Brunaux Hélène, Doga Marie, Tuchowski Fanny
L’article interroge les économies morales et les dynamiques émotionnelles au cœur de projets artistiques (arts plastiques, danse, théâtre, vidéo) proposés dans une grande métropole française à des enfants, adolescents ou jeunes adultes, précarisés et éloignés d’un accès aux consommations culturelles dominantes. Il a pour objectif de repérer les mécanismes d’inégalités et de discriminations sociales, de genre et d’ethnicité susceptibles de se révéler dans les expériences situées, de les comprendre et de les déconstruire. Les pratiques artistiques co construites avec les artistes, les partenaires de terrain et les chercheuses se sont progressivement transformées en supports de connaissances et donc en ’pouvoir d’agir’ pour tous les acteurs engagés dans l’expérience. Variabilité des formes de pratiques et de discours, distinctions argumentatives et dynamique émotionnelle se sont enchâssées entre les différentes cultures professionnelles autour des économies morales sous-jacentes aux enjeux des institutions et des individus.
Mots clefs : recherche-action, art, discrimination, empowerment, identités
Moral economies and emotional dynamics. Analysis of artistic and research fields
The article examines the process of collaborative research carried out on the basis of artistic practices (plastic arts, dance, theatre, video) offered in mainland France to children, adolescents or young adults, sometimes in precarious situations and far from access to mainstream culture. The aim is to identify the mechanisms of social, gender and ethnic discrimination that may be revealed in the experiences of the participants, to understand and deconstruct them. The practices have gradually been transformed into knowledge supports and thus into power to act for all the actors involved in the experience. Variability of forms of practice and discourse, argumentative distinctions and emotional dynamics were embedded between the different professional cultures around the moral economies underlying the issues of institutions and individuals.
Keywords : action-research, art, discrimination, empowerment, identities
L’étude support de cet article est issue d’un processus collaboratif interdisciplinaire artistique et scientifique (sociologie, arts, sciences du langage, droit). Menée sur deux années dans une grande métropole française, elle s’appuie sur des recherches-actions situationnelles articulées entre elles comme un laboratoire d’expérimentations dans des espaces variés, en s’appuyant sur une volonté de co-création (Bazin, 2006) entre tous les acteurs (artistes, chercheuses, travailleurs sociaux et jeunes participants). Chaque projet artistique (via l’expression corporelle, la vidéo, le théâtre ou les arts plastiques) co-construit avec des artistes professionnels est proposé à des enfants, adolescents ou jeunes adultes issus de quartiers populaires.
Le travail a pour objectif de repérer les mécanismes de discrimination sociale, de genre et d’ethnicité [1] susceptibles de se révéler dans les expériences situées, de les comprendre et de les déconstruire de « l’intérieur », à partir des échanges qui se déploient au cours des rencontres (Fontan, 2023). Il s’inscrit dans la lignée de recherches sur l’expérience des discriminations (Dubet et al., 2013 ; Eberhard, 2010), l’expérience pouvant être ici définie comme « la participation à des systèmes sociaux dans lesquels le genre, la race ou la classe affectent, déterminent ou influencent d’une manière ou d’une autre les comportements » (West, Fenstermaker, 2006).
Dans ce sens, le concept d’« empowerment », impliquant « une démarche d’autoréalisation et d’émancipation des individus, de reconnaissance de groupes ou de communautés et de transformation sociale » (Bacqué, Biewener, 2013 : 6), s’est révélé particulièrement utile dans notre étude. Les pratiques artistiques en atelier se sont en effet progressivement transformées, pour tous les acteurs engagés dans l’expérience, en pouvoir d’agir sur les deux versants social et individuel [2] de son développement.
