Nous montrons dans cet article, au croisement de la littérature et de la sociologie, que la fiction offre à l’écrivain un terrain pour une (re)construction imaginaire de soi. Le ou les doubles(s) fictif(s) par lesquels l’écrivain se représente dans son récit peuvent être analysés à la fois comme des instances stratégiques de mise en scène de soi et comme le moyen pour l’auteur de mettre en mots des tensions intimes.
Mots-clefs : littérature, écrivain, personnage, connaissance de soi, identité fictive
We would like to demonstrate in this article, at the crossroads of literature and sociology, that fiction affords the writer to shape and present itself in an imaginary way. The fictitious character by which the writer portrays himself could be analysed at once as a strategic way by which the author aims at performing its own image and as a tool put at the service of its self-knowledge.
Keywords : literature, writer, character, self-knowledge, fictitious identity
« Je n’ai jamais parlé d’autre chose que de moi » avouait Alain Robbe-Grillet en 1984 dans Le Miroir qui revient [1], affirmant avec provocation que toute fiction est autobiographique. Au dogme antiréférentiel, professé par Proust dans le Contre Sainte-Beuve, répond l’aveu d’un entrelacement consubstantiel entre la vie de l’auteur et son œuvre. Yves Baudelle rappelle en effet « combien il est fréquent que les écrivains s’inspirent de leur vécu, quand bien même ils écrivent des œuvres statutairement tenues pour fictionnelles, comme le roman » [2]. C’est dire que les œuvres littéraires conjuguent toutes interrogations identitaires et mise en fiction. L’ambition d’une littérature débarrassée des scories de la personnalité de son auteur, mythe flaubertien appelé de ses vœux dans sa correspondance [3], est une aporie, « l’écriture [s’appuyant] toujours sur la somme des expériences de l’auteur. » [4]
La question de l’implication de l’auteur dans son œuvre sera étudiée ici à travers le cas particulier des « doubles fictifs », c’est-à-dire des instances d’autoreprésentation dont peuvent se doter les écrivains dans leurs romans, à l’image de Frédéric Moreau, personnage de L’Éducation sentimentale, forme d’objectivation possible de Gustave Flaubert [5]. Le cas qui nous intéressera ici est celui d’Émile Zola. Nous souhaitons analyser la façon dont celui-ci utilise ses romans pour parler de lui, de sa vie, de ses expériences du monde social, par la médiation de personnages fictifs. Nous nous demanderons quels rôles, quelles fonctions, les instances et situations fictionnelles d’autoreprésentation peuvent jouer pour un auteur, c’est-à-dire à quels besoins intimes et sociaux répond la transposition de soi sous une forme plus ou moins transfigurée et masquée. Nous définissons la « transposition » comme Y. Baudelle [6], comme « l’introduction de données référentielles dans les textes fictionnels », c’est-à-dire le « processus par lequel [les écrivains] font entrer dans leurs fictions des éléments tirés de la réalité et en particulier de leur vécu, avec les inévitables transformations qu’implique ce transfert. » Nous nous proposons d’analyser les modalités par lesquelles Zola utilise ses fictions pour parler de lui. Après avoir posé les cadres de l’analyse des doubles fictifs, nous examinerons les personnages de romanciers à travers lesquels Zola se dessine. L’étude du personnage de Sandoz nous permettra de tracer les contours des usages intimes de la figuration romanesque de soi à travers l’écriture littéraire. Nous évoquerons à travers l’analyse du mystérieux locataire de Pot-Bouille et du docteur Pascal la manière dont les doubles fictifs peuvent servir à travailler l’image de soi sur la scène littéraire, avant d’analyser Claude Lantier comme un double chargé de présenter les principes esthétiques de Zola.
José-Luis Diaz propose dans son ouvrage L’Écrivain imaginaire. Scénographies auctoriales à l’époque romantique [7] de s’interroger sur la dimension imaginaire de la fonction auctoriale. La fiction offre à l’auteur réel [8] un terrain pour une (re)construction imaginaire de soi dans l’espace littéraire, par le prisme de l’écriture. Les doubles fictionnels sont une manière pour lui de se dire, de se mettre en scène dans le jeu littéraire. Chaque prise de rôle, chaque « scénographie auctoriale » permet à l’auteur de répondre à la question « Qui être en tant qu’écrivain sur la « scène littéraire » ; mais qui être aussi en tant qu’homme. » [9] Le ou les doubles(s) fictif(s) dont se dote un écrivain peuvent donc être analysés comme des objectivations, sous la forme du récit, de versions potentielles de lui-même. S’il s’agit de versions potentielles, c’est bien au sens où le passage par l’écrit, par la fiction en particulier, est susceptible de produire des déformations, une série possible de déplacements entre l’auteur réel et l’auteur textuel. À cheval entre fiction (auteur textuel) et réalité (auteur réel), l’écrivain imaginaire soumet la présentation de l’auteur à des jeux d’identification multiples. De quelle manière les écrivains vont-ils rejouer leur identité sociale par la possibilité offerte de se présenter autrement à l’aide de l’écriture ?
La lecture « autobiographique » ou « référentielle » d’un personnage l’évalue en référence à la vie de son créateur, le lecteur cherchant des corrélations « entre l’histoire narrée dans le roman et ce qu’il sait – ou croit savoir – de la vie de l’auteur. » [10] L’œuvre de Zola se prête à cette lecture, le péritexte disant explicitement sa volonté de se construire une représentation auctoriale. Le romancier a prévu d’y peindre « [s]a jeunesse au collège et dans les champs. […] Tous les souvenirs de collège : camarades, professeurs, quarantaine, amitiés à trois. Dehors, chasses, baignades, promenades, lectures, familles des amis. À Paris, nouveaux amis. Collège. Arrivée de Baille et de Cézanne. Nos réunions du jeudi. Paris à conquérir, promenades. » [11] Prenant le romancier au mot, Patrick Brady [12] applique cette lecture référentielle au personnage du romancier Sandoz, et retrouve en lui un ensemble d’éléments de la vie réelle de Zola, que celui-ci transpose dans son personnage, depuis les détails anecdotiques (nom du chien, emplacement du piano dans l’appartement du romancier, goûts alimentaires) aux éléments plus structurants (dîners du jeudi, souvenirs et amis d’enfance, carrière littéraire, projet créateur). Le portrait physique de Sandoz « garçon de vingt-deux ans, très brun, à la tête ronde et volontaire, au nez carré, aux yeux doux, dans un masque énergique, encadré d’un collier de barbe naissante » [13], les origines de ses parents (même si d’Italien, le père de Zola devient Espagnol, et de Beauceronne, sa mère devient Bourguignonne), ses souvenirs de collège [14] font du personnage de Sandoz un double reconnaissable de Zola. Ce qui s’impose dans l’analyse conduite par Brady c’est l’interdépendance forte entre le personnage et le romancier, mais aussi l’impossibilité de fondre les deux instances. L’analyse ne doit pas s’arrêter au constat énumératif des correspondances entre le romancier et son personnage. Il faut se demander ce que l’auteur fait, dit de lui en se donnant à voir dans son roman.
