Cet article présente les travaux d’une thèse de Doctorat débutée en novembre 2013 sous la codirection d’Alain Vilbrod et de Thierry Michot. Notre thèse relève de la sociologie de l’Éducation Physique et Sportive (EPS). Nous essayons de mettre à jour les éléments constitutifs les plus influents dans le processus d’identification professionnelle des enseignants d’EPS, en nous focalisant sur ceux de l’Académie de Rennes (Bretagne, France). Dans un précédent travail de recherche mené en 2012, nous avions déjà abordé les identités professionnelles des professeurs d’EPS. Nous y confirmions « l’importance des éléments indispensables à la socialisation professionnelle de ces enseignants : la pratique en club, la formation initiale, l’expérience acquise auprès des collègues de travail, l’utilisation d’internet, etc. » (Marec, 2012, p. 27). C’est l’influence de ces éléments extérieurs que nous avons voulu étudier dans le cadre de notre recherche doctorale, en prolongeant et en enrichissant ce travail par une étude de sociologie descriptive de leurs identifications professionnelles, définies par Roux-Perez (2005), Autret (2010) et Dubar (2010) comme un processus de construction, fruit de l’interaction entre l’image que l’on se construit de soi-même, celle que nous souhaitons renvoyer aux autres, et l’image que les autres nous renvoient.
Nous partons du postulat que les professeurs d’EPS construisent leur(s) identification(s) professionnelle(s) tout au long de leur carrière, en fonction de leurs expériences et de l’évolution de leur discipline (formation, structuration de la profession, évolution des contenus des concours de recrutement). Nous pensons également qu’il peut y avoir des différences de fonctionnements et de conceptions selon qu’ils appartiennent à l’enseignement public ou à l’enseignement privé. Dans le cadre de notre recherche doctorale, par une approche plus qualitative, les pistes concluant la recherche effectuée en master semblent aujourd’hui en voie de confirmation, à partir de quatre axes principaux.
Le premier axe concerne les éléments qui sont intervenus dans les différentes acculturations identitaires de ces enseignants (sexe, origine sociale, formations initiale et continue, établissements d’exercice, collègues, etc.). En quoi l’origine sociale de chacun a pu (ou pas) l’influencer dans son choix professionnel ultérieur ? Si l’importance de la formation initiale est une base évidente de l’entrée dans le métier, encore faut-il s’interroger sur les différences entre les formations initiales suivies par les professeurs interrogés. Tous les enseignants interrogés (32 à ce jour) ont au moins cinq années d’ancienneté. Nous les avons regroupés en quatre catégories : 5 à 15 ans, 15 à 25 ans, 25 à 35 ans, et 35 ans à l’année de départ en retraite. En effet, depuis la fin des années 1970, la formation initiale a évolué, et il y a une corrélation prévisible entre l’âge et la période de formation initiale suivie (Joris, 2000). En outre, nous pouvons penser que les différentes formations continues (formation au CAPEPS et à l’Agrégation internes pour l’enseignement public ; formation à la licence STAPS-Éducation et Motricité, au CAER-Professeur Certifié et Professeur Agrégé auprès de l’Institut Libre d’Éducation Physique et Sportive (ILEPS) de Cergy Pontoise et de l’Institut de Formation en Éducation Physique et Sportive d’Angers (IFEPSA) pour l’enseignement privé) [1] suivies par chaque enseignant sont, elles aussi, différentes au fil des ans et de l’évolution de la discipline. Ce point est renforcé par les échanges entre collègues aux parcours différents, qui peuvent s’influencer de façon distincte, aspect corroboré par les échanges avec des enseignants d’autres disciplines. Et dans ce cas, vers quelles évolutions de la conception de la discipline vont-ils ? Y-a-t-il plusieurs conceptions de