D’une part, au niveau de la variabilité des formes de pratiques et de discours, des distinctions argumentatives se sont enchâssées autour des « dispositions morales » voire des « préoccupations éthiques » (Paturel, 2015 : 201) de chaque professionnel en présence. Est apparue ainsi, de manière relativement saillante, l’importance de qualifier collectivement ce que les termes inégalité et discrimination représentent pour les acteurs sociaux et « le travail émotionnel » qui en résulte, soit « l’acte par lequel on essaie de changer le degré ou la qualité d’une émotion ou d’un sentiment » (Hochschild, 2003 : 32). À chaque étape du processus de recherche collaborative, les différentes définitions des termes furent discutées en comparant les supports de connaissances et les formes d’action collective contextualisées, mettant en évidence toutes les « activités de coopération » et les « conventions [3] » (Becker, 1988, 1999) construites au fur et à mesure entre intervenants artistiques, acteurs institutionnels et chercheuses. Les « moments de perméabilité » (Bordeaux, 2022) entre les différentes cultures professionnelles et les dimensions émotionnelles comme sensorielles, incorporées par tous les acteurs puis remobilisées dans l’action, soulignent les effets des « économies morales » au sens donné par Didier Fassin – à savoir « la production, la répartition, la circulation et l’utilisation des sentiments moraux, des émotions et des valeurs, des normes et des obligations dans l’espace social » (Fassin, 2009 : 1257).
D’autre part, sur le versant plus individuel du pouvoir agir, les dimensions sensorielles modelées par les expériences antérieures éprouvées par les jeunes lors de situations de réciprocités sociales ont servi de support de transformation de connaissance sur soi et sur les autres participants. Les perceptions liées aux rapports de domination entre groupes sociaux et aux inégalités, travaillées par le processus artistique, ont pu être agissantes pour les pratiquants, comme « jeu en profondeur » intégrant les souvenirs dans la gestion émotionnelle (Hochschild, 2003 : 21) des interactions. À travers les expériences artistiques comme expériences sociales, contribuant à l’émancipation des individus par la création et l’interprétation (Trudel, Fortin, 2022), ce sont ces dynamiques émotionnelles, sous-jacentes aux enjeux des structures et aux postures des individus, entre critique, transgression et transformation des savoirs sur les inégalités, que nous souhaitons interroger dans cet article.
Après avoir mis en contexte socio-historique la problématique et décliné les choix méthodologiques, nous mettrons l’accent sur les interprétations des inégalités sociales, genrées ou ethno-raciales des acteurs en fonction des contextes d’intervention. Les disparités d’accès aux ressources sociales et affectives sollicitées dans l’expérience artistique sont différemment perçues en fonction des constructions sociales des acteurs [4] ; les interactions peuvent alors dévoiler des préjugés et des stéréotypes et renforcer d’une manière détournée les comportements discriminatoires que l’expérience artistique cherche à réduire. Nous traiterons enfin du corps comme « objet-médiateur » marqueur de la dynamique émotionnelle en jeu dans les pratiques artistiques (Hennion, 2000 : 178). Nous montrerons ainsi comment les méthodes collaboratives s’alignent autour d’approches qualitatives et compréhensives où la part sensible inhérente au processus artistique participe d’un renforcement mutuel des identités pour soi, sociales et professionnelles, au cœur d’une déconstruction possible des discriminations.
La politique culturelle, comme catégorie d’action publique fondée en France sous l’avènement de la Vème République et le ministère d’André Malraux, connait un développement continu sous les ministres successifs (Moulinier, 2016). La démocratisation de la culture et l’aménagement culturel du territoire sont au centre des préoccupations. Cependant, l’intervention étatique s’inscrit dans une définition fluctuante de la culture (Dubois, 1999). Depuis 1981, sous la direction de Jack Lang, en rupture avec la conception légitimiste malrucienne et soutenue par une acception plus élargie de la culture, la politique culturelle tend à intervenir dans des domaines plus nombreux, comme les arts dits ’populaires’. Aussi, à la préoccupation déjà ancienne d’assurer un accès plus égal à la culture s’est ajoutée l’idée plus contemporaine des « droits culturels » comme leviers des autres droits humains et libertés fondamentales. « Les droits culturels se situent à cette interface entre l’intime de chacun et le tissage social […]. Les droits culturels sont tous des droits et libertés de participer au grand échange de savoirs, en particulier les plus importants pour identifier et s’identifier, pour reconnaître et être reconnu. » (Meyer-Bisch, 2018 : 27).
