Rhône et en Isère (23 médecins) et en Loire-Atlantique (8 médecins) (Cheminal-Lecland, 2008 ; Huet‑Rouyer, 2009).
Surtout, l’abord des questions d’alcool auprès des femmes enceintes ne semble pas avoir évolué profondément au fil des années. Malgré la médiatisation du risque alcool-grossesse et la multiplication des recommandations professionnelles pour le prévenir, les pratiques des généralistes restent disparates. Si 60 % des 365 médecins du Limousin ayant répondu à l’enquête de France Gayaudon (2014) affirmaient interroger toutes leurs patientes enceintes, seulement 30 % des 183 médecins généralistes de la région Languedoc-Roussillon qui ont répondu au questionnaire que leur avait adressé Anne-Sophie Sarrazin (2016) déclaraient le faire systématiquement.
L’enquête que nous avons menée auprès de 17 médecins généralistes (MG) bretons (7 femmes et 10 hommes âgés de 35 à 67 ans) en fin 2016 et début 2017, avec la collaboration d’étudiants de l’Université Bretagne Sud (Guillaume et al., 2017), montre également qu’aborder la question de la consommation d’alcool durant la grossesse n’est pas un réflexe chez tous ces praticiens. Ainsi, la moitié d’entre eux déclarent ne pas évoquer systématiquement ce sujet avec leurs patientes enceintes, simplement parce que, disent-ils, ils oublient de le faire. « Non, non mais j’y pense pas, ça ne me vient pas à l’esprit… » (MG, femme, 35 ans, Bretagne). Ou parce que le message leur semble déjà acquis : « peut-être est-ce que c’est parce que je me dis que c’est évident… tellement évident que je ne le fais pas… C’est vrai que je trouve que c’est évident, il y a déjà une information suffisante… » (MG, femme, 42 ans, Bretagne). Le fait est que pour 12 des praticiens, l’abord du sujet alcool et grossesse est décrit comme problématique ou connoté négativement. À cinq reprises, ce sujet est déclaré « difficile » à aborder, il est qualifié quatre fois de « tabou », deux fois de « jugeant » et une fois de « honteux ».
Le plus souvent, la question de la consommation d’alcool pendant la grossesse semble se limiter à la délivrance du message de prévention « zéro alcool », comme le précise un quart des médecins interrogés ; ce message permettrait de poser une limite pour l’ensemble des femmes et d’écarter les risques de mauvaise interprétation de leur part. « Donc du coup, pour les femmes vaut mieux dire zéro comme ça on sait où on va, plutôt que de se dire on prend un verre puis pris dans l’excitation deux, trois. Donc vaut mieux zéro, donc c’est le discours que je leur tiens » (MG, homme, 38 ans, Bretagne). Le risque peut à cette occasion être clairement avancé : « je leur explique […] les conséquences [… qu’il] faut effectivement arrêter l’alcool, ne pas boire. Notamment les premiers temps parce qu’il y a la formation des organes et que le risque c’est les syndromes qui existent, les malformations qui existent. Là je leur dis clairement » (MG, femme, 35 ans, Bretagne).
Si l’information à apporter aux femmes sur les dangers d’une consommation d’alcool pendant la grossesse pour l’enfant à naître n’est pas évoquée systématiquement, il en va de même de l’évaluation de l’alcoolisation des patientes. Même ceux qui déclarent évoquer les dangers de la consommation d’alcool avec les femmes enceintes qu’ils suivent ou qu’ils ont l’occasion de voir en consultation ne le font pas nécessairement : « alors en fait, je ne pose pas la question, je dis : “ben voilà, vous savez que pendant la grossesse, de la même manière qu’il ne faut pas manger pour deux, de la même manière c’est zéro alcool”. Ça c’est vrai mais oui je ne pose pas la question de savoir si elles ont une consommation régulière » (MG, femme, 41 ans, Bretagne). Par ailleurs, ceux qui mobilisent un support spécifique (échelle, questionnaire, grille…) dans le but d’évaluer précisément la consommation d’alcool de leurs patientes enceintes sont minoritaires : 10 praticiens sur 17 n’y ont pas recours, voire n’en connaissent aucun. Plusieurs sont persuadés d’être en capacité de repérer une consommation à risque sur la base de la relation de proximité instaurée avec la patiente, de la connaissance de son environnement de vie, de son entourage familial, de ses habitudes et de son vécu personnel. « On n’a pas forcément besoin d’un truc standardisé quoi, on arrive à détecter des choses sans passer par des outils standardisés » (MG, homme, 61 ans, Bretagne).
