La théorie freudienne a joué un rôle important dans l’installation d’un modèle décrivant les relations que nous entretenons avec les morts comme une illusion subjective. Un tel modèle ne nous met pas en capacité d’apprendre de celles et ceux qui cultivent de telles expériences, dans une diversité de modalités pratiques. Je tente ici à l’inverse de rassembler certains moyens permettant de penser avec les foisonnantes pratiques de relation aux morts. Dans cette tentative, je me fie aux possibilités ouvertes par le pragmatisme et l’empirisme jamesiens, qui n’ont jamais tenu les expériences de relation pour secondes ou dérivées. Les propositions jamesiennes permettent de résister aux pratiques de connaissance qui vident les mondes de leur épaisseur en définissant par avance une réalité dans laquelle les relations qui nous animent n’ont d’autre signification que symbolique.
Mots-clefs :
Sigmund Freud – William James – les morts – psychanalyse – pragmatisme
Concerning the Dead : Freud or James ?
Freudian theory played a significant role in implementing a model describing the relations we nurture with the dead as subjective delusion. Such a model forecloses all possibilities to learn from those who cultivate these experiences through diverse practical modalities. I try here, inversely, to collect some means that might enable us to think with the abundant practices of relation to the dead. To do so, I follow the possibilities opened by Jamesian pragmatism and empiricism, which never took the experiences of relation for secondary or derivative. Jamesian propositions help us resist the knowledge practices that deprive the worlds of their thickness by defining beforehand a reality in which the relations that animate us are reduced to symbolic meaning.
Keywords :
Sigmund Freud – William James – the dead – psychoanalysis – pragmatism
L’élaboration de la philosophie jamesienne fut inséparable, pour son auteur, de l’affirmation de l’existence d’authentiques possibles au sein de l’expérience. Ainsi, dans un passage de Some Problems of Philosophy, William James (2006 [1911] : 126-127) se fait la voix de l’indéterminisme foncier que partage le sens commun : « Nous pensons que, dans une certaine mesure au moins, le futur peut ne pas être co-impliqué dans le passé, mais qu’il peut réellement y être ajouté et qu’il s’y ajoute en effet, sous une forme ou sous une autre ; de telle sorte que le tour que prendra un événement peut être, à un moment donné, véritablement ambigu, c’est-à-dire possiblement ceci mais aussi possiblement cela. » Le déroulement des événements, tels que pour finir ils ont eu lieu, peut nous encourager à renoncer à ces possibles. Mais la perspective jamesienne nous invite au contraire à penser à la hauteur de ce qui aurait pu et de ce qui pourrait encore être. Pour mettre en relief certains enjeux associés à cet indéterminisme jamesien, je me tourne brièvement vers Whitehead, héritier de James sur ce point comme sur bien d’autres, et vers les commentaires de Didier Debaise à son sujet.
Dans Procès et réalité, Whitehead évoque la bataille de Waterloo de manière à souligner la pertinence des « notions abstraites exprimant la possibilité d’un autre cours de l’histoire » (1995 [1929] : 307). Dans son livre intitulé L’appât des possibles : Reprises de Whitehead, Didier Debaise (2015 : 139) commente cet exemple ; il écrit : « Si l’issue de la bataille avait été inscrite depuis toujours, si elle suivait un cours normal établi une fois pour toutes, si elle ne faisait qu’actualiser des surdéterminations historiques, alors c’est toute la valeur de l’événement qui s’effondrerait, et avec elle notre héritage. Nous dirions de la bataille qu’elle est un événement dans une séquence linéaire, mais nous échapperait ce qui fait qu’à telle occasion à tel moment historique la constitution de notre monde actuel s’est jouée. » Mais le sentiment que la « constitution de notre monde actuel s’est jouée » à telle occasion n’a nullement pour simple effet de nous placer face à des « faits accomplis » (Stengers, 2020 : 157-158) seulement agrémentés du savoir tout théorique qu’il ‘aurait pu en aller autrement’. Il y va de bien plus. Comme le souligne encore Didier Debaise (2015 : 141) : « Ce n’est pas la bataille qui en tant que telle doit trouver toute son importance. Ce serait là une plate constatation. L’intensification porte sur toutes les hésitations qui la traversent, sur les possibles qui l’animent et qui viennent en fragiliser la dimension imposante. » Le travail de ceux que Whitehead appelle les écrivains et historiens « imaginatifs » a alors pour éminent effet de rendre compte de notre monde actuel sans occulter « les possibles qui l’habitent dans une présence latente » (Debaise, 2015 : 141). Le sentiment de cette « présence latente » signifie non seulement que l’issue de la bataille était, comme dit James, véritablement ambiguë, mais aussi que l’issue ne se résume pas à quelque alternative sommaire ‘victoire/défaite’. Il importe toutefois de préciser que l’exemple whiteheadien de la bataille ne constitue pas une proposition générale : tout événement ne serait que bataille ou résultat d’une bataille. La bataille est ici un cas tout à fait particulier que Whitehead utilise pour exprimer comment chaque événement nous appelle à penser loin de tout sentiment que ‘l’histoire en a décidé ainsi’. D’autres choses se sont passées et ont poursuivi leur chemin, échappant au couperet de tout prétendu résultat simple.
D’où l’intérêt des tentatives visant à mettre en scène des controverses replongées dans leur indécision initiale : elles ouvrent l’imagination, elles font sentir au présent l’insistance et la force d’une « présence latente » et rendent sensible à d’autres manières de faire [1]]. Et c’est, avec des outils philosophiques, une telle opération de reprise que je vais tenter, dans le domaine tout particulier de nos rapports aux morts. J’y travaillerai en convoquant certaines propositions de William James et de Sigmund Freud, mais, ce faisant, je ne cherche ni à orchestrer un différend théorique ni à comparer leurs positions respectives, comme dans l’espoir vain de dresser le paysage complet de leurs « idées » à ce sujet. Je me contenterai d’évoquer quelques propositions de ces deux auteurs afin de travailler certains problèmes actuels. Mon propos est de fait animé par un espoir qui s’affiche et qui constitue son enjeu : l’espoir de trouver, chez James, des manières de parler de nos relations aux morts qui fassent une différence significative par rapport à certaines propositions freudiennes qui ont marqué notre époque. Les rapports aux morts ne constituent pas ici un exemple illustrant une idée générale, mais bien un site spécifique de pratiques multiples, dont il s’agit peut-être avant tout de ne pas perdre la richesse et l’intelligence, comme j’espère, avec James, le faire sentir. Alors que nous faisons face à des pratiques, tout aussi multiples (scientifiques, politiques, économiques, autres), qui s’activent à fabriquer des mondes simplifiés, explicables, ordonnés, ne pas perdre cette richesse n’apparaît pas comme une option relevant de la bonne volonté mais bien plutôt comme une exigence vitale, un enjeu brûlant.