La projection fictive de Zola sous les traits de l’écrivain Sandoz est un instrument d’« objectivation d’une version potentielle de soi [15] », qui participe d’une stratégie de positionnement dans le jeu littéraire. Zola reconfigure son propre parcours en un scénario cohérent ascensionnel : il met en scène son ascension sociale à travers trois scènes de repas organisés par Sandoz, qui comme Zola lui-même, réunit de façon hebdomadaire ses amis chez lui le jeudi soir. Chacun de ces repas est l’occasion pour Zola de pointer les déménagements successifs de l’écrivain fictif vers des appartements plus grands et luxueux, la qualité grandissante des mets, etc. en en faisant le résultat du labeur de l’écrivain [16]. Zola idéalise sa vie intime et professionnelle : il se peint comme un ami généreux et particulièrement affable, fils aimant et dévoué, etc. [17] Ce portait à vocation performative manifeste le fort désir de reconnaissance sociale qui anime l’écrivain. La réussite de Sandoz dit, en premier lieu, le pouvoir de rattrapage social [18] que Zola confie à l’écriture littéraire. Elle représente un moyen réel de gagner sa vie : lors de la dernière occurrence du repas, Sandoz a tout un personnel de maison à diriger et habite un appartement bourgeois, bien meublé, sans commune mesure avec l’appartement de sa jeunesse [19]. La volonté de Zola de se représenter sous la figure de Sandoz illustre son souci de dire et de faire exister sa propre réussite. La traversée biographique des mondes sociaux, des faubourgs d’Aix-en-Provence et de Paris à la banlieue pavillonnaire, de la condition d’employé au service des expéditions chez Hachette à celle d’écrivain reconnu, est au principe d’une forme de dissonance cognitive et culturelle qu’exprime son souci d’accumuler les preuves de sa réussite. Le potentiel symbolique de la description du double fictif qu’est Sandoz tient à la condition précaire qu’a longtemps connue Zola. Cet exemple met en relief que l’écriture permet à un auteur de faire travailler des problèmes réels qu’il ressent le besoin de mettre en mots [20]. Si le transfert de ses doutes à Pascal, Sandoz [21], et Lazare [22] est une manière pour Zola d’objectiver des tensions intimes [23], ces doubles sont également chargés de le représenter sur la scène littéraire.
L’écrivain qui apparaît dans le roman Pot-Bouille fonctionne comme un faire-valoir de Zola [24]. Locataire mystérieux du second étage de l’immeuble de la rue Choiseul, désigné comme le « monsieur [qui] fait des livres » [25], il peut être assimilé avec certitude à Zola lui-même. Le personnage écrit un livre dont l’intrigue ressemble à s’y méprendre à celle du roman Pot-Bouille… « Alors, M. Gourd raconta qu’on était venu de la police, oui, de la police ! L’homme du second avait écrit un roman si sale, qu’on allait le mettre à Mazas. – Des horreurs ! continua-t-il, d’une voix écœurée. C’est plein de cochonneries sur les gens comme il faut. Même on dit que le propriétaire est dedans ; parfaitement, M. Duveyrier en personne ! » [26]. Zola enchâsse dans la fiction les reproches qui sont communément faits à ses romans : à l’accueil populaire chaleureux [27] s’oppose le mépris de la part des lecteurs bourgeois. Des remarques ironiques attirent ainsi la connivence du lecteur. C’est le cas lorsque Monsieur Campardon faisant visiter l’immeuble de la rue Choiseul [28] à Octave Mouret a « un petit souffle de mépris » en désignant l’appartement du romancier, lorsque les bourgeois de l’immeuble reprochent à l’écrivain de ne pas vivre comme eux : « Les gens du second étaient jugés sévèrement, parce qu’ils ne fréquentaient personne. Ils semblaient riches, pourtant ; mais le mari travaillait dans des livres, et M. Gourd se défiait, avait une moue méprisante ; d’autant plus qu’on ignorait ce que le ménage pouvait fabriquer là-dedans, avec son air de n’avoir besoin de personne et d’être toujours parfaitement heureux. Ça ne lui paraissait pas naturel. » [29] Le « monsieur qui fait des livres » est construit comme un contrepoint ironique à Zola : au dépravé décrié par les bourgeois le romancier anonyme oppose une face exemplaire. Il apparaît deux fois dans le roman passant dans sa voiture à vive allure, entouré de « deux beaux enfants, dont les têtes souriantes cachaient les profils vagues du père et de la mère. » [30] Ce personnage est un substitut textuel à la figure réelle du romancier, qu’il utilise comme une instance stratégique de publicisation de soi. Il en est de même pour le docteur Pascal, qui dit la ressemblance que Zola appelle de ses vœux entre homme de science et romancier.
Fils de Félicité et Pierre Rougon, le docteur Pascal est un personnage récurrent, qui se rencontre dans plusieurs tomes de la série des Rougon-Macquart, La Fortune des Rougon, La Faute de l’abbé Mouret, et enfin Le Docteur Pascal, roman dans lequel il occupe la place du personnage principal. Son existence fictionnelle s’étend ainsi à l’échelle du cycle tout entier, puisqu’il nous est présenté dès le premier tome et meurt dans le dernier. Menant des recherches sur l’hérédité à partir des cas que lui offre sa famille (c’est-à-dire les membres de la série zolienne), il connaît les personnages aussi bien que Zola lui-même. Il en est en quelque sorte la projection, puisqu’à l’instar du romancier, il prend des notes sur les cas physiologiques que lui offre sa famille et reconstruit patiemment l’arbre généalogique des Rougon-Macquart. Le dernier roman de la série est l’occasion pour Zola de revenir en un vaste commentaire métafictionnel étendu au roman dans son ensemble sur la série des Rougon-Macquart. Prenant le prétexte de l’explication à Clotilde de l’arbre généalogique de la famille, Pascal reprend un à un ses dossiers, et lui raconte l’histoire de la famille, devenant lui-même romancier. De cette manière, Zola délègue explicitement au personnage la fonction de le représenter dans le roman.