À la différence des généralistes, que les femmes enceintes peuvent consulter pour des motifs autres que le suivi de leurs grossesses, les sages-femmes libérales (SF) interviennent plus exclusivement dans ce registre. On peut donc supposer que « moins affectées par la parcellisation du travail et la rencontre ponctuelle et parfois unique des femmes » (Bernard, Eymard, 2014 : 596), elles mettent davantage en œuvre les recommandations relatives à la prévention du risque alcool-grossesse en raison de leur plus grande proximité avec leur patientèle (Douguet, Vilbrod, 2017b).
À première vue, les sages-femmes interrogées suivent les recommandations qui leur sont faites d’informer les femmes enceintes sur les risques liés à une consommation d’alcool. Dans la majeure partie des cas, elles déclarent en effet aborder cette question de manière systématique avec leurs patientes. « Je ne vois pas pourquoi tout à coup je ferais un délit de faciès, en disant : tiens, elle, je vais lui demander et pas l’autre. Donc, je demande à tout le monde » explique l’une (SF, 53 ans, Bretagne) tandis qu’une autre précise ; « je ne vois pas sur quel critère je me baserais » pour informer certaines et pas les autres (SF, 31 ans, Bretagne). Quelques-unes opèrent toutefois une distinction sur la base d’« impressions » très personnelles. Une sage-femme (45 ans, Bretagne) explique ainsi évoquer la question avec les femmes ayant un « faciès » ou un comportement particuliers, avec celles qui sentent le tabac ou qui déclarent fumer durant leur grossesse, avec les femmes tatouées : autant de caractéristiques qui, à ses yeux, sont associées à une forte probabilité d’alcoolisation.
Généralement, la consommation d’alcool est abordée dès le début du parcours de soins de la femme enceinte. Les sages-femmes libérales sont amenées à compléter le dossier prénatal contenu dans le carnet de santé maternité, lequel comprend une rubrique « tabac/alcool/toxicomanie ». Au-delà du remplissage assez factuel de ce dossier, les questions relatives à l’alcool sont plus longuement abordées avec la patiente au cours de l’entretien prénatal précoce qui a pour but « une information précoce sur la prévention des facteurs de risque et comportements à risque » et vise « à identifier une addiction (alcool, drogue, médicaments, tabac) » (Haute autorité de santé, 2005 : 14), même si la consommation d’alcool ne constitue qu’un thème de discussion et d’échanges parmi d’autres.
Un maître-mot apparait dans les discours de ces professionnelles, ne pas culpabiliser : « je ne suis pas dans la culpabilisation » (SF, 45 ans, Alsace) ; « il faut trouver les mots justes pour ne pas culpabiliser » (SF, 43 ans, Alsace). Ne pas culpabiliser va de pair avec le souci de « responsabiliser ». Cela requiert, à les entendre, une attention à ne pas juger, à se décentrer au besoin de ses propres façons de voir et de faire : « j’essaye toujours absolument de ne pas être dans le jugement ; c’est important pour pouvoir être écouté qu’elles ne se sentent pas jugées » (SF, 47 ans, Centre-Val de Loire). Le dilemme pointe toujours quand il s’agit d’aborder les pratiques de consommation alors que leurs patientes ignoraient qu’elles étaient enceintes : « “je ne savais pas que j’étais enceinte et j’ai bu”, ça, j’en ai beaucoup. Ça les traumatise, je dis “c’est fait, c’est fait” moi, je ne dramatise pas » (SF, 56 ans, Auvergne-Rhône-Alpes).
Un même constat peut être fait pour les sages-femmes libérales pratiquant l’accouchement à domicile qui n’accordent qu’une importance toute relative à la consommation d’alcool. Si certaines déclarent aborder systématiquement le sujet avec leurs patientes, les autres ne l’abordent que de façon incidente. Et lorsque l’alcool est évoqué, il ne constitue jamais un thème de discussion en soi. En effet, les questions portant sur l’alcool sont toujours associées à d’autres sujets, notamment à l’histoire familiale, aux antécédents médicaux et chirurgicaux ou encore aux violences physiques et psychiques.