Les pratiques de rapport aux morts [2]] ont une histoire moderne qui compte sans doute fortement dans les difficultés que l’on peut rencontrer à simplement les évoquer. Dans son livre Soigner les morts pour guérir les vivants (2006), Magali Molinié montre la façon dont les rapports quotidiens et publics aux morts ont, en Europe et au-delà, été partiellement relégués dans une temporalité étroite et dans un espace privé. Si Molinié expose une passionnante généalogie remontant à Augustin, c’est un changement plus récent que j’évoquerai ici, celui qu’opère le geste freudien. Molinié souligne combien Freud joua un rôle décisif dans la définition du rapport au mort comme inconséquent, spécialement lorsqu’il écrit, en 1915, « Deuil et mélancolie » (1988 : 259-278). Le but de ce texte est d’utiliser l’expérience ‘normale’ du deuil pour expliquer le cas ‘pathologique’ de la mélancolie, celle-ci devenant une sorte de deuil immodéré, inconsolable [3]]. Mais le texte aura un autre destin, puisqu’il va tendre peu à peu à imposer le ‘modèle de la perte’ concernant les défunts. Dans ce modèle, le mort n’a pour forme d’existence que celle du souvenir, et la personne endeuillée doit faire l’épreuve de la réalité, ce qui signifie qu’elle doit accepter que le mort n’existe plus réellement et que la relation en tant que telle est inconséquente [4]].
Le possible auquel, par contraste, je souhaite donner toute son importance communique avec l’entreprise multiple et collective au sein de laquelle William James prit une part décisive. Le modèle qui s’est provisoirement et localement imposé a sans doute fait beaucoup pour occulter l’enthousiaste curiosité qui animait alors les personnes attachées à l’étude des pratiques diverses dans lesquelles des rapports aux morts sont cultivés (Méheust, 1998). James le fit plus précisément en consacrant une grande partie de son temps à prendre part au travail de la Société pour la recherche psychique (Society for Psychical Research fondée à Londres en 1882 – la branche américaine voyant le jour en 1884), qui se donnait pour tâche d’étudier certaines expériences exclues des sciences par principe, telles que la médiumnité, les apparitions, la télépathie. Indépendamment même des procédures et résultats obtenus, ces enquêtes font ressortir un intérêt pour les pratiques et leurs effets, par contraste avec ce qui, dans l’idée freudienne d’‘épreuve de la réalité’, s’apparente à une fin de non-recevoir. Je vais tâcher de montrer que, concernant les rapports aux morts, c’est tout particulièrement l’intérêt pour les relations, dans la philosophie jamesienne, qui offre un précieux décalage.
Pour tenter de dramatiser la question à l’égard de laquelle il s’agirait de faire émerger d’autres possibles, je partirai d’une expérience vécue par l’un des protagonistes de cette histoire : Freud. Cette expérience ouvre le livre de 1901, Psychopathologie de la vie quotidienne (1997 : 7-14) et se présente comme l’oubli d’un nom propre [5]]. Derrière cet oubli de nom, il y a en fait l’oubli d’un mort.
Freud se trouve dans un train qui le conduit de la ville de Raguse en Dalmatie (aujourd’hui Dubrovnik, en Croatie) vers une station en Herzégovine, dit-il. Dans son compartiment se trouve un autre passager qu’il ne connaît pas, mais avec lequel s’engage une discussion. Freud se met à parler des fresques qu’il a récemment pu admirer dans la cathédrale d’Orvieto, mais il ne parvient plus à se souvenir du nom du peintre. Ce peintre, c’est Luca Signorelli, Freud le sait très bien, mais il ne trouve plus le nom, qui se tient sur le bout de sa langue. À la place du nom, il pense à : Botticelli, Boltraffio – tout en sachant que ces noms ne sont pas les bons.
Freud s’auto-analyse alors, en employant la méthode interprétative de la psychanalyse. Voici ce qu’il suppose : que le nom Signorelli a été littéralement retiré de sa conscience, en raison d’une connexion complexe entre ce nom et le souvenir de la mort par suicide de l’un de ses patients qui souffrait d’un ‘trouble sexuel’, une mort dont Freud lui-même refoulait à ce moment le souvenir, en raison de la tristesse de l’événement – mais aussi peut-être parce qu’il constituait un échec de sa thérapie ? L’interprétation met en jeu tout un écheveau d’associations d’idées. Freud explique qu’avant de parler de peinture, il racontait au voyageur ce qu’un collègue exerçant dans la région lui avait dit concernant les habitudes des Turcs vivant en Bosnie et en Herzégovine : lorsqu’il fallait annoncer la mort d’un patient à de proches parents, ceux-ci manifestaient toujours une forte résignation et déclaraient « Seigneur [Herr], n’en parlons pas ». Freud avait immédiatement pensé à une autre anecdote concernant ce même peuple, également rapportée par son collègue. D’après celui-ci, en cas d’impuissance sexuelle, ces personnes avaient coutume de dire au contraire : « Tu sais bien, Seigneur [Herr], que lorsque cela ne va plus, la vie n’a plus aucune valeur ». Freud n’avait pas évoqué ce second aspect des ‘mœurs’ locales, en raison de son caractère, dit-il, scabreux. L’interprétation se poursuit : les deux thèmes convoqués explicitement et implicitement par la discussion (mort et sexualité) ne pouvaient qu’activer, qu’exciter le souvenir de la mort de son patient (nouvelle que Freud avait apprise lors d’un séjour à Trafoï), un souvenir qui dès lors affleurait, et qu’il devenait urgent de repousser, ce que Freud fit en choisissant un sujet de conversation apparemment plus innocent : les fresques d’Orvieto [6]]. Seulement, le nom du peintre, Signorelli, commence par ‘signor’, traduction italienne du ‘Herr’ associé aux deux formules ‘turques’ : « Herr, n’en parlons pas » et « Herr, la vie n’a plus aucune valeur ». Il fallait donc que le nom fût indisponible pour éviter qu’il ne ravive les pensées rendues dangereuses par leur association fortuite avec le souvenir du mort.
