Toute l’oeuvre écrite ou peinte de Pierre Klossowski, son théâtre de société, est marquée d’un signe unique : Roberte, affecté, lui-même, d’un motif unique : une sexualité féminine scabreuse, souvent sado-masochiste. Intrigué par cette constance du motif, le critique en cherche la nécessité. Pour cela il est conduit à établir la valeur que Klossowski accorde aux concepts de simulacre et de stéréotype pour révéler la place accordée à la prostitution, essentiellement celle de l’épouse, expression la plus achevée de cette sexualité déviante pour thématiser en actes les conditions d’émergence de l’Acte d’Art, comme synthèse disjonctive d’un échange inéchangeable. En effet, historiquement resituée dans ses rapports entre le mythe et la vie sociale, elle en serait le simulacre parfait, lui-même disjonctif, parce que « Monnaie Vivante » « donnant son corps » et « valant pour n’importe quel corps ».
Mots-clefs : Acte d’Art, Inéchangeable, Klossowski, Monnaie vivante, Prostitution
Why does Klossowski stage shocking forms of female sexuality ?
Pierre Klossowski’s whole written or painted works, all this “society theatre” is marked by an only sign : Roberte, which is itself conveyed by an only pattern : shocking, often sadomasochistic, female sexuality. Critics are puzzled by such constancy in the way this motif is displayed, and try to show its necessity. For it they are led to establish first the value attached by Klossowski to the concepts of simulacrum and stereotype so as to reveal the place which was allowed to prostitution, mostly treated through the wife’s prostitution, the most complete expression of this deviant sexuality) to establish through actions the conditions of emergence of the Act of Art as the disjunctive synthesis which solves the aporia : “not exchangeable exchange”. Historically placed in its relationship between myth and social life, prostitution would be the perfect simulacrum, being disjunctive itself (because considered as “Living Currency” “selling one’s body” and “being worth for any body”) of within the framework of this thesis.
Keywords : Act of Art, Klossowski, “Living Currency”, “Not exchangeable”, Prostitute
Tout l’œuvre écrit ou peint de Pierre Klossowski, son théâtre de société, est marquée d’un signe unique : Roberte [1], lui-même marqué d’un modèle unique : Denise, - si essentielle à l’oeuvre que son nom ouvre, avant celui de ses créateurs, le générique de Roberte interdite, variation filmique de l’oeuvre klossowskien, tournée par Pierre Zucca [i] -, et affecté d’un motif unique : une sexualité féminine scabreuse, souvent sado-masochiste. Intrigué par cette constance du motif, le critique en cherche la nécessité. Pour cela il est conduit à établir la valeur que Klossowski accorde aux concepts de simulacre et de stéréotype pour révéler la place accordée à la prostitution, essentiellement celle de l’épouse, expression la plus achevée de cette sexualité déviante pour thématiser en actes les conditions d’émergence de l’Acte d’Art, comme synthèse disjonctive d’un échange inéchangeable. En effet, historiquement resituée dans ses rapports entre le mythe et la vie sociale, elle en serait le simulacre parfait, lui-même disjonctif, parce que « Monnaie Vivante » « donnant son corps » et « valant pour n’importe quel corps ».
« Suivant la relecture nietzschéenne à laquelle convient Deleuze et Klossowski, le simulacre se définit moins comme un faux que comme une puissance du faux, ruinant la délimitation de la vérité et du mensonge. […] le piège du simulacre tient alors en ceci qu’à la fois il postule et rend impossible la distinction entre modèle et copie » [2].
Ainsi, Klossowski n’est pas Octave, Denise n’est pas Roberte, et l’exposé/exposition des turpitudes sexuelles de cet « être de mots et d’images », par un époux « de mots et d’images », ne constitue pas l’étude clinique d’un cas de déviance sexuelle. C’est une mise en scène démultipliée à l’infini, de mots en images et d’images en mots, qui fait vaciller indéfiniment la frontière de « l’identité » dans une « réflexion à double sens, spéculatif et spéculaire » [3] entre le montré et l’irreprésentable, entre le référent et le nom [i], entre le modèle et la copie.
D’ailleurs, Klossowski revendique le trouble qu’ajoute à cette ambiguïté la présence d’un tel motif :
« Aussi bien est-ce surestimer l’influence de la lecture que de croire, comme le fait la censure, que tel livre serait ’corrupteur’ ; mais c’est sous-estimer un auteur que de le supposer pur de semblable intention » [i].
En vertu de quoi le critique use, pour traiter d’une fiction, de termes tels scabreux, voire déviant, qui nouent morale et clinique, mais il le fait avec la même distance malicieuse que le font Klossowski ou Octave comme auteurs-corrupteurs pour traiter Denise ou Roberte en actrices-prostituées, c’est-à-dire avec conscience (complaisamment corruptrice ?) d’une corruption éventuelle de toute norme [4], donc d’une déviance, comme intrinsèque au caractère spéculaire et spectaculaire des mises en scène réalisées dans l’œuvre, et extensible à la mise en perspective de cette œuvre dans une étude critique [5].
Est notamment corrompue et déviée, la distinction normale entre simulacre et stéréotype.
Quel que soit le sens donné au mot simulacre son radical latin [6] implique un échange, un passage, un glissement. Le simulacre c’est bien ce qui est comme et ce qui est commun.
