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Charvolin Florian

L’importance des cadrages dans l’apprentissage de la reconnaissance des espèces en sortie de science participative

 




 Résumé

L’article relate une enquête filmée d’un événement banal, celui de l’énonciation du bon nom d’espèce, c’est-à-dire convenant à la situation et satisfaisant aux canons de la science, dans une situation d’apprentissage informel sur la biodiversité lors d’une sortie sur la côte bretonne, dans le cadre d’un protocole de sciences participatives appelé BioLit. L’analyse montre que c’est dans les modalités pratiques d’interaction entre des documents, des personnes et l’environnement, que s’assure la félicité d’un tel moment. Elle expose la succession de cadrages que les acteurs entreprennent pour arriver à dégager une connaissance in situ, là où traditionnellement la rationalité de cette connaissance est renvoyée à des modélisations sociologiques ou épistémiques qui en montrent les soubassements sociocognitifs. Elle invite ainsi à redistribuer le long d’un processus d’interaction cadrée, l’explication souvent dichotomique entre actualisation d’un savoir lettré, incorporé à la situation par le savoir préalable, et perception sur le tas par le contact direct avec la nature.

Mots clefs : sciences participatives, apprentissage informel, biodiversité, ethnographie, études visuelles

 Abstract

The importance of framings in the learning of species recognition in nature outings

The articulation of the right name of species in a process of informal learning can be doubly successful, both because it fits the situated interaction between people, and because it satisfies scientific knowledge in general. This paper describes a video inquiry on such a fitting moment, quite ordinary, that occurred during an outing on the seashore in Brittany, following a citizen science protocol called BioLit. I show that the felicity of this moment depends on the interaction between people, documents and the environment, and a series of entrenched framings that are operated by the actors themselves rather than by the retrospective analysis of sociological method. It fuels the description of dynamic and incremental processes of knowledge production, linking an otherwise too dichotomic explanation between actualization in the situation of previously learned knowledge by the contributors, and direct and self-explanatory contacts with nature.

Keywords : citizen sciences, informal learning, biodiversity, ethnography, visual studies

  Introduction : Approche sociologique d’une vidéo de sortie BioLit

Les sciences participatives (dites aussi citoyennes ou collaboratives) sont des initiatives liées à des protocoles établis par des laboratoires ou associations, qui font participer des dilettantes plus ou moins formés à la production de données destinées à s’insérer dans des bases de données quantitatives (Charvolin, 2019). Cet article porte sur un exemple de science naturelle participative, centré sur la connaissance de la biodiversité.

J’ai engagé une enquête collaborative avec une association, Planète Mer, qui développe une science participative sur le littoral appelée BioLit. Planète Mer s’intéressait à mieux connaître l’engagement effectif des contributeurs dans BioLit. J’ai reformulé cette demande, en proposant d’analyser les conditions effectives de conduite de l’activité en plein air pour mieux saisir la contribution respective de tous les participants, scientifiques et dilettantes à ce protocole de sciences participatives. Le protocole que je vais présenter ci-après, BioLit, engage des promeneurs, sur l’estran rocheux littoral allant de Dunkerque à La Rochelle, et porte sur la reconnaissance et le décompte des algues et des bigorneaux. Il s’appelle plus particulièrement « opération Algues Brunes et Bigorneaux ». Dans le cours de la sortie nature BioLit, il s’agit non seulement de déambuler d’un site à un autre mais aussi d’observer, de prendre des photos et de remplir un document type, pour que, une fois rentré chez soi, on transfère ces données sur informatique pour les transmettre par internet à l’association pour inscription sur tableau Excel utilisé par la suite à des fins scientifiques. Dans la chaîne opératoire qui va de la reconnaissance, par les contributeurs, de noms d’espèces lors d’une sortie nature, au signalement, sur papier ou par Internet, aux scientifiques promoteurs de la science participative, puis au traitement de la donnée qui est ensuite souvent envoyée à l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN), je ne m’intéresserai ici qu’au moment de la consignation.

Dans des activités tournées vers l’acquisition de connaissances naturalistes, il arrive que les personnes articulent, à un moment donné, sur le terrain, le nom d’espèce qui est en leur présence. L’objet de cet article est de documenter cette articulation d’un mot au moment de l’apprentissage de sa signification de manière située, c’est-à-dire comme un acte de langage (speech act en anglais) [1]. Cet apprentissage est d’autant plus important à resituer dans ses conditions d’émergence, que le savoir envisagé dans cet article est celui d’une activité de plein air, dans un univers où les interactions avec la nature sont complexes et non cadrées par une recherche confinée (Callon, Lascoumes, Barthe, 2001). Cette situation est également remarquable dans les sciences participatives car des scientifiques formés à cette reconnaissance, en l’occurrence celle des espèces d’algues et de mollusques, côtoient des dilettantes. Ainsi le recours à un répertoire de connaissances incorporées par l’apprentissage scolaire ou dans du matériel pédagogique côtoie des expériences de novice. Nous nous proposons d’adopter un regard analytique méthodique sur ces moments d’initiation à la nature et à sa connaissance, postulés par les promoteurs et praticiens des sciences participatives, mais qui sont trop souvent rapportés soit à une disposition sociale actualisée dans l’apprentissage (Bell et al., 2008), soit à un contact immédiat et formateur avec les choses elles-mêmes.

Pour avoir une meilleure compréhension de ces moments initiatiques, nous (une vidéaste documentariste [2] et moi-même) nous sommes placées au plus près de la situation qui est considérée comme plan d’émergence de ces initiations, celle de la sortie nature destinée aux néophytes autant qu’aux amateurs. Nous avons porté une attention particulière aux mobilisations verbales, aux recours au matériel pédagogique, aussi bien qu’aux rapport à des spécimens naturels présents dans la situation d’interaction. Pour ce faire nous avons procédé à l’enregistrement vidéo in extenso d’une sortie nature d’une dizaine de participants [3]. Je propose une analyse d’un extrait de cet enregistrement, associant la retranscription des paroles, des appuis sur de la ressource écrite ou imagée, et des prises sur des éléments du paysage participant à la scène d’interaction.