L’explication freudienne est brillante. Elle tient des romans de détective et de leur passion pour les indices (Ginzburg, 2010 [1986] : 218-294). Eu égard à mon propos, je mettrai en relief deux points relatifs à l’explication que donne Freud. D’une part, et alors même que l’explication freudienne fait appel à une proliférante association d’idées, les relations elles-mêmes, et au premier chef celle du nom sur le bout de la langue, n’ont aucune importance en tant qu’expériences concrètes et vécues. Ce qui compte, c’est l’explication. D’autre part, l’enquête freudienne relative au nom oublié s’inscrit dans un cadre entièrement intrapsychique. Le monde ‘extérieur’ n’existe qu’à solliciter des forces définies par leur appartenance à la sphère mentale de la personne Sigmund Freud. Chacun de ces deux points va se trouver inversé dans l’approche jamesienne.
Empruntons donc l’autre versant de l’alternative à construire, son versant jamesien. James parle longuement du type d’expérience que connaît Freud dans la situation que je viens d’exposer : l’expérience du nom sur le bout de la langue. Voici ce qu’il écrit dans son Précis de psychologie (2003 [1892] : 119-120) : « Supposons que nous essayions de nous souvenir d’un nom oublié. Notre conscience se trouve alors dans un état particulier. Il s’y trouve une faille, mais pas n’importe laquelle. Une faille intensément active. Une sorte de fantôme du nom s’y trouve qui nous indique un certain chemin, nous taquine par moments avec l’impression que nous touchons au but, puis nous abandonne sans nous avoir donné le terme désiré. Si des noms erronés nous viennent à l’esprit, cette faille les rejette immédiatement. Ils ne correspondent pas à son moule. Et le vide créé par tel mot n’est pas éprouvé de la même façon que celui qu’aura laissé un autre mot, même si ces vides nous paraissent dépourvus de contenu lorsqu’on les décrit comme tels. Lorsque j’essaie en vain de me souvenir du nom de Spalding, ma conscience n’est pas du tout la même que lorsque j’essaie vainement de me souvenir du nom de Bowles. Il y a d’innombrables états de conscience du manque, aucun pris séparément ne possède de nom, mais tous diffèrent les uns des autres. Un tel sentiment de manque est différent du tout au tout du manque de sentiment : il s’agit d’un sentiment fort. »
Ailleurs, James (2000 [1899] : 115) signale combien serait dans l’erreur un enseignant qui assimilerait à un ignorant l’enfant affirmant connaître la réponse mais ne pas parvenir à la dire. Ce qui semble essentiel ici et là, c’est l’insistance mise sur la relation comme expérience spécifique : tout sauf un vide, ou un lien strictement ‘logique’, le nom sur le bout de la langue est une expérience concrète, dotée de sa rugosité propre, de sa saveur unique, ici et maintenant. Et elle n’est pas plus incomplète que vide : elle ne manque pas, en elle-même, d’une autre expérience qui viendrait la ‘compléter’ (même quand il lui arrive – ce qui n’a rien de nécessaire – de disparaître dans le nom ‘trouvé’).
Ces propos de James ne sont aucunement anecdotiques. Les lecteurs de James savent combien d’efforts ce dernier aura mis à rendre « la place qui leur revient » (2003 [1892] : 121) aux expériences de relation, en tant que psychologue, mais aussi en tant que philosophe. Dans ses écrits de psychologie, James (2003 [1892] : 118) notait en effet : « Nous devrions parler d’un sentiment de et, d’un sentiment de si, d’un sentiment de mais, et d’un sentiment de par, aussi spontanément que nous parlons d’un sentiment de bleu ou de froid. Pourtant nous ne le faisons pas : notre habitude de reconnaître l’existence des seuls états substantifs est devenue si invétérée que le langage refuse presque d’être utilisé à d’autres fins. » C’est une enquête immense que suppose le questionnement relatif aux motifs qui ont pu produire cette ‘habitude invétérée’, une enquête dont on pourrait suivre le fil chez James et dont d’autres philosophes, héritiers du pragmatisme, prendront le relais [7]]. Si cette enquête dépasse la cadre de mon présent propos, il importe en revanche de souligner que James ne limitera aucunement son diagnostic à ses études relevant de la psychologie, mais le formulera également dans ses travaux de philosophe au titre de son ‘empirisme radical’. Il écrit (2007 [1912] : 91) : « Les prépositions, les copules, et les conjonctions – “est”, “n’est pas”, “puis”, “avant”, “dans”, “sur”, “à côté”, “entre”, “près”, “pareil”, “différent”, “comme”, “mais” – éclosent dans le courant de l’expérience pure, le courant des concrets ou le courant des sensations, aussi naturellement que les noms et les adjectifs, et ils s’y mélangent à nouveau avec la même fluidité quand nous les appliquons à une nouvelle partie du courant. » Dans cette seconde citation, il n’est pas question d’un « courant de pensée » (James, 2003 [1892] : 115), mais d’un « courant de l’expérience pure », qui ne présuppose aucune séparation préétablie, dans ce que nous vivons, entre une sphère physique et une sphère mentale. Si cette nouvelle formulation fait une différence, c’est au moins celle de nous priver de la nécessité de décrire les expériences dans lesquelles des relations se font et s’inventent comme relevant d’une sphère mentale et privée. Nos expériences n’ont en elles-mêmes rien de mental, et la charge de la preuve ne revient pas à l’empiriste, qui peut simplement les décrire (malgré les difficultés que cela implique) dans leurs particularités concrètes.
Le gain associé à cette manière de redonner toute leur place aux expériences de relation est immense. Rien n’empêche plus d’observer celles-ci au grand jour, d’en suivre les intérêts et les effets, nullement illusoires. C’est leur effet qui permet au mieux de faire saillir leur importance, leur ‘vérité’. Elles-mêmes ne ‘s’ajoutent’ nullement à quelque ‘réalité véritable’, bien souvent pensée, dans les domaines qui intéressaient Freud et James, sur le modèle des connaissances obtenues par les sciences expérimentales [8]]. Certes, les expériences de relation sont généralement fuyantes, mais elles n’en sont pas moins permanentes et familières, comme dans le cas de l’oubli d’un nom propre.
