Gilles Ferréol (dir.), Représentations corporelles et loisirs sportifs, Bruxelles, Intercommunications, 2009, 193 p.
Fruit d’un colloque international ayant eu lieu à Montbéliard en juin 2008, cet ouvrage aborde la question des représentations corporelles à travers le prisme d’interrogations pluridisciplinaires. Deux parties distinctes sont présentées, la première s’attachant à une mise en perspective du sujet et la seconde à des études de cas pratiques.
La première partie de cette publication ouvre ainsi la réflexion sur diverses problématiques touchant à la corporéité. Les différentes pratiques corporelles sont inscrites dans un contexte culturel, qui touche des domaines aussi vastes que les contes, le tourisme sportif ou encore les techniques de bronzage. Claude Rivière présente ainsi les gestes que nous effectuons comme un ensemble de signes, « indices non-verbaux » nous permettant de communiquer et d’exprimer des sentiments. Il s’agit d’un apprentissage social, qui diffère selon les contextes culturels. Il en est de même pour Bernard Andrieu, Claude Javeau et Patrick Vassort, qui considèrent respectivement les techniques de bronzage, la notion de vieillesse et la sportivisation de la société comme relevant d’une spécificité culturelle et sociale. Dans tous les cas, de nouveaux rapports au corps sont en jeu, impliquant à leur tour des questionnements sociologiques sur ces nouvelles corporéités. Enfin, les corps peuvent être mis en scène à travers différentes structures narratives, qu’il s’agisse des contes analysés par Michel Valière ou bien encore des légendes urbaines présentées par Jean-Bruno Renard.
Une fois ces perspectives théoriques présentées, la seconde partie de l’ouvrage aborde davantage des études de cas. Différents loisirs sportifs sont alors mis en lumière. Les rapports entre activité physique et corps sont toujours présents. Ainsi en est-il du tourisme-aventure présenté par Jean Griffet, qui expose des usages différenciés de la nature selon la manière dont on l’aborde : en tant que sportif professionnel (courses en mer) ou en tant que simple touriste à la recherche de sensations. Dans un ordre d’idées proche, Jean Corneloup traite des loisirs sportifs de nature en les analysant d’un point de vue socio-culturel. Par ailleurs, d’autres activités touchant également aux représentations corporelles sont abordées. En premier lieu, le rugby apparaît comme une activité qui balance entre son côté « traditionnel » et un professionnalisme montant. Anne-Marie Manontoff insiste ici sur l’importance jouée par la « représentation identitaire » qu’induit cette pratique (identités culturelle, régionale et de genre). Les courses hippiques constituent également un rapport au corps à ne pas oublier : les représentations corporelles qui sont en jeu (des jockeys comme des chevaux) revêtent une importance symbolique. La modification des corps n’est pas sans contrainte et entraîne, à plus ou moins long terme, des problèmes de santé (Philip Dine). Enfin, le ski comme activité sportive, est présenté à travers deux communications. Celle de Sébastien Stumpp porte sur le ski en Alsace comme loisir qui se transmet, par le biais des volontés nationalistes du XIXe siècle, au domaine militaire via des pratiquants civils. Quant à Christophe Hanus, il aborde la question du ski de fond dans le Jura selon deux catégories : le skieur authentique et l’athlétique.
Cet ouvrage permet, grâce à la variété thématique des articles proposés, de saisir les rapports créés entre corporéité et loisirs sportifs : une autre manière de percevoir le loisir sportif est présentée par le biais de sa relation au corps. Grâce à un regard à la fois sociologique et ethnologique, les spécificités de ce type de loisir sont bien mises en avant. D’ailleurs, la question du corps dans son intégralité est soulevée : en effet, certains articles traitent de parties du corps (la peau pour le bronzage, des « morceaux » pour les questions narratives, les gestes comme apprentissage socio-culturel, etc.) tandis que d’autres englobent le corps dans sa totalité (le « corps vieillissant », le corps et la « déculturation », etc.). De plus, les publications de Michel Valière et de Jean-Bruno Renard ajoutent un autre point de vue sur les représentations corporelles, mettant en avant les liens qui existent entre le langage parlé (ou écrit) et la corporéité d’une manière générale. Ces problématiques interrogent sur la façon dont le corps est traité dans les récits mais également de la manière dont il se donne à voir (découpé, malade, etc.). Au final, cette publication apporte un nouvel éclairage sur la manière d’aborder et d’analyser les loisirs sportifs. Les représentations corporelles sont ici au centre des questionnements et revêtent toute leur importance dans une pratique et une activité qui ne peuvent les laisser de côté.
Ces différentes communications présentent donc, à travers un panel important de thèmes, les liens qui peuvent exister, à l’heure actuelle, entre corporéités et loisirs. Ainsi, comme le souligne très justement Gilles Ferréol dans son introduction, nous avons affaire ici à des visions variées, regroupées au sein d’un ouvrage « riche, foisonnant et plein d’enseignements » (p. 10).
Tuaillon Demésy Audrey, « Gilles Ferréol (dir.), Représentations corporelles et loisirs sportifs », dans revue ¿ Interrogations ?, N°11 - Varia, décembre 2010 [en ligne], http://revue-interrogations.org/Gilles-Ferreol-dir-Representations (Consulté le 31 octobre 2024).