Notre travail pense l’expérience artistique comme moyen d’accéder aux catégories et principes du droit antidiscriminatoire ; approche particulièrement originale dans la mesure où les liens entre droit, politiques antidiscriminatoires et culture se sont approfondis. Dans ce cadre, la prise en compte des populations les plus précarisées s’organise via des dispositifs interministériels (Urfalino, 2004) qui tentent d’agir sur les pratiques culturelles effectives, sur les rapports à la culture ainsi que sur les goûts, encore largement conçus comme ’légitimes’ par une classe dominante (Legon, 2023). Les supposées retombées sociales des actions culturelles sont recherchées notamment en milieu urbain défavorisé où les jeunes font l’objet d’une attention particulière. Ils sont ainsi ciblés par les institutions (Éducation nationale, préfecture, Direction régionale des affaires culturelles, médiathèque, centres culturels, etc.) et les appels à projets (Culture/Justice, Culture/Santé, etc.) dans la lignée de la mission de l’action publique consistant à « démocratiser la consommation culturelle, socialement et géographiquement, notamment en convoyant les œuvres vers les publics les plus distants et les plus improbables, en inventant de nouvelles modalités d’accès aux œuvres et en élargissant la définition même de la culture à promouvoir » (Menger, 1990 : 114).
Les catégories classantes qui définissent les jeunes précaires sont symptomatiques de normes de comportement et de formes d’engagement définies a priori lorsque l’on parle d’eux : public empêché, éloigné, fragilisé, etc. Chaque terme produit des images, implique une définition particulière, des stéréotypes, voire une orientation politique. En effet, l’État souhaite étendre l’accès des biens culturels aux classes populaires, perçues comme insuffisamment dotées en capital culturel, voire exclues de la culture légitime. Cette conviction politique soutient qu’une « harmonisation des rapports sociaux serait possible grâce au partage des mêmes connaissances et des jouissances offertes par les œuvres culturelles » (Defrance, 2001 : 230). Pour autant, les terminologies sont délicates et, comme le soulèvent Marie-Christine Bordeaux et Lisa Pignot (2007), c’est plutôt la culture dominante et cultivée qui est éloignée des publics que l’inverse.
Dans notre étude, nous avons fait le pari que les pratiques artistiques pouvaient rendre plus visibles certaines formes de vulnérabilité chez les jeunes et, par là-même, conduire les chercheuses, praticiens et acteurs institutionnels, à saisir les normes et les valeurs parfois subjectives que chacun d’entre eux portent sur les discriminations de genre, ethniques ou sociales. Les valeurs morales sont associées au jugement, au respect, à la dignité, au comportement des individus envers les autres et les expériences de stigmatisation ne sont pas vécues émotionnellement de la même façon en fonction des subjectivités incorporées dans son monde d’appartenance. Il existe une dialectique « entre l’identité objectivement attribuée et subjectivement appropriée » (Berger, Luckmann, 2018 [1966] : 181).
Dans la mesure où le groupe concourt de manière subjective à une reconstruction objective de la réalité sociale, nous nous sommes demandé comment les expériences participent aux rapprochements identitaires pour les jeunes, voire aussi aux déplacements identitaires dans le monde professionnel pour les acteurs engagés dans des espaces collaboratifs, où les rapports sociaux peuvent être perçus comme verticaux et asymétriques. Comment, et dans quelle mesure, se forgent des significations et des savoirs communs, dans un espace-temps partagé ? Autant de questions pour penser les pratiques artistiques comme procédés de mise à l’étude des notions d’inégalités et des concepts de stigmatisation et de discrimination.