Pour donner à sentir ce point, il semble particulièrement utile de faire appel aux romans. Si l’attention aux prépositions, aux copules et aux conjonctions est tellement importante pour nous rendre sensibles aux expériences de relation, comment nous étonnerions-nous de trouver nombre d’écrivains particulièrement bien équipés pour en rendre la saveur ? Dans Les deux morts de Quinquin-La-Flotte, le romancier brésilien Jorge Amado conte l’histoire de l’honorable Joaquim Soares da Cunha qui, à la fin de son existence, abandonne toute espèce de respectabilité pour se plonger dans la vie de Bahia. À sa mort, la veillée funèbre organisée par sa famille se présente comme un retour à l’ordre, à grand renfort de costume et de souliers vernis. C’est sans compter sur le sourire du mort, rebelle à toutes les interventions des employés des pompes funèbres. Amado (2008 [1961] : 98-99) écrit : « Le sourire de Quinquin-La-Flotte était resté, et, avec ce sourire goguenard et enjoué, à quoi servaient des souliers neufs, et même flambant neufs […], à quoi servaient costume noir, chemise blanche, barbe rasée, cheveux pommadés et mains jointes pour la prière ? En effet, Quinquin riait de tout cela, d’un rire qui s’amplifiait, se propageait et ne tardait pas à retentir dans l’immonde taudis. Il riait avec ses lèvres et avec ses yeux, des yeux qui se tournaient vers le tas de vêtements sales et rapiécés oublié dans un coin par les hommes des pompes funèbres. » Là où costume, chemise, barbe et cheveux pommadés viennent nommer des éléments de la scène formant comme des « états substantifs » qui pourraient donner à la mort des allures définitives, le rire « avec » les lèvres, « avec » les yeux, fait s’amplifier des relations agitées et difficilement attribuables, dont toute la pièce finit par résonner. La question est moins théorique que pratique ou dramatique : que faire avec cette expérience ? La suite du roman montrera comment les amis de Quinquin-La-Flotte ne tarderont pas à imaginer des manières de répondre à ce rire.
Pour revenir à James et Freud : il peut certes sembler incongru de mettre en place un tel contraste entre ces derniers, au motif que le premier aurait élaboré une pensée des relations. De fait, Freud et la psychanalyse plus généralement, tout particulièrement dans un contexte actuel marqué par le succès des thérapies comportementales et cognitives, sont eux-mêmes fréquemment présentés comme mettant la relation au cœur de la pratique thérapeutique. La relation analytique peut même apparaître à juste titre comme une « intensification » de médiations (Stengers, 1992 : 59). Mais cette relation prend une forme très spéciale qui la distingue tout à fait des multiples entrées en rapport pratiques que l’approche jamesienne pousse à considérer. D’une part en effet, la relation analytique renvoie spécialement au patient et au thérapeute. D’autre part, la relation telle que Freud la définit dans sa théorie du transfert s’écarte décisivement des relations agissantes que décrit James : elle est supposée ne rien véritablement changer, et s’obtenir comme témoignage sans interférence de la seule ‘psychè’ du patient, au point que le traitement analytique apparaît comme pouvant être « calculé jusque dans ses ultimes effets » (Freud, 2015 [1916-1917] : 551 ; Stengers, 1992 : 58). C’est donc bien James qui place l’expérience des relations au cœur de son approche, d’une manière qui diffère tout à fait de celle de Freud.
La double inversion que représente l’approche jamesienne par rapport à l’approche freudienne est maintenant manifeste : les relations ne relèvent pas de quelque sphère mentale et elles constituent bien des expériences, qui ne se réduisent pas à autre chose qu’elles-mêmes. Il devient donc possible de parler de nos relations aux morts du point de vue des pratiques et des effets, sans les rattacher à un « territoire scientifique » improprement consolidé sur le modèle d’une ontologie générale. Les relations aux morts deviennent alors le lieu d’un intérêt possible pour la façon dont elles remplissent nos existences. La manière dont ces relations remplissent nos existences est ouverte à expérimentation, et non à jugement concernant leur ‘réalité’ ou leur ‘irréalité’ [9]].
Bien entendu, si le rapport pratique à un mort peut se décrire comme une expérience de relation, une telle expérience est censément de toute autre nature que celle, banale, impliquant l’oubli d’un nom propre. Mais si ces expériences sont de natures tout à fait différentes, elles n’en offrent peut-être que mieux l’occasion de penser par analogie.
James a de fait fortement mis l’accent, dans ses commentaires concernant Fechner, sur la fécondité pragmatique des modes de pensée analogiques (2007 [1909] : 106-107) [10]]. Évitant les abstractions creuses et les modèles déductifs, l’analogie bien maniée ne décolle pas des concrets et a pour vertu précieuse d’ouvrir l’imagination, à condition toutefois de veiller à ne pas écraser les différences. Elle peut alors se faire « analogie générative » (Despret, 2019 : 30), favorisant une attention à ce dont des êtres pourraient être capables ‘à la façon’ d’autres êtres, à ce que des expériences pourraient signifier ‘à la façon’ d’autres expériences [11]].
Peut-être est-il alors possible de construire une continuité analogique entre ces deux sentiments, celui du nom sur le bout de la langue, celui du sentiment de la présence d’un mort dans une vie, non pas dans l’espoir de les ramener au même, mais plutôt afin de commencer à habiter une expérience qui nous est peut-être devenue difficile à partir d’une autre qui nous est plus familière. James s’était notamment attaché à explorer les pratiques médiumniques. Au regard de ce que je viens d’avancer, on pourrait dire qu’il s’agissait pour lui, ce faisant, d’apprendre de situations exceptionnelles (James, 1986 : 283) dans lesquelles se produisent des sentiments de relation intenses et analogues à ceux du nom sur le bout de la langue, et de tirer parti aussi de personnalités exceptionnelles (comme la médium Leonora Piper), qui manifestent une aptitude spéciale à de telles expériences (Delaplace, 2021 : 206). Dans de telles situations, commente James, il ne sert à rien d’exiger des révélations fracassantes : comme dans le cas d’un nom sur le bout de la langue, c’est plutôt l’apport d’indices qui vont aider la médium à préciser ce qu’elle éprouve (James, 1986 : 80-81).