En étant comme, il permet de faire passer un phénomène inconnu, indéfinissable en soi, au stade du connu, au moins par figuration, laquelle se détermine à partir de, ou autour d’un objet commun, ajoutant à la notion un caractère fondamental de réversibilité [7]. Ainsi le simulacre, qui se détermine à partir d’un objet connu quand on dit : « C’est un simulacre de », se détermine autour d’un objet connu quand on fabrique un simulacre d’objet inconnu : une statue (qui sera connue et commune) d’un dieu (par définition, invisible et hors du monde), par exemple.
C’est le sens retenu par Klossowski car il possède la double caractérisation d’être déterminé, à la fois, à partir de modèles communs et antinomiques : l’anthropée comme statut de la statue, et la mythologie comme constituant, et autour d’un objet commun : la statue réalisée, comme semblance de la divinité, ou, selon les quatre fonctifs de Hjelmslev [8] : l’anthropée comme forme du contenu, la mythologie comme substance du contenu, et la statue-divinité en soi comme forme et substance de l’expression. La statue « s’exprime à partir d’une forme humaine et d’un contenu mythologique », et représente, sous la « forme humaine » la « substance d’un dieu ».
Créée à partir de deux réalités distinctes (l’une visible : forme humaine, et l’autre invisible : mythologie), entre lesquelles elle assure l’échange de ce qui est, concrètement, inéchangeable, elle sera, pour toute une « imagination populaire », La divinité. Mais pour réussir cet échange, ce simulacre doit être commun à toute une société, ce qui en fait aussi, à l’usage, un stéréotype, dont le caractère complexe dépasse les connotations péjoratives attachées à ce mot.
Dès lors le concept de simulacre - à la fois transitoire et commun - apparaît indissociable, historiquement et épistémologiquement, de celui de prostitution, sacrée à l’origine :
« Notre propos est de fixer ici quelques aspects du monde de la débauche de la Rome antique et de ses rapports avec le monde cultuel, les solennités religieuses et les jeux. » [i]
De l’essai tardif, Origines cultuelles et mythiques d’un certain comportement des Dames romaines, où la thèse de la prostituée sacrée est reprise de celles de Bachofen [9] sur le matriarcat, il ressort que le motif sexuel scabreux est un simulacre fédérateur qui assure des échanges logiquement inéchangeables à quelque niveau qu’on les considère, (mythique, social, culturel) entre divinités, entre dieux et humains, entre l’État et le peuple, entre humains, entre chacun et ses fantasmes, mais, plus spécifiquement, entre invisible et visible, et ce, pour deux raisons contradictoires :
Après un rappel historique du « rôle de la prostitution et des jeux scéniques dans leurs rapports avec les images de la mythologie » (p. 15), Klossowski constate :
« Ce fut cette équivoque même en raison de cette confusion du corps propre avec le bien moral, en raison aussi de la désacralisation progressive de la courtisane qui permit l’épanouissement de que l’on peut nommer maintenant l’érotisme romain ; érotisme naïf dans la mesure où il exprime l’imagination populaire, érotisme pervers dès lors qu’il s’individualise ; dans les deux cas se nourrissant des thèmes mythologiques qui vont s’émancipant du culte […] pour se faire spectacle proprement dit ; sur ce plan-là les courtisanes deviennent des figurantes du plaisir ; tandis que les réalités mythiques servent bientôt de prétexte à tout ce qui […], n’étaient que divertissements […] licencieux. » (p. 47-48)
Simulacres l’une de l’autre, la prostituée et l’actrice sont si complémentaires que :
« Sans doute la mise à contribution des courtisanes dans pareilles solennités, loin d’être purement fortuite, constituait-elle au contraire une partie intégrante de ce culte ; […] si Lactance nous dit que ce fut à la demande du peuple que les courtisanes figurèrent toutes nues dans les jeux scéniques, déjà Tite-Live rapporte qu’elles représentaient de la sorte l’enlèvement des Sabines et se prostituaient aux spectateurs après les jeux. » (p. 50)
Actrices, elles simulaient l’acte, et prostituées, elles l’accomplissaient, réalisant donc totalement la double valeur du simulacre : valoir pour l’objet et être cet objet, à la fois.
Dès lors, composante fondamentale de simulacres d’abord conçus pour permettre l’échange inéchangeable entre le monde mythique et invisible et le monde social et politique, la prostitution devient LE simulacre par excellence, par sa capacité à garantir les échanges inéchangeables. C’est pour cela qu’il régit la récurrence des situations scabreuses de sexualité féminine dans l’œuvre de Klossowski.
De plus, cette théorie de l’usage du corps prostitué dans une société donnée a pour miroir une théorie de l’Acte de création artistique, exposée dans la Lettre à Michel Butor rédigée à la même époque.
C’est pourquoi la thématisation de la prostituée, explicitement affirmée ou non, apparaît indispensable dans l’œuvre, parce que ce simulacre se construit comme une synthèse entre les disjonctions communes au travail de l’artiste et à cette dérive sexuelle, analysée ici, indépendamment de sa « valeur marchande » qui est traitée de manière complexe et provocatrice dans un autre essai, plus ancien : La monnaie vivante [i], qui verrouille l’ensemble de la thèse.
