Salaméro Emilie, Doga Marie, Jacolin-Nackaerts Myriam, Julhe Samuel
Résumé
Parmi d’autres activités dites de « bien-être », le yoga a pénétré l’univers scolaire. D’ailleurs en 2013, l’association Recherche sur le yoga en éducation obtenait un agrément de l’Éducation nationale. C’est dans ce contexte qu’un programme de recherche pluridisciplinaire (2020-2021) s’est intéressé aux promoteurs du yoga à l’école ainsi qu’à leurs usages, afin de comprendre les finalités associées à cette activité relativement nouvelle et encore confidentielle à l’école. C’est en effet dans une dynamique de développement du marché du yoga comme loisir que les pratiques de yoga à l’école se développent. Est-il pour autant possible de superposer ces mouvements ? Les promoteurs du yoga à l’école sont-ils eux-mêmes des pratiquants de yoga loisir ? Comment présentent-ils l’activité vis-à-vis de leur métier et de l’environnement dans lequel ils travaillent ? En quoi le yoga travaille-t-il l’ordre scolaire ?
Mots clés :
Pratique corporelle, marge, école, métier, santé
Abstract
Among other so-called ’wellness’ activities, yoga has penetrated the school world. Moreover, in 2013, the association Research on Yoga in Education obtained an agreement from the French National Education. It is in this context that a multidisciplinary research program (2019-2021) was interested in the promoters of yoga in schools as well as their uses, in order to understand the purposes associated with this relatively new and still confidential activity in schools. It is indeed in a dynamic of development of the market of yoga as a leisure activity that the practices of yoga in schools are developing. Is it possible to superimpose these movements ? Are the promoters of yoga in schools themselves practitioners of yoga as a leisure activity ? How do they present the activity in relation to their profession and the environment in which they work ? How does yoga work on the school order ?
Key words :
Body practice, school, margin, profession, health
Le yoga, le qi gong ou encore la méditation, renvoient pour partie à la nébuleuse “psycho-philo-spirituelle’ décrite par Garnoussi (2011) et sont aujourd’hui qualifiés d’activités de « bien-être » (Necker, Boizumault, 2020). Comme la relaxation auparavant (Cogérino, 2014), certaines ont pénétré l’univers scolaire. En 2013, l’association Recherche sur le yoga en éducation (RYE) obtenait un agrément de l’Éducation nationale (EN). Elle entend œuvrer au « bien-être partagé par l’enfant et l’enseignant » [1]. En France, les pratiques et les espaces autour du yoga sont encore peu documentés en sciences sociales malgré l’intérêt grandissant qu’il suscite dans la société mais aussi, plus récemment, à l’école. C’est dans le contexte de développement du « marché » (Singleton, 2020) du yoga comme loisir que les pratiques de yoga à l’école se développent. Est-il pour autant possible de superposer ces deux mouvements ? Une première enquête sur le yoga à l’école a déjà permis de soulever le contexte dans lequel cette activité se développe et la démarche poursuivie par les enseignants pour leurs élèves (Garcia et al., 2021). Mais les auteurs invitaient à mieux caractériser les profils de ses promoteurs ainsi que leurs logiques d’engagement dans cette activité en milieu scolaire, au sein duquel elle ne constitue pas une évidence partagée. En effet, le yoga à l’école reste, aux yeux des acteurs interrogés, une pratique marginale, en volume mais aussi vis-à-vis de l’ordre scolaire (Brougère, Bézille, 2007) : programme, examens, hiérarchie des savoirs. En ce sens, il pourrait s’apparenter à une contre-culture, c’est-à-dire « […] tout ce qui est en marge, hors de l’establishment, extérieur à la culture officielle » (Bourdieu, 1984 : 11). En quoi le yoga travaille-t-il « l’ordre scolaire » ?
Cet article, inscrit dans un programme de recherche [2], met au centre de ses questionnements les promoteurs du yoga à l’école ainsi que leurs perceptions et usages de cette activité corporelle, longtemps discréditée (Héas, Robène, 2007) et restée confidentielle à l’école. Qui sont-ils ? Quelles logiques les conduit à s’engager dans son développement dans un univers a priori réticent ? Comment présentent-ils l’activité vis-à-vis de leur métier et de l’environnement dans lequel ils travaillent ? Comment positionnent-ils cet engagement vis-à-vis du système scolaire plus largement ? Pour répondre à ces questions, l’enquête a été menée auprès d’un échantillon d’éducateurs, amateurs de yoga investis dans la transmission de cette activité à l’école. Au cœur du développement de cette « nouvelle » pratique (Héas, Robène, 2007) à l’école, ils ne représentent ni la diversité des pratiquants de yoga en France, ni des éducateurs qui interviennent à l’EN.