L’argument développé dans cet article consiste à rapporter l’énonciation orale du nom juste de l’espèce observée – qui dénote une forme d’apprentissage –, à un enchâssement de cadrages, matériels, interactionnels et langagiers qui se renforcent les uns les autres. Le cadrage évoqué ici est celui qui, in situ, vient ordonner la pratique et les interactions et se négocie par les acteurs en présence, dans un bain d’oralisations tâtonnantes des noms d’espèce. De ce point de vue, la plongée dans le paysage sonore et la dynamique des mouvements sur l’estran, permise par la saisie filmique, diffère d’une construction de la connaissance par le renvoi des noms d’espèce à un espace visuel exclusivement instruit par des signes écrits [4]. Par rapport à une modélisation qui extrait de la pratique des explications relatives à un arrière-plan lié à la position sociologique des personnes [5] ou bien à une ontologie de la connaissance universelle (Atran, 1986), le recours au film est plutôt une technologie souple qui sert à documenter, en suivant les acteurs, comment ils mènent par eux-mêmes les activités de cadrage nécessaires à faire émerger des noms d’espèces pertinents dans l’interaction. Je rejoins alors Erving Goffman dans son analyse des cadres de l’expérience comme les prémisses organisationnelles à une action conforme à ce que requiert l’interaction, dès lors que les protagonistes prennent conscience du jeu dans lequel ils sont engagés et du rôle que cette reconnaissance leur fait tenir (Goffman, 1991). Mais au lieu d’en désigner l’analyse comme du domaine principal de la méthodologie sociologique interactionniste, telle qu’énoncée par Erving Goffman, et sa capacité à reconstituer ex post la part de théâtralisation et d’imaginaire propre à l’interaction sociale [6], il s’agit, par le recours au film, de documenter et de clarifier l’action en situation et sa mobilisation en temps réel de cadres activement empruntés ou recréés pour l’occasion.

La scène que j’ai choisi de détailler arrive au milieu de la séquence filmée et est désignée par la démarche même de la sortie nature, comme étant le temps fort de la pratique dans laquelle est engagé le petit groupe de protagonistes. En particulier, elle cumule, en 2 minutes 30, les épisodes de reconnaissance et de signalement qui sont les phases cruciales de la partie “terrain” de la chaîne d’opération des sciences participatives de plein air. Je vais me concentrer sur les interactions entre Yolande (Y) une étudiante en écologie, et Marie (M) [7], une néophyte en matière de sciences naturalistes, dans une sortie nature du programme BioLit, un jour de juin 2016, à Dinard. Marie avait une expérience professionnelle d’hôtesse dans les grands hôtels et venait de s’installer à Dinard pour devenir coach personnel, et Yolande était étudiante en biologie et stagiaire au laboratoire de biologie marine de Dinard. Leur profil personnel introduit du jeu dans l’accomplissement du protocole BioLit au niveau de l’attachement ou pas au littoral, de la familiarité avec le vocabulaire technique de la biologie, mais il ne permet pas de comprendre le caractère opératoire de la sortie, celui qui assure de manière didactique au participant, quel que soit son bagage culturel ou scientifique, la possibilité d’aboutir à une reconnaissance des espèces. C’est en quelque sorte un apprentissage informel aussi au sens de l’acquisition d’une attitude naturelle (Berger, Luckmann, 2006 ; Schutz, 1987) envers l’activité de reconnaissance et de nomination des espèces [8].

Je commencerai, dans cet article, par resituer la vertu cognitive de l’apprentissage du nom d’espèce, en la restituant dans son contexte de plein air. Pour autant, on ne peut dire que cette connaissance est “sauvage” en dépit du fait que les espèces observées ne sont pas domestiques, et que le cadre dans lequel se passe l’observation n’est pas un laboratoire spécifiquement dédié à l’activité de connaissance. En effet, la démarche des participants suit un protocole bien particulier, que je décrirai ensuite, et qui conduit à examiner également, après un premier survol de ce que prévoit le protocole, les différentes formes de cadrage dont est issu l’apprentissage sur le tas, à savoir, successivement : l’usage du quadrat, le cadrage de l’interaction, le cadrage proposé par les documents pédagogiques à disposition de Yolande et Marie, et celui du jeu des déictiques. Je finirai par l’usage des catégories scientifiques dans la discussion d’où va émerger le nom « gibbule ».

 L’apprentissage et son analyse comme cognition en plein air

La question de l’apprentissage d’une connaissance naturaliste en plein air se pose comme un cas d’acquisition de savoir parmi d’autres. Je montre dans cet article que la connaissance envisagée, la capacité de discriminer des espèces en plein air, est indexée à la destination à laquelle on voue la connaissance produite. La question à se poser est pour qui on entreprend l’apprentissage. La connaissance intervient en effet toujours dans le cadre d’un projet. La sociologie des sciences souligne cette relativité de la connaissance produite par rapport à un objectif, un contexte, un environnement particulier (Latour, 1989 ; Lynch, 1993). Cette orientation de la connaissance est valable pour le scientifique dans son laboratoire ou sur le terrain, comme pour le vacancier qui s’engage dans une activité de loisir sérieux (Stebbins, 1992). Cela n’amoindrit pas la validité du savoir produit et, comme cela a été montré en psychologie de la cognition (Hutchins, 1995), la question de l’exactitude du savoir produit n’empêche pas l’existence d’un projet et d’un format à chaque effort de connaissance, dans lequel cette initiative est enchâssée et peut être ressaisie. Entre Yolande et Marie sur l’estran rocheux de Dinard, il n’y a pas de différence fondamentale entre d’un côté la maîtrise du savoir, répertorié comme tel, sur les mollusques et les algues, et de l’autre une vague expérience de la nature. Le savoir vernaculaire peut avoir tout autant de portée que le savoir acquis scolairement, si on lui restitue le “pour qui” et le “pour quoi” il en vient à être formulé et acquis. Il faut reconstituer le projet dans lequel se situent les efforts d’apprentissage. Edwin Hutchins a ainsi pu montrer que la question du formatage intellectuel et de la disponibilité de matériel sophistiqué ne faisait pas la différence de nature entre personnes ainsi équipées et personnes dénuées de cet équipement, pour un problème aussi prosaïque que celui de se repérer en pleine mer (Hutchins, 1995). La sortie nature se rapproche du cas étudié par Hutchins : il y a cette contrainte cognitive et en même temps la confrontation entre des personnes aguerries et équipées, et d’autres qui n’ont pas le bagage scolaire, la formation technique et les clés d’orientation apprises par l’entraînement professionnel, et qui ont recours à d’autres méthodes pour arriver à se repérer. Et la destinée plus ou moins heureuse de l’effort de connaissance est acquise pour ces deux profils de personne, sans avoir à qualifier certains de limités et ignorants, ou bien d’archaïques, et les autres de modernes et scientifiques pour les départager (Atran, 1986). En conversant, en interagissant, Yolande et Marie vont s’entendre sur une discrimination des espèces d’algues et de bigorneaux, dans un jeu de traduction, ménageant à la fois la différence de compréhension de l’une à l’autre et pourtant la possibilité d’une version conjointe. On peut comprendre cette double dimension de BioLit : produire de la connaissance sérieuse et en prise avec l’état de la nature qu’elle vise à retraduire fidèlement, et pour autant laisser ouvertes les voies pour y arriver sans imposer une forme académique unique et légitime qui réduirait l’apprentissage participatif à de l’instruction ou de la vulgarisation (Callon, Lascoumes, Barthe, 2001).