Comme Zola pour les dossiers préparatoires de ses romans [31], Pascal conserve avec soin ses documents sur sa famille. « Sur cette planche élevée, toute une série d’énormes dossiers s’alignaient en bon ordre, classés méthodiquement. C’étaient des documents divers, feuilles manuscrites, pièces sur papier timbré, articles de journaux découpés, réunis dans des chemises de fort papier bleu, qui chacune portait un nom écrit en gros caractères. On sentait ces documents tenus à jour avec tendresse, repris sans cesse et remis soigneusement en place ; car, de toute l’armoire, ce coin-là seul était en ordre. » [32] Se donnant à voir métaphoriquement sous les traits du docteur Pascal, Zola dit la ressemblance qu’il appelle de ses vœux entre homme de science et romancier, ce qui participe d’une stratégie de légitimation du roman sur la scène littéraire [33]. Pour lui, la littérature doit prendre exemple sur la science et participer du mouvement d’enquête et d’analyse « qui est le mouvement même du XIXe siècle » [34]. Dans l’article « Différences entre Balzac et moi » qui se trouve au fondement des Rougon-Macquart, il note « Au lieu d’avoir des principes (la royauté, le catholicisme) j’aurais des lois (l’hérédité, l’énéité). » [35] De même, les articles du recueil Le Roman Expérimental clament haut et fort le souci de scientificité. En s’appuyant sur des vérités scientifiquement fondées, c’est-à-dire une autorité qui ne relève pas de la futilité fictionnelle, Zola veut rehausser le roman dans la hiérarchie des genres. Le rôle du romancier n’est plus ni de divertir, ni de corriger, mais de chercher à connaître : la littérature prend la place réservée par Auguste Comte à la sociologie dans sa loi des trois états [36]. Il veut faire du roman un outil d’analyse des mœurs de la société contemporaine, croyant dans la capacité de la fiction à diffuser des savoirs. Donnant pour tâche à l’écrivain la régénération de la société [37], Zola investit l’écriture d’une mission de connaissance du monde social. Celle-ci prend la forme exemplifiée et ambitieuse de la compréhension de la société du second Empire, que Zola analyse à travers la famille des Rougon-Macquart, dont il distribue les membres dans toutes les classes de la société. C’est ainsi que peuvent se comprendre les exclamations du docteur Pascal « Tout dire, ah ! oui, pour tout connaître et tout guérir ! » [38], de Sandoz « Ah ! que ce serait beau, si l’on donnait son existence entière à une œuvre, où l’on tâcherait de mettre les choses, les bêtes, les hommes, l’arche immense ! » [39] et de Claude « ’Ah ! tout voir et tout peindre ! reprit Claude. » Zola transmet son goût pour la science et en fait le vecteur de son credo scientifique [40] : « Je crois que l’avenir de l’humanité est dans le progrès de la raison par la science. Je crois que la poursuite de la vérité par la science est l’idéal divin que l’homme doit se proposer. » [41] dira Pascal. Comme le romancier également, le docteur s’intéresse à l’hérédité et il croit dans la méthode expérimentale. Il mène des expériences [42] pour sauver de la phtisie la jeune Sophie ou Lafouasse, comme il l’avait déjà fait dans La faute de l’abbé Mouret [43]. Par son intermédiaire, Zola transpose dans le roman les principes et les méthodes de la théorie expérimentale qu’il a empruntée à Claude Bernard dans son article « Le roman expérimental ».
On peut remarquer que si Zola délègue à Pascal la fonction de savant, il passe sous silence l’inceste du personnage avec sa nièce Clotilde [44], en lequel il peint son amour tardif pour Jeanne Rozerot [45]. Seule la dédicace [46] de l’exemplaire du roman qu’il lui offre en fait mention. La relation d’identification du personnage à son double n’est jamais linéaire et les usages qu’en fait l’auteur pluriels. Ainsi alors que sa trajectoire fictionnelle est une succession d’échecs, Zola fait de Claude Lantier, ami de jeunesse de Pierre Sandoz, son porte-parole esthétique.
À l’instar de Gustave Flaubert dans L’Éducation Sentimentale [47], Zola dessine dans L’Oeuvre un espace social artistique qui témoigne d’un sens aigu des différentes positions artistiques possibles dans le monde de l’art. Chacun des personnages occupe une place pertinente dans le champ artistique [48] par lesquelles Zola éclaire, en creux, la sienne propre. Par l’intermédiaire du peintre Claude Lantier, il veut mettre en scène « la lutte de l’artiste contre la nature, l’effort de la création dans l’œuvre d’art, effort de sang et de larmes pour donner sa chair, faire de la vie » [49]. Il a prévu de prendre appui sur sa « vie intime de production, ce perpétuel accouchement si douloureux. » [50] Mais le rapprochement peut néanmoins surprendre le lecteur, tant la destinée tragique de Claude Lantier est affirmée dans ce roman. Génie incomplet souffrant d’une lésion héréditaire due à son ascendance familiale, Claude ne parvient pas à accoucher du chef-d’œuvre qu’il appelle de ses vœux et qui lui permettrait d’être exposé au Salon de peinture officiel. Il finit par se pendre devant son tableau inachevé [51]. Cette trajectoire fictionnelle contraste fortement avec celle de Sandoz, qui au contraire gravit les échelons de l’espace social. Claude Lantier est une instance déléguée de Zola, par lequel le romancier renouvelle par la voie de la fiction les critiques contre le pouvoir de consécration académique, déjà émises lors de sa campagne de critique d’art [52] sous le pseudonyme de Claude. La co-occurrence du prénom est révélatrice de la proximité que Zola construit entre lui-même et son personnage.