L’enquête conduite s’est attachée à comprendre les liens entre pratiques professionnelles – celles développées au sein et en périphérie de la sphère scolaire autour du yoga – vécus au travail et parcours biographiques (professionnel, rencontre et pratique du yoga), en articulant sociologies des groupes professionnels et de la socialisation (Demazière, Morissette, Zune, 2019). Les rapports à l’activité yoga dégagés par l’enquête, sont replacés dans les trajectoires de ces pratiquants sérieux (Stebbins, 1992) et investis dans le secteur éducatif dans lequel ils sont perçus comme des professionnels à la fois atypiques et précurseurs, autant du point de vue de leur public que de leurs collègues et hiérarchie. Dans ce contexte, les pratiques de yoga à l’école [3], constituent un bon analyseur des rapports au métier et au monde éducatif des interrogés ainsi qu’une porte d’entrée pertinente pour étudier leurs perceptions en matière de bien-être à l’école, entendu comme le « sentiment de se sentir bien physiquement et psychologiquement au sein des institutions » (Brougère, 2010 : 46). Ici, nous chercherons plus particulièrement à saisir dans quelle mesure le yoga est paradoxalement employé par ses promoteurs à la fois comment un moyen de mieux exercer leur métier conformément aux attentes institutionnelles, mais aussi comme une façon de le renouveler. Pour cela, l’article s’attachera dans un premier temps à retracer le mécanisme global, récent et multiniveaux de scolarisation du yoga ; cadre général dans lequel les pratiques des individus interrogés s’inscrivent et prennent leur sens. Cette démarche nous conduira à observer en quoi le yoga peut être considéré, par ses promoteurs et les acteurs à leur contact, comme une activité alternative au sein de l’espace scolaire, à la fois vis-à-vis de l’ordre scolaire (partie 1), mais aussi vis-à-vis de la culture professionnelle dominante (partie 2). Ancrée dans une perspective compréhensive, valorisant le sens que les acteurs donnent à leur expérience du yoga à l’école, cette recherche a été conduite selon plusieurs méthodologies, essentiellement qualitatives :
Parmi les activités corporelles qui ont récemment été introduites à l’école, le yoga est de plus en plus répandu. Comment le yoga, auparavant suspecté d’entraîner des dérives sectaires [6], s’est-il scolarisé ? Répondre à cette question implique de s’intéresser dans un premier temps à sa trajectoire en tant que pratique de loisir en France (et dans le monde). Le yoga est en effet passé d’une pratique aux fortes connotations spirituelles, à une pratique de loisir au marché mondial et dynamique [7], si bien qu’il est désormais marqué par des phénomènes de segmentation (Ceccomori, 2001) : du Hatha yoga « classique » au « yoga de l’énergie », « yoga Nidra », « Kundalini yoga », etc. Longtemps associé en France à des pratiquants en quête d’orientalisme, qui ont alimenté un mouvement contre-culturel (Garnoussi, 2011 ; Hoyez, 2014), ce n’est qu’à partir de la décennie 2010 que le yoga est devenu plus respectable. Aujourd’hui, de nombreuses revues de yoga grand public sont accessibles dans les librairies et des cours proposés dans de nombreuses communes : grandes villes avant tout (Hoyez, 2008), et rurales dans une moindre mesure. Céline, âgée de 42 ans lors de notre entretien, a commencé le yoga à l’âge de 23 ans. Elle atteste de ce changement de paysage à l’échelle d’une grande métropole française : « À l’époque à X [grande métropole], les cours étaient très chers. Les seuls cours accessibles, c’était les cours dans les MJC [Maisons des jeunes et de la culture], parce que les cours étaient moins chers et là les places étaient prises d’assaut. Y’avait beaucoup moins de cours quand même. […] C’était pas comme aujourd’hui. Dans toutes les rues de X [aujourd’hui], y’a un cours de yoga. ». L’offre de yoga s’est donc multipliée et diversifiée en France, mais aussi dans le monde (Singleton, 2020) et est ainsi devenue plus accessible à des pratiquants aux profils a priori plus diversifiés que ses premiers initiés (Hoyez, 2008 ; Garnoussi, 2011). En effet, on estime aujourd’hui le nombre de pratiquants français de yoga à 3 millions (300 millions dans le monde). Ainsi, le yoga, pratique de loisir auparavant perçue comme marginale, est devenue populaire, au même titre que d’autres activités corporelles appréhendées comme alternatives (Soulé, Walk, 2007). Dans ce cadre, le yoga doit être entendu comme « […] Une catégorie englobante dans laquelle se retrouvent toutes sortes de pratiques fondées sur des enchaînements de gestes et postures physiques, plus nécessairement en lien avec le cadre philosophique et culturel dans lequel elles prenaient sens préalablement » (Obadia, 2020 : 9). Souvent vue comme une forme de « gymnastique douce », le yoga en France aurait ainsi perdu sa dimension ascétique (Ceccomori, 2001) et se présente selon des formes très diverses. Cette variabilité est d’autant plus forte que contrairement à nombre d’activités corporelles, le yoga n’a pas fait l’objet d’une régulation institutionnelle par le ministère chargé de la Culture ou par celui des Sports [8]. Parallèlement, des passionnés de yoga assumant des missions d’enseignement public, ont largement œuvré à sa promotion dans le cadre scolaire et plus largement éducatif. C’est notamment le cas de Micheline Flak, ancienne présidente de l’association RYE, qui a obtenu en 2013 un premier agrément du ministère de l’EN, renouvelé en 2018, au titre des associations éducatives complémentaires de l’enseignement public [9]. Ainsi, « les personnes détenant le certificat RYE sont qualifiées pour intégrer les techniques de yoga dans leur enseignement et/ou pour animer des ateliers » [10]. Nadia, âgée de cinquante et un ans, explique ce qu’elle proposait en début de cours lorsqu’elle était contractuelle en sciences économiques et sociales dans un lycée de banlieue parisienne : « J’ai commencé par des étirements, en début de cours, on arrive, on s’étire. Et puis ça a été des techniques de respiration sans les nommer […]. Je leur disais : ’Voilà, prenez l’air (inspir’) on tapote un petit peu, on garde l’air, on garde l’air et on expire’. »
Bien que prenant des formes très variées, tous les enquêtés s’accordent à dire que ce qui fonde le yoga, c’est l’attention portée à la respiration, conception qui permet de le proposer en classe, sans nécessairement passer par des postures ou « asanas » : « Il suffit de modifier l’intention et la conscience du souffle, et on passe d’une activité physique à du yoga. La frontière est très subtile en fait. On est sur une conscience et non pas juste le faire pour le faire. » (Sandrine, 47 ans, professeur d’Éducation Physique et Sportive – EPS).
Au travers de techniques de yoga à l’école, la perspective conduite par l’association RYE vise aussi bien à préparer les élèves à recevoir les apprentissages scolaires, en facilitant leurs concentration et recentrage, qu’à les apaiser et à améliorer le climat de classe. Cette démarche participe ainsi à « normaliser » les comportements des élèves (Garcia et al., 2021). L’enquête menée en 2020 par questionnaire auprès de ses (ex)adhérents, montre qu’une grande partie d’entre eux (60%) sont enseignants ; les autres répondants étant des professeurs privés de yoga (35%) ou des professionnels de l’éducation hors établissement scolaire (3%).
Ancienne professeure d’anglais, Mme Flak, sa fondatrice, a travaillé pendant plusieurs décennies à la respectabilisation du yoga auprès du ministère de l’EN. Après avoir expérimenté ses effets auprès des élèves, ce, de manière relativement informelle, elle a favorisé le développement du yoga en classe. En effet, celui-ci a longtemps été perçu comme éloigné des cadres cognitifs et des normes fabriqués par l’école (Brougère, 2010) et plus largement de la forme scolaire (Vincent, 1994 ; Gasparini, 2018), progressivement intériorisés par la plupart des élèves. Brigitte, 43 ans, intervenante en musique à l’école, ex professeur de SVT, relate : « Ils me voyaient comme un ovni, les ados c’est… là, [en yoga] […] il faut justifier tout ce qu’on fait. Un jour où j’en avais marre de l’ambiance qu’il y avait, j’étais arrivée une heure plus tôt et j’avais entièrement déplacé, j’avais poussé les tables et j’avais fait juste un cercle avec les chaises. Donc forcément : “ah c’est les alcooliques anonymes !“ [les élèves] ».