L’analogie générative que je tente ici, en mettant en continuité l’expérience du sentiment de relation à un mort et l’expérience du nom sur le bout de la langue, permet de faire ressortir l’incongruité de l’exigence éradicatrice contenue dans l’approche freudienne. Qui penserait, à part l’enseignant de la vieille école qu’évoque James, à demander la disparition de ces moments où un nom se dessine sur le bout de notre langue ? L’analogie permet alors de tenter le saut dans un autre domaine et de nous demander : pourquoi faudrait-il renoncer à cultiver nos liens à nos morts ? Une histoire marquante à cet égard est celle d’Augustin Lesage, que Vinciane Despret évoque dans son livre Au bonheur des morts. Mineur dans le nord de la France, Lesage entend, au fond de la mine, en 1911, une voix lui intimer de devenir peintre. « La voix revient, elle insiste. Elle lui commande l’achat très précis du matériel et le met au travail. » (Despret, 2017 [2015], 103). C’est la sœur défunte de Lesage qui guidera la réalisation des premières toiles. Pourquoi Lesage renoncerait-il à entendre cette voix, sinon par principe ? Le moins que l’on puisse dire est que le peintre aurait payé au prix fort l’obéissance à ce principe.
On s’aperçoit combien l’imagination analogique prête ainsi main au questionnement pragmatiste. James est en effet connu pour placer, de manière provocatrice, les conceptions sous le signe de leur « cash-value », de leur « valeur réelle pratique » (2007 [1907] : 118). Cela reviendrait ici à nous demander ce que nous gagnons à prêter l’oreille aux propositions éradicatrices concernant nos rapports aux morts. Pourquoi consentir au modèle prescriptif impliquant de rompre le fil de ces expériences dans lesquelles nous sentons l’insistance d’un défunt dans notre vie ? Voulons-nous vivre dans un monde dans lequel les capacités à vivre, sentir, penser, imaginer, associées à ces expériences auraient été éradiquées [12]] ?
On le comprend, cette attention aux relations et ce déplacement en faveur de l’expérience immédiate s’accompagnent, dans l’approche empiriste de James, d’une mise en avant des dispositifs et des pratiques, saisis dans leur particularité et leur diversité. Il devient même intéressant d’imaginer des dispositifs dans lesquels de telles expériences pourraient être cultivées, approfondies, exercées, et le travail de James avec des médiums semble au moins pour partie exprimer un tel souci. L’empirisme radical de James se montre tout à fait apte à exprimer cette dimension. Malgré les premières formulations propres aux travaux de psychologie – qui maintenaient, tout en signalant son caractère problématique, un dualisme de méthode (James, 2003 [1892] : 48-49) – on l’a vu : dans l’empirisme radical, l’expérience des relations n’est pas décrite comme ‘mentale’ par opposition à une ‘matière’ qui pour sa part serait statique. James nous convie à ne plus nous fier à ce que nous avions appris à appeler la ‘matière’ d’une part, l’‘esprit’ ou la ‘conscience’ de l’autre, sous la forme d’entités distinctes. Ce dont nous avons l’expérience se range mal dans une réalité à étages, alors qu’il semble que nous ayons plutôt affaire à des expériences qualitativement plurielles. En revanche, certaines de nos expériences (en elles-mêmes ni ‘physiques’ ni ‘mentales’) sont relativement stables ou stabilisées, d’autres relativement fluides ou fluidifiées. C’est là que réside la possibilité de nous intéresser non seulement aux événements dans lesquels un rapport est éprouvé, mais aussi aux dispositifs, aux pratiques, aux situations qui favorisent, très techniquement et concrètement, ces expériences et contribuent à déployer ces attachements.
On est dès lors frappé par la manière dont la discussion freudienne relative à l’oubli du nom Signorelli s’inscrit dans un cadre théorique qui a pour effet d’oblitérer ce qui, dans la situation vécue, relève du dispositif et peut-être de certaines pratiques. On remarquera d’une part que la situation et les conditions de l’expérience (pourtant perversement semblables à la situation analytique : Freud parle – presque – librement à un étranger) n’en sont nullement considérées comme des composantes [13]]. On remarquera d’autre part que les spécificités pratiques d’un rapport aux morts évoquées dans les propos que Freud adresse au passager ne sont aucunement retenues comme significatives pour comprendre ce qui a lieu. Je me contenterai ici d’évoquer brièvement à quoi tiennent ces deux remarques.
Le dispositif à l’intérieur duquel une expérience de relation se produit ici est premièrement celui du déplacement en train. Une approche pragmatique et expérimentale ne saurait écarter ce point. Même en première approximation, on peut remarquer que le train est connu pour favoriser une transe légère et une disposition à la rêverie. Autrement dit, le train apparaît comme un dispositif intéressant du point de vue de sa capacité à amplifier certaines des expériences transitives dont parle James. Or, Freud n’en fait aucun cas. Cela peut surprendre, car Freud avait lui-même contribué à la migration de la notion de traumatisme du domaine physique au domaine psychologique à l’occasion de la multiplication des cas de troubles sans étiologie physique chez des personnes ayant connu un accident de chemin de fer [14]] ; même s’il n’est évidemment pas question dans son cas de ‘traumatisme’, on pouvait le penser bien placé pour prêter attention au train en tant que dispositif technique nullement ‘inoffensif’.
D’autre part, on ne peut manquer d’être surpris par la correspondance entre la formule ‘traditionnelle’ employée par les Turcs de Bosnie et d’Herzégovine à l’annonce de la mort prochaine d’un parent (« Herr, n’en parlons pas ») [15]] et l’incapacité où se trouve Freud d’évoquer la mort de son patient. Mais l’approche freudienne, parce qu’elle s’attache à déceler des processus mentaux, ne peut que désactiver toute possibilité de s’intéresser à une telle ‘attitude’ comme relevant d’une pratique que travaille la relation à un défunt. L’ethnographie est, de fait, profuse lorsqu’il s’agit de témoigner de pratiques qui imposent aux proches de ne pas prononcer le nom du défunt. Or, ces pratiques d’évitement apparaissent manifestement comme le contraire même d’un non-rapport ou d’un effort pour oublier [16]].