l’EPS, voire du professeur d’EPS ? Par exemple, sommes-nous toujours dans une dualité « didactique de l’EPS contre didactique des APS (Activités Physiques et Sportives) » un peu dans le même sens que les Instructions Officielles de 1985, qui précisaient que l’« éducation physique et sportive (EPS) ne se confond pas avec les activités physiques et sportives (APS) » ? Parallèlement à cela, les différents établissements fréquentés peuvent-ils être des éléments constitutifs d’une socialisation professionnelle ? Nous voulons comprendre plus précisément comment ces paramètres inhérents à la profession interviennent dans les identifications professionnelles des enseignants d’EPS et sous quelles formes. Si notre recherche s’effectue auprès d’enseignants expérimentés d’au moins cinq ans d’ancienneté, c’est bien pour faire apparaître d’éventuelles différences de fonctionnement dans les établissements qu’ils ont fréquentés depuis leurs débuts professionnels. Nous voulons également savoir en quoi les relations avec de nouveaux collègues, au sein d’un même établissement, peuvent intervenir dans l’évolution de leurs identités professionnelles. Il s’agit probablement d’un processus identitaire dynamique tout au long de la carrière. Ajoutons que les professeurs d’EPS de l’enseignement public ont, pour la quasi majorité d’entre eux, effectué leurs premières années d’enseignement en dehors de leur académie d’origine, presque toujours sans avoir d’autres choix d’affectation, ce qui n’est pas systématiquement le cas des professeurs d’EPS de l’enseignement privé.
Notre deuxième axe porte sur l’analyse par les professeurs de l’évolution de leur discipline et de celle de leur métier d’enseignant. Avoir cinq ans et plus d’expérience professionnelle peut permettre de faire un premier bilan de son vécu d’enseignant, à plus forte raison nous semble-t-il lorsqu’on a exercé dans plusieurs établissements. Nous avons interrogé ces enseignants sur les transformations didactiques, pédagogiques, sociologiques et politiques qu’ils ont pu ressentir de notre système éducatif En étudiant la diversité des profils des enseignants interrogés, la particularité de leur carrière, la diversité des publics qu’ils rencontrent (élèves, parents d’élèves, autres enseignants, personnels non enseignants, partenaires de la communauté éducative, …), nous pouvons mieux comprendre certaines évolutions depuis une trentaine d’années.
Notre troisième axe concerne le genre : enseigne-t-on différemment selon que l’on est une femme ou un homme ? Et est-ce conditionné par les activités physiques, sportives et artistiques (APSA) à la fois pratiquées par chaque enseignant et enseignante, choisies comme essentielles par l’institution ou les équipes pédagogiques, et proposées aux élèves ? Nombre d’indicateurs montrent que l’EPS est davantage masculine que féminine (ce que confirment par exemple les taux de candidats, d’admissibles et d’admis aux différents concours de recrutement, et ce que notre travail de Master avait également permis de mettre en évidence). Par exemple, 43,8 % des enseignants d’EPS de l’enseignement public sont des femmes, ce taux baissant même à 38,6 % dans l’enseignement privé (RSS, 2016, ch.9.11). Aussi nous a-t-il paru intéressant de connaître le ressenti d’enseignantes d’EPS. Comment se sont-elles imposées ? Ont-elles dû faire des concessions ? Si oui, lesquelles ? Les APSA qu’elles enseignent sont-elles plutôt celles traditionnellement perçues comme masculines au regard de leur histoire (comme le sont généralement les sports de ballon) ou féminines (comme la danse qui est aussi un sport), malgré le fait que de nombreux travaux essayent de faire évoluer cet état de fait (notamment Davisse, 2010 ; Davisse, Louveau, 1998) ? L’indicateur « genre » est-il finalement important dans la construction de l’identification professionnelle ?
