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Chafik Ayoub, Iharchane Omar

Le statut personnel dans la législation marocaine. Étude du processus de sécularisation de la logosphère juridique

 




 Résumé

L’article se propose d’étudier les failles de la législation marocaine dans le domaine du statut personnel, et ses répercussions sur la culture sociétale et la structure de l’État marocain. En quoi la philosophie législative en matière de statut personnel sert-elle la culture citoyenne ? En quoi favorise-t-elle l’émergence d’un État civil ? Où réside le problème dans cette philosophie législative ? Dans les textes religieux ? Ou dans la façon dont ils sont interprétés ? Les diverses interprétations sont-elles d’ordre épistémologique et/ou politique ? C’est à travers ces axes de recherche que nous étudions, selon une méthodologie historique, l’évolution de la législation en matière de statut personnel, ainsi que sa contribution dans la modernisation de l’État et de la société, dans la concrétisation d’une culture citoyenne, et dans la consolidation de la structure de l’État-nation.

Mots-clefs : statut personnel, espace marocain, État civil, sécularisation sémantique, égalité

 Personal status in Moroccan legislation. Study of the process of secularization of the legal logosphere

 Abstract

The article aims at studying the loopholes in the Moroccan legislation in the area of personal status, and its repercussions on the societal culture and the structure of the Moroccan state. How does the legislative philosophy in matters of personal status serve the culture of citizenship ? How does it promote the emergence of a civil state ? Where is the problem in this legislative philosophy ? In religious texts ? Or in the way they are interpreted ? Are the various interpretations epistemological and/or political ? It is through these lines of research that we are studying, according to a historical methodology, the evolution of Moroccan legislation in matters of personal status, as well as its contribution to the modernization of the state and of society, to the realization of a citizen culture, and to the consolidation of the structure of the nation-state.

Keywords : personal status, Moroccan space, civil state, semantic secularization, equality

 Introduction

La question du statut personnel au Maroc

Le domaine du statut personnel constitue un véritable indicateur de lutte des valeurs et des références au Maroc, depuis l’indépendance (1956) jusqu’à nos jours. Ce domaine est la sphère de luttes entre deux représentations de la société, entre tradition/islamité et modernité/sécularisation. Il s’agit d’un conflit qui reflète l’équilibre des pouvoirs au sein de la société, ainsi que son niveau de modernisation. La différence entre conservatisme et progressisme se trouve dans les dispositifs terminologiques et conceptuels. Elle est aussi du côté législatif et dans la culture de chaque représentation. Il émerge de ce fait un paradoxe constitutionnel [1] découlant de la difficulté du législateur à transiger entre l’attachement à l’islamité de l’État et ses efforts en vue de coller au plus près des exigences des conventions internationales ratifiées par le Maroc – on se réfère ici, en particulier, à la Convention sur l’Élimination de toutes Formes de Discrimination à l’égard des Femmes (CEDAW [2] ci-après). Cette double contrainte handicape à plusieurs égards la loi sur le Nouveau Code de la Famille (NCF ci-après), aussi connu comme le code du statut personnel (CSP ci-après), ou encore le code marocain de la famille (Moudawana).

C’est via le concept d’ijtihad [3] que le législateur a dépassé les contraintes qui pesaient sur les femmes dans l’ancien code, à savoir la minorité sociale et légale des femmes, la famille placée sous l’autorité du mari et la répudiation. Pourtant, plusieurs points d’accroche demeurent.

Le premier élément handicapant en effet la loi sur le NCF est le mariage des mineurs. D’aucuns, s’en tenant à l’approche universelle des droits de l’homme, estiment que l’âge légal du mariage doit correspondre à l’âge de la majorité fixé à 18 ans accomplis. D’autres, qui se réfèrent à la littéralité des textes sacrés, à l’image du salafiste marocain Mohammed El Maghraoui, estiment que le mariage peut se consommer dès lors qu’est atteint l’âge de la puberté. Le NCF a tenté de concilier les deux approches, en ce sens que l’âge légal du mariage est fixé en principe à 18 ans, tout en conditionnant le mariage des mineurs à l’autorisation du juge de la famille chargé du mariage. Voici in extenso ce que stipule l’article 20 : « Le juge de la famille chargé du mariage peut autoriser le mariage du garçon et de la fille avant l’âge de la capacité matrimoniale prévu à l’Article 19 ci-dessus, par décision motivée précisant l’intérêt et les motifs justifiant ce mariage. Il aura entendu, au préalable, les parents du mineur ou son représentant légal. De même, il aura fait procéder à une expertise médicale ou à une enquête sociale. La décision du juge autorisant le mariage d’un mineur n’est susceptible d’aucun recours  ». Le nombre de filles mineures obtenant l’autorisation du juge chargé du mariage demeure, cependant, encore élevé. Mohamed Ben Abdelkader, ministre de la Justice (2019-2021) dans le gouvernement El Otmani II, a déclaré que ce phénomène est en baisse, malgré les résultats décevants des statistiques. Il a par ailleurs confirmé l’enregistrement de 33 489 actes de mariage concernant des mineurs en 2014. Le nombre de ce type d’actes ne cesse de diminuer dès lors pour atteindre 30 230 actes en 2015, 27 205 actes en 2016, 20 738 actes en 2019 et 12 600 actes en 2020, ce qui représente 6,48% de l’ensemble des actes de mariage contractés [4].

La tutelle juridique des enfants pose également problème, car elle reste une prérogative de l’époux, ce qui est en contradiction avec la notion de « responsabilité partagée de la famille  ».

La troisième difficulté est inhérente à la polygamie, restreinte mais non abolie, en ce sens que le juge dispose d’une marge d’appréciation qui risque de maintenir le conservatisme dans l’application de la loi. En effet, « Cette marge de liberté constitue un risque important lorsque l’on connaît l’état d’esprit conservateur des juges marocains. » (Rhiwi, 2004 : 36).

Le quatrième handicap renvoie à la reconnaissance de la filiation illégitime qui ne donne pas automatiquement droit à la reconnaissance de la paternité ou à l’analyse d’ADN [5]…

Le dernier bémol se trouve dans la règle dite de la demi-part qui accorde au garçon d’hériter d’une part double à celle de sa sœur.

Le NCF constitue manifestement une avancée considérable en faveur des droits des femmes. Cependant, les timides dispositions entourant la reconnaissance de la filiation illégitime, la polygamie et la responsabilité conjointe des époux ou encore l’héritage demeurent autant de réponses équivoques aux revendications des associations féministes et des partis politiques progressistes. La loi est-elle donc soumise à la citoyenneté ou à d’autres considérations ? Permet-elle d’établir un État basé sur l’égalitarisme ? Le domaine du statut personnel est-il voué au communautarisme ou peut-il contribuer au renforcement de la citoyenneté ? Ce paradoxe constitutionnel se dégageant de la loi sur le NCF se révèle être un frein à l’émergence d’un État d’égalité et de parité. L’application des règles de la parité contribuerait-elle à transcender les inégalités qui persistent dans le code en question ?