Dans ses « Salons » [53], Zola a critiqué durement l’art officiel, attaquant l’académisme des sujets (naïades et Vénus, vénération et soumission aux grands modèles) et de l’enseignement. Il conteste vivement la « recherche de la beauté absolue » [54] dont Gérôme se fait le chantre [55], qu’il oppose aux toiles de Manet [56] ou de Courbet, qui peignent la vie telle qu’elle est, loin des « douceurs de confiseurs artistiques à la mode, les arbres en sucre candi et les maisons en croûte de pâté. » [57] Il fait campagne en faveur de Manet qu’il défend vertement face au jury : dans le roman, le journaliste Jory s’en fait l’écho : « À la fin, il m’embête, le jury… Dites donc, voulez-vous que je le démolisse ? Dès le prochain numéro, je commence, je le bombarde. Vous me donnerez des notes, n’est-ce pas ? et nous le flanquerons par terre… Ce sera rigolo. » [58] La foi et l’audace irrévérencieuse de Claude envers les modèles et les sources d’inspirations des aînés [59] font écho aux sentences esthétiques de Zola comme critique d’art et littéraire dans ses « Plâtres » [60]. Dans le portrait de Jules Janin, il ironise sur sa connaissance des Anciens : « Vous vous êtes servi de l’Antiquité comme les femmes déjà mûres se servent de mouches assassines : pour dissimuler les rides et donner du piquant au visage. » C’est surtout par la description romanesque du travail de sélection du jury en pratique que la critique zolienne porte sa charge. « Entre autres, une toile attira son attention, tellement il la trouvait mauvaise, d’un ton aigre à agacer les dents ; et comme sa vue baissait, il se pencha pour voir la signature, en murmurant : ‘‘Quel est donc le cochon… ?’’ Mais il se releva vivement, tout secoué d’avoir lu le nom d’un de ses amis, un artiste qui était, lui aussi, le rempart des saines doctrines. Espérant qu’on ne l’avait pas entendu, il cria : ‘‘Superbe ! Le numéro un, n’est-ce pas, Messieurs ?’’ » [61] L’ironie manifeste de ce passage permet à Zola de dénoncer dans le jury une caste de bourgeois dont l’incompréhension artistique se double de la volonté de préserver des valeurs morales dépassées. Tourné en ridicule, les principes esthétiques du jury deviennent illégitimes lorsque les œuvres des membres respectés de l’Institut des Beaux-Arts sont également refusées « ’Monsieur Mazel, il y a eu une erreur, hier. On a refusé un hors-concours… Vous savez le numéro deux mille cinq cent trente, une femme nue sous un arbre.’ En effet, la veille, on avait jeté ce tableau à la fosse commune, dans le mépris unanime, sans remarquer qu’il était d’un vieux peintre classique, respecté de l’Institut ». C’est ici l’autorité de l’instance légitime de consécration des œuvres d’art qui est mise en défaut. Zola transpose dans la fiction sa critique de l’Académie française en littérature, en laquelle il voit un bastion du conservatisme en littérature. Dans L’Événement du 11 mai 1868, il la décrivait comme « une serre d’hivernage pour les médiocrités qui craignent la gelée », et dans son article « Balzac », il notait que « chaque année, elle [l’Académie] se contente de distribuer des prix de littérature, comme on distribue des images de sainteté dans les couvents, aux plus sages et aux plus religieux » [62]. Zola exprime son rejet de la tutelle académique. Dans une lettre à Max Waller de 1883, l’écrivain disait son refus des prix littéraires : « toute ma vie, j’ai protesté contre les prix littéraires. On n’a pas couronné Lemonnier : eh bien, tant mieux pour lui, je l’estime heureux d’avoir échappé à l’estampille gouvernementale. » [63] Pourtant l’attitude de Claude dans le roman contraste avec cette déclaration de Zola. Le double textuel de l’écrivain veut révolutionner les principes de légitimité dans le champ de la peinture et conquérir le Salon « Eh bien, quoi ? criait-il, le public rit, il faut faire l’éducation du public… Au fond, c’est une victoire. Enlevez deux cents toiles grotesques, et notre Salon enfonce le leur. Nous avons la bravoure et l’audace, nous sommes l’avenir… Oui, oui, on verra plus tard, nous le tuerons, leur Salon. Nous y entrerons en conquérants, à coups de chefs-d’œuvre… » [64] Zola, par l’intermédiaire de Claude, dit sa volonté de forcer les portes de l’institution. Dès 1888, il s’en expliquait au Figaro. Revenant sur la Légion d’honneur qui vient de lui être attribuée, le romancier s’interrogeait : « Pourquoi n’accepterais-je pas moi-même la hiérarchie, alors surtout qu’il y a tout avantage et pour ma personne et pour mon œuvre ? Et j’ajoutai que, dans cette voie, j’irais jusqu’à l’Académie. » [65] Entre 1888 et 1897, Zola candidate à plus de vingt-cinq reprises. En février 1893, il expliquait à Francis Magnard son entêtement « Du moment qu’il y a une Académie en France, je dois en être. Je me suis présenté et je ne puis reconnaître que j’ai tort de l’avoir fait. Tant que je me présente, je ne suis pas battu. C’est pourquoi je me présenterai toujours. [66] » L’affirmation doit être comprise comme la volonté du romancier, qui n’est détenteur d’aucun titre scolaire, de faire consacrer officiellement son œuvre. Il s’agit de passer du statut d’auctor à celui de lector [67] : à la réussite commerciale de ses œuvres, Zola entend accoler la reconnaissance académique qui lui fait défaut. Cette interprétation se confirme à travers ses propos dans une interview au Gaulois d’avril 1895 « je désirais, non pas succéder à tel ou tel académicien, mais avoir ma place sous la coupole, à côté de mes confrères. » [68] Ainsi la volonté de Claude de faire accepter ses toiles au Salon de peinture annonce l’obstination qui sera celle de Zola face à l’Académie. L’assiduité [69] de ses candidatures doit être rapportée au pouvoir de consécration de l’Académie française et à la faiblesse du capital objectivé que détient Zola. En décrivant les luttes, les sanctions sociales, le mépris du public pour Claude, l’écrivain dresse un portrait de lui-même.