Ce ne sont pas que des métaphores, et la thématisation par une sexualité féminine scabreuse n’est pas que corruptrice [13]. C’est toute la force du terme simulacre, et celle du concept d’acte d’art, exprimées dans une formule comme : « l’épiderme de Roberte ne pourrait seulement pas frissonner sans ma syntaxe qui n’en est que l’envers » [14] qui établit combien le simulacre sexuel est simulacre textuel et combien la force de l’acte d’art est aussi porteuse de vertige que celle de l’acte sexuel, à condition que cet acte déborde lui aussi la déréliction maladive de la répétition limitée dont il est aussi porteur que l’autre :
« À quoi donc répond notre maladie spécifique qui est de reproduire le fait d’exister, sinon à la jouissance de faire participer autrui à cette production ? Jouissance qui n’est satisfaite vraiment que si par cette contrainte que nous exerçons sur autrui nous l’assimilons à nous-même, donc à ce que nous avons d’inéchangeable : ici la communication ne s’exerce jamais autrement que pour ’donner le change’. C’est la loi de la vie en commun d’autant plus sensible que nous la subissons dans une méditation solitaire comme toute pré-méditation. Mais si, comme je l’ai dit, j’ai recours à l’écriture, tant s’en faut que ce moyen me procure la volupté plus grande à voir d’aventure quelqu’un partager mes goûts les plus secrets. » (LB.40-41).
Mais, la tâche n’est pas simple et, de même que la jouissance sexuelle est condamnée à être finie, alors même qu’elle se rêve en vertige absolu, l’acte d’art semble aussi désespérément condamné à l’aporie :
« Sous d’autres conditions ce que je tenais à dire ou à montrer n’eût pas pris nécessairement la forme de l’écrit ou du dessin : je cherchais seulement à provoquer des circonstances où mes émotions seraient partagées par un nouvel entourage. Si peu que cela !… Confiant dans les moyens d’une rhétorique conventionnelle, les estimant les mieux appropriés à donner corps à cela même que ces conventions excluent comme de l’insolite, je ne faisais que rendre plus obscur ce que je pensais dire de la façon la plus claire, quitte à donner à mon propos une apparence de futilité. » (LB.37-38)
Il semble que ce qui ruine ce simulacre-là comme l’autre c’est la conscience d’être récupérable en objet conventionnel, donc en stéréotype. Cette aporie a un nom : l’inéchangeable, autour de quoi gravite toute l’œuvre de Klossowski :
« À quoi répond cette préoccupation de la réceptivité du lecteur ? Mais n’importe quel ’créateur’ est soucieux de se faire comprendre. Toutefois il s’en remet ici à des normes convenues de penser, de juger et de sentir. Mais justement ce qu’il divulgue a son centre de gravité dans l’inéchangeable, qui est ’sans prix’ qui n’a pas ’cours’, donc pour le redire une fois de plus, dans l’idiosyncratique autorité de son expérience. Inéchangeable, elle ne requiert pas la divulgation à titre d’échange possible, mais une équivalence pour l’équilibre de l’artiste, soit dans l’art, le simulacre : lequel dissimule le secret de l’inéchangeable en simulant le sens commun pour s’assimiler autrui. Complice, de ce point de vue, le lecteur ne saurait l’être qu’en tant qu’initié à un secret par affinité. […] » (LB.44-45).
Si le motif de « la prostitution » est récurrent, c’est bien parce qu’il réalise la synthèse disjonctive que présuppose ce constat : le simulacre ne s’exprime que par le biais du stéréotype ! La théorie socio-mythologique ouvre des champs d’investigations qui débordent une étude thématique : c’est de l’acte artistique que ça parle. En effet la prostituée est un simulacre parfait : elle est un corps érotique propre et vaut pour n’importe quel corps érotique. Par cela elle devient stéréotype puisqu’elle est évidemment commune (industrielle même), mais aussi transitoire (doublement, comme simulacre et stéréotype) :
« La législation romaine, préludant en cette matière à la conception occidentale moderne qui devait prévaloir jusqu’à une date récente, conçut et organisa la prostitution ’professionnelle’, selon la loi des compensations, comme un canal d’écoulement ; et cependant les courtisanes et les entremetteuses gardaient encore quelque chose du caractère rituel primitif de la prostitution […]. » (OCMDR 49)
Cet aspect industriel est développé dans un long passage, (p. 51-54), intitulé : « cas de prostitution délibérée chez les dames romaines et leur exhibition théâtrale »
« […] l’évasion dans le déclassement social, le refus de la condition honorable, le choix du déshonneur ne répondent pas simplement à une satisfaction de plaisir. Qui ne voit le rapport entre la mise en commun du corps propre et l’exhibition scénique éprouvée alors comme forme de prostitution ? Le rapport entre l’exhibition de soi et le besoin de rendre tangibles ou d’incarner même des réalités invisibles ?
La femme qui se prostitue obéit à une image comme celui qui cherche le contact avec elle : ceci appartient à l’ordre de la fiction. Les lenonia n’en sont que des succédanés. Le théâtre qui est la fiction même n’en implique pas moins la mise en commun du corps propre dans le fait d’incarner aux yeux de tous une réalité invisible. » (p. 54)
« Or le besoin de se produire, de s’exhiber - donc de figurer - resta absolument inséparable de la manifestation des dieux dans les cultes et les jeux solennels : le besoin de voir les divinités, de leur prêter une apparition physique, un corps, de les imaginer désirables l’une pour l’autre, et le besoin féminin de s’exhiber ou le besoin viril d’exhiber la femme - tout remonte à la même source. » (p. 54)
Outre les relations étroites entre la prostitution et l’art de la scène, en tant que simulacre, (au sens strictement fonctionnel), on voit se dessiner la valeur fantasmatique profonde de la mise en commun du corps propre et du besoin d’exhibition à la fois comme lieux communs du théâtre et de la prostitution, (donc de l’art dont la prostitution est aussi un simulacre), et comme fonction de ce simulacre en tant qu’acte social.