Dans cet article, nous poursuivons trois objectifs. Tout d’abord, relever le paradoxe de la loi sur le statut personnel. Ensuite, démontrer le hiatus existant entre le NCF promulgué par le Parlement en février 2004, la Constitution de 2011 et les conventions internationales, en matière de principes inhérents au concept de citoyenneté. Enfin, tenter de dépasser ce paradoxe constitutionnel en mettant en perspective les principes de quotas et de parité à l’œuvre d’un CSP non discriminant à l’égard des citoyennes.

Contexte et enjeux

Au début des années 1990, le Maroc a déverrouillé son espace public pour permettre aux militants de s’organiser dans le cadre d’une société civile aspirant à l’influence. Et ce n’est qu’au début des années 2000 que ce principe d’engagement collectif s’est véritablement enraciné dans la société. Les actions du tissu associatif féministe ont favorisé « la montée en puissance du discours sur les droits de l’homme comme discours juridique universel minimal  » (Tobich, 2008 : 303). S’agissant de la profonde révision du CSP en 2004, elle intervient à point, « au moment où les ambiguïtés de la lutte contre le terrorisme, menée à la suite des attentats du 16 mai 2003, percent dans les cénacles internationaux » (Vairel, 2015 : 633). Frédéric Vairel estime que la réforme « protège l’image du royaume dans la durée  » (ibid. : 633) en s’inscrivant de fait dans la voie de la modernisation dès lors qu’elle favorise l’égalité entre les époux, par la suppression de « l’obéissance de l’épouse à son mari  » (ibid. : 634). La famille est conséquemment placée sous la responsabilité des deux époux et « Le recours à un tuteur (wâli) relève désormais du choix de la femme. » (idem). Jean-Philippe Bras parle pour sa part d’une audace réformatrice du côté marocain puisqu’« au terme du processus législatif, les avancées marocaines paraissent les plus significatives, tant sur la forme (le Parlement marocain a adopté un nouveau code, alors que le texte algérien a ’modifié et complété’ la loi du 9 juin 1984) que sur le fond  » (Bras, 2007 : 99).

D’après Marième N’Daye (2016 : 40), « Réformer le droit de la famille au nom d’un projet de société égalitaire présente un double enjeu. Il s’agit d’abord de bouleverser les rapports de genre existants et, ce faisant, de mettre en cause les interprétations de l’islam qui servent à les justifier. Autrement dit, l’État est amené à remettre en question non pas la religion elle-même, mais une certaine approche de celle-ci, telle qu’elle est définie par les dignitaires religieux.  ». Le CSP devient dès lors « une référence incontournable pour parler des avancées juridique et sociale dans le domaine de l’égalité entre les hommes et les femmes au Maroc  » (Benkirane, 2016 : 883). Ainsi, « la répudiation disparaît et la femme, dorénavant mieux protégée, peut entamer la procédure de divorce dans des conditions égales à celles de l’homme  » (Bras, 2007 : 101).

Frédéric Vairel (2015 : 634) précise toutefois que « la répudiation par le mari n’est pas abrogée mais seulement codifiée ». C’est donc le système patriarcal qui représenterait un obstacle pour la mise en œuvre du texte réformé. Bérénice Murgue (2011 : 25-26) rappelle par exemple que le texte a « établi l’âge du mariage à 18 ans pour les filles. Mais en 2007, les juges de famille ont accepté plus de 85% des demandes de mariage précoces  ». Or, « La normativité juridique de la charia, revendiquée ou effective, dogmatise religieusement l’ordre politique, sur fond d’une islamité non sécularisée. Une telle dogmatisation exerce sur les individus et les groupes une contrainte au conformisme. » (Mouaqit, 2012 : 141). L’égalité homme-femme est d’autant plus contestée en milieu rural communautaire comme le souligne l’anthropologue Hassan Rachik (2016 : 14), a fortiori quand ces femmes « se sont mobilisées pour revendiquer leurs droits aux terres collectives  » et contester leur exclusion du débat national sur les règles de l’héritage. À propos de l’héritage, « dans le cas précis où le père décède, laissant des filles et des garçons, ces derniers héritent d’une part double à celle des filles. Cette règle dite de la demi-part suscite des débats, notamment depuis la réforme du code de la famille » (Yafout, 2015 : 129).

Nous considérons, pour notre part, qu’il convient d’étudier l’impact des règles de la parité appliquées en 2017, via la loi n°79.14 sur les inégalités qui persistent dans le NCF. Nous formulons à ce stade l’hypothèse selon laquelle la congruence de la Constitution avec les principes de l’État d’égalité et de parité participe à l’émergence d’un CSP acceptable en matière de droits des femmes, dont la participation politique sera plus significative.

Approche conceptuelle et méthodologique

En tant que norme juridique, l’égalité « exprime généralement le droit à un traitement égal pour tous, sans distinction de race, de sexe, de naissance ou autre » (Loenen, 1994 : 45). Le principe d’égalité se doit néanmoins d’être « considéré comme étant plus large, en se référant à l’égalité des chances. Une égalité dans les faits doit donc compléter le concept de l’égalité en droit » (Kiss, 1986 : 147). Selon Amartya Sen, « l’égalité entre citoyens est aussi une égalité des ’capabilités’ (ce qui rend effectivement possible un agir autonome), ce qui inclut ’le droit de’, mais ne s’y limite pas  » (Bickel, 2007 : 14). C’est en effet la citoyenneté politique ou publique qui représente l’un « des attributs constitutifs du statut de citoyen » (Bickel, 2007 : 13).

Dans le CSP, le principe d’égalité représente ce que John Dewey appelle une « situation problématique » (Cefaï, 2016 : 27). À ce sujet, l’espace marocain a fait office d’«  espace de confrontation et d’opposition » (Lamizet, 2015 : 16), offrant aux détenteurs des deux projets de société (modernistes et conservateurs) la possibilité de communiquer sur leur vision de la famille et de la société. La conception selon laquelle la responsabilité du foyer revient à la gent masculine traverse l’esprit de nombreux hommes et femmes au Maroc. Partant, le NCF est conçu comme une « sphère et une activité viriles » (Derville, Pionchon, 2005 : 58). Une telle représentation patriarcale est, à l’image du pouvoir, « lié à l’exercice de la puissance virile » (idem). À l’instar de la sphère politique française, les femmes politiques au Maroc « sont d’abord défavorisées par le fait que les hommes sont très largement majoritaires dans les partis, notamment au niveau des postes dirigeants et dans les commissions d’investiture  » (idem). La représentation politique des marocaines, malgré ce machisme partisan défini par Mariette Sineau comme un lieu de « confiscation du pouvoir au profit des hommes » (Derville, Pionchon, 2005 : 57), enracine le principe de l’égalité dans le code de la famille. L’engagement politique au féminin permet en effet de consolider le rôle de la société civile, que Tristan Mattelart nomme un « espace parallèle de communication » (Miège, 2010 : 39).

