Cet ouvrage, riche de sept chapitres, relève de la sociologie de l’éducation et permet de s’interroger sur de multiples aspects liés à l’internat scolaire : les usages sociaux, les déterminants, les modalités d’offre et d’entrée, les parcours effectués, les attentes des familles et des élèves, les règles et la « vie clandestine », etc.
L’objet de cette recherche est clairement identifié. Le champ d’investigation concerne exclusivement l’internat scolaire : « On s’intéresse ici à l’internat que l’on pourrait dire ‘banal’ ou ‘ordinaire’, c’est-à-dire un internat ni organisé officiellement pour la sanction (d’actes délictueux), ni imposé par l’institution (comme l’est l’EREA), ni même à visée reproductrice très claire (comme l’est par exemple l’École des Roches, déjà étudiée par certains auteurs) » (p. 19.) Durant trois années, des données (qualitatives et quantitatives) ont été recueillies, principalement dans la région Rhône-Alpes. Volontairement, les modes d’organisation (fonctionnement, moyens…) avec leur réussite ou leur échec ne sont pas étudiés dans la mesure où il ne s’agit pas de traiter d’un modèle vu sous l’angle de la sociologie des organisations.
En 1829, on assiste au développement de ce type d’internat. Il faut attendre 1842 pour que les internes soient majoritaires dans l’enseignement secondaire. Actuellement, une faible partie des élèves scolarisés en France le sont : 0,4 % des collégiens du public contre 4 % des institutions privées : « Le constat est clair : le secteur public, qui scolarise 80 % des élèves du second degré, n’accueille que 75 % des internes, tandis que le secteur privé scolarise un élève sur cinq mais reçoit un interne sur quatre. La différence entre les deux secteurs est particulièrement marquée au niveau du collège : un collégien inscrit dans le secteur privé a deux fois plus de chances d’être interne que son camarade inscrit dans le secteur public » (p. 31.) Quant aux lycéens, ils s’avèrent un peu plus nombreux : 7 % en lycée général et 12 % en lycée professionnel.
Malgré cette désuétude et cette désaffection perceptible depuis le début des années 1970, est-il toujours intéressant et pertinent de se questionner à son sujet ? De toute évidence, de nos jours, il existe une volonté politique de repenser cet internat qui accueillait, en 2008, 230 000 collégiens et lycéens dont 170 000 dans le secteur public. Une circulaire du 31 juillet 2000 annonce un « Plan de relance ». Une seconde circulaire, du 24 avril 2002, précise les instructions du ministère sous le titre : « Un internat pour la réussite de l’élève. » La loi pour l’égalité des chances du 31 mars 2006 crée les « internats de réussite éducative » et enfin, en février 2008, un programme d’excellence est présenté.
L’auteur argumente sur la nécessité de traiter ce sujet d’actualité. L’intérêt certain d’une telle contribution réside dans plusieurs points qu’il convient de noter précisément. Le premier provient d’un constat : « Un élève sur six (17 %, soit 14 % des filles et 20 % des garçons) a été interne au moins une année à un moment ou à un autre de sa scolarité secondaire » (p. 9.) Le second est à relever dans les discours de nos représentants politiques qui émettent l’idée de remettre au goût du jour « l’internat dans le débat public » pour répondre aux questions d’aujourd’hui. Le troisième est de s’intéresser à l’offre de places qui semble varier elle-même entre les niveaux et les régions : « Les internes sont très inégalement répartis sur le territoire, du fait de la distribution très variable des internats et des écarts dans leurs taux d’occupation » (p. 11.) L’auteur signale qu’il existe moins d’internats dans les Académies à forte densité urbaine (de 4,5 % à 5,4 % à Versailles, Créteil et Paris) que dans celles à dominante rurale, par exemple 47,2 % pour Limoges ou 36,7 % pour Toulouse. Inversement, le taux d’occupation est très élevé à Paris avec des internats parfois saturés. Quant à la province, Besançon par exemple, le taux de remplissage est seulement de 75 %.
L’internat d’hier est comparé à nos structures actuelles, lesquelles n’ont rien de semblable : « Durant tout le XIXᵉ siècle, la vie de l’interne est rude car, comme tout collégien ou lycéen, le jeune est soumis à une discipline rigoureuse qui, en cas de manquement, peut lui valoir la prison » (p. 15.)
Les usages sociaux sont abordés (familles monoparentales, filles, garçons…) tout comme la place des parents qui confient leurs enfants à ce type d’institution. Il existe plusieurs raisons pour devenir interne comme l’éloignement géographique, le besoin d’encadrement, le choix de filières ou d’option, l’environnement et la structure familiale : « Confrontés aux difficultés à exercer leur ‘métier de parents’, certains d’entre eux, et en particulier dans les milieux populaires, sont à la recherche de relais, qui ne sont guère disponibles dans leur entourage immédiat » (p. 226.) L’auteur souligne l’importance, pour les parents ainsi que pour les élèves, de trouver un cadre institutionnel : « Un des résultats les moins attendus de cette recherche est la récurrence avec laquelle les adolescents, de toutes conditions, et aussi bien lycéens que collégiens, font référence à ce besoin de cadre » (p. 225.)
Pour certains internes, cet encadrement (règlement, espace, temps, locaux…) prive de toute liberté et peut apparaître comme insupportable. L’auteur évoque, à ce sujet, la mise en place par ces élèves d’une « vie clandestine » en s’interrogeant sur une sociologie des transgressions à l’internat.
En conclusion, cet ouvrage, dense et riche en informations par ses enquêtes notamment, présente le mérite d’exposer avec beaucoup de clarté, grâce à un important travail méthodologique, la place de l’internat dans notre société française et de le traiter en profondeur. Il est à conseiller pour connaître et mesurer tout l’intérêt qui doit être porté à l’étude de ce type de structure dans notre pays.
Monnin Eric, « Dominique Glasman, L’Internat scolaire. Travail, cadre, construction de soi », dans revue ¿ Interrogations ?, N°17. L’approche biographique, janvier 2014 [en ligne], http://revue-interrogations.org/Dominique-Glasman-L-Internat (Consulté le 21 décembre 2024).