 Premier cadrage : suivre un protocole dans un contexte de sortie de plein air

Pour arbitrer entre, d’un côté, foisonnement de la pratique, représentations multiples de l’estran rocheux, expériences vécues du lieu ou de la collecte des bigorneaux, etc., et, de l’autre, rigueur scientifique, référence à la nomenclature des espèces ou probabilité d’occurrence de telles et telles espèces, l’orientation progressive vers l’apprentissage du nom d’espèce se traduit par la canalisation de l’attention vers l’observation d’une règle. Le nom d’espèce est aussi un nom qui répond à des règles d’usage scientifiques. Le protocole BioLit, comme processus intégré, représente le premier cadrage général qui dicte les déambulations, les points d’attention, la justesse et la sélectivité des éléments signalés. Et comme on le sait en science, l’observation de la règle est sujette à des façons de faire qui relèvent de savoirs tacites, difficilement réductibles au strict suivi d’un guide d’action. Le fait de filmer les interactions nous permet de mieux prendre en compte ce savoir tacite.

Le protocole est nécessaire pour cadrer la pratique et permettre de relever des choses comparables les unes avec les autres, d’autant plus que Planète Mer vise à déléguer à des partenaires (les Centres permanents d’initiative pour l’environnement - CPIE, des associations, des syndicats d’initiative) le soin de conduire les sorties. Celle de juin 2016 était organisée par Planète Mer, avec un encadrant, Tristan Diméglio, qui a constitué le groupe d’une dizaine de contributeurs pour répondre à ma demande de pouvoir filmer une sortie. Tristan a servi de guide pour nous conduire sur l’estran, puis nous expliquer le cadre scientifique de BioLit, les questions que les scientifiques se posent, et nous présenter le protocole et les différents documents à disposition. En tant que guide et sachant, Tristan Diméglio est le premier introducteur pour les participants à l’exercice demandé et ses règles. Une fois arrivé sur le site de prospection, il mime et explique la gestuelle et l’attention à avoir pour remplir le protocole, à commencer par le lancer de quadrat (cf. ci-après) [9].

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Figure 1. Le lancer du quadrat (tubes pvc) par Tristan Diméglio
(copyright Jeanne Drouet, 2016)

Tristan Diméglio organise une répétition générale, en quelque sorte, de ce que les participants devront accomplir sans lui, mais non sans son support si se posent des problèmes. L’idée est de baliser la pratique et aussi de rendre les participants capables de reproduire ces gestes et cette activité perceptuelle et intellectuelle en l’absence de Planète Mer, pour former des personnes qu’il s’agit de sensibiliser et de fidéliser. Dans la séquence qui est proposée dans cet article, l’identification des espèces s’est faite sans lui. Le principe du protocole en science participative est souvent d’être consigné dans des feuilles de route à disposition des contributeurs leur permettant de se passer d’encadrement humain. C’est du moins ce qui est visé par Planète Mer.

Le discours et l’intervention de Tristan Diméglio auprès de nous représente un cadrage général de l’ambition donnée à la sortie nature par Planète mer, les questions de recherche qu’elle se pose et le chemin à suivre avec ses étapes, pour satisfaire à l’objectif. De ce point de vue, le texte donné aux participants à la sortie (le protocole papier de BioLit) tient lieu d’appui à la formation et donc de règle d’action. Il inclut des consignes et des formulaires à remplir in situ. Voici ci-dessous un exemple de fiche protocolaire distribuée, qui montre un séquençage d’étapes et d’activités de lecture et d’observation ou « reading/writing  », comme cela a été décrit à propos de l’observation d’oiseaux (Lynch, Law, 1990).

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Figure 2. Le texte du protocole de Biolit
(source : Planète mer, édité en 2016)

“Faire du BioLit” c’est à bien des égards apprendre le savoir pratique, normé et tacite, en quoi consiste le fait de suivre une règle. Une règle comprend deux choses à la fois : une injonction à agir et une description de comment l’action réglée se passe en situation. À côté de l’injonction à faire, l’instruction est aussi une présentation de comment s’agence l’action pour qu’elle soit couronnée de succès [10].

Or, l’intérêt de filmer en temps réel une sortie nature a été de montrer que cet usage du protocole BioLit répond bien à la première caractéristique de la règle, à savoir l’injonction à observer/lire, et permet de focaliser l’attention. Mais le texte couchant noir sur blanc comment on procède, que l’on peut lire dans la feuille de route de BioLit ne décrit pas la réalité des gestes, des étapes franchies, de la séquentialité des actions, etc., telle qu’elle se passe. Comment la caméra nous dévoile-t-elle alors la pratique tacite, par rapport à la grammaire théorique des comportements inscrite dans le protocole ? Comment la caméra permet-elle de saisir la langue parlée effectivement, par rapport aux consignes données de lire/écrire ?

 Le cadrage matériel de l’expérience d’une science de terrain : le quadrat

L’observation de plein air est non seulement tributaire des lieux où se passe l’apprentissage local de la connaissance – il est bien évident que dans le cas de la science confinée le carnet de laboratoire a vocation à consigner ce genre d’élément et la distinction n’est pas radicale entre laboratoire et terrain– mais elle a vocation à ne pas représenter les données récoltées en faisant une connaissance hors-sol, ce à quoi aboutirait l’expérience de laboratoire et son compte-rendu académique. Robert Kohler est l’historien qui a travaillé sur les alternatives au confinement de laboratoire dans l’advenue et la modernité des sciences de terrain au XXe siècle. Il explique que la restitution de la situation d’expérience est valorisée dans un cas et évacuée dans l’autre (Kohler, 2002 : 100 [11])

Dans la sortie BioLit cette attention au « in situ » est constante tout en forçant l’observation à se focaliser sur une partie seulement du territoire. C’est le rôle du quadrat, qui est une technologie frustre permettant de calculer des abondances et non pas seulement des présences/absences et est compatible avec un traitement statistique de la donnée récoltée. Pour BioLit, cet appui matériel est représenté par quatre tubes de PVC reliés en carré par une corde qui passe à l’intérieur des tubes Cette technique, inventée à la fin du XIXe siècle, est précisée par Robert Kohler [12]. Le quadrat permet en effet de focaliser l’attention sur une petite portion de territoire, en en conservant la matrice territoriale, et de procéder à l’énumération de ce qui est dedans, selon une compétence cognitive de base disponible à tout un chacun.