Les jeunes qui ont participé aux ateliers artistiques sont tous issus de quartiers populaires ou de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) d’une grande métropole française. Nous avons choisi ces quartiers car ils sont priorisés autant par les subventions finançant les projets sociaux et culturels que par les artistes avec lesquels nous co-construisons les projets, mus par une volonté de démocratisation culturelle. Certains jeunes sont des victimes de LGBTphobie [5], des publics souvent précaires et inaudibles (Braconnier, Mayer, 2015) de la « France invisible » (Beaud, Confavreux, Lindgaard, 2006). Dans ce sens, la notion de public « vulnérabilisé » (Brodiez-Dolino, 2015) et disqualifié, que son statut « inférieur » et « dévalorisé » (Paugam, 2022 : 86) rend fragile, s’est finalement imposée. L’étude mobilise une enquête ethnographique processuelle financée par différents contrats de recherche et se déroule successivement sur trois terrains de pratiques artistiques interdisciplinaires ne concernant pas les mêmes groupes de jeunes.
Le premier projet (terrain un) propose une semaine d’expérience interdisciplinaire en juillet 2021 et vise à sensibiliser dix jeunes hommes d’un Centre accueil jeunes (âgés de dix-sept à dix-huit ans) à la fabrication artistique d’images photographiques, vidéos, et chorégraphiques pour construire et déconstruire les représentations en termes d’opinions, d’attitudes et de stéréotypes (Moscovici, 1976) qu’ils ont d’eux-mêmes et des autres. Ce premier terrain préparé pendant un an avec les partenaires, soutenu par Passeurs d’image national [6] et par la Délégation interministérielle de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), s’intitule « Fais pas genre » (2020-2021). Dans ce cadre, la danseuse chorégraphe partenaire explore les gestes en atelier d’expression corporelle pour influencer le dialogue et caractériser avec les jeunes les corporéités féminine ou masculine, en dualité ou en complémentarité. Parallèlement, la réalisatrice partenaire fabrique avec eux un court métrage et les initie ainsi à l’assemblage d’images et de sons porteurs d’un discours et de sens.
Le deuxième projet appelé « Du côté des inspirant.e.s » (terrain deux) est proposé à huit jeunes victimes de LGBTphobie accueillis au sein de la fondation Le Refuge au printemps 2022. Ce terrain d’enquête a requis un an de préparation pour deux mois et demi d’action, les samedis de manière filée. Il explore les expériences discriminatoires vécues et s’appuie sur des activités en théâtre et en arts plastiques autour de l’autoportrait réel, fictif et autofictionnel.
Le troisième projet intitulé « Espaces dansés » (terrain trois) est financé par le contrat « Corps, Images, Genre et Espaces » (CorIGE, 2022-2024) [7]. Il concerne de jeunes enfants, nouvellement arrivés en France et catégorisés comme « allophones » par l’institution scolaire ; ils sont placés en classe de CE1, dans une unité pédagogique d’intégration pour élève allophone arrivant (UPE2A). Se côtoient dans cette classe sept jeunes élèves âgés de sept à dix ans, certains bien dotés en capital culturel et d’autres confrontés à de multiples difficultés économiques, sociales et/ou scolaires. Ce projet a demandé six mois de préparation pour trois matinées d’atelier. Il a mobilisé la même artiste chorégraphe intervenant sur le deuxième terrain d’étude et, dans une continuité de questionnement, interroge les usages juvéniles de l’espace en sollicitant l’imaginaire et les émotions incorporées par les enfants.