Dans l’expérience vécue par Freud, la question des pratiques et des dispositifs semble donc esquivée par la perspective psychanalytique, tandis qu’elle se fait significative dans une conception pragmatique redonnant sa place à l’expérience des relations en tant que lieu de la construction d’un rapport. Non enrôlé par la perspective d’une vérité intrapsychique qui jette un voile sur le monde, James peut donc librement poursuivre son travail visant à explorer à quoi tiennent nos rapports aux morts, sans se priver des moyens, anciens ou plus récents, ayant conduit à des résultats suggestifs. Ainsi s’est-il très tôt passionné pour les ‘planchettes’ (James, 1986 : 1-4), un dispositif formé d’une planche en bois, dont deux pieds sont constitués par des roulettes et le troisième par la pointe d’un crayon. La planchette accueille sur sa surface la main d’une personne plongée en transe et James lui prête la vertu de faciliter le transit d’impulsions (parties de l’expérience de relation) qui feront parfois écrire une personne liée à un défunt [17]].
Le débat faillit, mais faillit seulement, avoir lieu. En 1909, Freud est invité à l’université Clark du Massachusetts par le philosophe et psychologue Granville Stanley Hall, et s’y rend accompagné par C. G. Jung et Ernest Jones. Dans sa biographie de Freud, Jones (1972 [1955] : 60) se fait l’écho d’une phrase que James lui aurait dite au moment des adieux : « L’avenir de la psychologie dépend de votre travail ». On doit à Eugene Taylor (1996 : 146-148) la grâce d’une recontextualisation qui prive cette petite phrase de sa portée apparemment sacramentelle. Taylor rappelle que ce qui intéresse fondamentalement James, c’est l’expérience de la transe, en tant qu’elle ouvre à des formes de conscience ‘surnormales’. Or, dès les années 1870, James attend du neurologue George Miller Beard le grand livre sur l’expérience de la transe, mais Beard meurt trop tôt ; James attend ensuite la même chose du ‘psychiste’ Frederic Myers, qui meurt à son tour ; il l’espère ensuite du psychologue Pierre Janet, mais ce dernier suit trop étroitement le modèle pathologisant de Charcot ; en 1904, il rencontre à Harvard le moine bouddhiste Anagarika Dharmapala, auquel il affirme que la conception bouddhiste de l’esprit est celle qui sera étudiée durant les vingt-cinq prochaines années… La remarque de James, à supposer qu’elle soit vraie, ne se rattache donc pas spécialement à la psychanalyse. James (1987 : 474-475), dont c’est peut-être un trait d’humour, publie en 1894, dans la Psychological Review, une recension de l’article de Freud et Breuer « Ueber den psychischen Mechanismus hysterischer Phänomene » (repris en 1895 dans les Études sur l’hystérie), mais la recension se trouve placée entre une recension du travail de Janet et une recension du livre de Leander E. Whipple, The Philosophy of Mental Healing. Pour Taylor (1996 : 52), c’est une façon discrète de rappeler que la théorie de Freud et Breuer est surtout une formulation élaborée de ce que Janet dit depuis longtemps et de ce que les mental healers ont constamment fait…
Le film de David Cronenberg, A Dangerous Method (2011), racontant la relation entre Carl G. Jung et sa patiente (et future psychanalyste) Sabina Spielrein, a popularisé (et abrégé) l’expression fournissant son titre au livre de John Kerr (1993), A Most Dangerous Method : The Story of Jung, Freud, and Sabina Spielrein, livre dont il propose l’adaptation cinématographique. L’expression est empruntée à une lettre de William James (1920 : 327-328) à son ami Théodore Flournoy (28 septembre 1909) : « Combien ce qui nous intéresse vous et moi est toujours semblable, cher Flournoy. La “psychologie fonctionnelle”, et la région crépusculaire qui entoure le centre distinctement éclairé de l’expérience ! À propos de psychologie “fonctionnelle”, l’université Clark, dont Stanley Hall est président, a accueilli, l’autre jour, un petit congrès international en l’honneur de sa vingtième année d’existence. Je m’y suis rendu une journée afin de voir comment était Freud, et fis également la rencontre de Yung [sic] de Zürich, qui témoigna de sa grande estime pour vous, et fit une très bonne impression. J’espère que Freud et ses élèves pousseront leurs idées à leurs limites extrêmes, afin que nous puissions apprendre ce qu’elles sont. Ils ne peuvent manquer de jeter une lumière sur la nature humaine ; mais je confesse que Freud m’a personnellement donné l’impression d’un homme obsédé par des idées fixes. Je ne peux rien faire en ce qui me concerne de sa théorie des rêves, et évidemment le “symbolisme” est une méthode extrêmement dangereuse. Un compte-rendu journalistique du congrès a dit que Freud avait condamné la thérapie religieuse américaine (qui donne de si amples résultats) comme très “dangereuse” parce que tellement “non scientifique ”. Bah ! » [18]] C’est donc le « symbolisme » de la psychanalyse, dans l’interprétation des rêves, mais peut-être aussi dans sa pratique plus générale, qui semble à James constituer une méthode « particulièrement dangereuse » (et qui permet de mépriser l’efficacité des thérapies spirituelles). Cette sensibilité de James au danger du symbolisme, en tant qu’il autorise celui ou celle qui s’en prévaut à récuser gratuitement les qualités qui accompagnent au premier chef une expérience, n’est pas une attitude inédite chez celui qui se proclame ailleurs partisan d’un « surnaturalisme crasse » (James, 1985 [1902] : 409-410) [19]]. Un surnaturalisme crasse peut en effet sembler nécessaire s’il s’agit de résister aux interprétations permettant d’attribuer des propos acceptables (‘symboliques’) à celles et ceux qu’il n’est pas question de prendre au sérieux (personnes endeuillées, médiums ou encore fidèles [20]]). Le refus jamesien du symbolisme nous engage à suivre jusqu’au bout le fil de l’expérience, nous engage à penser avec et non sur les personnes engagées dans une pratique (Despret, 2004 : 23-24 ; Molinié, 2014 : 72), et ce sans nous donner par avance cette facilité (ne répondant à aucune exigence) de réduire à autre chose ce qui n’est a priori pas ‘convenable’.