Au-delà des réactions des élèves à la découverte de séances ou techniques de yoga à l’école, de nombreux interrogés ont plutôt mentionné des difficultés à convaincre leurs collègues ou encore ce qu’ils ont appelé la « hiérarchie » (inspecteur de l’EN et chef d’établissement) : « J’ai même un collègue qui m’a dit qu’on était dans une école laïque, ça c’était intéressant comme remarque. […] C’est associé [le yoga] à une pratique religieuse dans la tête de certaines personnes. » (Sébastien, enseignant d’EPS âgé de 43 ans).
Ainsi, les initiatives de ces promoteurs du yoga, en marge d’une injonction officielle, apparaissent dissonantes (Lahire, 2004) vis-à-vis de la culture scolaire, ce qui peut entraîner un phénomène de stigmatisation : « J’avais l’étiquette de madame yoga, un peu farfelue et tout […] ça me gênait » (Myriam, professeur de SVT en collège âgée de 47 ans). Parfois, leurs pratiques donnent lieu à des rappels de la « règle » scolaire. Nathalie, professeur de SVT âgée de 44 ans, expose ici les propos de son inspectrice : « ’Mais madame, vous vous prenez pour qui ? Vous êtes une enseignante de l’EN, vous devez respecter les programmes de l’EN, ce que vous faites c’est carrément n’importe quoi’. J’étais pas là pour faire la clown mais de la bio(logie). Elle m’avait incendiée. »
Afin de lever ces résistances internes, dans le cadre de l’association RYE, les techniques de yoga proposées cherchent à gommer toute trace de spiritualité religieuse, et ainsi, répondre à la marginalisation axiale (Héas, Robène, 2007) du yoga au sein de l’école. Les élèves ne sont nullement invités à chanter le « OM », un des éléments archétypaux du yoga associé à sa dimension spirituelle, mais à « chanter les voyelles de l’alphabet » pour conserver les bénéfices d’un travail vibratoire. Les termes des postures en sanskrit sont proscrits, et le mot yoga évité : « Au début on disait pas le mot yoga hein, on disait relaxation hein. Parce que ça bloquait sur le problème de laïcité [avec le mot yoga]. […] On en parle autrement, on dissèque mais on dit plus ‘yoga’ » (Frédérique, professeur des écoles à la retraite, âgée de 61 ans).
Selon l’une des membres de l’association RYE, le travail de celle-ci a ainsi avant tout porté sur la laïcisation du yoga. Un deuxième axe de renouvellement a consisté à adapter le yoga aux enfants pour le scolariser ; cette pratique d’origine indienne s’étant d’abord transmise à des occidentaux adultes : pas de posture sur la tête, de rétention de respiration, etc. Cette démarche a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs publications, parfois co-signées par Mme M. Flak et J. De Coulon, ex professeur de philosophie en collège puis recteur en Suisse, qui a participé à la création de l’association en 1978 [11]. L’alliance de ces deux personnalités dans le monde éducatif a sans doute contribué à y légitimer le yoga. On retrouve ici les ingrédients qui ont favorisé la scolarisation d’un autre type d’activité corporelle, tel le badminton. Initialement perçu comme ludique et non éducatif, il a longtemps été proposé en marge des recommandations officielles en EPS (Gomet, Bauer, 2014). L’assise culturelle de l’activité dans la société et le caractère mutipositionné de ses promoteurs (secteurs scolaire et associatif) participent amplement à l’institutionnalisation du yoga, elle-même vectrice de son développement (Thurston, Bloyce, 2020). Malgré cette dynamique globale liée à l’agrément ministériel, à l’échelon local au sein des établissements primaire et secondaire, le développement du yoga auprès des élèves en classe s’est fait de manière discrète, sur la base d’initiatives individuelles, et parfois contrariées, de passionnés de yoga que nous avons pu interroger, autrement dit de passeurs de conviction pour reprendre l’expression de Geeraert (2020).
Tout processus de scolarisation est multiforme et porteur de valeurs et d’idéaux spécifiques, variables selon les acteurs considérés défendant un modèle de pratique à privilégier (Sizorn, 2019). Ainsi, au-delà de l’entreprise de traduction scolaire du yoga opérée par l’association RYE, d’autres acteurs ont contribué à son développement dans l’espace scolaire, en promouvant des conceptions distinctes du yoga. En effet, celui-ci est également intégré aux programmes de 2019 d’EPS du lycée général et technologique, aux côtés d’autres activités physiques et sportives (step, course de durée, musculation, etc.) relevant du champ d’apprentissage numéro cinq, intitulé « Réaliser et orienter son activité physique pour développer ses ressources et s’entretenir ». En EPS, le yoga doit ainsi permettre aux lycéens de « développer une culture de l’activité physique régulière et durable, levier indispensable de l’amélioration de la santé publique » [12]. Cette introduction du yoga dans la liste des activités physiques, sportives et artistiques en EPS se réalise alors que la grande majorité des enseignants de cette discipline n’ont pas été formés à cette pratique en formation initiale, mais aussi, dans un contexte dans lequel les programmes scolaires de l’école primaire jusqu’au lycée soutiennent la mise œuvre d’actions éducatives favorisant le bien-être physique, mental et social des élèves (Necker, Boizumault, 2020). Chez les enseignants d’EPS, la mission spécifique d’éducation à la santé est d’ailleurs inscrite dans les textes officiels (BOEN, Programmes du collège, 2008). Comme le pointent Necker et Boizumault (2020 : 83), nombre de références au bien-être des élèves renvoient à leur engagement dans des pratiques corporelles dites « somatiques » caractérisées par des « relations dynamiques entre mouvement du corps, la conscience, l’apprentissage et l’environnement ». Pour Thurston et Bloyce (2020), les liens sont forts entre évolutions du yoga et montée de l’offre et de la demande autour de la santé et du bien-être. On peut ainsi comprendre l’introduction du yoga à l’école dans les textes officiels d’EPS, comme une façon de répondre à cette injonction institutionnelle au bien-être (Collinet, Delalandre, 2014) et à la santé des élèves au sein de l’école. Malgré tout, aujourd’hui, pour les raisons évoquées plus haut, le yoga est considéré comme une activité difficile à enseigner, notamment en EPS et reste marginale au sein de cette discipline [13]. Certains enseignants, passionnés par l’activité découverte en loisir et qui l’ont souvent introduite sans attendre les nouveaux programmes de lycée, préfèrent la proposer en association sportive (UNSS) plutôt qu’en cycle d’enseignement ou à certains moments de celui-ci (Hoyez, 2014), en privilégiant le vocable « relaxation » plutôt que « yoga » (cf. supra).