Enfin, bien qu’il puisse être perçu comme fondamental dans le contexte français et plus spécifiquement breton, notre quatrième axe se révèle davantage complémentaire aux trois premiers : y-a-t-il une(des) différence(s) entre des professeurs d’EPS du public et du privé en Bretagne, académie caractérisée en 2015 par 53,8 % de collèges et lycées publics, quand la moyenne nationale est de 69 % (RSS, 2016, chap.2.16) ? Si oui, lesquelles et dans quel(s) domaine(s) ? « L’académie de Rennes présente une première particularité. Elle recouvre une région administrative, elle-même issue d’une région historique, marquée par une culture et une identité forte » ; « […] la présence de l’enseignement privé catholique est forte, dans une région qui a été très fortement marquée par l’empreinte de l’église » (Brillet, 2013). En dépit de ce contexte, très peu d’enquêtes, à notre connaissance, ont-été menées sur ce sujet, et plus particulièrement sur l’EPS dans l’enseignement public et dans l’enseignement privé en France (et notamment en Bretagne). Ce champ d’investigation politico-historique et sociologique nous intéresse plus spécialement. En outre, au sein des établissements privés, nous avons une certaine hétérogénéité, avec par exemple les écoles Diwan, sous contrat d’association avec l’État comme l’Enseignement Catholique, mais davantage ancrées sur une défense de la culture bretonne, et se considérant laïques et publiques. Donc, nous avons aussi enquêté auprès de professeurs d’EPS exerçant en collèges et lycées Diwan.
Au fil de la recherche, ces quatre axes s’enrichissent d’autres thématiques. Nous voulons démontrer qu’effectivement « l’enseignant n’enseigne pas que ce qu’il sait, mais il enseigne aussi ce qu’il est [et là où il est] ». Cette paraphrase que nous faisons de Jean Jaurès [2], est un des fils conducteurs de nos interrogations.
Nous avons utilisé des entretiens semi-directifs (Kaufmann, 2011), d’une durée moyenne de trois heures et sur un libre-propos, effectués auprès d’une trentaine de professeurs d’éducation physique (32 entretiens effectués à ce jour ; nous envisageons d’en réaliser une cinquantaine au total). L’entretien est en réponse au « fil conducteur de questionnement ouvert » (Kaufmann, Ibid.) envoyé à chacun d’entre eux. Suite à cela, chaque interviewé peut éventuellement compléter ses réponses par courriel dans le cadre d’un espace de libre propos qui lui est proposé.
Nous faisons d’abord une analyse empirique, puis une autre, textuelle, de chaque entretien à l’aide d’un logiciel d’analyse des données lexicales (Prospéro). Le principe opérationnel de notre étude respecte les quatre axes évoqués ci-dessus. Nous avons en outre cherché un équilibre entre les établissements (ruraux, urbains et péri-urbains) ; les différentes structures de ces établissements (collèges, lycées d’enseignement général et technologique lycées professionnels) ; une répartition en nombre par département breton (4 professeurs et 1 formateur du public, 4 professeurs et 1 formateur du privé catholique, 4 professeurs de Diwan).
La recherche est toujours en cours. Cependant, nous pouvons déjà proposer quelques constats partiels.
En ce qui concerne les origines sociales des enseignants d’EPS, elles sont diverses et variées, même si on pourrait les situer dans la classe dite moyenne (Chauvel, 2007). La pratique sportive dès le plus jeune âge n’est pas systématiquement due à la famille. Elle provient aussi de l’entourage des ’copains-copines’ ou des enseignants. Certains professeurs d’EPS ont été influencés par leur propre professeur d’EPS quand ils étaient adolescents (en collège principalement).
Le choix du lieu de formation initiale est généralement lié à l’histoire familiale. En général, quand on a suivi sa scolarité dans l’enseignement public, on en fait de même pour l’entrée dans le métier. La situation est quasi équivalente pour l’enseignement privé sous contrat. Cependant, il faut noter que des raisons financières peuvent intervenir dans le choix du centre de formation, notamment dans l’enseignement catholique sous contrat où le coût des études est plus élevé que dans les établissements publics de formation professorale. Il y a donc des « étudiants du privé » qui optent pour l’enseignement public bien qu’ils aient fait toute leur scolarité dans l’enseignement catholique. L’inverse existe également. Cependant, nos travaux montrent que des choix stratégiques existent de plus en plus maintenant : choisir de passer le concours du professorat d’EPS dans le privé pour avoir bien plus de chance d’être nommé dans son académie d’origine et donc commencer sa carrière en Bretagne, au lieu d’être sûr de partir effectuer ses premières années dans les académies dites difficiles.