Il faut apporter encore quelques précisions concernant ce caractère symbolique de l’approche freudienne, et la manière dont l’approche jamesienne résiste tout à fait à ce modèle. Dans Psychopathologie de la vie quotidienne, au moment d’expliquer l’oubli du nom Signorelli, Freud insère dans un son texte un schéma [21]] (Figure 1). Ce dernier a pour intérêt de rendre tout à fait apparent le caractère seulement symbolique des événements de surface qui ne prennent tout leur sens qu’en référence à la réalité qu’ils représentent : celle des pensées refoulées.
Figure 1. L’opérateur freudien (symbolique) ; voir Borch-Jacobsen, 2015 [1990] : 125.
Par contraste, et pour saisir de quelle manière la proposition jamesienne se démarque radicalement de tout symbolisme, il me semble particulièrement utile de considérer le schéma que James fait figurer au chapitre 10 du Précis de psychologie (chapitre XVI dans le texte original), lorsqu’il s’agit de caractériser les expériences d’association (Figure 2). L’expérience privilégiée est à nouveau celle de la recherche d’une chose oubliée. James (2003 [1892] : 232) écrit : « Appelons Z la chose oubliée, a, b et c les premiers faits qui nous ont semblé avoir un lien avec elle, et l, m et n les détails qui parviennent finalement à l’évoquer. […] comme l’activité de a, b et c se propage peu à peu dans l, m et n et comme tous ces processus sont connectés d’une façon ou d’une autre à Z, leurs influences combinées sur Z, représentées par les flèches centripètes, parviennent à déclencher l’activité de Z. »
Figure 2. L’opérateur jamesien (réticulaire) ; voir James, 2003 [1892] : 233.
James parle certes ici exclusivement d’idées mentales. Je propose toutefois de lire son propos de manière analogique et ‘décloisonnée’, c’est-à-dire en le rapportant plus généralement aux expériences dans lesquelles une relation se constitue [22]]. Dans ce chapitre, James décrit ces situations dans lesquelles l’expérience se cherche comme exigeant l’intervention de la volonté. Mais cette ‘volonté’ ne désigne alors aucunement un pouvoir de trancher, seulement un effort pour favoriser un rapport qui s’invente, comme dans la recherche d’un nom oublié. Sous le signe de cette ‘volonté’, il faut de fait entendre la tentative pour multiplier les associés – dans la version décloisonnée que je propose : un ensemble d’êtres et de choses – qui permettront peut-être d’établir la relation ou de l’intensifier. Ici, aucun ‘terme’ ne se réduit à un autre, alors même que chacun requiert les autres : c’est dans leurs rapports mutuels que s’expérimente une relation.
Mon propos n’est pas de présenter le schéma jamesien comme plus ‘juste’ que le schéma freudien. Pragmatiquement, ces schémas expriment des conceptions qui portent à conséquence. Les schémas proposés représentent en ce sens des ‘opérateurs’. Suivre la proposition enclose dans le schéma freudien, c’est effectivement apprendre à vivre un monde dont les troubles se trouvent désactivés au profit d’une interprétation qui en attribue le sens véritable à une intériorité personnelle. Suivre la proposition enclose dans le schéma jamesien, c’est apprendre à vivre dans un monde dont on souhaite continuer à cultiver, au grand air, les occasions de penser qu’il nous offre [23]].
Que se passerait-il si des expériences telles que celles mêmes qu’évoque Freud pouvaient être reprises, à l’aide de propositions empruntées à William James, non en les rattachant à quelque idéal démonstratif et explicatif, mais en suivant le fil de l’expérience, en tant qu’elle anime, ici et maintenant, celle ou celui qui l’éprouve ? Les propositions empruntées à James sont de nature à inviter à cette reprise de récits dans lesquels une relation à un mort s’invente et s’expérimente. À cet égard, Freud et de James ne doivent peut-être pas tant se décrire en opposition qu’en divergence, et d’eux aussi on pourrait dire qu’« ils marchent tout à fait d’un même pas, jusqu’au point où leur chemin diverge » (James, 2011 [1910] : 9). L’approche freudienne témoigne de fait d’un véritable goût pour les histoires, les indices, les traces et les expériences incomplètes, hésitantes. C’est ce goût que l’approche jamesienne permet encore d’amplifier, ou plutôt de ne pas désavouer. Il me semble possible de parler de désaveu, au sens où, dans l’approche freudienne, les expériences pratiques de rapports aux morts, dans toutes leurs diversité et effectivité, sont finalement rejetées par principe, au nom d’une ontologie générale. Une image de « la Science » – pour reprendre l’expression de James (1988 : 30) – est enrôlée pour définir la ‘réalité’. Toutes les pratiques qui n’adhèrent pas à ce régime prennent alors l’apparence d’une apparence, que l’on pourra qualifier de ‘croyance’ ou de ‘symbole’. De son côté, l’approche jamesienne ne se met aucunement en position de nous expliquer ‘en quoi consistent’ nos rapports aux morts. L’attention portée aux pratiques et aux effets a plutôt pour conséquence d’amener à imaginer toujours d’autres manières de faire. Mieux qu’un scepticisme généreux, elle ne coupe pas l’appétit d’apprendre, de celles et de ceux qui les cultivent, ce dont leurs liens aux morts les rendent capables.
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[1] [[?] Voir à cet égard le « Dialogue posthume entre Émile Durkheim et Gabriel Tarde », mis en scène par Frédérique Aït-Touati (2007), qui réactive, fictivement, le débat entre Durkheim et Tarde autour de la sociologie.
[2] [[?] Et non de ‘notre rapport à la mort’, un sujet tout à fait distinct, comme on le voit dans les Actuelles sur la guerre et la mort (Freud, 1988 [1915] : 144-157).
[3] [[?] « […] nous allons tenter d’éclairer l’essence de la mélancolie en la comparant avec l’affect normal du deuil », écrit Freud (1988 : 263) au début de « Deuil et mélancolie ».
[4] [[?] « En quoi consiste alors le travail qu’opère le deuil ? Je crois qu’il n’y a rien de contraint à le présenter de la façon suivante : l’examen de réalité a montré que l’objet aimé n’existe plus, et édicte dès lors l’exigence de retirer toute libido de ses connexions avec cet objet. » (1988 : 264-265.)