L’association RYE et les programmes en EPS ne proposent ainsi pas le même traitement du yoga à l’école mais contribuent, petit à petit, à faire passer le yoga de la « périphérie vers le centre » (Soulé et Walk, 2007 : 68). Si les acteurs de l’association RYE s’évertuent à gommer toute connotation culturelle perçue comme spirituelle et décalée des caractéristiques d’une pratique scolaire, la proposition faite par la fiche Eduscol sur le programme EPS du lycée datant de 2019 promeut une autre approche : « Le mot ‘yoga’ vient du sanskrit ‘jug’ qui signifie ‘unir ou ‘lier’, symbolisant ainsi l’union du corps et de l’esprit. Pratique ancestrale indienne datant d’au moins 1500 ans avant J-C, le yoga est indissociable d’une approche globale de la vie, de la santé. […] Il ne s’agit pas en EPS de transmettre un yoga ‘intégral’ […] mais bien ‘l’esprit du yoga’ que les élèves peuvent s’approprier […] La mise en œuvre du yoga scolaire ne doit pas trahir le yoga ancestral mais en permettre la divulgation. […] Une pratique scolaire du yoga doit au moins proposer de s’investir dans un travail sur le plan physique (asana), dans un travail sur le plan respiratoire (pranayama), voire dans un travail mental de concentration (dharana) ou de méditation (dhyana). Les dérives d’un yoga scolaire serait de faire du yoga enseigné une pratique devant répondre à la tentation de faire des élèves plus ‘sages’, plus ‘dociles’, plus ‘efficaces’, plus ‘performants’… Le yoga doit rester avant tout une pratique qui libère, qui émancipe, en réalisant l’union du mental, du corps et de l’esprit. [14] ».
Se dessinent alors, via les activités de l’association RYE et le cadrage proposé par la fiche Eduscol, deux visions du yoga à l’école [15] : l’une, apaisant et concentrant les élèves avant de recevoir les enseignements scolaires ; l’autre, les conduisant à une démarche d’éducation à la santé tout au long de la vie et d’acquisition de savoirs culturels ; deux objectifs des programmes d’EPS de 2019.
Ont été mises en perspective certaines des dynamiques parallèles mais non superposables, qui sous-tendent la scolarisation par le haut du yoga à l’école. Elles donnent lieu à une variabilité des formes et des traitements du yoga et participent à son développement actuel au sein de l’école, en confortant les initiatives individuelles, locales, plus anciennes, qui ont longtemps lutté pour introduire la pratique en amont de sa légitimation. En effet, comme pour les enseignants qui se sont lancés dans l’enseignement de la relaxation en EPS, les interrogés apparaissent « convaincus de leur utilité ou bénéfice pour les élèves », et « n’hésitaient pas à les introduire dans leur cours, quels que soient les programmes officiels » (Cogérino, 2014 : 262). C’est à ces promoteurs et au sens qu’ils investissent dans cette pratique à l’école que nous allons désormais nous intéresser.
Comprendre comment le yoga a pu intégrer la sphère éducative passe aussi par l’investigation des logiques dans lesquelles cette activité est d’abord développée à l’échelle individuelle, et ce, antérieurement aux entreprises de légitimation institutionnelle. Cela invite également à s’intéresser aux situations professionnelles vécues et à la manière dont ces spécialistes combinent travail éducatif et engagement en yoga. Comme l’exprime Frédérique, âgée de 61 ans, professeur des écoles retraitée : « Étant professeur [des écoles) et professeur [privé] de yoga, on se situe entre deux univers. »
« Il ne faut pas que les élèves soient dupes. C’est pour eux [les élèves], mais c’est pour nous. Il y a des collègues qui le font pour eux, cela leur permet de tenir le coup, et de ne pas les passer par la fenêtre. » (Isabelle, professeur des écoles, 49 ans)
Le type d’activité professionnelle comme la variable du sexe agissent sur la définition du « bonheur » au travail (Baudelot, Gollac, 2003). Les promoteurs du yoga à l’école rencontrés sont majoritairement des femmes qui exercent ou qui ont exercé une activité principale au sein de l’EN avant tout dans l’enseignement (29/33, dont 16 enseignants d’EPS). Issus essentiellement des classes intermédiaires, à l’image des pratiquants nord-américains (Thurston, Bloyce, 2020), ils sont en moyenne âgés de 48 ans. Comme les passeurs de conviction étudiés par Geeraert (2020), les interrogés sont dotés d’un fort capital culturel (niveau de diplôme bac + 3 et plus). Ils ont introduit le yoga au sein de l’univers scolaire après une pratique personnelle menée pendant plusieurs années dans différentes « lignées » de yoga, puis suite ou parallèlement à une formation professionnelle en yoga. Comme l’exprime Isabelle plus haut, les enseignants interrogés trouvent dans le yoga un moyen de faire face aux « malaises enseignants » (Barrère, 2017) et aux difficultés du métier devenues aiguës dans l’enseignement public (Balland, 2020). Elles occasionnent aujourd’hui davantage de sorties de carrière (Feuillet, Pourteau, 2020) que chez d’autres catégories de cadres, comme des soucis de recrutement. Les problèmes de santé physique (troubles musculo-squelettiques du rachis, céphalées, etc.) et mentale (troubles dépressifs/anxieux, psychosomatiques, etc.) des enseignants sont en augmentation et bien renseignés par la littérature. Ainsi, les fins de carrière se révèlent difficiles, alors même que cette population fait face à un phénomène de vieillissement (Cau-Bareille, 2017). Quelques travaux anglo-saxons ont d’ailleurs déjà soulevé les effets (réels ou perçus) de la pratique du yoga chez les enseignants (Tamilselvi, Thangarajathi, 2016). Marie, accompagnant des élèves en situation de handicap dans un collège, âgée de 60 ans, confirme : « Les enseignants, c’est difficile pour eux. C’est un corps dans notre société en souffrance… […] Moi, je sais que s’il y a UNE personne dans la classe qui en a profité [du cycle yoga], c’est l’enseignante ! Je vois sa tête avant la séance et après la séance. ».
