Comité de rédaction, Diestchy Mireille, Gaillard Hélène
Désignées couramment sous le terme « street art », les œuvres réalisées sans autorisation dans l’espace public sont souvent éphémères et mouvantes, et c’est avant tout leur localisation, hors des murs des musées ou des galeries, qui marquent la singularité de ce mouvement dans l’art contemporain. Cette spécificité tient à leur caractère clandestin : contrairement aux statues ou monuments d’art public, les œuvres de street art sont exclues d’un entretien et d’une protection organisés et sont altérées par les intempéries et les usagers ou effacées par les propriétaires légaux du support et les pouvoirs publics. Les caractéristiques fondamentales du street art, que sont leur réalisation sans autorisation et leur nature éphémère, tiennent ainsi à leur lieu d’exposition. Si la plupart de ces œuvres sont pensées en corrélation avec le site où elles s’inscrivent, à l’instar des réalisations de Levalet, Banksy ou Os Gêmeos, in situ à différents degrés (Bengsten, 2013), les images photographiques qui en sont faites par les artistes eux-mêmes ou prises par des amateurs et des passants circulent abondamment hors site sur internet dans un format numérique. Unique au street art, ce phénomène de circulation d’images d’art est facilité par le développement des espaces de stockage en ligne, d’espaces virtuels variés (blogs, réseaux sociaux, sites personnels), d’applications dédiées et par les progrès rapides de la qualité des caméras des smartphones. La circulation numérique est aussi désormais complétée par un archivage professionnel, notamment à travers le centre Arcanes en France constitué en 2022, qui consigne des images et des objets de cet art apparu dans les années 1960, témoignant ainsi du récent souci de patrimonialisation (Gerini, 2015).
Cependant, les images des œuvres ne sont pas les œuvres, surtout dans le cas d’un art aussi mouvant et fragile que le street art. Le simple fait de cadrer la prise de vue d’une œuvre initialement contextuelle, faite pour (et par) la rue, réduit sa dimension performative et l’expérience sensorielle du récepteur. Le paradoxe est bien là : les images du street art pourtant créées pour et dans un lieu précis, circulent à échelle planétaire sous une forme délocalisée et virtuelle, de manière, bien souvent, décontextualisée. Ce régime de double visibilité, virtuelle et concrète, globale et locale, qui implique une double condition d’existence, éphémère (in situ) et durable (numérisé), vivante et immatérielle, constitue une singularité remarquable de ce mouvement de l’art contemporain. Par cette spécificité que l’on pourrait qualifier de multidimensionnelle, à l’enseigne d’une glocalisation culturelle, le street art crée « un type d’espace spécifique, ‘glocal’, pendant du local et du global » (Szczepanski, 2003, 155). Pourtant fortement ancré dans un espace-temps bien précis à sa création, le street art tend toujours plus vers un screen art, accessible et disponible majoritairement à travers les images de ses œuvres, appréhendées sur écran. Cet état de fait se renforce dès que l’œuvre a cessé d’exister dans la rue et que ne survivent, bien souvent, plus que leurs images numériques.
Dans le prolongement des travaux menés lors du colloque international Glocal Street art organisé par l’Université Rennes II en février 2022, ce numéro de la revue ¿ Interrogations ? aura pour objet de questionner le rapport au lieu du street art, lieu en tant qu’espace de création, d’exposition et de communication. En effet, l’art réalisé sans autorisation dans la rue interroge avant tout le rapport de l’œuvre à son emplacement, à son lieu de production et à l’environnement de sa réception.
Les textes proposés pour publication sont attendus le 16 décembre 2024 au plus tard et à envoyer simultanément aux deux coordinatrices du numéro : <Helene.Gaillard@u-bourgogne.fr> ; <mireille.diestchy@gmail.com>
Les articles ne devront pas dépasser 50 000 signes (notes, espaces et bibliographie compris) et devront être accompagnés d’un résumé et de cinq mots-clés en français, d’un résumé (abstract) et de cinq mots-clés (keywords) en anglais.
Les articles répondront impérativement aux normes de rédaction présentées à l’adresse suivante : http://www.revue-interrogations.org/Recommandations-aux-auteurs
Publication prévue du numéro : décembre 2025
Baldini Andrea Lorenzo (2022), « What Is Street Art ? », Estetika : The European Journal of Aesthetics LIX/XV, n° 1, pp. 1–21.
Bengtsen Peter (2013), « Site Specificity and Street Art » dans Theorizing Visual Studies : Writing Through the Discipline, J. Elkins (dir.), pp. 250-253.
Gerini Christian (2015), « Le street art, entre institutionnalisation et altérité », C.N.R.S. Editions, Hermès, La Revue, n° 72, pp. 103-112.
Szczepanski Maxime (2003), « Le village planétaire. : Variations sur l’échelle d’un lieu commun », Mots : les langages du politique, n° 71, [En ligne] https://doi.org/10.4000/mots.8553 (consulté le 10 juin 2024).
La revue accueille également des articles pour ses différentes rubriques, hors appel à contributions thématique :
♦ La rubrique« Des travaux et des jours » est destinée à des articles présentant des recherches en cours dans lesquels l’auteur met l’accent sur la problématique, les hypothèses, le caractère exploratoire de sa démarche, davantage que sur l’expérimentation et les conclusions de son étude. Ces articles ne doivent pas dépasser 30 000 signes (notes, espaces et bibliographie compris) et être adressés à Mireille Dietschy : mireille.diestchy@gmail.com
♦ La rubrique « Fiches pédagogiques » est destinée à des articles abordant des questions d’ordre méthodologique (sur l’entretien, la recherche documentaire, la position du chercheur dans l’enquête, etc.) ou théorique (présentant des concepts, des paradigmes, des écoles de pensée, etc.) dans une visée pédagogique. Ces articles ne doivent pas non plus dépasser 30 000 signes (notes et espaces compris) et être adressés à Agnès Vandevelde-Rougale : a-vandevelde@orange.fr
♦ La rubrique« Varia », accueille, comme son nom l’indique, des articles qui ne répondent pas aux différents appels à contributions ni aux rubriques précédentes. Ils ne doivent pas dépasser 50 000 signes (notes, espaces et bibliographie compris) et être adressés aux coordinateurs : varia-interrogations@framalistes.org
♦ Enfin, la dernière partie de la revue recueille des « Notes de lecture » dans lesquelles un ouvrage peut être présenté de manière synthétique mais aussi critiqué, la note pouvant ainsi constituer un coup de cœur ou, au contraire, un coup de gueule ! Elle peut aller jusqu’à 12 000 signes (notes et espaces compris) et être adressée à Nicolas Peirot : nicolas.peirot@gmail.com. Par ailleurs, les auteurs peuvent contacter Nicolas Peirot pour nous adresser leur ouvrage, s’ils souhaitent les proposer pour la rédaction d’une note de lecture dans la revue. Cette proposition ne peut être prise comme un engagement contractuel de la part de la revue. Les ouvrages, qu’ils fassent ou non l’objet d’une note de lecture, ne seront pas retournés à leurs auteurs ou éditeurs.
Comité de rédaction, Diestchy Mireille, Gaillard Hélène, « Appel à contribution n°41 - Glocal Street art : penser le lieu des réalisations artistiques dans l’espace public », dans revue ¿ Interrogations ?.