Mais le quadrat sert également à standardiser la pratique des différents contributeurs, élément d’autant plus important, dans la sortie nature qui m’intéresse dans cet article, qu’on ne peut se fier à la compétence disciplinaire de ces derniers pour assurer une saisie fiable du terrain. Pour contourner cette absence de formation, Tristan insiste sur le fait qu’il faut lancer le quadrat au hasard, sur une surface de l’estran, et ne pas le changer de place. De ce fait, l’observation des uns est comparable à l’observation des autres, car personne n’est allé volontairement là où il y a le plus de bigorneaux, ce qui fausserait les statistiques [13].

Le quadrat, comme lieu de focalisation de l’attention, va aussi déterminer la position des corps des participants sur l’estran : réunis autour de ce carré et accroupis pour observer tout ce qu’il y a dedans. Le quadrat sert alors de technique de fixation du point à regarder, et oriente les corps, les regards et les esprits.

 Cadrer l’interaction sensorimotrice : découvrir les mollusques ensemble

Le quadrat, dans la séquence filmée à Dinard, permet de focaliser l’attention sur une portion de l’environnement que Marie et Yolande rendent conjoint. La situation rencontrée par l’interaction avec son environnement direct par l’une recouvre partiellement celle de l’autre.

C’est depuis ces points de vue échangeables, au gré des positionnements des deux protagonistes autour du quadrat, que se passe une condition sensorimotrice à l’apprentissage du nom d’espèce : la découverte des mollusques. Mais cette découverte, avant que d’être liée à la pensée ou à des structures discursives comme les a montrées Thomas Kuhn dans l’histoire des sciences (Kuhn, 1983), est d’abord physique et sensorielle : pour découvrir, encore faut-il enlever la couverture.

Je vais détailler cette séquence d’action filmée en montrant deux modalités de l’engagement des corps et du monde dans l’action.

Séquence de Yolande et Marie devant leur quadrat

[M et Y sont devant le quadrat. Elles fouillent les algues. Puis Y isole deux mollusques. M réajuste sa position. Elle est un peu en biseau.]

M : « Ils sont vivants ou morts ?  »

Y : « peu importe.  »

[Y enlève des choses du quadrat].

M : « tu les enlèves ?  »

Y : « non ce sont juste des cailloux. »

[M et Y soulèvent le quadrat pour faire passer les algues qui se sont fixées sous celui-ci, en les écartant pour voir ce qu’il y a dessous, découvrir la roche et chercher les bigorneaux. M met à côté les bigorneaux, hors du quadrat.]

Y : « il y a que… [pointe du doigt] y en avait 2 ?  »

M : « ouais. »

Moi (qui tiens la perche et décide d’intervenir dans l’interaction) : « Il faut les remettre sur les algues. » [Y prend les algues].

Y : « mais ça c’est une littorine. »

[M met délicatement les bigorneaux sur les algues et Y prend des photos. Y et M retournent encore les algues et fouillent. Y reprend des photos]

La première étape, que permettent le point de focalisation du quadrat et la consigne d’identifier algues et mollusques, consiste à littéralement les découvrir. Avant ou simultanément à la lecture du protocole et à la prise de photographies, le mouvement initial de Yolande et de Marie est de se pencher sur la portion d’estran cadrée, de regarder tout en enlevant les algues délicatement. La découverte du nom de l’espèce commence manuellement par enlever la couverture algale qui bouche la vue des mollusques [14]. Cette activité sensorimotrice est tout simplement rendue nécessaire pour pouvoir apercevoir les mollusques. Elle est de l’ordre de celles étudiées par James Gibson dans son écologie de la perception, qui mentionne les conditions pratiques et physiques à la vision normale ou focalisée (scrutiny) des objets de notre entourage (Gibson, 2014). C’est d’abord de ce sens fort de découverte, comme on découvre un trésor enfoui, que part le processus qui va arriver au bon nom en situation. Autrement dit, le discernement, la distinction des littorines, des gibbules ou des fucus vésiculeux passe par le préalable de l’apprêtement du site pour que ces derniers puissent apparaître en même temps aux yeux des protagonistes.

Mais cette découverte n’est pas faite de manière solipsiste par chaque personne dans son univers. Le positionnement des corps de Marie et Yolande indique que l’environnement proxémique de l’une et de l’autre ménage un certain chevauchement entre les deux. Yolande et Marie manifestent par leurs corps et leurs sens une attitude coopérative qui se traduit par une zone de l’estran rentrant à la fois dans l’espace d’atteinte par la perception et le geste de l’une comme de l’autre. Il existe un environnement d’interaction conjointe à la personne de Yolande et de Marie, ou « joint interaction space  » (Ciolek, Kendon, 2007) qui se traduit par l’interchangeabilité potentielle de l’action de l’une ou de l’autre autour du quadrat. C’est bien parce que les deux participantes bougent et échangent leur point de vue, qu’une deuxième caractéristique de la découverte des mollusques apparaît, celle de demeurer la même malgré l’interchangeabilité des points de vue. Cette perception des mollusques est faite ensemble, ce qui se traduit notamment par le déplacement de chacune d’elle par rapport au quadrat, qui leur permet de varier la perspective sur l’estran et ainsi, potentiellement de se mettre l’une à la place de l’autre [15].

Les deux dilettantes ne sont pas littéralement absorbées dans une activité lettrée, mais leurs énoncés témoignent d’un va-et-vient sensorimoteur entre des points de vue sur le quadrat et l’environnement associés à une manipulation active. C’est en ces termes qu’on peut parler « d’affordances » (potentialités) ou « invites  » (invitations discrètes) c’est à dire de complexes de traits physiques corrélatifs d’interaction motrices, et en particulier de manipulations (Gibson, 2014 : 25).

 Le cadrage par la médiation du document

Dans ce corps à corps, les inscriptions, une fois replacées au rang d’affordances parmi d’autres de la situation, peuvent être décrites dans leur caractère singulier, qui fait que l’apprentissage est aussi affaire de « scientific literacy  » comme disent les anglophones, c’est-à-dire d’un rapport écrit aux sciences. Des travaux phénoménologiques ou ethno-méthodologiques pénétrants comme ceux de David Abram ou de John Law et Mike Lynch [16] insistent systématiquement sur le fait qu’observer passe par un langage référé en première instance à des attitudes issues de la maîtrise de l’écriture et de la lecture (Abram, 2015 ; Lynch, Law, 1990 ; Lynch, 1993). Au départ, Yolande et Marie sont silencieuses et fouillent les algues de leurs mains. Marie et Yolande ne parlent pas et sont absorbées dans leur mouvement de fouiller les algues. Mais, rapidement, Yolande seule continue en prenant des photos, alors que Marie, qui a les formulaires du protocole insérés dans une sorte de portefeuille distribué par Tristan Diméglio en début de session, commence à lire les instructions.