Dans ces conditions, le yoga est décrit par les enquêtés comme une condition de maintien dans le métier, voire comme le support d’un réengagement professionnel tandis que les mouvements contraires se multiplient chez les enseignants (Feuillet, Pourteau, 2020). « J’étais prête à démissionner » confirme Hélène, professeur de écoles en classe ULIS [16], âgée de 48 ans. Les interrogés sont d’ailleurs nombreux à s’être questionnés sur leur avenir au sein de l’EN mais font finalement partie de ceux qui persévèrent face aux difficultés du métier et, selon leurs dires, grâce au yoga. Celui-ci a souvent été débuté entre l’âge de 30 et 40 ans, parallèlement à ces questionnements. L’entrée dans le yoga s’accompagne d’une temporalité resserrée entre la pratique amateur et l’inscription à une formation professionnelle dans le but de pouvoir répondre à ces épreuves professionnelles. Le yoga occupe ainsi rapidement toutes les dimensions de la vie des interrogés, caractéristique des pratiquants sérieux (Stebbins, 1992), si bien que le loisir vient déborder le travail et le contaminer, en y intégrant ses normes, notamment relationnelles (Héas, Robène, 2007) : « Quand je suis arrivée dans le yoga, je faisais aussi pas mal de travail thérapeutique, et je me suis dit : ’je vais changer de métier : OU je deviens thérapeute, psychothérapeute - […] c’était les grands chamboulements, la quarantaine (rit) OU je deviens prof de yoga’. […] J’ai tout commencé en même temps en fait. J’ai commencé le yoga un peu avant 40 ans et je suis arrivée au RYE à 40-41 ans je crois. J’ai vraiment découvert quelque chose. C’était personnel au départ et puis dans ma profession, j’étais pas satisfaite dans la façon dont je la vivais, j’en souffrais. » (Frédérique, professeur des écoles retraitée de 61 ans).
Le yoga vient ici accompagner un « moment décisif » (« turning point » au sens de Hughes, 1996). Le travail thérapeutique parallèle ou via le yoga, est cité par plusieurs enquêtés et pointé dans la littérature (Garcia et al., 2021). Certaines formations de professeur de yoga, suivies par plusieurs interrogés, proposent d’ailleurs des séances de développement personnel. Dans l’une des formations observées, les Yoga-Sutras de Patanjali, “l’un des textes sanskrit les plus traduits au monde” [17], sont systématiquement lus et mis en perspective tout au long de la formation avec des cours de psychologie (menée par une psychologue), approche scientifique alimentant le développement d’une spiritualité laïque et la quête de bien-être, issue de la contre-culture des années 1960-1970 (Gounassi, 2011). Au cours de ces séances, l’intervenante invite souvent les participants à revenir sur des difficultés personnelles (avant tout relationnelles) et leur propose des exercices à appliquer dans la vie quotidienne. Le yoga est donc présenté par les enquêtés comme un travail sur soi, parallèlement à celui proposé aux élèves, dans une logique relationnelle et de synergie.
Les problématiques rencontrées dans le cadre du métier d’éducateur sont de plusieurs ordres. Tout d’abord, elles concernent les tensions avec les publics encadrés, source de souffrance chez les enseignants (Barrère, 2017). Myriam, âgée de 47 ans, devenue professeur de SVT dans un collège de banlieue parisienne accueillant un public socialement mixte, après avoir été ingénieur agro-alimentaire dans un cabinet d’études, décrit des débuts chaotiques face aux élèves : « Je m’énervais dans mes classes », « je n’arrivais pas à gérer ». Bénédicte, professeur de français en collège, âgée de 46 ans se souvient aussi : « J’avais facilement des extinctions de voix, je me posais des questions ’est-ce que je vais tenir le coup ? Je suis au début !’ Je criais trop sûrement. » C’est aux élèves que Myriam va demander d’appliquer un rituel d’entrée en classe, pour « s’apaiser, pour que le calme revienne dans la tête » avant d’aborder les apprentissages scolaires en tant que tels. Le yoga destiné aux élèves est alors utilisé comme un moyen de réguler le climat de classe, d’améliorer le « vivre ensemble », de gérer « l’agitation » (Elise, professeur de SVT), ceci entraînant de meilleures conditions de travail pour l’enseignant, qui peut alors se concentrer sur les tâches définies institutionnellement [18].
Le travail de normalisation du comportement s’applique aussi aux éducateurs : « Je sais qu’avec des élèves, j’avais des réactions qui me plaisaient pas à moi-même. Par exemple, j’avais mal réagi à quelque chose qu’avait fait un élève ; j’avais pas la bonne distance parce que ça m’avait trop touchée. Donc ça a changé ma posture d’enseignante [le yoga]. […] J’ai trouvé quelque chose [avec le yoga] qui fonctionne, qui m’aidait beaucoup et qui m’aidait moi dans mon positionnement d’adulte. Qui a redonné un souffle vraiment à ma pratique professionnelle […] ça m’a vraiment aidée à mieux travailler. Je suis convaincue [sourit]. Je pense que je serais peut-être pas restée, j’aurais peut-être pas continué sinon. » (Frédérique, professeur des écoles retraitée de 61 ans).