De fait, les recommandations n’étant pas très explicites quant à la manière d’échanger sur le sujet, chaque professionnelle a sa propre façon de procéder et d’interroger – avec plus ou moins de précision – ses patientes à ce propos : « vous buvez ? » ; « est-ce que vous buvez de l’alcool ? » ; « est-ce que vous buvez de temps en temps ? » ; « pendant la grossesse, quelle est votre consommation d’alcool ? » ; « est-ce que ça vous arrive de boire un petit peu durant la grossesse ? » ; « je leur demande quelle quantité elles boivent » ; « sur une semaine, quelle est votre consommation par rapport à vos habitudes ? » ; « combien de verres d’alcool vous buvez par jour ? ». Aucune des professionnelles interrogées n’a en tout état de cause déclaré faire appel aux outils de dépistage et de repérage existants. Chacune a sa manière de faire, empirique et intuitive le plus souvent. Ces pratiques relèvent de ce que l’on pourrait qualifier de « ficelles du métier ».
Aborder la question de la consommation d’alcool n’est pas si simple. « C’est vrai que c’est assez culpabilisant, cette question » (SF, 47 ans, Provence-Alpes-Côte d’Azur) ; « je me suis rendue compte que je n’avais aucun problème à poser la question du tabac, mais la question de l’alcool, c’était compliqué » (SF, 60 ans, Nouvelle Aquitaine). Reviennent souvent les manières de s’y prendre, plus ou moins heureuses, plus ou moins efficaces. Quand il va s’agir d’un accouchement à domicile, les choses paraissent a priori plus directes : « je démarre l’entretien en expliquant que cet accompagnement se base sur la confiance, qu’il est important d’être sincère, autant moi qu’elle. Du coup, quand vient la question, j’essaye de les regarder droit dans les yeux pour montrer que j’attends une réponse…, je leur demande est-ce qu’elles consomment de l’alcool, est-ce qu’elles en ont consommé avant la grossesse et est-ce qu’elles en consomment en ce moment ? » (47 ans, Auvergne-Rhône-Alpes).
Le poids des représentations
Diverses hypothèses peuvent être émises pour expliquer le peu d’enclin, ou pour le moins les difficultés, des médecins généralistes et sages-femmes libérales à aborder avec leurs patientes enceintes la question de la consommation d’alcool, par exemple des effets de genre (des femmes plus enclines à en parler que leurs confrères) ou de génération (les jeunes davantage que leurs aînés) même s’ils ne s’observent pas de manière systématique (Sarrazin, 2016). On ne peut en tous les cas négliger le poids des représentations que peuvent avoir ces soignants de leurs patientèles et de leurs rapports à l’alcool ou de celles qu’ils ont du risque d’alcoolisation fœtale et de sa prévention.
De manière générale, les professionnels que nous avons interrogés considèrent que les femmes enceintes qu’ils voient en consultation ou suivent pour leur grossesse ne présentent pas de risque particulier vis-à-vis de l’alcool. Ainsi, aux dires des sages-femmes, leurs patientes ne consomment pas d’alcool durant leur grossesse, ou tout au moins ne le signalent pas. Si quelques-unes indiquent bien avoir eu à faire à une ou deux femmes consommatrices durant leur carrière, la majorité affirme n’avoir jamais croisé de telles situations. « J’ai jamais eu de femme ayant des problèmes d’alcool » déclare une sage-femme (24 ans, Bretagne) tandis que l’une de ses consœurs installée dans la même région rappelle que les grossesses de femmes dépendantes à l’alcool constituent des grossesses dites à risque ou pathologiques qui nécessitent un suivi médical spécialisé et ne relèvent pas de ce fait de leur compétence : « moi je passe la main parce qu’on est aussi après dans une grossesse à risque et c’est plus de mon ressort […] on n’est plus dans la grossesse physiologique » (SF, 38 ans, Bretagne).
Pour les médecins bretons interrogés, les femmes enceintes sont aujourd’hui bien au fait des risques encourus, en particulier grâce aux campagnes d’information et de prévention sur le sujet, et presque toutes cesseraient de consommer de l’alcool dès qu’elles se savent enceintes. Au regard de ce bon niveau d’information perçu, ils font donc confiance à « leurs » patientes et ne voient pas la nécessité d’interroger systématiquement à ce propos celles qu’ils suivent ou rencontrent. « Après je pense que si j’avais une femme alcoolique qui tombait enceinte là ce serait différent » (MG, homme, 38 ans, Bretagne).