[5] [[?] Voir également Borch-Jacobsen (2015 [1990] : 125-131), qui discute l’exemple freudien du point de vue de sa reprise lacanienne.
[6] [[?] Pas si innocent peut-être, car les fresques de la cathédrale d’Orvieto présentent un saisissant Jugement dernier, où l’on voit notamment les corps nus des damnés, suppliciés et entraînés en enfer par une nuée de démons. Freud ne manque pas de souligner le lien possible entre ses propres ‘pensées refoulées’ et le thème des fresques.
[7] [[?] Je pense en particulier à Bruno Latour. Voir tout spécialement le texte intitulé « Sol amazonien et circulation de la référence » (2007 [1999] : 33-82).
[8] [[?] Évoquant Galilée, Isabelle Stengers parle de l’invention du « territoire scientifique » pour qualifier la transformation de la réussite expérimentale en une ontologie générale (2006 : 92) : toute expérience ‘réelle’ devrait pouvoir se décrire sous les traits d’un fait expérimental. Si cette description n’est pas possible, l’expérience est illusoire et le fait n’existe pas.
[9] [[?] Voir Despret (2012) qui – d’une manière à laquelle ma démarche fait fortement écho – a trouvé en James un allié pour penser nos rapports aux morts « par les effets », mais aussi « par les milieux ». Voir également Despret, 2017 [2015].
[10] [[?] Reprenant ce que James écrit à propos de Fechner, Jean Wahl (2005 [1920] : 69-70) dit de ce dernier : « […] sa méthode ne sera donc pas fondée sur des idées simples et ne procédera pas par déduction ; elle sera une méthode d’analogie à l’aide de laquelle des choses très concrètes se sont unies entre elles par des liens lâches ; il faut que nous nous servions du type de raisonnement le plus ordinaire pour nous construire notre conception du monde. L’analogie nous permettra à la fois de saisir les ressemblances et de préserver les différences ; elle ne lie pas l’identique à l’identique mais le différent au différent. »
[11] [[?] Vinciane Despret (2019 : 30) précise qu’elle qualifie de génératives les « analogies qui enrichissent les termes de la comparaison » plutôt que de les ramener au même, ou de réduire l’un des termes à l’autre. Sur la fertilité des modes de pensée analogiques, voir les développements récemment proposés par Isabelle Stengers (2020 : 133-143).
[12] [[?] Sur la question des capacités que nous puisons en cultivant des rapports à nos morts, voir les travaux de Vinciane Despret cités, ainsi que le numéro 64 de la revue Terrain, consacré aux « morts utiles ».
[13] [[?] Freud (1997 [1901] : 9) écrit : « Quant aux conditions dans lesquelles s’est produit l’oubli, elles me paraissent inoffensives et incapables d’en fournir aucune explication […] ».
[14] [[?] Schivelbusch, 1990 [1977] ; Hacking, 1998 [1995] : 291-295 ; Nathan & Zajde, 2012 : 168, 176-177 ; Nathan, 2001 [1994] : 210, 215).
[15] [[?] Le collègue de Freud interprète ce comportement, d’une façon exagérément sommaire, comme témoignant d’une confiance marquée envers le médecin et d’une exceptionnelle résignation devant le sort (Freud, 1997 [1901] : 9). Cette interprétation néglige précisément la dimension traditionnelle de la formule pour comprendre celle-ci de manière simplement psychologique.
[16] [[?] On trouve par exemple un écho particulier à la formule ‘turque’ dans les pratiques de deuil des Mānuš du Massif central, évoquées par l’anthropologue Patrick Williams (1993 : 8) : « Dans les mois (mais ça peut durer des années – plus on est “proche”, plus ça dure longtemps) qui suivent le décès, les “proches” cessent de prononcer le nom du défunt et n’évoquent pas son souvenir, “nos défunts, on n’en parle pas”. » Plus loin, Williams (1993 : 14) écrit : « Devant de telles attitudes, nous sommes tentés de dire que les Mānuš choisissent l’oubli plutôt que la mémoire. Mais l’oubli n’est pas un vide. “Oublié”, le mort, connu d’abord puis anonyme, ne quitte pas les vivants. Garder le mort au sein de la communauté, voilà ce que visent les gestes accomplis par les vivants. »
[17] [[?] James « aimait les planchettes », nous dit Gertrude Stein (1978 [1937] : 261), racontant son travail d’étudiante au sein du laboratoire de psychologie expérimentale de James à Harvard.
[18] [[?] Traduit par l’auteur. « How much your interests and mine keep step with each other, dear Flournoy. “Functional psychology,” and the twilight region that surrounds the clearly lighted centre of experience ! Speaking of “functional” psychology, Clark University, of which Stanley Hall is president, had a little international congress the other day in honor of the twentieth year of its existence. I went there for one day in order to see what Freud was like, and met also Yung of Zürich, who professed great esteem for you, and made a very pleasant impression. I hope that Freud and his pupils will push their ideas to their utmost limits, so that we may learn what they are. They can’t fail to throw light on human nature ; but I confess that he made on me personally the impression of a man obsessed with fixed ideas. I can make nothing in my own case with his dream theories, and obviously “symbolism” is a most dangerous method. A newspaper report of the congress said that Freud had condemned the American religious therapy (which has such extensive results) as very “dangerous” because so “unscientific.” Bah ! »
[19] [[?] La traduction française rend l’expression « crass supernaturalism » par « surnaturalisme grossier » (James, 2001 [1902] : 469).
[20] [[?] Dans L’avenir d’une illusion (1927), son approche conduit Freud à traduire les pratiques religieuses en « représentations », dont on peut expliquer la « genèse psychique » (Freud, 1994 : 171).
[21] [[?] Il n’apparaît pas dans la traduction française consultée, mais est reproduit dans Borch-Jacobsen, 2015 [1990] : 125. Je le reproduis ici à mon tour.
[22] [[?] Ce décloisonnement me semble d’autant plus légitime qu’il reprend le geste par lequel James lui-même a choisi, dans ses écrits philosophiques, de considérer les expériences de relation au-delà de toute limitation à quelque sphère « mentale ».
[23] [[?] Ces deux schémas pourraient également se comprendre de façon très fructueuse à travers le contraste entre arbre et rhizome travaillé dans Mille Plateaux (Deleuze & Guattari, 1980 : 9-37).
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