À la lumière des Bulletins Officiels archivés sur le site électronique du Secrétariat Général du Gouvernement [6], nous avons étudié l’évolution de la législation marocaine en matière de statut personnel, ainsi que sa contribution à la modernisation de l’État et de la société, à la concrétisation d’une culture citoyenne, et à la consolidation de la structure de l’État-nation. Nous avons analysé le dahir n°1.57.343 du 22 novembre 1957, portant promulgation du premier CSP [7], ainsi que le dahir n°1.04.22 du trois février 2004, portant promulgation de la loi n°70.03 portant Code de la Famille [8]. Au vu de cette profonde révision du CSP, nous avons essayé de relever la présence et/ou l’absence des principes d’égalité des sexes et de citoyenneté dans le NCF, tout en nous référant mutatis mutandis à la Constitution de 1962, révisée en 1970, 1972, 1992, 1996, et à celle de 2011. Nous avons donc procédé à l’analyse de la Constitution de 1962 [9], ainsi qu’à l’analyse du dahir n°1.11.91 du 29 juillet 2011 portant promulgation de la nouvelle Constitution [10].

Le NCF ainsi que la Constitution et la loi sur la parité promulguée en 2017 ont été mis à l’épreuve des exigences internationales en matière d’égalité citoyenne et de droits des femmes, en l’occurrence la Convention sur l’Élimination de toutes Formes de Discrimination à l’égard des Femmes. Cette étude, qui se veut pluridisciplinaire, s’appuie en premier lieu sur une analyse de l’évolution des textes juridiques relatifs au code de la famille. En filigrane de cette approche politique, nous adoptons une approche de la réception, qui observe le décodage opéré par les acteurs politiques et les membres de la société civile de la terminologie juridique du NCF. Cette approche communicationnelle pense la complexité de la logosphère juridique à l’œuvre d’une sécularisation par les mots au sein de l’espace public marocain. Quant à l’approche religieuse, elle s’impose au vu des répercussions de l’islam, en tant que religion d’État, sur l’applicabilité de la loi. Vient enfin l’approche sociologique qui se rapporte à l’impact de la réforme juridique du code de la famille dans la résolution des problèmes liés au mariage, au divorce, à l’héritage ainsi qu’à la reconnaissance de la filiation illégitime. On constate par exemple qu’il existe un habitus persistant, intrinsèque aux traditions de la société marocaine, et se revendiquant du référentiel religieux. Cet habitus n’est pas aisément changeable par un texte du fait des limites du droit pour changer les schémas des comportements. L’ijtihad de la Cour de cassation, mentionné plus haut, au sujet de la reconnaissance de la filiation illégitime via l’analyse ADN, en est une bonne illustration.

 Le paradoxe de la loi sur le statut personnel

    • Lorsque le Maroc a obtenu son indépendance, il a été appelé à prendre des mesures pour établir un État-nation souverain. Il a donc pris l’initiative de promulguer un ensemble de lois, afin de développer des capacités institutionnelles efficientes dans la reconstruction des différentes structures de l’État et de la société. L’une des plus importantes de ces lois est le CSP [11] qui a vu le jour en 1957.
    • Avant cela, le Maroc ne disposait pas de loi, au sens moderne [12], sur le statut personnel, et il importe de différencier le Maroc d’avant le Protectorat de la République française, signé en 1912, du Maroc indépendant, à partir de mars 1956. Lors de la période précoloniale, le droit musulman prédominait et le pouvoir judiciaire religieux tranchait les litiges civils et commerciaux en se référant au rite malékite [13]. Cette école classique du droit musulman sunnite couvre précisément les champs du mariage, du divorce, de l’héritage, etc.
  • Dès les prémices du Protectorat français, la philosophie législative au Maroc a changé suite à la promulgation de nombreux textes juridiques modernes comme le droit des contrats [14] et des obligations, et le droit notarial. La sphère du statut personnel est toutefois restée soumise au droit musulman et à la doctrine de l’imam Malik ibn Anas jusqu’à l’indépendance du pays. Le CSP a été promulgué par un dahir [15] chérifien [16] et non par une loi, vu l’absence alors, d’un Parlement élu assumant les tâches législatives [17]. Il s’agissait en effet d’un domaine réservé au Monarque, que la promulgation [18] de la Constitution de 1962 est venue confirmer, donnant au Souverain des pouvoirs exclusifs dans le domaine religieux. L’article 19 de la Constitution de 1962 attribuant au Roi le titre de Commandeur des croyants traverse toutes les Constitutions suivantes [19]. Il annonce que : « Le Roi, Amir Al Mouminine (Commandeur des croyants), symbole de l’unité de la nation, garant de la pérennité et de la continuité de l’État, veille au respect de l’Islam et de la Constitution. Il est le protecteur des droits et libertés des citoyens, groupes sociaux et collectivités. Il garantit l’indépendance de la nation et l’intégrité territoriale du royaume dans ses frontières authentiques. ».
    • Le caractère religieux de la volonté royale au sujet du statut personnel se confirme lors de la promulgation d’un dahir chérifien visant la création d’une commission chargée d’élaborer un code de droit musulman [20]. Voici in extenso ce que stipule ce dahir dans son préambule et dans son article 1er : « Considérant que le royaume du Maroc traverse une période caractérisée par des réformes profondes dans tous les domaines et notamment dans le domaine législatif. Considérant que le droit musulman constitue une matière éminemment délicate susceptible de nombreuses interprétations. Considérant dès lors la nécessité absolue de rassembler les règles de ce droit dans un Code, en vue aussi bien d’en faciliter l’enseignement que l’application. Considérant, enfin, l’intérêt que comporte une telle réforme pour les plaideurs et la garantie qu’elle constitue pour une bonne administration de la justice. A décidé ce qui suit : Article 1 : Il est créé sous Notre haut patronage une commission chargée d’élaborer un Code de droit musulman qui sera rendu applicable par dahir de Notre Majesté. » Le CSP a été promulgué au terme de cinq dahirs chérifiens [21], le premier en novembre 1957 et le dernier au mois d’avril 1958, en vertu du dahir du 19 août 1957 au terme duquel une commission a été formée et dirigée par Allal El Fassi. Un mémoire explicatif a été également soumis par le ministère de la Justice à l’époque d’Abdelkrim Benjelloun-Touimi (1955-1958). La commission a siégé les 6, 13 et 14 novembre 1957 en vue d’approuver les textes des Livres sur le mariage et le divorce.
  • Dès le début, le CSP comporta un règlement doctrinal en faveur du rite malékite en particulier, comme le stipulaient les articles 82, 172, 216 et 297 du texte : « Tous les cas qui ne pourront être résolus en application du présent code, seront réglés en se référant à l’opinion dominante ou à la jurisprudence constante dans le rite malékite » [22]. L’article 400 du NCF de 2004 précisa encore : « Pour tout ce qui n’a pas été prévu par le présent code, il conviendra de se référer au rite malékite et à l’effort jurisprudentiel qui tient compte de la concrétisation des valeurs de l’islam en matière de justice, d’égalité et des bons rapports de la vie commune. [23]
  • Outre cette dimension doctrinale, il convient de souligner dans la décision de cette commission, et dans son exposé des motifs, la mise à l’écart du projet du ministère de la Justice, qui proposait de s’inspirer des suggestions de sociologues et de psychologues [24], ainsi que des statistiques [25] de terrain, en vue, précisément, de renforcer ses conclusions sur la nécessité de parvenir à la justice et à l’équité [26].
  • Dans ce Maroc fraîchement indépendant, sans Parlement représentatif du pouvoir pour assurer la fonction législative, ni Constitution et encore moins de Cour constitutionnelle pour la contrôler, la parution du CSP en 1957 s’est opérée par le biais d’un législateur d’exception, en l’occurrence le roi Hassan II et ce, via un dahir. L’aspect religieux du texte législatif a ainsi doté le CSP d’une autre particularité, dès lors que le Roi lui-même est devenu responsable du domaine religieux alors qu’il s’agit d’un cadre législatif [27].