On doit évidemment rapprocher ces perceptions des caractéristiques des patientèles qui fréquentent les cabinets de ces professionnels. Selon les sages-femmes enquêtées, les femmes qu’elles suivent – lesquelles appartiennent généralement aux catégories moyennes et supérieures – sont bien informées à propos de ces risques qui, de toute façon, ne les concernent pas. Et c’est encore plus vrai pour les sages-femmes qui pratiquent l’accouchement à domicile, qui elles-mêmes ont des profils singuliers (Hontebeyrie, 2013). À leurs yeux, leurs patientes, avec qui elles entretiennent des relations « privilégiées » intenses (Hontebeyrie, 2018a), possèdent pour comprendre les messages qui leur sont adressés, des capacités cognitives supérieures à celles des femmes accouchant en maternité. Elles sont également perçues comme à même de mobiliser des ressources personnelles abstraites et de gérer leur grossesse de façon responsable. Ces particularités sont alors pensées comme un rempart face au risque d’alcoolisation durant la grossesse.
Parallèlement, généralistes et sages-femmes se focalisent sur les consommations chroniques. Dans leurs discours, le risque d’alcoolisation fœtale est en effet quasi systématiquement associé aux buveuses excessives, des femmes perçues comme incapables, consciemment ou inconsciemment, de verbaliser leur consommation d’alcool : « celles qui boivent souvent, elles sont dans le déni quand même » (SF, 38 ans, Bretagne). Mais ces femmes pourraient, selon plusieurs sages-femmes, être repérées par leur aspect physique ou leurs comportements. « Je n’ai pas vu non plus de femmes très marquées physiquement par l’alcool » (SF, 34 ans, Hauts‑de-France) ; « je n’ai jamais eu une patiente qui m’a dit qu’elle buvait tous les jours, alors même que des fois je sentais bien qu’il y avait un souci là-dessous au niveau de l’odeur, etc. » (SF, 31 ans, Nouvelle Aquitaine).
Qui plus est, l’approche de l’alcoolisation féminine est réductrice. Pour les professionnels interrogés, les femmes susceptibles de boire de l’alcool pendant leur grossesse appartiendraient majoritairement à des milieux « défavorisés » et/ou présenteraient des pathologies psychiatriques (dépression, névrose, mal-être…). C’est ce qu’énonce le tiers des médecins bretons étudiés quand, pour un peu moins d’un autre tiers, toutes les femmes peuvent être sujettes à une consommation d’alcool pendant leur grossesse.
De telles représentations contribuent probablement à renforcer l’idée selon laquelle le sujet alcool-grossesse ne concerne pas ces professionnels et à justifier l’absence d’abord systématique de la question avec les femmes enceintes. Le ressenti des patientes confirme cette impression. Une enquête par entretien menée en avril 2017 auprès 45 femmes alsaciennes enceintes ou ayant eu récemment des enfants montre que cette question n’avait jamais été abordée au cours de leur suivi de grossesse pour un quart d’entre elles, à l’instar d’Anna, enseignante enceinte de son premier enfant : « non, pas du tout, rien… ils ont posé la question pour le tabac, tous, et on a parlé de la manière dont je me nourris pendant la grossesse mais pas de l’alcool… Est-ce que c’était mon attitude générale qui… J’arrivais toujours déjà en disant que j’avais lu ça, que je savais déjà ça, que j’avais de toute façon arrêté la cigarette avant de tomber enceinte, que je faisais très attention à ma manière de me nourrir, etc. » (Coulomb, 2017 : 169). Les futures mères disent alors rechercher des informations de leur propre initiative, mais ces dernières sont souvent floues voire discordantes, ce qui génère une forte inquiétude chez elles. Une autre étude portant sur l’analyse des propos tenus par 42 femmes enceintes sur trois forums de discussion confirme le faible abord du sujet par les professionnels de santé. Certaines femmes – parmi les plus diplômées – évoquent les informations obtenues via des lectures, des émissions télévisées ou les campagnes de prévention mais celles obtenues à l’occasion des visites et des consultations de suivi de grossesse sont peu présentes dans leurs échanges (Toutain, 2009).
Médecins généralistes et sages-femmes libérales tendraient à mésestimer ou sous-estimer le risque alcool au sein de leurs patientèles du fait de leurs représentations de celles-ci. Or les caractéristiques réelles de la consommatrice d’alcool enceinte sont en net décalage avec ces représentations : « la consommatrice est plus âgée, de parité et de niveau d’études plus élevés que la non-consommatrice. La consommation de boissons alcoolisées est plus fréquente chez les femmes de nationalité française, en activité, conjointes de cadres supérieurs, professions intellectuelles ou agriculteurs. [Et] cette consommation est d’autant plus fréquente que les revenus du ménage sont élevés » (Leroy-Creutz et al,. 2015 : 805).