M lit : « les coquillages sont regroupés par espèce… Compléter le tableau 4 p.2 en notant le nombre d’individus pour chaque espèce trouvée [M. lit la fiche] Ben on a deux espèces c’est ça  ? »

Moi : « il y a des fiches dessous. »

[Chevauchement de parole entre Y et M, quasi au moment où j’interviens. Phase de recherche de coordination paroles/gestes entre M, Y et moi.]

Y : « ça pour moi c’est une littorine. [Y met la main dans le quadrat]. Ça c’est des gibbules mais laquelle je ne sais pas. »

[M sort les fiches de dessous].

M : « donc c’est quoi là ?  » [Elle montre le quadrat]

Y : « je pense que c’est celle-là [montre le dessin de l’espèce en bas à droite. Puis elle retourne la feuille] Le problème c’est qu’elle est toute petite. » [Du coup, Y prend la seconde fiche de dessins des mains de M et pose le bigorneau sur la feuille].

M : « Celle-ci, on dirait qu’il y a “pointe de la coquille aplatie”. Et toi ? » [En disant cela M pointe son stylo sur la feuille sur laquelle sont déjà inscrits des indices remarquables avec des flèches sur le dessin pour s’aider, puis a un mouvement de buste pour mieux voir la feuille que maintient Y au-dessus du quadrat].

Y : « elle est bien aplatie » [montre du doigt où elle est aplatie mais les doigts sont trop gros pour être vraiment précis par rapport à la taille du coquillage].

M : « elle est dans l’autre sens. Elle était comme ça [M inverse le sens de présentation du bigorneau] ».

La séquence correspond à une interaction entre l’environnement littoral, les deux interlocutrices et les documents. Très rapidement dans la vidéo de la séquence d’action, on se rend compte que le document intervient comme support, voire comme guide de l’interaction. Il sert de point d’appui. Ici ces points d’appui sont un énoncé de la consigne d’observation et des planches de dessin de bigorneaux. C’est la vertu de la planche d’être plastifiée et de servir de référence à laquelle comparer visuellement, en la sortant dans la situation de plein air, donc par tous les temps, et par contiguïté entre la planche et le coquillage, si on est en présence d’un cas similaire à ce qui est représenté sur le dessin [17]. La maîtrise de la lecture des feuilles oriente l’interaction en planifiant les choses à faire, non sans réaction et renversements multiples sur la bonne marche à suivre, visibles dans les discussions rapportées précédemment entre Yolande et Marie.

Mais le document n’est pas seul opérateur des micro-mobilisations de l’attention et de la conduite du cours d’action. Il introduit une dissymétrie entre une guide, celle qui énonce la procédure, et une suiveuse. D’autres processus sont alors à l’œuvre pour déterminer des stations devant le quadrat qu’on a lancé, qui durent quelques minutes à chaque fois, en organisant une tâche à faire autour du quadrat. Des locutions du type « et là ?  » qui ne sont pas sans rappeler d’autres cas étudiés de visite [18], permettent d’indiquer une focalisation de l’attention sur une nouvelle phase et l’engagement d’une autre séquence d’observation. À Dinard, autour du quadrat, une relance du type « et t’en as combien ?  » de la part de Marie montre qu’elle instancie la personne qui guide la séquence d’action en s’assurant du « doing continuing  » (Mondada, 2013), c’est-à-dire du passage d’un point de focalisation à un autre. On peut estimer que Marie, étant la moins familière de ce type de protocole de sciences participatives, éprouve le besoin de s’aider des supports papiers pour enchaîner les étapes à suivre, qu’elle découvre en même temps qu’elle les lit. Le fait qu’elle lise le protocole est un élément supplémentaire l’inclinant à assurer ce « doing continuing  ». Mais cette maîtrise est réversible : par exemple, le fait que Yolande dise « c’est tout petit  » en parlant des mollusques et mette les gibbules sur la feuille plastifiée, va inverser l’ordre, et c’est Marie qui se conformera ensuite à la séquence d’action initiée cette fois par Yolande.

Dans ces échanges oratoires et ces attitudes corporelles et sensorielles, le document est un élément qui suppose d’autres opérateurs, notamment de séquençage de l’interaction en stations, prenant la forme de locutions comme « t’en as combien ?  » qui s’assurent de la continuation de l’action sans embuche.

 Le cadrage de la focalisation de l’attention par les déictiques

D’autres embrayeurs de l’interaction existent dans la conversation entre Yolande et Marie. Les déictiques, ces façons de montrer du doigt, permettent d’être ces embrayeurs dans des opérations de focalisation de l’attention. Le premier est performé par Marie pour elle-même. Il s’agit de pointer le texte avec son doigt pour le suivre. Mais ensuite, les déictiques vont orienter l’attention soit sur le quadrat, soit sur les gibbules, soit sur le papier. On note en particulier une séquence cruciale lorsque Yolande montre du doigt la feuille plastifiée au moment où Marie pointe du doigt le quadrat. Il y a un échange croisé de déictiques qui est un moment particulièrement important de la séquence de cette « lecture/observation  » (Lynch et Law, 1990). Les corps y sont totalement absorbés, à l’image de celui de Marie qui, lorsque Yolande mettra le coquillage sur la feuille plastifiée, modifiera sa posture corporelle pour mieux voir le minuscule mollusque. Cette phase anticipe la partie qui va amener l’identification des gibbules.

Le déictique n’est pas seulement fait par le pointage du doigt ou de la tête. Il existe également sur les deux fiches présentes dans le portefeuille et qui représentent des dessins des crustacés. Je reproduis ci-dessous une de ces fiches.

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Figure 3. Une planche plastifiée illustrant les mollusques à reconnaître
(source : Planète Mer, édité en 2016)

À un moment de l’interaction, Marie va pointer du doigt la zone pointée par une flèche sur le document, en prolongeant ainsi ce que les sciences naturalistes appellent des « indices remarquables » (Lynch et Law, 1990) [19]. Les planches plastifiées de description des espèces de mollusques reprennent en partie les caractéristiques des guides naturalistes. La question qui se pose à l’usage est alors de reconnaître des espèces qui peuvent être très petites et très semblables. Les flèches sur le dessin désignent des clés de reconnaissance. Elles sont associées à des phrases qui expliquent verbalement ce qui est observable. Donc on a un redoublement de l’aspect visible avec un énoncé textuel. Marie dit à haute voix « pointe de la coquille aplatie  » pour redoubler verbalement ce que pointe la flèche sur le dessin.

Un autre élément du rapport entre dessin et observation lié à ces déictiques est que l’image a un sens dans la page. La gibbule est placée sur une face où on voit l’opercule du coquillage, et avec une orientation du bas du coquillage vers le bas de la page et du haut vers le haut de la page. Ainsi Marie va intervenir dans la séquence pour remettre « droit  » au sens de l’orthodoxie du mode d’emploi de l’image considérée comme normal pour un lecteur. Cela la conduit à faire que le coquillage se conforme à l’image sur la fiche.