De même il dit clairement l’endroit de la faille, disjonctive à l’infini, qui, bien que relevant de la même source, ne cesse de faire vaciller de la jouissance à la déréliction et du simulacre au stéréotype :
« L’hétaïre qui, au service de la Déesse Mère […], officiait dans un sens à la fois liturgique et scénique, ’incarnait’ la divinité. Les courtisanes romaines qui, au théâtre ’simulaient’ les amours des déesses ; qui représentaient l’Enlèvement des Sabines d’abord, puis se prostituaient aux spectateurs à la fin des jeux, n’offraient ainsi autre chose qu’un simulacre charnel à chacun en particulier de cela même que tous, fondus dans la multitude, avaient vu et applaudi en tant que réalité mythique, en tant que fiction visible d’une invisible réalité. » (p. 71)
« Où et quand les consacrés à la déesse Caelestis étaient-ils initiés aux préceptes de la chasteté, nous l’ignorons. Mais devant son temple où nous contemplions sa statue, la foule affluait de toutes parts ; […] portant alternativement nos regards sur les processions des courtisanes et sur la déesse vierge ; on l’adorait avec supplication en même temps que l’on célébrait devant elle des rites honteux. Là aucun mime, aucune actrice qui témoignât la moindre pudeur. Les offices n’y étaient qu’un tissu d’obscénités. On savait ce qui plaisait à la déesse virginale, et de la sorte chaque épouse, chaque mère de famille s’en revenait chez elle plus instruite et experte de ce qu’elle avait vu exhiber au temple. » (p. 72)
Cette ambiguïté d’usages confirme la valeur mouvante attachée au corps propre, sexuel ou textuel : simulacre ou ustensile stéréotypé et stéréotypable. La Monnaie Vivante montre que, prostitué, il est aussi réversible, à la fois en simulacre et en stéréotype : le « corps donné en Monnaie » est en même temps la « Monnaie valant pour un corps donné ».
Reposant donc à la fois sur une croyance en un fondement socio-mythologique, (le culte romain), et sur une théorie philosophico-sociale (La monnaie vivante), le motif de la prostitution conduit à considérer la praxis d’art en acte social et non en reflet de la société. Toujours central, ce motif se décline dans l’œuvre de Klossowski selon diverses variations nécessaires pour faire du simulacre un acte (une théâtralité) et non une icône ou un symbole.
Dans la mesure où elle avait une valeur théâtrale, la prostituée répétait spectaculairement la « fortuité amoureuse » des divinités, et dans la mesure où elle éduquait érotiquement les matrones, ses actes étaient appelés à être « répétés ». Mais, par dessus tout, elle répète indéfiniment la répétition dérélictoire de l’acte sexuel fondateur du simulacre, (acte d’art), auquel il est associé, précisément à cause de sa déréliction répétitive qui rend le simulacre mère du stéréotype.
Qu’on écrive, dessine, peigne, photographie ou filme des tableaux vivants scabreux dans l’œuvre de Klossowski, on répète aussi indéfiniment une scène éminemment théâtrale caractérisée par une structure triangulaire : une victime est assaillie a retro par un colosse, et d’en dessous par un nain, quelle que soit l’anecdote qui reprend les constantes de certains sujets obsessionnellement traités (Roberte aux barres parallèles [15]).
Mais dans la mesure où le simulacre est la pose entre deux ressentiments répétitifs du stéréotype (réception en amont, émission en aval), un nouveau stylème, le suspendu, est choisi pour capter la jouissance de l’inéchangeable dans sa déréliction-même. La thématisation de l’inachevable en constitue la perversion, repérable dans chaque oeuvre, et particulièrement sensible dans le titre du premier texte de Klossowski : La vocation suspendue, qui traite longuement d’une « fresque inachevable et inexécutable ». (V.S. 84)
Le motif si théâtral du tableau vivant en est, tant au plan du contenu : sexualité féminine déviante, qu’au plan de l’expression, un bon exemple. Il pose et fige une scène : topoï sexuels scabreux, traités de la façon la plus stéréotypée possible, aussi bien en art verbal, avec des clichés comme : « ses longues jambes gainées de noir » [16], qu’en art plastique, toujours figuratif, jamais stylisé pour les sujets, avec notamment un Enlèvement des sabines pour La monnaie vivante directement inspiré des péplums hollywoodiens.
Une attitude, répétée de tableaux en tableaux, déborde vertigineusement la personne de Roberte, et contribue à en faire un signe unique, puisque dès lors qu’on saisit sa présence, même ailleurs, ce lieu là [17], tel qu’il figure chez Roberte, s’impose à l’imaginaire du lecteur-spectateur : c’est la main suspendue [18] en « parade », au double-sens du mot : main perverse qui cache et qui montre, qui refuse et qui offre.