Dans Le docteur Pascal, Zola fait de son personnage un savant, dont le génie est couronné par l’académie de médecine : « Je sais bien que Pascal n’est pas une bête, qu’il a fait des travaux remarquables, que ses envois à l’Académie de médecine lui ont même acquis une réputation parmi les savants… » [70]. Lorsque Félicité Rougon réussit à la mort de son fils à brûler l’ensemble de ses notes sur l’hérédité, le docteur Ramond, « désespéré de la perte des manuscrits inestimables que lui avait légués le maître ». Pour lui, « la perte demeurait irréparable, c’était une besogne à recommencer, et il se lamentait de n’avoir que des indications, il disait qu’il y aurait là, pour la science, un retard de vingt ans au moins, avant qu’on reprît et qu’on utilisât les idées du pionnier solitaire. » [71]
Comment cesser d’être un auteur académiquement illégitime ? Telle est la question que tente de résoudre par l’écriture Zola. Les instances d’autoreprésentation dont il se dote manifestent ce désir de légitimité auctoriale qui l’anime. Les doubles fictifs n’ont pas une vocation mimétique, Zola ne recherchant pas la correspondance exacte entre lui-même et ses personnages. Par contre, il les utilise comme des instruments de mise en scène de soi. Avec Pierre Sandoz, Émile Zola se représente avec sérieux et non sans quelque orgueil : le romancier fictif objective sa réussite sociale. Avec le Docteur Pascal, Zola revendique la scientificité de sa méthode littéraire et veut donner du crédit à sa série romanesque. Avec Claude Lantier, l’écrivain s’interroge sur les mécanismes de la reconnaissance académique. La multiplicité des instances fictionnelles en lesquelles Zola se donne à voir rappelle l’importance du vécu comme source d’inspiration des œuvres. Chacune des scénographies auctoriales se situe à cheval entre la vérité et la fiction, chacune dit les liens ténus entre les raisons intimes qui poussent à l’écriture, et « la construction d’une image de [l’écrivain] au sein de l’espace littéraire » [72].
Le narrateur démiurge des Rougon-Macquart, en décidant du destin des membres de la famille, reprend métaphoriquement le contrôle sur sa trajectoire sociale. Il n’est ainsi pas anodin que les personnages des Rougon-Macquart soient définis par leurs appétits débordants [73] - « Claude a des appétits intellectuels irrésistibles et effrénés, comme certains membres de la famille ont des appétits physiques. » [74] - alors même que Zola reconnaît être mu par de larges ambitions littéraires : « je vois surtout dans votre consentement l’occasion de contenter largement mes appétits littéraires. » [75] Les « ambitions vastes » de Sandoz [76], la réussite commerciale d’Octave Mouret (Au Bonheur des dames), les succès politiques d’Eugène et Félicité Rougon (Son Excellence Eugène Rougon, La Fortune des Rougon), les succès financiers d’Aristide Saccard (La Curée, L’Argent) sont la transposition fictionnelle de l’ambition artistique et de l’espoir d’ascension sociale du déclassé Zola. Chacune de ces scénographies auctoriales nous rappelle que « les artistes [entrent] en littérature […] parce que leurs parcours les poussent à dire des choses qu’ils jugent importantes, à exprimer des éléments souvent problématiques (et parfois dramatiques) de leurs expériences » [77]. Pour Zola, l’écriture est le terrain de la revanche sociale, le moyen de dire la disparité et l’inégalité des conditions de vie [78], les excès immoraux de la bourgeoisie [79], etc.
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[1] A. Robbe-Grillet, Le Miroir qui revient, Paris, Minuit, 1984, p. 10
[2] Y. Baudelle, « Du roman autobiographique : problèmes de la transposition fictionnelle », Protée, Vol. 31, n° 1, 2003, p. 7-26
[3] « Plus vous serez personnel et plus vous serez faible » écrit-il à Louise Colet, « c’est un de mes principes qu’il ne faut pas s’écrire », Correspondance, Librairie de France, 1922-1925, t. II, p. 271
[4] Y. Baudelle, « Du vécu dans le roman : esquisse d’une poétique de la transposition », loc.cit., p.81.
[5] P. Bourdieu, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Seuil, Coll. Libres examen, Paris, 1992
[6] Ibid., 2003
[7] J-L Diaz, L’Écrivain imaginaire. Scénographies auctoriales à l’époque romantique, Paris, Honoré Champion, 2007.
[8] Diaz propose de décomposer analytiquement la figure de l’auteur en trois instances : l’auteur réel (la personne civile de l’écrivain), l’auteur textuel et l’écrivain imaginaire.
[9] Ibid.
[10] J Lecarme, et E. Lecarme-Tabone, L’Autobiographie, Paris, Armand Colin, coll. « U », 1997, p. 24
[11] B. Cannone, L’Œuvre d’Émile Zola, Paris, Gallimard, 2002, p. 153
[12] P. Brady, L’Œuvre d’Émile Zola. Roman sur les arts. Manifeste, autobiographie, Roman à clef, Librairie Droz, Genève, 1967
[13] E. Zola, L’œuvre, in Les Rougon-Macquart, tome IV, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard, 1966, p.32
[14] Zola se transpose avec Cézanne et Baille dans les personnages de Lantier, Sandoz et Dubuche à Plassans. « Au collège de Plassans, dès leur huitième, il y avait eu les trois inséparables, comme on les nommait, Claude Lantier, Pierre Sandoz et Louis Dubuche. Venus de trois mondes différents, opposés de natures, nés seulement la même année, à quelques mois de distance, ils s’étaient liés d’un coup et à jamais » (L’œuvre, ibid., P. 35)
[15] Selon l’expression employée par Bernard Lahire, dans Franz Kafka. Éléments pour une théorie de la création littéraire, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui. Laboratoire des sciences sociales », 2010, p. 45.
[16] Les déménagements et l’amélioration des mets sont présentés comme le résultat des efforts de Sandoz : ainsi le vin de Bourgogne est acheté « sur les droits d’auteur du premier roman ».