 Le cadrage catégoriel du nom de l’espèce

Toutes ces opérations autour du quadrat participent de l’apprentissage du nom d’espèce entre Yolande et Marie. Le rôle des dessins sur la planche est essentiel à la compréhension de comment le mot « gibbule  » arrive dans la conversation [20]. Mais c’est la somme des éléments de cadrage de l’interaction, le protocole, le quadrat, les documents, les stations, les comportements sensorimoteurs abordés précédemment qui culminent dans l’acte de nommer l’espèce. Cet aboutissement se passe de manière furtive et totalement liée aux circonstances de l’exercice dans lequel se sont impliquées Yolande et Marie. Il s’agit maintenant d’analyser ce qui se passe dans ce petit saut, l’énonciation du nom, fruit de tout le processus d’apprentissage déployé dans la sortie nature.

Le mot gibbule est lancé par Yolande mais il ne clôt pas l’activité des deux protagonistes, bien au contraire. Plutôt que d’y voir une découpe du réel enfin accomplie, on va voir que la prononciation du mot « gibbule  » relance l’enquête. II va immédiatement y avoir négociation pour préciser s’il n’y a pas de faux amis catégoriels qui se présenteraient sous un aspect visuel très similaire, ce que l’anglais traduit par des « look-alike  », et qui feraient prendre le mollusque pour un autre. Il va aussi falloir préciser de quelle gibbule il s’agit. C’est ce processus que la caméra capte.

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Figure 4. Arrivée du mot de gibbule dans la conversation
Séquence d’interaction de Yolande (gauche) et Marie (droite) : Yolande dit : « ça pour moi c’est une littorine…. Ça c’est des gibbules mais laquelle je ne sais pas… » (copyright Jeanne Drouet, 2016)

Ainsi, à partir du moment où Marie a visualisé les deux dessins contigus du bas de la feuille représentant les mollusques et qu’elle a remarqué, sur le dessin de droite, la présence d’une spirale, apparaissent dans la conversation les énoncés « celles-ci  » ou « celles-là  » pour désigner alternativement le dessin de droite ou de gauche. Finalement, Yolande pointe du doigt vers le dessin retenu in fine, pour accompagner son « celle-là » qui clôt la phase de reconnaissance. La présence des mots « ceci  » et « cela  » ne désigne rien en dehors de la situation où ils occurrent. Ce sont par définition des opérateurs de signification indexicaux (Garfinkel, 2007) qui ont besoin d’être situés dans une interaction, dans un contexte (un livre ou un échange de paroles), pour faire sens.

Saisi sur le vif par la caméra, l’apparition du mot « gibbule » dans la conversation prend sens dans le souci des protagonistes, aux prises avec des exemplaires de coquillage particulièrement petits, de s’assurer que c’est bien de ceci et non cela dont on parle. La progressive montée en précision des échanges entre Yolande et Marie va permettre de façonner le mot dans une règle d’emploi, un « jeu de langage  », qui répond à ce que Ludwig Wittgenstein appelle « dénommer  » [21]. L’occurrence du mot comme élément échangé entre Yolande et Marie, dans leur situation d’interaction avec une portion d’estran délimitée par le quadrat, rapatrie ce qui n’était qu’une proposition de la part de Yolande sur les rails de la fiche-guide qu’on leur a prêtée et d’un vocabulaire des espèces. En passant du mon prononcé « gibbule », associé à un « celle-là » indexical, à la catégorie gibbule sans guillemet, on passe de l’occurrence d’un coquillage singulier à une catégorie référencée dans une nomenclature des espèces. On passe de l’exemplaire au type (Berger et Luckmann, 2006 ; Daston, 2004). Et ce type intervient alors comme un outil mnémotechnique à disponibilité des protagonistes pour servir dans d’autres occasions, détachées de la situation singulière dans laquelle il a été une première fois repéré. Articulé une première fois par Marie, il a fait rentrer une émotion, un étonnement, une confirmation… dans la forme d’une signification bien particulière qu’est une vocalisation, et immédiatement après, par la lecture de la fiche de reconnaissance, une image et un mot écrit. Autrement dit, le simple mot de « gibbule » fait le pont entre l’indexicalité de l’expérience de terrain et un élément de stock de vocabulaire, de positionnement dans la nomenclature, de fiches signalétiques consignées dans les muséums, etc. L’analyse du vocabulaire utilisé ici serait tronquée si nous n’avions pas en même temps que la ressource linguistique, des éléments de situation, qui chargent en signification les paroles. Sans le captage vidéo des circonstances des énoncés de ces deux dilettantes, on ne comprend pas cette inversion située de l’hésitation sur les choses, vers la certitude de l’identification de la nature [22]. La caméra filme l’association unique, à un moment donné, de corps, paroles échangées, documents lus, environnements visés et finalement nom de « gibbule  » écrit sur le papier. Elle permet de voir comment se recrée, se rejoue de manière indexicale l’épreuve de connaissance, comme catégorisation du vivant.

 Conclusion : l’apprentissage du nom juste

Garfinkel a énoncé les raisons pour lesquelles les acteurs prêtent rétrospectivement une indifférence polie à ces moments d’épiphanies indexicales des actes de langage (Garfinkel, 2007). Et effectivement, lorsque le groupe reviendra de la sortie nature et que nous ferons le débriefing, Yolande, Marie et les autres participant-e-s ne se fieront pas à leur souvenir corporel de l’épreuve du terrain. Ils et elles se pencheront sur les feuilles qu’ils et elles ont remplies pour retrouver le nombre de patelles, le nombre de gibbules, le taux de couverture de fucus vésiculeux, etc. Ce qui fera foi seront le document et les coches. Le petit moment de discrimination hésitante et située de la gibbule aura disparu dans le flot continu des inscriptions (Latour, 1985), qui incluent le réel et le rendent transportable, combinable et simplifié. Il importait pourtant, pour explorer la question de l’apprentissage informel et de l’initiation si chère aux sciences dites participatives, de faire au moins une fois cet exercice de restitution non pas du dire et de la mémoire des acteurs portant sur ce qu’ils ont vécu, mais de la saisie de l’action sur le vif.

Dans cet article, la méthodologie choisie de filmer au plus près le déroulement d’une sortie nature correspond, elle aussi, à une vision avec un parti pris et un point de vue sociologique. Comme l’enquête statistique ou les interviews que nous aurions pu réaliser avec les participants, elle représente une approche réductrice du réel. Toutefois, elle présente l’avantage de rétrocéder aux acteurs qu’elle filme la maîtrise de cette opération de cadrage nécessaire à toute action rationnelle, et qu’une évocation ex post par des méthodes d’entretien ou de questionnaire pourrait attribuer à un état, une identité, surdéterminant l’engagement pratique des personnes et ses ajustements multiples.