Que ce soit celle de Lucrèce repoussant le geste qui la dénude tout en offrant sa dénudation ; celle de La belle versaillaise saisie au poignet, violée et attirant ; celle de Diane repoussant-introduisant Actéon ; c’est toujours le solécisme [19] théâtralisé de la main gantée-dégantée de Roberte, mordue et léchée par le bossu ou le collégien comme son autre Mont de Vénus, (quidest offert-refusé, utrumsit qu’on trouble), l’est par un nabot ou un chien. Ce signe unique délibérément installé par Klossowski [20] se répète, énigmatiquement suspendu, de pages en pages, de dessins en dessins, de pages écrites en dessins, en photos, et en film, véritable monnaie vivante, épiderme du corps propre, prostitué « industriellement » par la syntaxe ou l’image, à tous les consommateurs du Marché de l’Art.
Voilà pourquoi cet attrait pour la dérive sexuelle féminine est au centre de l’oeuvre verbale et plastique de Klossowski. Mais on peut se demander à juste titre en quoi ces scènes de sexualité scabreuse sont des avatars de la prostitution, ayant les mêmes valeurs de simulacre/stéréotype que celle-ci, et entretenant le même rapport « d’équivalence » avec l’acte d’Art.
D’abord la fonction réversible du simulacre est exploitée pour dire la correspondance entre prostitution et Acte d’art dans la mesure où les organes sexuels, par exemple, sont nommés par des organes textuels tels que des formules latines : ’utrumsit’, ’quidest’, ’sedcontra’ [i]. Ensuite ces simulacres peuvent être superposables, feuilletés en abyme artistiquement comme dans le traitement du frontispice de l’essai intitulé du nom d’un simulacre latin [21] : Le bain de Diane [i].
Ainsi le simulacre est-il présent sous toutes les formes artistiques déjà répertoriées :
Cependant ce ne sont que des variations thématiques vécues par une femme qui occupe toujours la « condition de tiers gratifié » [24].
Roberte est d’abord une épouse prostituée par son mari pour satisfaire la lubricité de ses assaillants selon Les lois de l’hospitalité d’Octave, (LHR. p. 109), ou de K. (LHS. p. 216), lois rapportées par un autre actant que leur auteur de sorte qu’on ne sait jamais si cette prostitution de l’héroïne (ou de ses avatars, les suppôts) est vraiment imposée concrètement ou si c’est une justification qu’elle se forge pour mieux jouir des situations de sexualité déviante : dans son journal elle commente ainsi la scène des barres parallèles :
« Autrefois je n’aurais jamais songé à revenir sur pareilles choses. J’entends celles dues à Octave. Mais à présent je ne puis me retenir de me raconter à moi-même tel ou tel incident (survenu à son insu) : […] Je me souviens que j’avais honte : en ai-je moins joui pour cela ? Et maintenant ma propre honte me répugne moins dans mon souvenir, d’autant moins que je me vois telle que j’ai pu plaire à ces individus… » (L.H.N. 40-41).
Après la scène des collégiens :
« X. ne distinguait plus la raison de son plaisir, tandis que Roberte, les cuisses et les fesses ruisselantes de l’impertinence de nos deux néophytes, s’abandonnait à ses ultimes secousses, ahanant et vouant à tous les diables ses obligations à la Chambre, et de députée devenue pute entre Condorcet et Saint-Lazare… » (L.H.N. 60).
Roberte écrit (L.H.N. 61) :
« Pourquoi ne pas permettre aux jeunes garçons le plaisir qu’une femme de ma condition leur procurerait avec une sympathie désintéressée et même avec tendresse ? […] toute femme bien faite s’en pourrait faire une réelle obligation. […] Voilà ce que je me disais sottement naguère : je pensais faire des heureux, comme si j’eusse pu m’abstraire d’un don trop voluptueux de ma personne. Sans prévoir cette griserie pour moi nouvelle : le fait d’accepter avec délices qu’on me paye pour cela. Qu’est-ce que ce besoin de me vendre ? Ainsi le veut la règle. »
Ainsi le simulacre construit autour d’une sexualité féminine scabreuse s’accomplit totalement dans la prostitution revendiquée comme griserie par la prostituée elle-même. Et le dernier fragment de La Monnaie vivante conclut les renversements dialectiques, amorcés par le concept de corps propre [25](36), entre les notions d’ustensiles industriels et de simulacre. Sans en analyser toutes les étapes on notera que la ligne de bascule est celle du marché, et que le dernier avatar de ce monnayage est :
« Comment la ’personne’ humaine peut-elle remplir la fonction de monnaie ? Comment les producteurs, au lieu de ’se payer’ des femmes, se feraient-ils jamais payer ’en femmes’ ? » (MV. 67).
On atteint l’absolu prostitutionnel, où le corps propre n’est plus seulement l’objet du marché, l’objet de l’échange, mais est aussi le moyen même de l’échange. On atteint la limite asymptotique de la question de l’interprète : l’acteur, mais aussi le lecteur, le spectateur, le consommateur ; mais encore l’émetteur ; mais enfin l’objet consommé, la prostituée ou le modèle. À partir de la réversibilité absolue de ce simulacre unique : La Prostituée, s’opère la synthèse qui résout toutes les disjonctions : profane /sacré ; objet industriel / objet unique ; stéréotype / simulacre ; jouissance / déréliction ; acte social /acte d’art ; art de masse / grand art.