Aux représentations qu’ont les médecins généralistes et les sages-femmes libérales de leurs patientèles, s’ajoutent leurs rapports personnels au risque alcool, la représentation qu’ils se font de ce risque au cours de la grossesse et, par voie de conséquence, leurs interprétations des recommandations à faire aux femmes enceintes en la matière. Si très majoritairement, tous ces professionnels s’accordent sur l’intérêt du message d’abstinence totale d’alcool, ils n’en sont pas moins, pour nombre d’entre eux, influencés par une perception profane du risque lorsqu’il s’agit de mettre ces recommandations en œuvre. Au principe de précaution auquel ils adhèrent s’oppose la conviction d’un danger qui ne les concerne pas directement. Leur pratique quotidienne, leur connaissance de l’environnement et leur perception de l’état de santé général de la population auprès de laquelle ils exercent, peuvent ainsi les conduire à rejoindre le sens commun qui relativise la portée d’un risque qu’ils n’ont pour la plupart jamais observé dans sa forme la plus grave.
Rares sont en effet ceux qui, dans leur pratique, déclarent avoir vu des cas de syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF). Pour la majorité des 17 médecins bretons interrogés, les enfants porteurs d’un SAF sont diagnostiqués à l’hôpital et non dans les cabinets de médecine générale : « je pense qu’ils sont vus à l’hôpital, ils sont dépistés à l’hôpital, il me semble » (MG, homme, 65 ans, Bretagne). En ce qui concerne les sages-femmes libérales sollicitées, aucune n’a fait mention de cas parmi sa patientèle : « peut-être à cause de la sélection naturelle qui se fait chez moi » dit l’une (SF, 33 ans, Normandie) ; « parce que j’ai une clientèle privilégiée » dit une autre (SF, 56 ans, Centre-Val de Loire). Une autre précise même : « non, jamais ; même à la Réunion. Ce que l’on nous apprend dans les livres, ce n’est pas si facile à le voir. On nous montre des fœtus d’alcooliques, avec les oreilles, avec les yeux, avec tout. Non, je n’en ai jamais vu en vrai. Pourtant j’ai regardé ! Je n’en ai jamais vu en vrai donc, je ne sais pas si mes collègues en ont vu beaucoup » (SF, 60 ans, Pays de la Loire). Et quand des souvenirs marquants sont remémorés, ils remontent à la formation initiale : « on nous invitait à aller les voir pour vraiment se mettre en tête le faciès particulier qu’avaient ces enfants-là » (SF, 43 ans, Grand Est). « J’étais en pédiatrie et j’ai vu des enfants de mères alcooliques et là, je me suis dit, “carrément, ça te donne ça… Ouf ! Oui, ça me suffit largement pour comprendre” » (SF, 47 ans, Auvergne-Rhône-Alpes).
Pour ces soignants, rarement ou jamais confrontés au SAF, le risque devient en quelque sorte un « risque orphelin » que seuls les témoignages – souvent militants – des professionnels et des familles concernés permettent d’appréhender pleinement (Schnegg, 2013). C’est là une approche de « bon sens commun » courante chez les profanes. L’absence de confrontation directe aux troubles causés par l’alcoolisation fœtale peut ainsi expliquer les réactions de mères et grands-mères face au message d’abstinence totale. Nombre de jeunes femmes évoquent ce hiatus entre les recommandations d’abstinence qui leur sont adressées et les conseils « avisés » de certains de leurs proches, telle cette mère résidant dans le Bas-Rhin qui précise n’avoir « consommé aucun alcool pendant toute [sa] grossesse et [son] allaitement » quand « pourtant l’ensemble de l’entourage dit un verre ou une bière, c’est rien » (Coulomb, 2017 : 172). Pour les sages-femmes, il convient alors de déconstruire ces allégations des proches : « je leur dis : “oui, je sais, votre mère peut-être vous dit : une petite flûte, une petite coupette, ça peut pas te faire de mal, un petit apéritif, un petit verre de vin”, vous entendrez peut-être ça parce que le discours n’était pas le même il y a 30 ans » (SF, 38 ans, Bretagne).