Notons que les réponses aux questions sur les différents lieux de formation fréquentés par les professeurs interrogés montrent beaucoup de similitudes dans les objectifs et les modes de fonctionnement des centres de formation : stages in situ les deux ou trois premières années de formation puis une année prioritairement axée sur la préparation au concours du professorat d’EPS. Les différences se font surtout dans le temps (rallongement des études) et dans la structure de formation imposée par le Ministère de l’Éducation Nationale (MEN). Il apparaît que les premières années d’étude étaient très denses sur le plan physique avec une formation à la pratique des APSA. À cela s’ajoutaient bien évidemment les cours théoriques en pédagogie, didactique, anatomie, physiologie, psychologie, etc. Cependant, un élément relationnel marquant est parfois intervenu dans la formation des professeurs interrogés : la rencontre avec un et/ou des professeur(s) différent(s) des autres formateurs. Cette différence est caractérisée par des approches conceptuelles différentes de ce que doit être l’EPS, faisant ressortir à nouveau la dualité EPS (la discipline scolaire) / APS (les activités physiques, également praticables hors du milieu scolaire) qu’on retrouve dans la confusion entre l’éducation physique et sportive et les sports. Cela a eu pour effet de donner des visions différentes du métier à nos enquêtés comme nous l’indiquent deux exemples. Pour l’enquêtée no 44, « Et ben, du coup, en fait, moi je pense que mon apport, plus l’obligation de mettre du Delaunay [3], était que, ils [ses collègues d’enseignement] ont changé très facilement. Ce n’était plus du tout la perf pour la perf. On [elle et ses collègues d’établissement] a réussi vraiment à travailler… parce qu’ils étaient très ouverts aussi là-dessus. Et donc, on a eu une conception de l’EPS qui était plus tournée vers l’élève et pas que sur la perf. Il y avait vraiment des réflexions qui se faisaient ». Apparaît alors chez cette enseignante l’influence des directives de l’IPR (Inspecteur pédagogique régional) d’EPS de son académie (M. Delaunay en l’occurrence) ainsi que celle de collègues qui lui ont permis d’évoluer dans ses pratiques. C’est également marqué chez l’enquêté no 26, qui indique « […] des influences là-bas [dans le sud Finistère] intéressantes aussi sur ce collège parce que, différentes manières de fonctionner, des collègues qui sont, donc une femme qui est mariée avec un mari qui est dans le GAIPAR [Groupe Académique d’Innovation Pédagogique de l’Académie de Rennes] qui elle a tout le filtre du GAIPAR et tout le retour de son mari qu’elle, répercute, ou qu’elle tente de répercuter dans le collège ». Nos interlocuteurs pointent assez souvent ce type d’apports.
Et dans certains cas, l’entrée dans la profession de professeurs d’EPS (PEPS) les a vus être en opposition avec leurs collègues quant à la conception de l’EPS. Cette opposition pouvait être due aux différences de formations initiales suivies, aux différences d’âges, aux différents types d’expériences et/ou anciennetés professionnelles, mais aussi à la personnalité même de chacun d’eux. S’il faut des éléments extérieurs pour permettre de modifier l’identité professionnelle de chacun, encore faut-il que celui-ci veuille bien changer sa façon d’enseigner. À cela s’ajoute la particularité des différents lieux d’enseignement fréquentés depuis le début de carrière. Enseigner en collège n’est pas comparable à enseigner en lycée général ou en lycée professionnel, ne serait-ce qu’en raison des programmes, des contenus d’enseignement et des attendus aux épreuves d’examens et des publics de ces établissements scolaires.