Sur le plan strict de La monnaie vivante, cela s’écrit :
« Dès que la présence corporelle de l’esclave industrielle rentre absolument dans la composition du rendement évaluable de ce qu’elle peut produire -(sa physionomie étant inséparable de son travail) -, c’est une distinction spécieuse que celle de sa personne et de son activité. La présence corporelle est déjà marchandise, indépendamment et en plus de la marchandise que cette présence contribue à produire. Et désormais l’esclave industrielle ou bien établit une relation étroite entre sa présence corporelle et l’argent qu’elle rapporte, ou bien elle se substitue à la fonction de l’argent, étant elle-même l’argent : à la fois l’équivalent de la richesse et la richesse elle-même. » (MV. 74-75, clausule)
Sommes-nous si loin du vertige d’art ? Comme la prostitution, l’art n’est-il pas un acte social et un marché ? Que le corps propre (textuel ou sexuel) puisse être à la fois équivalent de la richesse et la richesse elle-même, est-ce seulement dérélictoire ? N’est-ce pas une des conditions de sa réversibilité que le simulacre soit, au contraire de la métaphore, à la fois, l’objet et la valeur pour l’objet ?
Qu’on lise la clausule de la Lettre à Butor, qui ouvre sur le vertige de l’indicible :
« Métamorphosé en singe, l’artiste vaut pour un singe contenant un artiste ; l’un est l’analogue de la qualité de l’autre ; le singe dissimulant, de l’homme anéanti, l’intellect subsistant, qu’il simule ; l’intellect se dissimulant sous l’instinct de l’animal, qui est proprement l’art de simuler. Non pas en ce sens que l’artiste devienne inconscient de sa métamorphose en singe et le singe inconscient de contenir un artiste ; car il n’y aurait alors point de métamorphose, […] celle où l’artiste veille à son autoportrait.
Or, le simulacre, qu’ils représentent ici l’un par l’autre, agit de telle sorte que, l’artiste dût-il n’avoir plus que les souvenirs d’un singe, ceux-ci témoigneront toujours d’une érudition d’autant plus prodigieuse que c’est un singe qui en fait si grand étalage.
[…] Mais libéré de son propre automatisme, l’intellect, à son tour simulant le singe, si jamais il se ré-animalisait… »
L’un par l’autre, n’est-ce pas, comme à la fois, (qui suspend la disjonction dans un solécisme infini), ce qui définit la magie du simulacre et sa thématisation dans la déviance sexuelle féminine absolue, la prostitution consentie de l’épouse : être l’objet d’échange et l’inéchangeable-même ? N’est-ce pas le fantasme inéchangeable absolu du vertige d’art comme du vertige sexuel : être à la fois le corps producteur et le corps produit ; le corps émetteur et le corps réceptacle ; le corps émis et le corps reçu ; le corps inéchangeable et le corps-monnaie d’échange des corps ?
Comment mieux dire ce sparagmos, cet éclatement, qui se tient suspendu au point qui assure la synthèse (le corps prostitué) de la disjonction : jouissance (simulacre érotique) / déréliction (stéréotype marchand), que par la double prostitution du corps sexuel / textuel de Roberte ?
Signe unique, son corps énigmatique [26] est effectivement, deux fois, prostitué ; autant par l’acte artistique même de Klossowski qui la livre au marché de l’Art, que par les actes, auxquels les Lois, dictées par ses maris, la contraignent de se livrer, hétaïre qui assume seule, dans son œuvre, tous les rôles sexuellement déviants. Jusqu’à changer de sexe ou de nature.
[1] P. Klossowski, Les lois de l’hospitalité, Le chemin, Gallimard, Paris, 1965. Postface, p. 333-350. Surtout à partir de : « Ce signe unique dénonce l’incohérence absolue où je suis tombé par rapport au monde, […]. », p. 339. (LHN : La révocation de l’Édit de Nantes / LHR : Roberte ce soir /LHS : Le souffleur).
[i] Roberte interdite, d’après La révocation de l’Édit de Nantes, et Roberte ce soir, adaptation de Pierre Klossowski et Pierre Zucca, Filmoblic, Paris, 1978.
[2] M. C. Ropars-Wuilleumier, Écraniques, 117.
[3] Idem, p. 123.
[i] « Le nom ici n’est plus signe, ou plutôt il n’est plus que […] signe unique […] signe sans identité, susceptible d’investissements ou de fractionnements multiples. “Je réfère au nom de Roberte” dit […] la postface aux Lois de l’hospitalité : référer au nom, c’est inverser la fonction nominale, et renvoyer au signe ce que le signe serait censé nommer », Idem, p. 101.
[i] Roberte et Gulliver suivi d’une Lettre à Michel Butor, Fata Morgana, Montpellier, 1987, p. 42.
[4] Non seulement les normes morales et sexuelles, mais celles qui régissent l’identité et la fiction : toutes sont fragmentables et réversibles en abyme. Cf. notes 5 & 28.
[5] Très justement, Pierre Coulibeuf écrit dans la note de présentation de son documentaire Klossowski, peintre-exorciste : « Comme le peintre, mon plaisir fut de l’ordre de la délectation morose : d’où la forme en série pour [mon] film […] qui aurait pu se poursuivre indéfiniment : m’attardant auprès de cet univers tentateur, je me complaisais dans le plaisir éprouvé (et jamais consommé une fois pour toutes) à transposer, grâce à des mises en scène renouvelées, le spectacle captivant que Klossowski représentait et modifiait inlassablement. Selon son idiome propre, le film essaie de prolonger et de multiplier la dimension spéculaire ou spectaculaire de l’œuvre plastique, sans contrarier, bien au contraire, la tension spéculative qui organise les images mentales proposées par l’artiste : les physionomies destinées à séduire le contemplateur. Un nouvel aller et venir pouvait ainsi se mettre en mouvement, où, séduit par les forces démoniques captées par le tableau, j’offrais à mon tour, au regard du spectateur de mes films, des images susceptibles d’accueillir ses propres visions. À l’instar du peintre, instigateur (malgré lui ?) de ce jeu spéculaire interminable, je cherchais à me libérer de ces forces obsédantes. »
[6] Similis : semblable, simulare : rendre semblable, simul : en même temps, ensemble, simulacrum : représentation figurée de quelque chose.