Le yoga permettrait de développer des compétences, notamment en matière de contrôle de soi, transférables dans la vie professionnelle. Favorisant un nouveau regard sur la situation vécue, il participerait à mettre à « distance » les émotions – « […] fruit d’une coopération entre le corps et une image, une pensée ou un souvenir – une coopération dont l’individu est conscient » (Hochschild, 2003, p. 21) - brouillant le jugement des situations éducatives et contrariant ainsi la « bonne » posture professionnelle. « L’une des spécificités des métiers qui s’effectuent au contact d’un public est que le travail émotionnel constitue une part essentielle, fondamentale, du travail prescrit comme réel » (Jeantet, 2003 : 102). Le yoga est utilisé par les enquêtés pour réaliser un « travail émotionnel » en profondeur (Hochschild, 2003). M. Thurston et D. Bloyce (2020) replacent d’ailleurs la pratique du yoga au sein du processus de civilisation mis au jour par N. Elias (1985) pour comprendre son évolution et son succès mondial. Selon eux, le yoga « moderne », développé à partir de la fin du 19ème, répond à un besoin psychologique double de relâchement et d’éveil des émotions, socialement généré par la contrainte de retenue émotionnelle dans la plupart des sphères de la vie sociale, notamment professionnelle, au sein de nos sociétés complexes et différenciées. Dans l’une des formations professionnelles de yoga observées, les émotions sont également travaillées, car présentées comme contraires à une relation apaisée au monde et « au silence du mental » au même titre que certaines formes de pensée « conditionnées », empêchant de voir/vivre la « réalité ».
Chez les éducateurs interrogés, ce « recul » (Catherine, professeur des écoles, 54 ans) est facilité par un espace/temps pour soi proposé par le yoga : « Si je fais ça [du yoga] c’est que je suis convaincue que ça apporte un bien-être dans mon travail […] Je revenais de région parisienne, où c’était bien tendu au niveau de l’enseignement […] Ça a été une révélation, de prendre un petit moment, posée sur un tapis. Juste le temps de regarder comment je suis. » (Bénédicte, 46 ans, professeur de français en collège).
La logique de prise de distance est la même face aux conflits que peuvent rencontrer certains enquêtés avec leur environnement professionnel : direction ou collègues. Karine par exemple, professeur de français âgée de 43 ans, présente le yoga comme un recours face aux conflits qui l’opposent à sa direction. La pratique personnelle du yoga combinée à celle des élèves, apparaît donc comme une ressource face au « choc de la réalité » du métier, aux expériences d’isolement ou au manque de soutien face au public scolarisé, et participe à la « stabilisation » (Huberman, 1989) professionnelle.
Le yoga est ainsi présenté comme le support d’une transformation de son vécu professionnel et des rapports sociaux qui le construisent. Pour ces experts de l’éducation, il apparaît comme une forme de technique compensatoire visant à transférer des compétences (comme la maîtrise de soi, l’écoute des autres, la gestion de son corps, etc.) acquises à l’extérieur et renforcées à l’école, afin de renouveler la relation pédagogique, mettre l’élève au centre comme l’incitent les textes officiels, et in fine, s’ajuster aux situations professionnelles vécues, comme pour d’autres fonctionnaires (Laurens et Serre, 2016). « […] le travail sur ses émotions ne se limite pas à la journée de travail et déborde sur le hors-travail » (Jeantet, 2003 :107) et nombreux sont les interrogés à affirmer que le yoga a transformé leur pratique professionnelle : « Moi j’ai commencé le yoga dans les années 2000 et j’ai vu que ça avait changé, ça a changé justement ma façon de pratiquer, de faire pratiquer l’EPS très vite. Ça a eu des répercussions sur les contenus de mes cours. » (Sandrine, 47 ans, professeur d’EPS).
Le yoga est au cœur d’un changement de regard sur le métier, sur soi-même et son environnement professionnel, source de maintien dans la profession. Mais s’il permet de s’ajuster aux situations vécues, il permet aussi de renouveler le métier.
Les interrogés sont nombreux à avoir traversé une période de doutes concernant leur maintien dans le métier, sans qu’ils n’aboutissent à un processus de bifurcation professionnelle (Négroni, 2007). C’est plus largement le métier tel qu’il s’impose qui est questionné. Nombreux sont ceux qui ont le sentiment de ne pas s’y retrouver : « J’ai toujours voulu être prof d’EPS parce que je trouvais que c’était un métier fantastique mais en même temps, je me disais : ‘mais on est cons à être dans la compétition, on va pas s’en sortir avec ça !’. Et du coup, le yoga me permet de faire la paix » (Christelle, professeur d’EPS, 45 ans).
Transmettre le yoga ou ses techniques aux élèves permet à ces éducateurs de redonner sens au métier, de se donner également une place particulière auprès des élèves et leurs collègues, en apportant une « plus-value » par rapport au « système » éducatif tel qu’il fonctionne : « J’aimerais […] aller plus loin, pas uniquement au niveau de la classe, enfin aussi, mais voir dans les évaluations et les sanctions qu’on donne, réfléchir à un système autre […] Un élève qui a décroché si on met des retenues, ça sert à rien. » (Myriam, professeur de SVT en collège, 47 ans).
Ainsi, les questionnements sur le sens du métier - « par rapport aux injonctions institutionnelles, à la conformité » (Elise, 46 ans, professeur de SVT) - renvoient à la fois à un « ordre scolaire » (cf. supra), qui est jugé peu à « l’écoute » et pas toujours « bienveillant » vis-à-vis des élèves et de leur individualité, mais aussi à la culture professionnelle dominante - composée des valeurs, savoirs et savoir-faire (Champy, 2009) - contraire aux valeurs qui les animent : « Déjà je me posais beaucoup de questions sur la façon d’aborder les choses […] Je cherchais un sens quelque part. […] Moi je voulais vraiment leur apporter quelque chose qu’ils pouvaient pas trouver ailleurs. […] On peut pas continuer comme ça, on peut pas enseigner comme ça. Voilà, comment toucher ces jeunes, comment leur apporter quelque chose ? » (Valérie, professeur d’EPS, 48 ans)
Comme l’a montré Richard-Bossez (2021 : 11-12), l’introduction de pratiques pédagogiques alternatives par des enseignantes renvoie, au sein de l’espace scolaire, au souhait de « redonner du sens à ses pratiques professionnelles pour se sentir plus en phase avec les valeurs qu’elle[s] souhaite[nt] véhiculer ». Ces « apports » recherchés, que certains désignent sous le vocable « pédagogies alternatives », renvoient d’abord à la proposition du yoga vis-à-vis du corps, nié ou extrêmement normé au sein de l’école : « Être toujours dans le côté intello et cérébral avec les élèves […] ce n’est pas du tout ce qui leur fallait [aux élèves] » (Elise, 46 ans, professeur de SVT) ; « Cette conscience du corps vers laquelle nous conduit gentiment le yoga, c’est-à-dire des sensations très précises et très subtiles du corps humain » (Sandrine, 47 ans, enseignante d’EPS).