 Révision du CSP : un fossé social permanent

L’ancien code de la famille était, on l’a vu, contraignant pour la femme qui devait avoir un tuteur pour que son mariage soit légal, et qui rencontrait en sus des difficultés lors de l’obtention du divorce. Ces contraintes ont fait l’objet de suggestions de réformes de la part de l’Union de l’Action Féministe (UAF) en 1993. Au cours des années 1961, 1965, 1974, des commissions ministérielles et juridiques ont échoué à réformer le CSP. Le cinq mai 1981, une commission royale chargée de rédiger un nouveau code a connu le même résultat. Notons encore l’absence du Parlement dans le processus, confirmant l’idée du domaine réservé au Roi en Sa qualité de Commandeur des croyants. En 1993, le CSP a été réformé suite aux pressions de la société civile tout en observant le référentiel du droit musulman.

Cette révision est à relier à un contexte mondial caractérisé par des pressions sur de nombreux pays pour le respect des droits de l’homme, mais aussi à un contexte politique national affichant une volonté d’ouverture face à la force de l’opposition qui, curieusement [28], n’avait pas pour priorité la réforme ni la révision du CSP. Le principal défenseur du dossier fut en effet l’UAF [29], qui lança une initiative à l’occasion de la Journée des droits des femmes en 1991, annonçant le début d’une campagne en faveur d’un changement du code, du fait de sa violation de la Constitution et des conventions internationales ratifiées par le Maroc, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Un an plus tard à Rabat, l’Union organisait une conférence de presse dans le but de recueillir des revendications ; celles-ci tournaient essentiellement autour du droit des femmes au divorce, à l’égalité dans l’héritage et à la suppression de la tutelle au moment du mariage. Ces trois volets ont déclenché un débat public houleux car contraires, selon le camp religieux, aux textes du droit musulman.

En réponse à ces actions, le roi Hassan II prononça un discours le 20 août 1992, selon lequel le CSP devenait une spécialisation du roi. Une commission royale fut donc nommée le 24 octobre 1992 pour réviser le CSP sous la direction d’Abdelhadi Boutaleb, aboutissant à la promulgation du CSP le 10 septembre 1993. Ce code n’a pas pleinement satisfait le mouvement féministe, mais celui-ci l’a considéré comme un pas en avant, jusqu’à la nomination du socialiste Abderrahmane El Youssoufi en tant que Premier ministre du premier Gouvernement d’alternance (1998-2003), dont le mandat ouvrira une période de forte dichotomie sociale sur le plan de l’identité et des valeurs, entre un particularisme coagulant la tradition et un universalisme se targuant de modernité. Le plan d’intégration des femmes au développement, présenté par le ministre progressiste Saïd El Saadi [30], a par exemple fait l’objet d’une opposition de la part d’Abdelkebir El Alaoui M’Daghri, ministre des Fondations pieuses et des Affaires islamiques, ainsi que de l’ensemble des différents courants religieux.

En février 1998, un atelier a été organisé par le Secrétariat d’État chargé de la Coopération nationale avec le soutien de la Banque mondiale BIRD, et avec la participation de certains secteurs ministériels liés à la question des femmes, et de certaines associations de défense des droits des femmes. L’objectif consistait à identifier les domaines prioritaires concernant le statut de la femme, afin d’élaborer un plan procédural d’action. Quant au Secrétariat d’État chargé de la Protection sociale, de la Famille et de l’Enfance, il a supervisé avec la Banque mondiale et quelques organisations féministes, la rédaction du plan d’action publié en 1999 sous le titre : -Projet de Plan national d’intégration des femmes au développement-. Ce projet comporte plus de 200 pages et se divise en trois parties :

  • La première aborde les raisons de la préparation du plan, de ses objectifs et de sa méthodologie, et dresse une critique des politiques antérieures dans le domaine de l’inclusion des femmes.
  • La deuxième identifie les quatre domaines prioritaires dans lesquels la carence doit être corrigée, à savoir l’axe de l’analphabétisme et de la scolarisation ; de la santé reproductive ; de l’inclusion des femmes dans le développement économique ; et de leur autonomisation dans les domaines juridique, politique et institutionnel.
  • La troisième partie présente enfin le plan de travail procédural sous la forme d’un tableau détaillé (certaines de ces procédures sont la demande urgente 9919/2000, d’autres sont appliquées à moyen terme 9919/2003).

Cet élan, sous lequel le roi Mohamed VI est arrivé au pouvoir, a produit un mouvement identitaire qui a conduit à une profonde révision du CSP, pour devenir en 2004 le code de la famille. L’arbitrage royal est survenu cette fois pour réduire les répercussions de la fracture sociale [31]. Le 27 avril 2001, le Souverain a annoncé la formation d’une commission royale consultative chargée de réviser le code sous la présidence de Driss Dahak [32], qui n’est pas parvenu à un consensus, ce qui a amené le Roi à le remplacer par M’hammed Boucetta [33]. Les travaux de la commission consultative ont abouti à la résolution du différend immédiatement après le discours royal [34] devant le Parlement, à l’occasion de l’ouverture de la première session de la deuxième année du septième mandat législatif du Parlement, le 10 octobre 2003, au sujet des révisions fondamentales du CSP.

Cette nouvelle version est adoptée conformément à une règle selon laquelle le Roi, « ne peu[t], en [S]a qualité d’Amir Al Mouminine, autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé  », comme affirmé en 2003 dans le discours royal de présentation du NCF devant le Parlement.

 Le NCF : un renvoi partiel au parlement et une présence continue du domaine réservé au roi

Le nouveau texte du code de la famille [35] s’est vu renvoyer au Parlement, sur demande royale. Force est de constater, dans le discours du Roi, l’aspect volontariste de son action, non soumise à l’obligation constitutionnelle, même si le renvoi n’est que partiel et ne concerne que les obligations civiles : « et si le Code de 1957 fut rédigé avant la création du Parlement et révisé en 1993 au cours d’une période constitutionnelle de transition, via des dahirs chérifiens, alors notre bonne considération estime que le projet du Code de la famille devrait être présenté au Parlement pour la première fois en raison des obligations civiles qu’il contient, sachant que ses exigences légales relèvent de la prérogative du Commandeur des croyants […] et en notre qualité de Commandeur des croyants, nous examinerons votre travail à cet égard sur la base de la parole du Tout-Puissant : ’Consulte-les sur la question’ et de la parole du Tout-Puissant : ’Si tu te décides, remets ta confiance en Dieu’  » (traduit par les auteurs).

La modernisation ne s’attarde ainsi pas sur la question des prérogatives du Roi, dont le législateur reste, en somme, tributaire du bon vouloir. Il s’agit là d’une souveraineté incomplète du Parlement, pourtant principal représentant du peuple.