Par ailleurs, pour les professeurs interrogés, la présence ou l’absence d’une véritable équipe d’EPS dans un établissement (au-delà des obligations réglementaires impulsées par les textes officiels du début des années 1980) a une incidence directe sur la conception et la mise en application de la discipline, ainsi que dans les relations avec la direction de l’établissement, les enseignants des autres disciplines, le personnel non-enseignant, les élèves et leurs parents. Toutes ces données peuvent avoir des conséquences positives ou négatives sur la transformation ou la non-transformation du processus identitaire professionnel de chaque enseignant. Dans nos entretiens, il est aussi évoqué qu’il ne faut pas oublier l’importance que peut avoir le rôle joué ou pas par un chef d’établissement : selon la considération qu’il a de l’EPS, il peut être un élément porteur ou inhibiteur de la discipline, par exemple par l’accompagnement (ou pas) des projets proposés par les enseignants. À cela s’ajoutent les conditions matérielles d’enseignement (disponibilité d’installations sportives suffisantes, par exemple). Toutes ces composantes agissent sur le choix d’entrée de l’enseignant-e dans la discipline : par ses compétences, par les APSA, par les installations, et ce quel que soit son établissement d’appartenance.
Sur un autre plan, si l’enseignement catholique privé sous contrat n’existe pas qu’en Bretagne, c’est une des principales régions de concurrence directe avec l’enseignement public. Selon les données officielles de 2015 de l’académie de Rennes, on compte dans le second degré 167 735 élèves (58,5 %) dans l’enseignement public (à comparer aux 53,8 % d’établissements publics déjà cités) et 119 207 élèves dans l’enseignement privé (41,5 %). Parmi ces derniers, 1 139 élèves sont scolarisés dans un établissement Diwan, enseignement privé laïque en langue bretonne : 830 élèves en collèges et 369 dans le seul lycée existant, selon les chiffres de l’Office public de la langue bretonne (2015, p. 14), établissement public de coopération culturelle créé en 2010. Au regard de cet indicateur, la question de l’homogénéité de l’EPS dans cette académie est posée. Malgré l’obligation de suivre les mêmes textes officiels, l’EPS du privé est-elle différente de celle de l’enseignement laïque ? Si oui, sur quels points portent les différences ? Si non, pourquoi ? En fait, pour les professeurs d’EPS, le critère « public – privé » ne semble pas la principale explication d’éventuelles différences, contrairement à leur accession au titre de professeur d’EPS obtenu à l’issue de leur formation initiale, de concours internes et/ou à l’ancienneté. Il ne semble pas y avoir une EPS du privé et une EPS du public. C’est au niveau des moyens octroyés aux uns et aux autres que les différences sont perçues. Les inégalités se situent dans les modes de fonctionnement des établissements. Les moyens financiers et matériels, ainsi que la volonté des directeurs à aider ou pas ’leur EPS’ expliquent, entre autres choses, les disparités existantes. Ceci fait que certains professeurs d’EPS peuvent se sentir à juste titre lésés par rapport à leurs collègues d’en face, mais pas forcément pour des raisons d’opposition public - privé. Il n’y a donc pas à proprement parler de politique d’Éducation Physique et Sportive spécifique aux deux filières d’enseignement. Et le cas pourtant particulier des établissements Diwan le confirme. Les enseignements d’EPS en breton ne sont pas fondamentalement différents de ceux du public et du privé catholique. On aurait pu penser que la pratique de sports traditionnels bretons y serait par exemple privilégiée. C’est loin d’être le cas, les élèves bretonnants pratiquant souvent les mêmes activités physiques, sportives et artistiques que les élèves des autres établissements scolaires en Bretagne.