Ainsi, le yoga faciliterait un recentrage sur le corps (Hoyez, 2014), dans un contexte éducatif qui stimulerait essentiellement l’intellect, ou un corps selon un modèle étroit, « redressé » (Vigarello, 2004). La particularité du yoga parmi les disciplines scolaires enseignées ou proposées aux élèves est présentée par les enquêtés comme relevant d’un travail sur les « ressentis » : « Avec les élèves de mon collègue, on sent qu’on est passé de l’extériorité vers l’intériorité […] ça se voit corporellement, au niveau de l’expression de leur visage, c’est vraiment très frappant » (Catherine, professeur des écoles, 54 ans).
Comme dans les temps de relaxation étudiés par G. Cogérino, « Il s’agit d’y interroger, identifier, repérer les sensations et parfois des états émotionnels ou psychologiques (se concentrer, être dans le présent,…) issues de gestuelles ou de l’immobilité » (2014 : 262). Le travail corporel réalisé en yoga est présenté comme distinct de celui mené dans d’autres disciplines scolaires, plus « performatives » (Lee-Fichet, 2014), y compris les activités sportives classiques où les informations relevées sur le corps se situeraient davantage sur des paramètres physiologiques : « En step, à part prendre le pouls et dire j’ai mal aux jambes, on reste sur le corps en fait, on reste sur le corps et pas sur le ressenti aussi de son état intérieur. […] Le yoga ça va faire un lien beaucoup plus global avec la vie de tous les jours, avec la vie globale de l’élève. Et c’est vrai qu’avec le yoga on touche à quelque chose d’intime. » (Valérie, 48 ans, professeur d’EPS). Le yoga faciliterait la connexion avec l’état intérieur, l’espace intime (Hoyez, 2014), in fine la « découverte de soi », dans une école qui y porte habituellement peu d’attention. Ainsi, le yoga remet au centre le corps de l’élève dans sa dimension expressive.
La démarche de ces éducateurs est proche de celle explorant le sensible et la singularité dans les disciplines artistiques à l’école (Cogérino, Garcia, 2014). C’est d’ailleurs le sens qu’ont pris les programmes d’EPS depuis les années 1980, via l’expressivité et les émotions, au-delà de la performance et de la compétition sportive (Garcia, Cogérino, Fouilhoux, 2014). Mais les enseignants interrogés pointent un net décalage entre les textes et le renouvellement de la culture professionnelle : « Pas de compèt(ition), pas de jugement, y’a pas de bien ou de pas bien, c’est tout est bien, on fait ce qu’on peut avec ce qu’on est donc c’est dur. Ça retourne le cerveau des collègues hein […] Moi je suis vraiment une ovni, je tiens ce discours-là, je l’assume complètement. […] ‘Tu fais du mieux que tu peux’. Et le yoga, c’est ça. » (Christelle, 45 ans, professeur d’EPS).
Le discours sur la performance et la compétition constitue, comme l’a déjà montré C. Marsault (2005), un bon analyseur des manières d’appréhender les pratiques corporelles en EPS. Mais d’autres éducateurs, comme Anne, agent d’entretien, 54 ans, partagent ce point de vue : « Au yoga y’a pas de compétition, on a tous un corps différent […] Vivre avec son corps, c’est important. […] le système éducatif, c’est pour la compétition, on s’occupe pas du corps. Alors que pour moi, c’est primordial pour un enfant, un adolescent. ».
Les types d’engagement corporels valorisés s’apparentent à ceux promus dans les sports dit alternatifs : pratique anti compétitive, peu régulée et vectrice de sensations (Soulé, Walk, 2007). Cependant, le yoga serait davantage susceptible de convenir au plus grand nombre, y compris les élèves plus distants du « corps outil », « aux antipodes du yoga » (Sandrine, professeur d’EPS, 47 ans) : « Des gamins qui ne sont pas sportifs de s’en sortir en EPS, de vivre autrement leur corps et peut-être de faire la paix avec leur corps. Je me suis dit ‘ça y est, enfin on fait quelque chose pour ça’. » (Christelle, 45 ans, professeur d’EPS).
Éveillant la conscience de soi, le lien entre « le corps et l’esprit » (Sébastien, professeur d’EPS, 43 ans), le yoga participerait à créer un autre modèle corporel, distinct de la référence dominante, en particulier du modèle sportif, sur lequel s’appuie l’EPS (Estivie, 2014 : 15), où il s’agit « de développer une mobilité de contrôle, de la maîtrise, de l’efficacité de la technique ». Dans la continuité de cette logique, le yoga amènerait également un autre rapport entre enseignants et élèves, davantage « pris en compte » (Hélène, professeur des écoles en ULIS, 48 ans). Olivia, 41 ans, professeur d’EPS, explique : « On est dans l’échange. Bien sûr que c’est moi qui mène la séance [de yoga], mais j’essaie de ne pas avoir ce rôle très dominant de l’enseignant face à l’enseigné en fait. D’être un peu plus à leur hauteur pour que ça se déroule plus facilement ».
Ces éducateurs semblent ainsi pleinement traversés par un ethos égalitaire, que l’on rencontre plus fréquemment chez les classes moyennes cultivées (Van Zanten, 2009), auxquelles la plupart appartiennent. Le yoga permet selon eux d’impliquer autrement les élèves dans les apprentissages, que ce soit par la relation pédagogique, l’attention portée à son état intérieur, ou encore le format d’évaluation proposée ; type de pratiques pédagogiques peu fréquentes au sein de l’école [19].