[17] Il en est de même pour la femme de Pierre Sandoz dans L’œuvre, qui est une épouse idéale, bonne ménagère, qui n’a pas les ennuis de santé d’Alexandrine Zola, comme le remarque E. Bloch-Dano, Madame Zola, Paris, Grasset, 1997, p. 71
[18] Le père de Zola meurt alors qu’il n’a que sept ans laissant sa mère dans une situation financière difficile. Si François Zola est à sa mort une haute figure de la société aixoise, bourgeois aisé et estimé, il n’a pu assurer aux siens une aisance matérielle suffisante et laisse à sa femme et à son fils de lourdes dettes. Émile Zola vit ses années de formation dans un manque d’argent constant. La mère de Zola semble avoir eu pour toute ressource une pension de 150 francs par mois versée par la Société du canal jusqu’au début de 1852, date à laquelle la Société est déclarée en faillite. Vivant aux côtés de ses grands-parents maternels, Émile Zola connaît la condition précaire des petits artisans retirés. La situation de déclassement social de la famille est particulièrement visible dans la ville d’Aix en Provence : Émile est boursier dans une ville conservatrice et bourgeoise, et ses amis appartiennent à la haute société aixoise. Zola lui-même vivra dans une situation d’insécurité matérielle jusqu’à environ trente ans.
[19] Nous ne reprenons pas ici la démonstration de F . Giraud, « Le portrait de soi en écrivain. Zola et son double Sandoz », Mémoires du livre/Studies in Book Culture, vol 2, n°2, 2011, http://id.erudit.org/iderudit/1001759ar.
[20] B. Lahire, Frantz Kafka. Eléments pour une théorie de la création littéraire, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui/Laboratoire des sciences sociales », 2010.
[21] Dans L’œuvre, le romancier témoigne du sacrifice et de la douleur d’une vie vouée à l’écriture, en une longue tirade, dont la citation suivante est extraite : « Écoute, le travail a pris mon existence. Peu à peu, il m’a volé ma mère, ma femme, tout ce que j’aime. C’est le germe apporté dans le crâne, qui mange la cervelle, qui envahit le tronc, les membres, qui rongent le corps entier. Dès que je saute du lit, le matin, le travail m’empoigne, me cloue à ma table, sans me laisser respirer une bouffée de grand air ; puis, il me suit au déjeuner, je remâche sourdement mes phrases avec mon pain ; puis il m’accompagne quand je sors, rentre dîner dans mon assiette, se couche le soir sur mon oreiller, si impitoyable, que jamais je n’ai le pouvoir d’arrêter l’œuvre en train, dont la végétation continue, jusqu’au fond de mon sommeil. » E. Zola, Les Rougon-Macquart, tome IV, NRF, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1967, p.650-651. Le docteur Pascal affiche la même souffrance, lorsque sortant de convalescence, il affirme « c’est le travail qui m’a dévoré jusqu’ici » Ibid., tome V, p. 1294.
[22] R. J. Niess, « Autobiographical elements in Zola’s La Joie de Vivre », Publications of the Modern Language Association of America, 1941, p. 1133-1149
[23] Un autre moyen sera également la confession de celles-ci au docteur Toulouse. Offrant son corps et son cerveau à l’enquête médico-psychologique de ce jeune psychiatre, Zola accepte de se faire photographier, mesurer, peser, examiner comme un sujet de laboratoire. L’étude du docteur rencontre son attrait pour la science. Zola y voit aussi un moyen de se donner à voir sous un jour favorable. La lettre qu’il rédige comme préface de l’ouvrage en témoigne « Savez-vous que votre étude combat victorieusement l’imbécile légende ? Vous ne pouvez ignorer que depuis trente ans, on fait de moi un malotru, un bœuf de labour, de cuir épais, de sens grossiers, accomplissant sa tâche lourdement, dans l’unique besoin du lucre…Et si je ris aujourd’hui, c’est qu’il me semble que vous l’enterrez, ce bœuf-là, et qu’il n’en sera plus question, pour les gens de bonne foi ». On peut considérer l’enquête de Toulouse comme une sorte d’autobiographie clinique déléguée à une autorité savante. La biographie de Zola par Paul Alexis en est une autre. Dr Edouard Toulouse, Enquête médico-psychologique sur les rapports de la supériorité intellectuelle avec la névropathie. Tome I : Introduction générale - Émile Zola, Paris, Société d’Editions scientifiques, 1896.
[24] M. Grantel, « Zola et ses doubles : les instances d’auto-représentation dans Pot-Bouille et L’œuvre », Les Cahiers naturalistes, 2001, n° 75, p. 87-98
[25] E. Zola, Pot-Bouille, in Les Rougon-Macquart, tome III, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard, 1964, p. 6
[26] Ibid., p. 360
[27] C. Becker, « L’audience d’Émile Zola », Les Cahiers naturalistes, vol 47, 1974, p. 40-69. Si Zola est absent des bibliothèques officielles populaires, étant exclu des envois de livres du ministère de l’Instruction publique, il est présent dans les bibliothèques d’associations ouvrières, de sociétés de lecture, de bourses du travail et dans de nombreuses bibliothèques municipales.
[28] Le roman Pot-Bouille se déroule dans un grand immeuble parisien où, derrière un luxe de façade, vivent des familles bourgeoises dont le comportement quotidien des habitants trahit l’apparence de vertu qu’ils se donnent. Faisant l’apologie permanente de la « respectabilité » de la maison, « tous bourgeois, et d’une moralité ! » comme s’il s’agissait de sa propre personne, Monsieur Campardon met une insistance particulièrement hypocrite sur la nécessité de préserver la vertu bourgeoise de la maison, « Seulement, mon brave, pas de tapage ici, surtout pas de femme ! Parole d’honneur ! si vous ameniez une femme, ça ferait une révolution » p.7-8.
[29] E. Zola, Pot-Bouille, p. 109.
[30] Ibid.
[31] Zola fait précéder l’écriture de chacun des tomes des Rougon-Macquart d’une « enquête ». Il interviewe des chefs de rayon, des chefs mécaniciens, des banquiers… ; le crayon à la main, il dresse des croquis, prend des notes sur des feuillets qu’il rassemble ensuite dans ce qu’il appelle ses dossiers préparatoires.
[32] E. Zola, Le docteur Pascal, in Les Rougon-Macquart, tome V, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard, 1967, p. 919.
[33] F. Giraud, « Quand Zola mène l’enquête : le terrain comme caution scientifique », Ethnologie française, (à paraître).
[34] E. Zola, Oeuvres complètes. Tome XI, Paris, Cercle du Livre Précieux, 1968.