En collaborant avec les artistes, notamment la chorégraphe et la réalisatrice sur plusieurs expériences les mobilisant de manière discontinue, en tant que chercheuses nous avons fait résonner un « activisme de circonstances » qui, en reliant les effets réciproques des terrains les uns par rapport aux autres, montre comment « l’éthique du travail sur un site rejaillit sur tous les autres » (Marcus, 2010 : 395). Nous avons enregistré les réunions de préparation, de concertation, de mises en place avant les expériences entre les professionnels de terrain, chercheuses et artistes : se mettre d’accord, ajuster les termes, relever les difficultés, le vocabulaire saillant, les points d’accroche, ne pas perdre l’objet de la recherche tout en laissant la dynamique s’installer d’elle-même par confrontation d’opinions. Progressivement, se construisent des respects mutuels qui soulignent une évolution dans les défiances des identités respectives (Roulleau-Berger, 2004) et l’émergence d’interactions en confiance. L’analyse des opérations successives de cadrage et de re-modalisation (Goffman,1991) au cours de l’évolution du projet participe de la réflexivité : ici l’ethnographie est sexuée (nous sommes toutes des femmes) et incarnée. Nous avons ensuite confronté les négociations issues des premières étapes avec les représentations des travailleurs sociaux (terrain deux) et des enseignantes (terrain trois) à partir d’entretiens semi-directifs individuels (n=12), et parfois collectifs (notes), menés avant et après les interventions. Ces confrontations furent essentielles, soulignant la place des acteurs dans les dispositifs et, surtout, l’importance de leurs opinions, de leurs valeurs morales, en retour sur les prises de position des jeunes.
En ce qui concerne le recueil de données auprès des jeunes, l’enquête par entretien semi directif (Beaud, 1996) n’a pas été systématique. En effet, elle peut être vécue comme une épreuve pour les « acteurs affaiblis par une catégorisation de l’action publique qui particularise et naturalise leur place dans l’espace social » (Payet et al., 2008 : 9). Le sentiment d’illégitimité peut empêcher la parole et l’expression verbale biographique peut être parfois trop violente. Enquêter auprès de publics fragilisés demande à mobiliser des méthodes d’enquête informelles, moins frontales et non intrusives. Nous avons recueilli des éléments dans des carnets de notes ethnographiques à partir d’observations sur les terrains (cent-quatre-vingts heures). Notre démarche dans cette recherche-action situationnelle est de laisser venir le « caractère subjectif et relationnel », le « savoir vrai » des situations (Agier, 2015) : être là, observer, provoquer des « conversations orientées » (Bruneteaux, Lanzarini, 1998 : 166), décrire ; se laisser « affecter » et réhabiliter la sensibilité (Favret-Saada, 1990 : 6) modifiée par l’expérience de terrain.
Des subventions successives ont permis notamment de rémunérer les artistes avec lesquels nous travaillons et ainsi de stabiliser les collaborations. Or, les rémunérations peuvent aussi fausser la démarche participative car les artistes ont tendance à cadrer leurs interventions en fonction de ce que l’on attend d’eux, de leur perception des normes et valeurs sociales des porteurs de projet. Les réunions furent l’occasion de changer de dynamique de rôles pour que tous participent au travail d’analyse sans être déterminés dans leur statut. Il a fallu du temps pour trouver des ancrages et intentions partagées, pour que se définisse une sphère commune de travail au croisement des démarches individuelles. Il a fallu surtout articuler pratiques et logiques à chaque étape, pour que les acteurs se libèrent de leur posture classique et « des oripeaux liés à leur statut » pour que « les processus collectifs soient un agent de transformation pour chacun » (Bazin, 2006 : 24). Ce travail de positionnement est encore plus difficile lorsque les institutions s’en mêlent comme ce fut le cas sur le troisième terrain, à l’école primaire. Nous avons déclenché, sans l’avoir anticipée, une réaction en chaîne à partir du moment où une participation financière (symbolique) fut demandée à l’école pour intégrer officiellement les enseignantes au projet. Les interventions prévues étant ponctuelles, seule l’autorisation du directeur d’école devait les valider. Après avoir rencontré une des conseillères pédagogiques du département (CPD) par hasard dans le bureau des enseignantes et au regard des échanges financiers, tout un ensemble de négociations s’est (re)mis en place pour que la danseuse puisse être approuvée dans ses interventions. La validation du terrain de recherche fut dépendante de la reconnaissance de son statut d’intervenante sur le réseau « Danse à l’école [8] » auquel elle ne participe pas. La conseillère pédagogique, en recadrant de manière subjective son intervention a transformé les contenus initialement prévus par l’ensemble des acteurs du projet.