Un point supplémentaire est à souligner. L’arrivée récente des ’professeurs du privé’ dans les jurys d’examens et de concours (qui se tiennent dans le même temps et le même lieu, avec les mêmes jurys et les mêmes programmes, que le candidat se destine au public ou au privé) a permis d’accroître les possibilités d’échanges avec leurs collègues du public. Ces échanges existaient déjà lors des attributions des salles municipales, mais aussi sur les terrains mêmes des pratiques de l’EPS. Le fait de pouvoir se croiser et aussi échanger sur le terrain est une particularité (peut-être aussi une force ?) de la discipline EPS. En effet, dans les autres disciplines scolaires, les rencontres entre enseignants du public et du privé sont beaucoup plus rares. Et finalement, nombre des professeurs interrogés précisent que pour eux, il n’y a pas de différences entre les PEPS du public et ceux du privé.
Enfin, nous avons aussi interrogé dix professeurs-formateurs qui, tous, ont déploré le manque de temps et de moyens alloués à la formation continue, que ce soit dans le public ou le privé. Ce constat est également fait par les PEPS eux-mêmes, ce qui interpelle par rapport aux obligations de la 14ème compétence du « Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation » (BO n° 30 du 25 juillet 2013) : « S’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel ». Il convient de noter que les professeurs-formateurs le sont souvent devenus presque par hasard, leur fonction actuelle n’étant pas le résultat d’une formation de formateur. C’est leur volonté personnelle, la proposition d’un Inspecteur ou d’un collègue qui, le plus souvent, les ont orientés vers cette facette complémentaire de leur fonction de professeur d’EPS. Là aussi, les perceptions public – privé ne semblent pas significativement différentes.
Finalement, les prémices de nos analyses laissent penser que l’appartenance public-privé n’est qu’un élément parmi d’autres de compréhension des identifications professionnelles des professeurs d’EPS bretons, et sans doute pas le plus important. L’exploitation fine de nos entretiens confirmera vraisemblablement ce premier constat, tout en posant de nouvelles questions. De ce point de vue, nous avons été séduits par l’engagement professionnel de ces professeurs, qui ont une véritable approche réflexive (compétence attendue et même évaluée dans le cadre des actuels master de formation à l’enseignement) et concrète de leur métier, entre théorie et pratique, formations initiales et continues, ancrage local et réalités nationales, pratiques scolaires et pratiques fédérales, et bien sûr, appartenance à l’enseignement public ou à l’enseignement privé. Du moins est-ce le profil professionnel que nous pouvons établir de celles et ceux que nous avons eu la chance et le plaisir de rencontrer et d’interviewer.
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[1] Le CAPEPS-interne est le Certificat d’Aptitude au Professorat d’Éducation Physique et Sportive de l’enseignement public et le CAER est le Concours d’accès à l’Échelle de Rémunération de professeur certifié dans l’enseignement privé. Ces deux concours sont appelés « internes » car ils sont réservés à des enseignants non titulaires ou vacataires mais en poste au cours des 6 années précédentes.
[2] « Messieurs, on n’enseigne pas ce que l’on veut ; je dirai même que l’on n’enseigne pas ce que l’on sait ou ce que l’on croit savoir : on n’enseigne et on ne peut enseigner que ce que l’on est. J’accepte une parole qui a été dite tout à l’heure, c’est que l’éducation est, en un sens, une génération. » Allocution de Jean Jaurès devant la Chambre des députés, 24 janvier 1910 (Antonini, 2006)
[3] L’enquêtée se réfère au texte de Michel Delaunay (2006 : 17) : « qui voulait que des savoirs fondamentaux scolaires soient formalisés et mettre en pratique principes, règles et méthodes pour fonder l’identité de l’EPS, discipline d’enseignement ».
Marec Jean-François, « Professeurs d’éducation physique et sportive du public et du privé : étude des identifications professionnelles. Le cas breton », dans revue ¿ Interrogations ?, N°23. Des jeux et des mondes, décembre 2016 [en ligne], http://revue-interrogations.org/Professeurs-d-education-physique,531 (Consulté le 31 octobre 2024).