[35] E. Zola, Les Rougon-Macquart, NRF, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1984, p. 1736-1737.
[36] R. Ripoll, « Zola et le modèle positiviste », Romantisme, vol. 8, n° 21, 1978, p. 125-135.
[37] « Quant à la régénération de la société, tâche devant laquelle tu recules, je n’ai jamais eu l’orgueil d’essayer même de l’entreprendre. Je ne suis qu’un atome ; si ma lyre était d’airain, si ma voix avait assez de retentissement, j’essaierais peut-être. Le rôle du poète est sacré : c’est celui du régénérateur. Il se doit au progrès » Ibid, p .203
[38] E. Zola, Le docteur Pascal, in Les Rougon-Macquart, tome V, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard, 1967, p. 1022
[39] E. Zola, L’œuvre, ibid., p. 46
[40] Nous ne reprenons pas ici la démonstration de Becker « Le Docteur Pascal : autofiction. L’impossible quête de l’équilibre », Excavatio, Vol IV, 1994, p. 59-65.
[41] E. Zola, Le docteur Pascal, in Les Rougon-Macquart, tome V, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard, 1967, p. 953.
[42] Les expériences du docteur Pascal témoignent de la fine connaissance que Zola a des sciences médicales françaises de la fin du XIXe siècle. Pour G. Eknoyan, Zola a composé une figure vraisemblable, prenant appui sur les travaux de Claude Bernard, Charles-Edouard Brown-Séquard, Darwin et Jean Martin Charcot G. Eknoyan, « Émile Zola, Claude Bernard and Le Docteur Pascal. Naturalism and Nineteenth-Century French Medicine », Excavatio, Vol IV, 1994, p. 51-58.
[43] Pour sauver son neveu, l’abbé Serge Mouret, d’une fièvre importante, le docteur Pascal le confie à Albine, qui vit au Paradou, vaste propriété où la nature est reine. Le changement de milieu doit rendre à Serge sa mémoire et sa santé.
[44] Comme nous le fait très justement remarquer un de nos relecteurs anonymes, Zola passe ici sous silence l’inceste du docteur Pascal, alors qu’il est explicitement désigné comme tel dans La Curée, à travers l’idylle de Renée et de son beau-fils Hippolyte.
[45] Jeanne Rozerot, qui était entrée comme lingère au service de la femme de Zola, devient sa maîtresse. Il eut avec elle deux enfants.
[46] « À ma bien-aimée Jeanne, à ma Clotilde, qui m’a donné le royal festin de sa jeunesse et qui m’a rendu mes trente ans, en me faisant le cadeau de ma Denise et de mon Jacques, les deux chers enfants pour qui j’ai écrit ce livre, afin qu’ils sachent, en le lisant un jour, combien j’ai adoré leur mère ». peut-on lire sur le livre.
[47] P. Bourdieu, Ibid.
[48] Il distribue ses personnages selon leur origine (qu’ils soient parisiens (Fagerolles) ou provinciaux), les études qu’ils ont suivies (absence d’étude pour Gagnière, échec des études chez Chaîne et Mahoudeau, études aux Beaux-Arts pour Fagerolles…), leurs succès artistiques, leur degré de reconnaissance et de proximité avec l’art académique (depuis Fagerolles élève de l’École des Beaux-Arts, Bongrand décoré de la Légion d’Honneur, Chambouvard entouré de disciples béants au Salon, à Claude refusé dans tous les Salons de peinture officiels), leurs positions matérielles…
[49] H. Mitterand, « Etude de L’œuvre », Les Rougon-Macquart, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1966, p. 1353.
[50] Ibid. Notons cependant que si les lettres conservées de Zola se font l’écho d’une vie entière consacrée au travail, Zola parle peu de difficultés à écrire.
[51] Le personnage de Claude est issu d’une profusion de modèles réels. Depuis la publication de L’Oeuvre on ne cesse de discuter des sources possibles du principal personnage du roman. Or les modèles de Claude sont très nombreux et derrière les deux noms évidents de Manet et de Cézanne se laissent deviner d’autres influences : Roybet, Jongkind, Monet, Duranty. Patrick Brady dans sa thèse de doctorat, consacrée à ce roman, L’Oeuvre de Emile Zola. Roman sur les arts. Manifeste, autobiographie, Roman à clef (Librairie Droz, Genève, 1967) fait le tour de toutes les influences existantes sur ce personnage. Les critiques ont surtout commenté largement la querelle entre Cézanne et Zola qu’aurait suscité la parution du roman, et qui constituait selon eux la preuve de l’affiliation entre Cézanne et Claude. En fait de querelle, les indices sont minces. Cézanne dans une lettre à Zola accuse réception de l’envoi du roman. Comme le note Henri Mitterrand (Zola. Tome II. L’homme de Germinal. 1871-1893, Paris, Fayard, 2001, p791), il n’a pas pu lire en entier L’Oeuvre, celle-ci étant parue en librairie le 31 mars, et Cézanne n’ayant pu la recevoir avant le 2 ou 3 avril. Après cette lettre, le silence suivra. De ce silence, les commentateurs en ont conclu à l’existence d’une lourde rupture. Nous n’entrerons pas dans le débat. Nous renvoyons le lecteur intéressé à l’ouvrage de Patrick Brady très documenté sur la question, ainsi qu’à celui de John Rewald, Cézanne et Zola, Paris, A. Sedrowski, thèse de doctorat, 1936 et enfin à la mise au point effectuée par Henri Mitterand dans son dernier ouvrage, Zola tel qu’en lui-même, Puf, 2009.
[52] L’ensemble de sept articles qui sont publiés dans l’Evènement du 27 avril au 20 mai 1866 seront repris par Zola dans un volume « Mon Salon ».
[53] En 1866 et en 1868, Zola fait le compte rendu pour L’Événement du Salon de peinture annuel. Il réunit l’ensemble des articles en recueil qu’il intitule « Mon Salon ».