Enfin, les interrogés se présentent comme des personnels à part au sein de la profession : dynamiques, se lançant dans de nombreux « projets » et formations au-delà du yoga, à l’instar des enseignantes de maternelle investies dans la pédagogie Montessori (Huard, 2019). « Les collègues, ils savent que moi j’aime aller toujours vers les choses nouvelles […] Professionnellement, j’ai besoin de lancer des choses à tel point que mon proviseur l’autre jour me dit : ’ça y’est Monsieur, cette année vous êtes calmé ? […] vous avez des projets ou ça va, vous êtes calmé ?’ Mais non, j’en ai toujours (rit) ! » (Sébastien, 43 ans, professeur d’EPS)
Ces éducateurs ont ainsi joué, au sein de l’école, le rôle d’entrepreneur de changement (Becker, 1963), dans une configuration où nombre d’acteurs professionnels (hiérarchie, collègues), davantage que les publics, y résistaient. Compte tenu des changements récents, plusieurs sont aujourd’hui repérés par l’Inspection pour dynamiser la profession, tandis que d’autres sont formateurs pour l’association RYE et s’adressent ainsi directement aux établissements afin de sensibiliser l’ensemble de la communauté éducative (chef d’établissement y compris) au yoga à l’école. Cette reconnaissance locale par la hiérarchie, qui contribue elle aussi au maintien dans le métier, intervient toutefois après plusieurs années d’initiatives en matière de yoga, car aujourd’hui « le yoga a le vent en poupe » (Catherine, professeur des écoles, 54 ans).
Les dynamiques autour du yoga à l’école se sont exprimées en même temps que sa massification en France comme pratique de loisir. D’une pratique marginale, distante des normes et de l’ordre scolaires, elle est devenue une pratique tolérée voire encouragée à l’école, parallèlement à l’attention portée par la société au « bien-être ». Notre analyse se réalise dans une configuration spécifique, dans laquelle le yoga devient progressivement respectable au sein de l’école ; les promoteurs que nous avons interrogés constituent en cela des « outsiders en voie de légitimation » (Héas, Robène, 2007).
Parallèlement à ce mouvement en cours de stabilisation du yoga comme pratique éducative au sein de l’EN, du côté du personnel éducatif, enseignants en majorité, le yoga à l’école, pour soi et pour les autres, se situe à l’intersection d’évènements biographiques et d’épreuves professionnelles. Notre travail a pu montrer qu’il constituait une condition de soutenabilité et de stabilisation professionnelle mais aussi un moyen de rendre l’enseignant/éducateur plus « efficace » et capable de répondre aux missions qui lui sont assignées. Femmes issues essentiellement des classes moyennes cultivées pour la plupart et investies dans un métier relationnel, elles trouvent dans le yoga une ressource et des « techniques » afin de faire face aux situations éducatives et plus largement aux tensions émotionnelles propres au métier. Le yoga constitue ainsi un bon analyseur du processus d’individualisation des difficultés professionnelles face aux conditions dégradées d’exercice du métier. « Transformés » par le yoga, ce sont ces mêmes éducateurs qui se muent en entrepreneurs du changement vis-à-vis de la communauté éducative, auprès de qui ils véhiculent une vision spécifique du corps, de l’éducation et des rapports sociaux, socialement située. C’est à ces deux conditions – efficacité et renouvellement des pratiques professionnelles – que les interrogés trouvent une posture plus « juste », adaptée à l’élève. Le yoga à l’école s’inscrit ainsi aujourd’hui autant en continuité vis-à-vis de normes scolaires qui se renouvellent (Verhoeven, 2012), qu’en rupture avec la culture professionnelle dominante, qui évolue selon une temporalité plus lâche.
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[1] https://rye-yoga.fr/notre-projet, consulté le 12 novembre 2021.
[2] Nous tenons à remercier la Maison des Sciences de l’Homme et de la Société de Toulouse pour le financement de Syframe (2019-2021), qui a impliqué une équipe de douze chercheurs.
[3] Elles renvoient à l’activité des élèves au sein de l’école autour de ce qui est appelé « yoga » et parfois « relaxation », mais aussi aux effets au sein de l’espace scolaire de la pratique personnelle des encadrants menée en dehors de la classe.
[4] Douze week-ends de formation ont été observés par deux enquêtrices qui ont aussi participé à deux semaines de stage.
[5] Nos remerciements s’adressent à l’association RYE qui nous a permis de réaliser une enquête auprès de ses (ex)adhérents. Tout traitement des données aux fins de ré-identifier les personnes ayant participé à la présente étude est strictement interdit.
[6] Cette suspicion persiste en partie. Par exemple, le rapport d’activités et études de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires de juin 2021 fait apparaître au titre des « sujets d’inquiétudes exprimés dans les saisines » le développement de l’offre de yoga et de méditation.
[7] Hoyez, 2008 ; Singleton, 2020 ; Thurston, Bloyce, 2020.
[8] L’espace du yoga en France est structuré autour de fédérations multiples et indépendantes, en perpétuelle lutte (Ceccomori, 2001). Le « métier » de professeur de yoga n’est pas réglementé comme peut l’être celui d’éducateur sportif par exemple.
[9] Au-delà du personnel enseignant, l’école peut solliciter des partenaires extérieurs pour intervenir sur le parcours de santé de ses élèves. Circulaire n°2011-216 du 2 décembre 2011. https://www.education.gouv.fr/cid21129/les-associations-agreees-et-ou-subventionnees-par-l-education-nationale.html, consulté le 12 novembre 2021.
[10] https://rye-yoga.fr/agrement-ministeriel, consulté le 12 novembre 2021.
[11] Cf. Le manuel du yoga à l’école. Des enfants qui réussissent (2016), de M. Flak et J. De Coulon.
[12] Voir le BO spécial du 22 janvier 2019 ainsi que la liste nationale des activités physiques, sportives et artistiques.
[13] Pratique aux contours flous et souvent invisible, il n’existe pas de chiffres documentant le nombre d’ateliers ou séances de yoga à l’école. En 2020, l’association RYE comptait près de 600 adhérents. Parmi les 16 enseignants d’EPS interrogés, seuls six proposent un cycle de yoga évalué.
[14] La fiche Éduscol est une proposition faite aux enseignants pour les accompagner dans la construction de leur projet d’enseignement du yoga.
[15] Elles ne sont pas les seules. De nombreux ateliers de yoga se développent dans le cadre de la préparation au grand oral du baccalauréat, dans des projets interdisciplinaires mais aussi en périscolaire.
[16] Unités localisées pour l’inclusion scolaire.
[17] Voir la contribution de R. Voix, “Question autour du Yoga-Sutra’, https://hal.archives-ouvertes.fr/ha…
[18] ” Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation ”, BO n° 30 du 25 juillet 2013.
[19] DEPP, ministère de l’Éducation nationale et de la recherche (2020). Premiers résultats de l’enquête sur les pratiques d’enseignement EPODE en en 2018 en collège. Note d’information, n°20-23, juin 2020.
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