Notre apport, à Jeanne Drouet et moi, a consisté à faire un montage analytique de la chronologie de la sortie – avec ses différentes séquences, la marche d’approche, les explications de Tristan, le lancer de quadrat, l’exploration de la portion du terrain qu’il délimite, le jeu avec les fiches pédagogiques, et finalement le relevé du nom et du nombre des espèces isolées. Ce procédé documentaire réunit analytiquement ce que l’on pourrait attribuer hâtivement en dernier ressort à l’acquisition d’une aptitude intellectuelle à maîtriser une catégorie, à reproduire fidèlement la réalité out there ou encore à suivre une démarche hypothético-déductive qui serait “proprement scientifique” [23]. Le fait de filmer une séquence d’interaction en plein air a permis de montrer comment ces régimes d’explication concurrents étaient en fait déployés le long d’un processus et étaient sujets à interprétation, à la manière dont la grammaire d’une langue ne définit pas exactement les paroles échangées dans le langage courant.

La richesse des interactions rend bien compte du fait que l’arrivée du bon nom en situation de sortie nature n’est pas indépendante des comportements des personnes filmées. Et j’ai même montré que l’indexicalité de la séquence de nomination de la gibbule la rendait soumise entièrement à la situation d’action à laquelle les protagonistes étaient conviés à se conformer avec plus ou moins de pouvoir d’interprétation personnelle. En revanche je conclurai mon analyse en précisant que l’agencement du protocole, entendu comme complexe de processus, d’écrits, de conseils, de démonstrations, d’échanges et d’appuis sur des saillances de l’environnement, conduit à produire une connaissance relativement indifférente aux variations de la pratique, et reproductible ailleurs, moyennant son interprétation à chaque fois à recommencer. Cette manière de faire assure en outre une place particulière au couple amateur/néophyte, propre à l’apprentissage dans les sciences participatives. Cela impose de trouver un régime d’explication symétrique pour les spécialistes académiques et les personnes plus ou moins dilettantes engagées dans une sortie nature. J’ai décrit des situations ajustées dans les activités pratiques, mais la prétention à faire science de BioLit oblige à ne pas négliger dans cette justesse, celle relative à la nomenclature des espèces et à leur physionomie et physiologie, analogue à celle que décrit Edwin Hutchins en psychologie cognitive (1995). Pour autant, comme le montre cet auteur, justesse des définitions ne veut pas dire forcément modernité et scientificité de la méthode, mais orientation d’une exploration dont le déroulement conditionne la félicité, qu’il s’agisse pour les uns de produire des inscriptions ou pour les autres, une forme de loisir sérieux (Stebbins, 1992). Aussi, le choix de la séquence d’interaction explorée par la caméra dans cet article nous semble névralgique pour approcher cette condition de félicité particulière que représente l’expérience d’une sortie nature de science participative.

 Bibliographie

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Stebbins Robert (1992), Amateurs, professionals and serious leisure, Montréal, MacGill-Queen’s Press.

Schutz Alfred (1987), Le chercheur et le quotidien, Paris, Méridiens Klincksieck.

Wittgenstein Ludwig (2004), Recherches philosophiques, Paris, Gallimard.

Notes

[1] Des termes saisis comme « actes de langage », sont dotés d’une certaine félicité lorsque leur énonciation dans une interaction située fait qu’ils sont considérés comme remplissant la mission pratique pour laquelle ils ont été prononcés (Austin, 1970). Cette félicité dans laquelle ils ont un rôle performatif est dépendante du contexte de leur énonciation, des personnes en présence et de l’effet auquel ils étaient destinés.

[2] Jeanne Drouet est ingénieure d’étude spécialiste de l’image animée au sein du Centre Max Weber. Elle m’accompagne sur le terrain en filmant à la caméra, alors que je tiens la perche pour l’enregistrement du son. Nous ferons ensuite le dérushage des trois heures de tournage ensemble. Les propos de cet article n’engagent que moi. Cette vidéo n’a eu qu’un usage de recherche interne et n’a pas été montée pour être présentée comme documentaire.

[3] Cette association entre saisie sur le vif d’une activité et recours au film permet de faire de la recherche par le film plutôt que de cantonner l’image au rôle d’illustration (Macdougall, 2004). Autrement dit, la stratégie de méthode sociologique traditionnellement empruntée dans le choix des sujets interviewés, la grille d’entretien ou le questionnaire, etc. puis leur analyse, se reportent ici sur les stratégies de tournage, le choix de cadrage et le dérushage. La vidéo de recherche représente une mise en contexte des échanges verbaux ou documentaires, dont le sociologue classiquement ne peut que rapporter le contenu et non pas l’événementialité.

[4] Sur la différence d’expérience entre bain sonore et champ visuel voir Tim Ingold (2000).

[5] Par exemple en reconstituant des histoires de vie, ou bien une explication par les professions et catégories socio-professionnelles auxquelles appartiennent les acteurs, leur âge, leur sexe…

[6] Erving Goffman, comme Alfred Schutz, fait la différence entre la personne et le personnage, en ne s’intéressant aux acteurs qu’à partir de leur entrée en scène (Goffman, 1991 ; Schutz, 1987). Cette diffraction, qui est le privilège de la reconstitution sociologique, ne peut opérer dès lors que l’on documente, sur le vif, l’action des personnes grâce au film d’une interaction ou bien la valeur existentielle que dénotent les comportements des acteurs pour eux-mêmes (Garfinkel, 1967). Les personnes se présentent directement, sans arrière-plan, à moins de le reconstituer par une enquête par entretien postérieure, ce que nous avons fait pour une des protagonistes mais qui ne rend pas justice du déroulé des interactions dans lesquelles sont prises les opérations conduisant à la reconnaissance de l’espèce, ce qui était notre propos essentiel.

[7] Les noms de ces deux contributrices ont été changés par souci d’anonymat.

[8] Tout l’enjeu des sciences participatives est de replonger l’activité cognitive dans le langage et l’activité ordinaire de personnes sorties du cadre académique. Berger et Luckmann et leur description de la connaissance dans la vie quotidienne (Berger, Luckmann, 2006) éclairent ce type d’activité. En revanche, le choix de parier sur la traduction fluide entre scientifiques et citoyens dans un protocole comme BioLit est proprement incompréhensible pour ces auteurs qui font de la science une activité à part, que les règles de méthode distingueraient de l’univers de sens commun.

[9] Pour des raisons techniques, je ne présente à l’appui de ce texte que des photos extraites de la vidéo. Ici les quatre photos présentent un découpage séquentiel du lancer de quadrat par Tristan Diméglio.