Cette perception profane de la relativité du risque, qui s’ajoute à la représentation biaisée de leurs patientèles, peut ainsi conduire des professionnels à minimiser la dangerosité de l’alcool sur le fœtus ou pour le moins à ne pas se formaliser d’une consommation occasionnelle d’alcool, comme le laisse entrevoir le propos d’une généraliste bretonne : « pour moi le discours que j’ai envers ces patientes c’est “zéro”, leur expliquer la loi du “tout ou rien” [… qu’] on ne peut pas être dans le juste milieu [que] ce n’est pas possible. [Mais] après je ne vais pas dans les détails et je ne leur demande pas pendant la grossesse si elles ont bu. Par exemple là pendant la période des fêtes, j’ai vu une dame récemment pour son suivi de grossesse […], et je ne lui ai pas demandé : “alors une petite coupette ou pas de coupette ?” » (MG, 35 ans, Bretagne).
Il est à noter que les sages-femmes paraissent plus partagées que les médecins sur le principe de l’abstinence durant la grossesse. Chez celles pratiquant l’accouchement à domicile, c’est la nature injonctive des préceptes qui soulève les remarques : « “faut pas boire d’alcool”… Bon bah voilà ça me gonfle un peu quoi ces conseils-là… » (SF, 34 ans, Bretagne) ; « c’est trop médicalisé et pas assez “sage-femm…isée” [rire]… Quand on exerce cette activité, c’est le principal, l’écoute hein » (SF, 54 ans, Auvergne-Rhône-Alpes). Et, finalement, de nombreuses sages‑femmes ne s’alarment pas quand la consommation d’alcool est occasionnelle. Elles euphémisent les usages qui leur sont rapportés et intègrent dans leur discours les circonstances – souvent festives – et le type d’alcool mentionné – du vin ou du champagne. Tout se passe comme si la contextualisation de la consommation la rendait moins nocive.
Confirmée dans une certaine mesure par les résultats observés auprès d’étudiants infirmiers en troisième et dernière année (Hontebeyrie, 2018b), une formation insuffisante en alcoologie des soignants concernés pourrait expliquer la prégnance de cette représentation profane du risque et son incidence sur les pratiques. Mais cet argument, souvent mis en avant par les intéressés pour justifier leurs attitudes, ne suffit pas. Les sages-femmes sont plus au fait du sujet que les généralistes. Dans son état des lieux des connaissances et des pratiques des professionnels du nord de l’Aveyron, Erell Letty (2016) relève ainsi que 21,6 % des médecins généralistes questionnés (n=51) ignorent le SAF quand ce n’est le cas d’aucune sage-femme (n=23) ; Marine Reboulet (2014 : 58) dresse le même constat en Auvergne : « le questionnaire distribué comprenait 12 affirmations sur les conséquences d’une consommation d’alcool pendant la grossesse. Le taux de bonnes réponses était […] de 78,5 % (n=71) parmi les sages-femmes » et « de 50,3 % (n=36) parmi les médecins généralistes ».
D’autres hypothèses sont donc à envisager, entre autres celles qui touchent à l’estimation du risque d’alcoolisation fœtale, sa gravité perçue, son acceptabilité, par ces professionnels. Même chez ceux qui préconisent l’abstinence, les raisons de le faire ne sont pas nécessairement dictées par le risque lui-même. Ce peut être par conformisme ou par prudence. « Pourquoi le discours zéro alcool pendant la grossesse ? Parce qu’on voit partout, vous ouvrez le carnet [de maternité], c’est ce qu’il y a. Donc, il faut essayer de garder une certaine cohérence », explique une sage-femme bretonne (53 ans) tandis qu’une de ses consœurs déclare relayer l’information afin que sa responsabilité ne puisse être mise en cause en cas de recours de la part de patientes : « en tant que professionnelle de santé, l’alcool, c’est zéro pendant la grossesse […] C’est quelque chose où je reste quand même assez méfiante. Comme maintenant les gens sont assez procéduriers » (SF, 31 ans, Bretagne).
Pour conclure, mieux cerner les raisons qu’invoquent les médecins généralistes et sages‑femmes libérales pour ne pas mettre en œuvre strictement et systématiquement les recommandations des experts et des pouvoirs publics s’impose. En position d’entre-deux, ayant à charge de concilier les recommandations qui leur sont adressées concernant les suivis de grossesse avec les attentes et les besoins des femmes enceintes ou souhaitant le devenir qui les consultent, médecins généralistes et sages-femmes libérales sont en effet des médiateurs essentiels de la prévention de l’alcoolisation fœtale. Plus largement, la diffusion de ces recommandations contribue à redessiner les contours des missions de ces professionnels de première ligne, désormais plus attendues dans le registre de la prévention et du dépistage que dans celui du seul curatif et de la délivrance de soin.
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