[7] « Métamorphosé en singe, l’artiste vaut pour un singe contenant un artiste ; l’un est l’analogue de la qualité de l’autre ; […] le simulacre, qu’ils représentent ici l’un par l’autre, agit de telle sorte que, […] c’est un singe qui en fait si grand étalage. » (LB.50-51).
[8] L. Hjelmslev, Prolégomènes à une théorie du langage, Copenhague, 1943, traduction française, Minuit, Paris, 1984, Chapitre 13, ’Expression et contenu’, p. 65-79.
[i] Origines cultuelles et mythiques d’un certain comportement des dames romaines, Fata Morgana, Montpellier, 1986, p. 11, Incipit. (OCMDR.)
[9] Bachofen, Das Mutterecht, Stutgart, 1861. Klossowski reconnaît que ces thèses jugées trop évolutionnistes, sont controversées. Mais qu’elles soient on non fondées, la vision du monde, que suppose l’adhésion à cette théorie, éclaire sur l’importance du motif dans les conceptions du simulacre et de l’art de Klossowski.
[10] « Sous le rapport de la vie sexuelle l’expérience se limite à la fonction qu’est l’acte de procréer ; mais la religion l’intègre à l’expérience même de l’univers ; […] l’attrait du vertige réside dans l’acte sexuel et le dépasse infiniment jusqu’à prendre les formes de la divinité ; […] dans les cultes. » (OCMDR.13-14)
[11] « […] les simulacres, les statues firent leur apparition, et de ce fait, la détermination sexuelle des divinités » (idem, p. 55-56)
[12] « L’hétaïre qui, au service de la Déesse Mère aphrodisienne, officiait dans un sens à la fois liturgique et scénique, ’incarnait’ la divinité. Les courtisanes romaines qui, au théâtre ’simulaient’ les amours des déesses ; qui représentaient l’Enlèvement des Sabines d’abord, puis se prostituaient aux spectateurs à la fin des jeux, n’offraient ainsi autre chose qu’un simulacre charnel à chacun en particulier de cela même que tous, fondus dans la multitude, avaient vu et applaudi en tant que réalité mythique, en tant que fiction visible d’une invisible réalité. » (idem, p. 71)
[i] La Monnaie vivante, É. Losfeld, Paris, 1971. (MV.)
[13] Supra p. 3, citation LB 42.
[14] LH. Avertissement, p. 9.
[15] Cf. J.M. Monnoyer, Roberte au cinéma, Obliques, 1978, p. 89-95, p. 94. Ajoutons ceci :
La reproduction de M. de Max et Mlle Glissant dans Diane et Actéon, dans de Le bain de Diane, est composée de même que les scènes de « Roberte et le colosse », et de « Roberte aux barres parallèles » (LHN) : la femme au centre, offerte et retirée à la fois, obliquement dominée par un surhomme, (colosse, cerf, mollusque) qui tente de la posséder de biais et / ou par derrière, et dominant un sous-homme (bossu, trapu, chien), qui ne s’intéresse qu’à son quidest.
Actéon est double d’Antoine (« neveu », p. 35), du « narrateur » (p. 38, voyeur comme Théodore dans LHS ou Octave dans LHN et LHR, voire du bossu, (p. 94, « il se rue tête baissée » dans l’entrebâillement du postérieur de Diane), ou du trapu qui dévoile Roberte et est frappé (gifle / eau du bain) par la déesse. L’ambiguïté de la posture -véritable im-posture par rapport au mythe : jamais Diane ne fut prise- fait d’Actéon à la fois le double du bossu, parce que, comme celui-ci le faisait de Roberte, il dévore l’entre-cuisse de Diane, et celui du colosse car il semble bien aussi pénétrer son vacuum (B.D., p. 94, L.H., p. 142-147). En fait s’il se rue, bouche fendue, mâchoires garnies de crocs, chien lui-même, à l’image du bossu « à tête d’épagneul » (L.H., p. 139) qui s’empresse hardiment, du bout de sa langue, (idem, p. 144), et engloutit le quidest (idem, p. 147), « il se rue » aussi dans « le postérieur de l’idole » qui « s’entrebâille », de même que la sentence du colosse « vient s’exécuter, énorme et bouillante entre [les] fesses » et « force largement [le] vacuum » (idem, p. 147), après que Roberte a vu « ses propres fesses, se contracter et béer vers leur fente. » (idem, p. 145).
[16] LHR. p.172.