 Un code basé sur une discrimination fondée sur la religion

Le CSP repose encore, après 60 ans d’existence, sur une discrimination entre les Marocains sur la base de leur religion. C’est en effet ce que stipule l’article 2 du texte promulgué en 2004, en faisant la distinction entre le statut personnel des Juifs et celui des Musulmans. À l’instar d’autres pays arabo-musulmans, le code de la famille est de facto destiné aux Musulmans alors que les Marocains de confession juive sont soumis à leur propre loi sur le statut personnel, ainsi qu’à leurs propres tribunaux régissant ce type de questions.

Article 2 : Les dispositions du présent code s’appliquent : « à tous les Marocains, même ceux portant une autre nationalité. Aux réfugiés, y compris les apatrides conformément à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. À toute relation entre deux personnes lorsque l’une d’elles est marocaine. À toute relation entre deux personnes de nationalité marocaine lorsque l’une d’elles est musulmane. Les Marocains de confession juive sont soumis aux règles du statut personnel hébraïque marocain.  ». 

Notons qu’il s’agit ici d’une directive royale dans le discours évoqué plus-haut : « Soucieux de préserver les droits de Nos fidèles sujets de confession juive, Nous avons tenu à ce que soit réaffirmé, dans le nouveau Code de la Famille, l’application à leur égard des dispositions du statut personnel hébraïque marocain. ».

Nous observons par ailleurs l’absence d’un CSP propre aux Marocains de confession chrétienne. Au Maroc, il existe ainsi un CSP pour les Musulmans et un autre pour les Juifs, mais les citoyens embrassant le christianisme, les religions hors de celles des quatre livres saints ou même l’athéisme, ne se voient pas reconnus. Cette absence de reconnaissance se ressent lors des funérailles car il n’existe pas de cimetières abritant les tombes des Marocains athées, de confession chrétienne ou de religion non-abrahamique.

À ce même titre, le mariage fait l’objet de dispositions particulières dans l’article 39 du code : « Sont prohibés, au titre des empêchements temporaires : […] le mariage d’une musulmane avec un non-musulman et le mariage d’un musulman avec une non-musulmane, sauf si elle appartient aux Gens du Livre [36]  ». Cet article est en tous points identique au chapitre 29 du CSP de 1957.

Ces aspects discriminants interrogent la logique des accords internationaux signés par l’État marocain sur la question des femmes et du statut personnel, notamment la CEDAW, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 1979, ratifiée le trois septembre 1981 et signée par plus de 189 pays, dont le Maroc, malgré une publication tardive, en 2001, au Bulletin Officiel [37] et la levée, ultérieure (en 2011), des ’réserves’ dues à l’incompatibilité de la convention avec le droit musulman et les dispositions du CSP  [38]. Les dispositions du droit musulman ont-elles alors été abrogées ? S’agit-il d’un changement dans l’interprétation des jurisconsultes ? Ces réserves n’étaient-elles pas d’ordre politique [39] plutôt que religieux ?

Ces restrictions n’ont en effet été abandonnées qu’avec le début du Printemps arabe dans sa version marocaine, déclenché par le Mouvement du 20 février (M20F ci-après), et alors que la Constitution de 2011 avait déjà été ratifiée. Cela démontre que la pression du contexte politique a joué un rôle majeur dans cette décision.

 Un code à l’épreuve de l’égalité : confusion des référentiels

Le Maroc a connu sa première Constitution en 1962, et de nombreuses révisions ont été apportées par la suite (1970, 1972, 1992, 1996) jusqu’à la dernière version actuellement en vigueur [40], celle de 2011. Le principe d’égalité y est présent depuis la première ; voici in extenso ce que stipule l’article 19 : « L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume. ».

Ce principe d’égalité se heurte cependant aux règles de succession au trône fixées par l’article 43 de la Constitution : « La Couronne du Maroc et ses droits constitutionnels sont héréditaires et se transmettent de père en fils aux descendants mâles en ligne directe et par ordre de primogéniture de Sa Majesté le Roi Mohamed VI, à moins que le Roi ne désigne, de Son vivant, un successeur parmi Ses fils, autre que Son fils aîné. Lorsqu’il n’y a pas de descendants mâles en ligne directe, la succession au Trône est dévolue à la ligne collatérale mâle la plus proche et dans les mêmes conditions. ».

Limiter la succession au trône au fils soulève la question de l’égalité des sexes et interroge la raison d’une telle discrimination. En se référant à la loi islamique, on trouve un ḥadith [41] dans lequel le Prophète de l’islam dit : « Jamais ne réussira un peuple qui confie la gestion de ses affaires à une femme ». C’est peut-être la raison de ce plafond de verre pour les femmes de la famille royale, bien qu’il existe un ijtihad de jurisconsultes tels Selim El Aoua et Tariq El Bishri, qui admettent l’accès des femmes aux plus hautes sphères du pouvoir. Il convient donc de rappeler l’expression d’Amartya Sen, selon laquelle l’égalité entre citoyens est également une égalité des capabilités [42] ; et que la citoyenneté publique qui représente l’un des attributs constitutifs du statut de citoyen (Bickel, 2007) ne s’exprime que par le droit à un traitement égal pour tous, sans distinction de sexe [43] (Loenen, 1994).

Il est à constater que l’article 43 n’a pas changé depuis la première Constitution de 1962. Cela démontre que la Constitution n’a pas eu un impact significatif sur la modernisation du code de la famille et n’a pas conduit à une séparation entre le droit positif et le droit musulman, malgré l’effort jurisprudentiel qui existe dans ce sens. Or le concept d’égalité en droit doit être complété par une égalité dans les faits, comme le précise Charles Alexandre Kiss. Cette conception s’appuie sur le fait qu’il existe bien une différence entre la loi ou le principe constitutionnel garantissant l’égalité des sexes et la question de son application dans la sphère sociale. Il convient effectivement de reconnaître que l’applicabilité d’un tel principe est inhérente au degré de culture égalitaire au sein de la société [44]. Le problème est donc en partie social avant d’être une décision réglementaire, et la mutation sociale nécessite une période de transition afin d’éviter le choc qui conduirait au refus et à la rébellion. L’expérience marocaine démontre que le pouvoir sait adopter une logique de goutte à goutte à ce sujet. C’est ainsi qu’il se défausse et s’engouffre dans la facilité et la confusion des référentiels, avec des clauses comme celle de l’article 400 du code de la famille qui stipule que : « Pour tout ce qui n’a pas été prévu par le présent Code, il conviendra de se référer au rite Malékite et à l’effort jurisprudentiel (ijtihad) qui tient compte de la concrétisation des valeurs de l’Islam en matière de justice, d’égalité et des bons rapports de la vie commune » [45].