[54] E. Zola, « Manet. I. L’homme et l’artiste », Zola. Œuvres complètes, tome 12, Cercle du livre précieux, 1969, p.832
[55] Professeur aux Beaux-Arts dès 1863, membre du jury du Salon de peinture annuel, Gérôme s’oppose farouchement aux impressionnistes : les considérant comme des fous dignes de « la maison du Docteur Blanche », il tente d’interdire en 1884 la rétrospective Manet qui se tient à l’École des Beaux-Arts comme le rappelle Anne Distel, http://www.musee-orsay.fr/fr/evenem&hellip ;
[56] Déjà dans son étude sur le peintre, il expose ses idées esthétiques et à plusieurs reprises Manet semble n’être que le prétexte d’un propos plus général : « Je suis forcé, à mon grand regret, d’exposer ici quelques idées générales. Mon esthétique, ou plutôt la science que j’appellerai l’esthétique moderne » (E. Zola, « Manet. I. L’homme et l’artiste », Ibid., p. 830) (souligné par moi), « Voici, maintenant, quelles sont mes croyances en matière artistique », « Je ne puis donner ici, dans son entier, le livre que je me propose d’écrire sur mes croyances artistiques »
[57] E. Zola, L’Événement, 7 mai 1866, Ibid., p. 805
[58] « À la fin, il m’embête, le jury… Dites donc, voulez-vous que je le démolisse ? Dès le prochain numéro, je commence, je le bombarde. Vous me donnerez des notes, n’est-ce pas ? et nous le flanquerons par terre… Ce sera rigolo. » E. Zola, L’œuvre, ibid., p. 85
[59] « Par terre, les temples grecs qui n’avaient plus leurs raisons d’être sous notre ciel, au milieu de notre société ! Par terre, les cathédrales gothiques, puisque la foi aux légendes était morte ! Par terre, les colonnades fines, les dentelles ouvragées de la Renaissance, ce renouveau antique greffé sur le Moyen Âge, des bijoux d’art où notre démocratie ne pouvait se loger ! » E. Zola, L’œuvre, ibid., p. 137
[60] En 1867, Zola publie dans Le Figaro, une série de neufs portraits littéraires (Taine, Prévost-Paradol, Flaubert, Edmond About, Littré, Michelet, Jules Janin, Théophile Gautier, Sainte-Beuve), divisés en « Marbres » pour les maîtres reconnus et « Plâtres » pour ceux qu’il cloue au pilori, du haut de ses vingt-sept ans. E. Zola, Œuvres complètes, tome X, Paris, Cercle du Livre Précieux, 1968, p. 191-197
[61] E. Zola, L’œuvre, ibid., p. 277
[62] E. Zola, Œuvres complètes. Tome 11, Paris, Cercle du livre précieux, Tchou, 1968, p. 46
[63] E. Zola, Correspondance. Tome IV, juin 1880-décembre 1883, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1983, p. 396.
[64] E. Zola, L’œuvre, ibid., p. 135 (souligné par moi)
[65] D. Speirs, D. Signori, H. Mitterand, Entretiens avec Zola. Dorothy Speirs et Dolores Signori , Louisville (Québec), Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1990, p. 28
[66] E. Zola, Correspondance. Tome VII. Juin 1890 - septembre 1893, Paris, Les Presses de l’Université de Montréal, Editions du CNRS, 1989, p. 363.
[67] Pierre Bourdieu note dans Choses dites « Le prophète est un auctor qui est le fils de ses œuvres, qui n’a d’autres légitimités, d’autre auctoritas, que sa personne (son charisme) et sa pratique d’auctor, qui est donc l’auctor de son auctoritas ; au contraire le prêtre est un lector, détenteur d’une légitimité qui lui est déléguée par le corps des lectores, par l’Eglise, et qui est fondée en dernière analyse sur l’auctoritas de l’auctor originel, auquel les lectores font au moins semblant de se référer »
[68] D. Speirs, D. Signori, H. Mitterand, Entretiens avec Zola. Dorothy Speirs et Dolores Signori, Louisville (Québec), Les Presses de l’Université d’Ottawa, 1990, p.153.
[69] Celle-ci expose le romancier à de nombreuses critiques de ses pairs, en témoignent les citations relevées par F. Lacoste, « Zola et l’Académie », Excavatio, Vol VI/VII, 1995, p. 210-229.
[70] E. Zola, Le docteur Pascal, in Les Rougon-Macquart, tome V, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard, 1967, p. 927.
[71] Ibid, p. 1214-1215.
[72] A. Viala, Naissance de l’écrivain. Sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, Editions de Minuit, 1985, p. 10
[73] « Mes Rougon et mes Macquart sont des appétits » écrit Zola dans ses feuillets préparatoires (MS NAF 10338, Le Ventre de Paris, Ebauche, f° 48).
[74] H. Mitterand, « Etude. L’œuvre », in E. Zola, Les Rougon-Macquart, Bibliothèque de la Pléiade, NRF, Gallimard, 1966, p. 1347.
[75] E. Zola, Correspondance. Tome II, 1868-mai 1877, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1980, p.470-471.
[76] « Alors, j’ai trouvé ce qu’il me fallait, à moi. Oh ! pas grand-chose, un petit coin seulement, ce qui suffit pour une vie humaine, même quand on a des ambitions trop vastes […] » fait dire Zola à Sandoz (L’œuvre, ibid., p. 162).
[77] B. Lahire, Frantz Kafka. Eléments pour une théorie de la création littéraire, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui/Laboratoire des sciences sociales », 2010, p. 33
[78] Zola trouve dans ses expériences sociales passées, un besoin socialement constitué de décrire le monde social. Cette pulsion expressive qui régit son écriture, il l’appelle « voix intérieure » : « le seul conseil que je puisse donner, c’est d’écouter la voix intérieure, et si l’on ose se décider à la lutte, de ne croire qu’au travail et à la volonté. » E. Zola, Correspondance. Tome XI, 1858-1902, lettres retrouvées, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, Paris, CNRS éd., 2010, p. 243-244
[79] Voir son article « L’adultère dans la bourgeoisie », Le Figaro, 28 février 1881, repris dans « Une campagne », tome 14, sous la direction d’Henri Mitterand, Editions du Cercle du livre précieux, Tchou, 1970, p 532-537
Giraud Frédérique, « La « figuration romanesque du biographique » : usages et enjeux des doubles fictifs chez Émile Zola », dans revue ¿ Interrogations ?, N°15. Identité fictive et fictionnalisation de l’identité (I), décembre 2012 [en ligne], http://revue-interrogations.org/La-figuration-romanesque-du (Consulté le 22 décembre 2024).