[10] Comme le disent Ronald Amerine et Jack Bilmes (1988 : 326 – ma traduction), « suivre de manière réussie les instructions peut être décrit comme la construction d’un cours d’action tel que, ayant réalisé ce cours d’action, les instructions serviront comme un compte rendu descriptif de ce qui a été réalisé, de même qu’elles proposeront une base pour décrire les conséquences de telles actions  ».

[11] Robert Kohler, dans ce livre parle des évolutions des connaissances scientifiques permettant à la science du milieu de se développer au tournant du XXe siècle avec des inventions conceptuelles et aussi des instruments frustres qui allaient permettre à l’écologie de terrain de quantifier ses observations, tout en restant attachée à l’observation in situ, hors laboratoire.

[12] « La méthode la plus importante de comptage en écologie – le quadrat – a été inventé l’été 1897 par Roscoe Pound et Frederic Clements, à peu près au moment où l’écologie fut identifiée comme une nouvelle discipline. En l’espace d’une décade ou deux, elle fut largement adoptée et prise comme allant de soi de la pratique écologique » (Kohler, 2002 : 100, ma traduction).

[13] Ce qui ne veut pas dire que le hasard ne peut pas conduire à des sites plus peuplés, mais cela n’est pas impliqué par la méthode suivie, bien au contraire. La multiplication des quadrats fait que, en respectant le lancer au hasard, les sites s’équilibrent, en moyenne, entre bien dotés et moins bien dotés.

[14] Je dois d’avoir relevé ce détail aux échanges avec Floriane Derbez et son abord du maïs population et de la « découverte  » des épis par les agriculteurs pour en évaluer le mûrissement ou l’état (Derbez 2020).

[15] Cette approche de la perception en mouvement a notamment été thématisée par James Gibson, qui montre que la notion de « point de vue  », évoquée dans la littérature, pêche par une vision fixiste, comme si on ne bougeait pas en permanence de point de vue et comme si on ne pouvait pas prendre littéralement le point de vue de l’autre (Gibson, 2014).

[16] Comme le disent John Law et Mike Lynch : « Les éléments naturels ne sont pas seulement des représentations de ce que l’œil (ou l’œil de l’esprit) voit. En lieu et place de ce modèle pour observation, nous substituons un modèle de lire et écrire » (Lynch, Law, 1990 : 269, ma traduction).

[17] Il ne faut pas minorer le rôle de ces feuilles, comme le disent Law et Lynch à propos de l’observation d’oiseaux et de l’usage des listes de choses vues ou à voir qui structurent les sorties nature : « La “perception” est conduite par des listes dans le sens que l’état actuel de la liste fournit les motifs pour : chercher dans l’environnement, regarder, ne pas regarder et sélectionner parmi des expériences potentielles, faire une remarque ou ne rien dire à propos d’un événement observé, et traiter une coche comme un énoncé notable, douteux ou non-remarquable  » (Lynch, Law, 1990 : 270 ma traduction).

[18] Ces micro-mobilisations s’apparentent à ce qu’a observé à plus grande échelle Lorenza Mondada, à propos des stations fixes devant des éléments de l’environnement que le guide veut décrire au groupe, dans un processus de déambulation d’une visite guidée patrimoniale (Mondada, 2013). Ici, la déambulation concerne la balade sur l’estran et les stations fixes sont réservées à la focalisation sur le quadrat.

[19] Il pourrait être déduit de cette dernière planche que l’observation découle des caractéristiques de l’espèce, quasi-objectivement. L’espèce porterait en elle ses propres clés de discrimination. Lynch et Law (1990) notent cependant l’importance de ces indices remarquables au niveau de l’activité de perception plutôt que simplement de l’aspect saillant des espèces, en montrant les cas de trouble que cela occasionne dans l’identification. Ils adossent leur analyse au cas des espèces d’oiseaux que l’on voit seulement furtivement et qu’il faut reconnaître rapidement. Ils exposent les troubles rencontrés avec ces différents éléments, lorsqu’il s’agit d’avoir l’œil : « Nous noterons seulement que voir d’un seul coup d’œil [seeing at a glance] est circonstanciel, dépendant d’une expertise locale et n’est pas dépendant des marqueurs intrinsèques des espèces qui rendent certaines espèces très différentes de toutes les autres qui partagent leur zone de présence » (Lynch, Law, 1990 : 293, ma traduction).

[20] On notera que le cas de la littorine est différent car reconnu rapidement par Yolande et ne prêtant pas aux mêmes incertitudes sur la caractérisation de l’espèce. Cette remarque va dans le sens de la reconnaissance des affordances des espèces, leur caractère plus ou moins facilement reconnaissables à l’œil, voire même leur esthétique et leur caractère plus ou moins charismatiques pour les observateurs humains.

[21] « Dénommer est analogue à attacher une étiquette à une chose. On peut dire que c’est une préparation à l’emploi du mot » (Wittgenstein, 2004 : 41). Or cette étiquette est aidée par le passage, l’adjonction à l’oralisation du mot « gibbule  » d’un geste et d’un regard sur un étalon (la fiche plastifiée dans les mains de Marie).

[22] Bruno Latour note dans son analyse d’une expédition de terrain dans la forêt amazonienne : « Nos amis se trouvaient dominés par le monde dont ils devaient extraire des formes par le doigt. Ils ne savaient pas. Ils hésitaient. Dans cette image [celle d’un groupe de scientifique attablé devant des cartes], ils savent. Pourquoi ? Parce qu’ils peuvent pointer avec le doigt des phénomènes dominés du regard en utilisant les savoirs institutionnalisés de disciplines centenaires : la trigonométrie, la cartographie, la géographie. Dans ce supplément de savoir ainsi gagné, nous devons compter les satellites, la fusée ariane, les banques de données, les dessinateurs, les graveurs, les imprimeurs, tous ceux dont le travail se trouve ici mobilisé sur le papier. Reste le geste du doigt, le déictique par excellence. Moi Edileusa, je sors du discours et je désigne, sur la carte, sur la table du restaurant, l’emplacement du site où nous allons nous rendre… » (Latour 2007 : 176).

[23] La vision d’une science procédant par hypothèse, tests, et rupture avec le sens commun est présentée de manière épurée par Gaston Bachelard par exemple dans son livre sur la formation de l’esprit scientifique (Bachelard, 1938)

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Pour citer l'article


Charvolin Florian, « L’importance des cadrages dans l’apprentissage de la reconnaissance des espèces en sortie de science participative », dans revue ¿ Interrogations ?, N°32. Communautés informelles d’apprentissage, communautés de pratique – Apprendre avec, par et pour les autres, juin 2021 [en ligne], http://revue-interrogations.org/L-importance-des-cadrages-dans-l (Consulté le 4 décembre 2024).



ISSN électronique : 1778-3747

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