[17] « L’inéchangeable est le souvenir obscur d’un événement. L’événement qui se produit en tel lieu, à tel moment, se confond avec le lieu. Révolu, il ne se répète que sous la forme du lieu qui l’évoque. Mais c’est là son génie dont la physionomie est celle de l’inéchangeable » (LB. 45)
[18] Dès l’avertissement de Les lois de l’hospitalité, Klossowski, pour préciser la formule : « l’épiderme de Roberte ne pourrait seulement pas frissonner sans que ma syntaxe qui n’en est que l’envers […] soit son caractère exposable, sa promotion au rang d’article son avènement mercantile » ajoute : « celle-ci [la pensée] ne demande pas mieux que de se mouvoir au gré de son intensité, tantôt l’envers, tantôt l’endroit, que Roberte se gante ou se dégante, que l’épiderme de sa paume paraisse ou disparaisse - pas plus qu’il n’en coûte à mon instrument, la syntaxe, d’abuser d’une métaphore. L’épiderme de Roberte, dès lors que ma syntaxe en constitue le tissu, fera subir à sa texture un sort identique […] »
[19] « Certains pensent qu’il y a solécisme dans le geste également, toutes les fois que par un mouvement de la tête ou de la main on fait entendre le contraire de ce que l’on dit », Quintilien, Institution oratoire (I, v, 10). Cité par Octave en tête de son journal. LHR. p. 14.
[20] « Celle-ci [la pensée] ne demande pas mieux que de se vouloir au gré de son intensité, tantôt l’envers, tantôt l’endroit, que Roberte se gante ou se dégante, que l’épiderme de sa peau paraisse ou disparaisse - pas plus qu’il n’en coûte à son instrument, la syntaxe, d’abuser d’une métaphore. L’épiderme de Roberte, dès lors que ma syntaxe en constitue le tissu, fera subir à sa texture un sort identique : les instituts de beauté, la haute couture, les magazines répondent d’un lieu ou le clin d’oeil même se paie, s’il est vrai que la pensée ne vaut jamais son pesant d’or autrement que comme le signe de l’impayable… » (L. H. Préface, p. 10)
[i] LHR « l’âcre odeur monte de son utrumsit », p. 144, « il l’oblige à mettre elle-même son quidest dans le plus parfait état. », p. 147, « Victor l’installe sur son sedcontra. », p. 172. Ces mots désignent le vagin, le clitoris et le phallus.
[21] « On connaît le rituel des bains dont les statues de certaines déesses faisaient l’objet ; […] je retiens simplement la mise en valeur scénique de la statue. » (p. 56)
[i] Le bain de Diane, Jean-Jacques Pauvert, Paris, 1956, réédition Gallimard, Paris, 1980, p. 4
Dessin intitulé M. de Max et Mlle Glissant dans ’Diane et Actéon’. On voit ici 7 niveaux d’échanges :
ANiveau mythique Actéon prend la forme d’un cerf, et Diane d’une mortelle.
BNiveau verbal Le mythe actualisé par Klossowski.
CNiveau théâtralisé Le mythe devient prétexte à un jeu scénique, (M. de Max, Mlle Glissant).
DNiveau pictural 1 Klossowski peint la scène mythique A.
ENiveau pictural 2 Klossowski peint la scène mythique actualisée par Klossowski écrivain B.
FNiveau pictural 3 Klossowski peint la scène de niveau E jouée par deux acteurs inventés C.
GNiveau pictural 4 Klossowski peint la scène de niveau F en utilisant le modèle récurent, Denise, (Roberte ?).
[i] LHN, p. 13-14, 21-25 (Lucrèce), p. 27-33, p. 80-83 (La belle versaillaise), Roberte interdite, séquences 22, 23.
[22] La vocation suspendue, Paris, Gallimard, 1950, p. 75, séquence Fresque « inachevable et inexécutable » (p. 84).
[i] LHR, II, p. 114-136, Roberte interdite, séquence 8.
[i] Le Baphomet, Mercure de France, Paris, 1965. « […] Ogier ou Thérèse il ne voulait plus le savoir ; », p. 129
[i] LHS, sous-titre ou un théâtre de société, p. 175. Un court métrage d’Alain Fleischer, Pierre Klossowski : Portrait de l’artiste en souffleur, 1982, est construit autour de lectures par Klossowski de passages de cette oeuvre, ’illustrées’ par Klossowski mettant en scène Denise dans les scènes lues, et par Klossowski et Denise visionnant les rushes de ces scènes filmées…
[23] LHS. L’hôtel de Longchamp, p. 216-218.
[24] Jean Reboul, « Les lois de l’Hospitalité et la condition de tiers gratifié », in L’Arc, N° 43, Duponchelle, 1990, p. 72-74.
[25] « Ainsi le corps propre, par la manière d’en disposer à l’égard du corps propre d’autrui, est un bien d’usage dont le caractère inaliénable ou aliénable varie selon la signification que lui donne la coutume. (C’est en quoi il a un caractère de gage, valant pour ce qui ne peut s’échanger). » (MV. 11) Ce postulat lance un débat complexe et, sans cesse, renversé, qui se conclut dans le dernier fragment, détaché nettement du reste de la « thèse », p. 67-75.
[26] Existe-t-il autrement que comme assemblage de mots et d’images même s’il se décalque sur celui de Denise qu’il décalque à son tour ?
Monamy Jean, « Pourquoi Klossowski met-il en scène des formes scabreuses de sexualité féminine ? », dans revue ¿ Interrogations ?, N°8. Formes, figures et représentations des faits de déviance féminins, juin 2009 [en ligne], http://revue-interrogations.org/Pourquoi-Klossowski-met-il-en (Consulté le 21 décembre 2024).