Dans le même ordre d’idée, nous constatons par exemple que l’Autorité pour la parité [46] qui n’a pas encore vu le jour alors qu’une loi [47] existe dans ce sens depuis 2018, et la faible participation des femmes dans les sphères décisionnelles, dans le cadre de quotas, pourrait expliquer cette absence de visibilité des revendications féminines. Or, la représentation des femmes au sein des sphères décisionnelles au Maroc est intrinsèque à la politique des quotas. Janine A. Clark et Amy Young remarquent à ce sujet que « grâce à un système de quotas provisoire pendant les élections législatives de 2002, plus de 10% des sièges parlementaires étaient tenus par des femmes. Elles ont porté l’idéologie de la réforme du code de la famille jusqu’aux plus hauts niveaux de gouvernance, pendant que des associations de plus en plus proches du peuple l’enseignaient au public et l’infusaient dans d’autres programmes, tels que les cours d’alphabétisation  » (2008 : 343 – traduit par les auteurs). Ce système de pourcentage-cible reflète bien la complexité du problème, qui ne concerne pas uniquement le pouvoir politique, mais nécessite en fait l’implication de toutes les composantes de la société (pouvoir politique, partis politiques, électeurs, société civile et médias).

 Conclusion

Force est de constater que la législation marocaine dans le domaine du statut personnel n’a pas encore atteint le niveau de l’effort jurisprudentiel à l’œuvre dans un État qui se veut civil, que ce soit à travers la terminologie législative, l’intrusion monarchique dans les questions législatives, ou encore le fondement de la citoyenneté sur lequel s’appuie ce pouvoir législatif. À première vue, nous pourrions penser que la question est liée à des spécificités religieuses, historiques ou culturelles. Or il semble clair que la raison est politique, vu le traitement accordé par l’État à la convention CEDAW.

Le volontarisme politique de l’État est en effet un facteur décisif pour accélérer le rythme des avancées en matière des droits des femmes. L’état de désaccord et l’attachement aux justifications visant le refus de certaines conventions internationales sous prétexte de la religion d’État s’avèrent plus politique que religieux. Les réserves du Maroc sur la CEDAW étaient d’ordre religieux, notamment dans le refus d’une égalité complète entre les hommes et les femmes. Le Maroc ne lève ses réserves qu’en 2011 suite à une directive royale. Le droit musulman a-t-il changé entre-temps ? Non. Le changement s’est opéré au niveau de la logique du pouvoir qui invoquait la religion d’État pour légitimer son désengagement politique. Ce comportement politique est adopté par la plupart des États arabes qui mettent en avant leur singularité religieuse lors du traitement des conventions internationales.

Par ailleurs, les principes d’égalité et de parité contribuent incontestablement à créer des ramifications en faveur de la cause féminine. L’amélioration de la condition féminine n’est pas l’apanage des femmes ni l’immobilisme en la matière l’apanage des religieux. Un segment féminin pétri de conservatisme moral ou encore détaché des problèmes populaires, tout comme un segment masculin imprégné de machisme areligieux constituent un même frein à l’émancipation culturelle des femmes. Marques-Pereira (1999 : 106) illustre bien cet antagonisme féminin lorsqu’elle affirme que : « Toutes les femmes ne partagent pas les mêmes expériences ni les mêmes intérêts ; un plus grand nombre de femmes parlementaires n’a pas nécessairement d’effet sur la vie de l’ensemble des femmes, puisqu’elles ne les représentent pas en tant que telles, d’une part, et parce qu’il n’existe aucune garantie que les enjeux concernant leur vie soient mieux pris en considération dans le programme politique.  »

La participation politique des femmes n’est alors guère un facteur décisif pour l’enracinement des valeurs d’égalité et de parité. En revanche, le fait d’opérationnaliser la constitutionnalité de l’État d’égalité et de parité, via le lancement effectif de l’Autorité pour la parité, entre autres choses, participera indubitablement à l’émergence d’un CSP plus conforme aux attentes locales aussi bien qu’internationales en matière de droits des femmes. Il faut dire aussi que les barrières à l’émergence d’un CSP égalitaire sont d’ordre juridico-politique. C’est en dépassant le paradoxe constitutionnel qui handicape la loi sur le NCF que le CSP peut être en congruence avec les valeurs de l’État égalitaire et paritaire. Quant à la participation politique des femmes, les barrières sont d’ordre politico-institutionnel.

Notre hypothèse est donc partiellement validée si l’on comprend que la règle paritaire est inhérente à la logique de la représentation par groupe. Cela dit, d’après Françoise Gaspard, « l’enjeu de la parité n’est pas d’affirmer que les femmes représenteraient les femmes, et les hommes, les hommes ; paritairement, ils représenteraient tout le peuple » (Marques-Pereira, 1999 : 107). L’hypothèse n’est alors validée qu’à la condition de mettre l’accent, tel que le précise Eliane Vogel-Polsky, sur « l’égale valeur en dignité et en droits des deux composantes de l’humain [pour inscrire] dans le droit la reconnaissance du genre, c’est-à-dire l’existence de rapports sociaux de sexe dont il faut tenir compte pour construire une égalité de statut des personnes humaines sexuées » (Marques-Pereira, 1999 : 107).

La lutte pour les droits des femmes, que ce soit dans la sphère politique et/ou dans le cadre de la société civile en tant qu’espace parallèle de communication, doit bien entendu pouvoir se fonder sur la dualité du genre humain. Ne pas oublier cette évidence pourrait atténuer la double contrainte que subit le pays en termes de pressions.

Les prémices d’un nouveau projet de révision du code de la famille, évoqué par le Roi lors du discours du Trône du 30 juillet 2022, à la suite de propositions d’institutions comme le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) et le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE), démontrent tout le rôle de ces espaces de communication dans le perfectionnement des textes de lois et l’édification d’une société plus égalitaire.

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Notes

[1] Eu égard au préambule de la Constitution du 29 juillet 2011, la priorité est donnée à l’Islam. Voici ce que stipule ledit préambule : « État musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible […] La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l’attachement du peuple marocain aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde […] Se fondant sur ces valeurs et ces principes immuables, et fort de sa ferme volonté de raffermir les liens de fraternité, de coopération, de solidarité et de partenariat constructif avec les autres États, et d’œuvrer pour le progrès commun, le Royaume du Maroc, État uni, totalement souverain, appartenant au Grand Maghreb, réaffirme ce qui suit et s’y engage : […] - accorder aux Conventions internationales dûment ratifiées par lui, dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le respect de son identité nationale immuable, et dès la publication de ces Conventions, la primauté sur le droit interne du pays, et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation nationale. ».

[2] Convention on the Elimination of all Forms of Discrimination Against Women. Adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1979. Cette convention est décrite comme le document international des droits des femmes, ratifié le trois septembre 1981 et est ainsi signé par plus de 189 pays. Le Maroc figure parmi les signataires, nonobstant certaines réserves dues à l’incompatibilité de la Convention avec le droit musulman et les dispositions du CSP. Réserves levées en 2011.

[3] Effort interprétatif des savants religieux pour atteindre les justes avis juridiques.

[4] https://www.skynewsarabia.com/middl… (consulté le 26 janvier 2022).

[5] Notons ici la réception du test ADN par l’effort jurisprudentiel à travers le cas du Tribunal de première instance de Tanger. En 2016, le pôle Droit de la Famille a annoncé en effet un jugement inédit prouvant la filiation d’une fille née en dehors des liens du mariage. Le père biologique a été condamné à verser une compensation s’élevant à 100.000 dirhams, eu égard aux conventions internationales ratifiées par le Maroc, ainsi qu’au résultat du test ADN confirmant les liens de la filiation naturelle. La Cour d’appel a pourtant annulé ledit jugement en se référant aux recueils prophétiques et aux interprétations de la jurisprudence (fiqh) islamique. La mère de la fille a contesté la décision en faisant un pourvoi en cassation, mais ce dernier recours a aussi été rejeté sous prétexte que (’l’enfant illégitime’) ne peut aucunement être affilié au père biologique, car (’l’enfant né de la fornication n’a aucun droit de filiation du côté du père’), et que (’la demande de reconnaître la paternité suite à la filiation naturelle et illégitime n’est fondée ni par la loi de Dieu ni par le droit positif’), (Lakhdar, 2017). Par ailleurs, la règle de droit et celle de la jurisprudence islamique attestent que l’enfant naturel est affilié à sa mère à la suite de l’accouchement quel que soit les circonstances de la conception (mariage ou fornication). De ce fait, la paternité biologique est tout simplement ignorée. La décision de la Cour de cassation s’est appuyée sur l’article 32 de la Constitution, stipulant que « La famille, fondée sur le lien légal du mariage, est la cellule de base de la société  ».

[6] http://www.sgg.gov.ma/Legislation/B…

[7] Bulletin officiel n°2354 du six décembre 1957

[8] Bulletin Officiel n°5358 du six octobre 2005

[9] Bulletin Officiel n°2616 Bis

[10] Bulletin Officiel n°5964 Bis

[11] Bulletin Officiel n°2354 du six décembre 1957.

[12] Le sens moderne de la loi renvoie au droit positif. On appelle « droit positif  » les règles juridiques en vigueur dans un État, quel que soit leur caractère : constitutions, lois, décrets, ordonnances, coutumes, jurisprudence.

[13] Le malékisme est l’une des quatre écoles du droit musulman sunnite. Cette école majoritaire au Maghreb est fondée sur l’enseignement du théologien médinois Malik ibn Anas (711-795).

[14] Dahir du neuf ramadan 1331 formant code des obligations et des contrats : Bulletin officiel du 12 septembre 1913.

[15] Le dahir est un outil technique et exclusif pour le Roi en vue d’intervenir dans le domaine qui lui est réservé, qu’il s’agisse d’un domaine législatif ou réglementaire. Il n’est soumis ni antérieurement ni postérieurement au contrôle de la Cour constitutionnelle et ne peut être contesté pour inconstitutionnalité. Le code n’est pas soumis au contrôle du Gouvernement et/ou du Parlement, et même de la juridiction administrative (Iharchane, 2020 : 74).

[16] Dahir n°1.57.343 du 22 novembre 1957/28 Rabi’ al-thânî (Rabi’ II) 1377, portant application des Livres I et II du CSP et de l’héritage.

[17] Le Maroc n’a promulgué sa Constitution qu’en 1962, six ans après l’indépendance, et les premières élections parlementaires/législatives n’ont eu lieu que le 17 mai 1963. Partant, le pouvoir législatif a été assumé par le Roi via des dahirs.

[18] Bulletin Officiel n°2616 Bis du 19 décembre 1962, p. 1773.

[19] Le Maroc a donc connu sa première Constitution en 1962, et de nombreuses révisions ont été apportées par la suite (1970, 1972, 1992, 1996) jusqu’à la dernière version actuellement en vigueur, celle de 2011.

[20] Dahir n°1.57.190 du 19 août 1957 relatif à la création au ministère de la Justice d’une commission chargée d’élaborer un code de droit musulman (Bulletin officiel n°2341 du 6 septembre 1957, p. 1980).

[21] C’est pourquoi on l’appelle un code car c’est un ensemble de textes juridiques qui organisent le même champ. Ces dahirs sont les suivants : Dahir n°1.57.343 du 22 novembre 1957, portant application des Livres I et II du CSP et des successions, projet de code du mariage et de sa dissolution (Bulletin Officiel n°2354 du 6 décembre 1957) ; Dahir n°1.57.379 du 18 décembre 1957, portant application du Livre III sur la filiation et ses effets (Bulletin Officiel n°2358 du 3 janvier 1958) ; D ahir n°1.58.019 du 25 janvier 1958, portant application du Livre IV sur la capacité et la représentation légale ( Bulletin Officiel n°2363 du 7 février 1958) ; Dahir n°1.58.073 du 20 février 1958, portant application du Livre V sur le testament ( Bulletin Officiel n°2367 du 7 mars 1958) ; D ahir n°1.58.112 du 3 avril 1958, portant application du Livre VI sur l’héritage ( Bulletin Officiel n° 2371 du 4 avril 1958).

[22] Voir article 82 du Dahir n°1.57.343 du 22 novembre 1957 (Bulletin Officiel n°2354 du 6 décembre 1957 p 2638) 

Voir aussi article 172 du Dahir n°1.58.019 du 25 janvier 1958 (Bulletin Officiel n°2363 du 7 février 1958 p 2363)

Voir aussi article 216 du Dahir n°1.58.073 du 20 février 1958 (Bulletin Officiel n°2367 du 7 mars 1958 p 573) 

Voir aussi article 297 du Dahir n°1.58.112 du 3 avril 1958 (Bulletin Officiel n° 2371 du 4 avril 1958 p 814).

[23] Loi N° 70.03 portant code de la famille.

[24] La commission n’a pas usé d’une approche participative qui évoquerait les dimensions psychosociologique et comportementale de la loi relative au NCF. Seules les dimensions religieuse et juridique ont été mises en avant.

[25] Le NCF ne se nourrit pas non plus d’études statistiques qui permettent à la législation de se baser sur des faits. La loi se veut portant la codification d’un phénomène s’appuyant sur une observation exhaustive et objective basée sur des données issues de la statistique.

[26] La loi est à la fois justice, équité et égalité de traitement. C’est pourquoi le segment féministe, qui trouve le CSP injuste à l’égard des femmes, a toujours été plus enclin à appeler à la réforme.

[27] L’État civil s’oppose par définition à l’État théocratique. Il se base en effet sur des mécanismes démocratiques et ne peut donc être ni religieux ni militaire. C’est la garantie contre la «  défaisance de l’État  » (Bras, 2016 : 65). Le terme « État civil  » est apparu au 19e siècle à l’époque du réformisme musulman initié par l’Égyptien, « Muhammad Abduh (1849-1905), dont les œuvres devaient avoir un impact majeur et durable dans tout l’univers musulman. » (cf. Hourani, 1993 : 408). L’État civil apparaît surtout comme notion en crise dans l’espace politique arabe au vu de la prééminence de l’islam dans la plupart des constitutions des États arabes. À titre d’exemple, l’article 3 de la Constitution marocaine stipule que « L’islam est la religion de l’État qui garantit à tous le libre exercice des cultes ». La notion d’État « civil  » est, du reste, mobilisée simultanément par deux camps antagonistes. Pour le camp conservateur, l’État civil est celui qui s’oppose à l’État militaire violent et autoritaire. Le camp séculier, pour sa part, voit dans l’État civil une forme d’antidote à l’État théocratique (cf. Bras, 2016). Ce courant moderniste récuse le principe de religion d’État mentionnée dans les constitutions du monde arabe.

[28] Force est de constater que le désir de réformer le CSP n’était pas une priorité pour les partis politiques comme c’était le cas pour le mouvement féministe. Cette absence de volontarisme est fondée sur de petits calculs électoralistes. Adopter en effet certaines revendications féministes tournant autour du divorce, du mariage, de l’héritage et de la pension alimentaire (nāfāka), était considéré par quelques partis comme une provocation à l’égard d’une partie de la société encore fortement imprégnée de principes religieux et/ou conservateurs. A contrario, de nombreuses associations féministes sont en effet liées idéologiquement au segment progressiste du paysage partisan, et la plupart des figures féministes sont des leaders politiques. Une telle confluence s’est opérée de la même manière lors de la réforme constitutionnelle de 2011. À l’image du traitement réservé au CSP, les partis modernistes n’ont pas été une force de proposition face au projet ambitionnant la constitutionnalisation de la liberté de culte, l’abolition de la peine de mort et l’égalité homme-femme y compris le sujet de l’héritage. Nous remarquons au demeurant que l’initiative provenait du roi Mohamed VI, ainsi que l’atteste son intervention pour lever les réserves émises par le Maroc sur la convention CEDAW en 2011.

[29] Organisation féministe affiliée au Parti de gauche OADP (Organisation de l’Action Démocratique Populaire), fondé en 1983 par Bensaïd Aït Idder. En 2002, la GSU (Gauche Socialiste Unifiée) est née suite à la fusion de l’OADP avec trois rassemblements d’anciens marxistes léninistes, en l’occurrence la Mouvance des Démocrates Indépendants, le Mouvement pour la Démocratie et les Potentialités de Gauche. En 2005, le PSU (Parti Socialiste Unifié) est né suite à la fusion de la GSU avec l’association Fidélité à la Démocratie.

[30] Membre du bureau politique du parti Progrès et Socialisme, Secrétaire d’État chargé de la Protection sociale, de la Famille et de l’Enfance dans le gouvernement El Youssoufi (1998-2003).

[31] Le Maroc a connu une polarisation identitaire suite à l’annonce du Plan d’action pour l’intégration de la femme au développement. Par voie de conséquence, deux manifestations ont été organisées lors de la Journée mondiale de la femme en mars 2000, celle des réformateurs à Rabat et celle des traditionnalistes à Casablanca. La réforme du CSP était contestée par le camp religieux accusant le camp moderniste d’incitation à la débauche, d’atteinte à la stabilité de la famille et de remise en cause des fondements de l’islam.

[32] Avant sa nomination au poste de Secrétaire général du gouvernement (2008-2017), il a été ambassadeur du Maroc en Syrie (1989-1994) et Premier président de la Cour suprême du Maroc (1996-2008).

[33] Il est très important de prêter attention à cette coïncidence. Le premier comité à rédiger un CSP a été présidé par Allal El Fassi, fondateur du Parti de l’Indépendance, et cette commission est dirigée par le Secrétaire général du même parti. Il s’agit d’un parti conservateur connu comme égalitariste, et tenant de l’islamité de l’État.

[34] Les principaux points du discours royal sont cités dans le préambule du nouveau texte du code de la famille : https://adala.justice.gov.ma/refere….

[35] Dahir n°1.04.22 du 3 février 2004 portant promulgation de la loi n°70.03 portant Code de la Famille (Bulletin Officiel n°5358 du 6 octobre 2005, p. 667).

[36] L’expression « Gens du Livre », ahl al-kitāb, désigne les peuples ayant reçu un livre sacré par l’intermédiaire d’un Prophète. Les peuples concernés sont donc principalement les Juifs et les Chrétiens.

[37] Voir dahir n°1.93.361 du 26 décembre 2000 portant promulgation de la convention CEDAW, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 1979 (Bulletin Officiel n°4866 du 18 janvier 2001).

[38] Voir le texte des réserves marocaines au sujet de la CEDAW : http://hrlibrary.umn.edu/arabic/Morocco-CedawR.html (consulté le 27 mars 2021).

[39] Voir Dahir n°1.11.51 du 2 août 2011 portant promulgation de l’annonce de la levée des réserves formulées par le Royaume du Maroc dans les documents d’adhésion à la convention CEDAW (Bulletin Officiel n°5974 du 1er septembre 2011, p. 4346).

[40] Dahir n°1.11.91 du 29 juillet 2011 portant promulgation du texte de la Constitution (Bulletin Officiel n°5964 Bis du 30 juillet 2011, p.1902).

[41] Les hadiths constituent les traditions relatives aux actes et aux paroles du Prophète et de Ses compagnons. Ils sont généralement regroupés en recueil. Ils sont une source d’inspiration en particulier pour les sunnites.

[42] Capacités signifiant ici le droit des femmes d’être en mesure d’accomplir les mêmes actions que les hommes. Dit autrement, le droit à ne se heurter à aucune discrimination sexiste.

[43] À ce sujet, il existe également un verset coranique qui dit : « Et le mâle n’est pas comme la femelle  ». D’aucuns expliquent ce verset de manière conservatrice en avançant la prééminence du sexe masculin. Cette lecture découle du concept coranique « qiwāmah  » qui sanctionne l’autorité masculine sur les femmes. D’autres y voient une complémentarité des sexes. Face à ce droit de regard sur les femmes qu’attribut la « qiwāmah  », il y a le concept coranique de « hāfidhiya  » qui renvoie aux femmes vertueuses demeurant fidèles à leurs époux absents et maintenant « intact ce que Dieu a prescrit de conserver » : https://orientxxi.info/magazine/ces-lectures-feministes-du-coran,3373. Cette seconde interprétation n’est toutefois pas synonyme d’égalité qui « présuppose un lien d’autonomie, là où la complémentarité induit un rapport de dépendance » (Quilliou-Rioual, 2014 : 69).

[44] Se référer à ce sujet au livre de D. Engelcke qui rappelle que « les ‘street-level bureaucrats’ participent considérablement à la manière dont est appliquée la loi -souvent de façon inattendue. Ils peuvent ne pas partager les objectifs définis par leur agence publique et par conséquent ne pas mettre tout leur cœur (ou ne pas le mettre du tout) à la réalisation de ces objectifs  » (Engelcke, 2019 : 16-17 - traduit par les auteurs).

[45] L’article 400 du NCF renvoie au chapitre 82 de l’ancien CSP.

[46] Entité spécialisée créée en vertu des articles 19 et 164 de la nouvelle Constitution. Voici in extenso ce que stipule l’article 19 : « L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume. L’Etat marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination.  »

[47] Loi 79.14 sur la parité n’a été promulguée qu’en 2017 : Bulletin Officiel n° : 6644 du premier février 2018.

Pour citer l'article


Chafik Ayoub, Iharchane Omar, « Le statut personnel dans la législation marocaine. Étude du processus de sécularisation de la logosphère juridique », dans revue ¿ Interrogations ?, N° 35 - De la création à la contestation : délimiter les sports alternatifs, décembre 2022 [en ligne], http://revue-interrogations.org/Le-statut-personnel-dans-la (Consulté le 31 octobre 2024).



ISSN électronique : 1778-3747

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