Le protocole de validation comprend plusieurs séquences d’évaluation des intervenants selon un cadre défini par l’inspection académique. Avec ce nouveau cadrage de l’activité, la définissant comme un dispositif didactique plutôt qu’un workshop (Brunaux, 2016), la danseuse chorégraphe a dû passer un agrément, rapide visite organisée lors de la dernière intervention, afin de pouvoir se situer dans les limites du cadre institutionnel. Le cadre du travail collaboratif s’est donc transformé, produisant des redéfinitions des termes et surtout déstabilisant l’artiste se retrouvant instrumentalisée par la structure et mal à l’aise face à une situation non prévue avec des critères d’évaluation non communiqués à l’avance. Cet exemple montre comment les modalités de pratiques artistiques s’agencent sur ce qui doit être validé, considéré comme la démarche à suivre par l’institution dès lors qu’elle met en jeu son aval économique. L’économie morale constitue « les racines normatives de la politique d’une population, ses sentiments moraux et ses émotions politiques » (Lapeyronnie, 2014 : 86), ce que nous retrouvons à travers la politique éducative et culturelle dans le milieu scolaire.
Le terrain de recherche a conduit progressivement les acteurs du projet à s’interroger davantage sur l’importance des moralités sur le pouvoir d’émancipation par les pratiques artistiques au sein des institutions. Ainsi, nous nous sommes recentrées plus finement sur les activités de cadrage des structures d’accueil afin de dégager les valeurs projetées par les acteurs institutionnels ; nous avons relevé les manières de faire véhiculées par le contexte. Par exemple, les animateurs professionnels sur le premier terrain ont notifié, lors des entretiens, qu’il avait été très délicat d’anticiper la constitution des groupes car les jeunes sont difficiles à fédérer, mus par des priorités personnelles, des périodes estivales ou de résultats d’examen [9], etc. Ils ont perçu les variables quantitatives, incontournables pour le financement du projet comme « non adaptées à la réalité de terrain », voire comme un signe de méconnaissance de leurs pratiques professionnelles. La souplesse dans la gestion d’un travail collaboratif doit non seulement permettre le maintien de l’engagement des jeunes dans les ateliers mais aussi prendre en compte la programmation de l’artiste, qui recherche un minimum de continuité dans un but de transformation et de cheminement créatif.
Les travailleurs sociaux concourent aussi à la circulation de leurs valeurs et de leurs normes sociales dans le contexte professionnel. S’ils perçoivent le dispositif culturel de manière négative, ils peuvent induire chez les jeunes aussi une attitude de retrait, voire de rejet vis-à-vis des propositions. Les postures de rejet de l’expression corporelle par les jeunes hommes (Faure, Garcia, 2003 ; Marquié, 2011), comme par certains professionnels de l’intervention sociale (Guérandel, 2011), relèvent des ressorts d’une mise à distance masculine (terrain deux). La thématique même de l’expérience « Fais pas genre » sur le premier terrain fut à l’origine de crispations de la part d’une éducatrice. Dès le début, cette dernière contourne la question du genre qu’elle traite de manière univoque à travers la mixité, mal à l’aise pour présenter la proposition aux jeunes. En critiquant la programmation d’un atelier d’expression corporelle, requalifié dans son discours « atelier de danse », elle participe à retourner la posture initiale favorable de son collègue, dans un jeu de subordination et de hiérarchie professionnelle dans le champ du travail social entre animateur et éducatrice :
« J’avais dit que par exemple l’atelier danse ça ne fonctionnerait pas, qu’il ne fallait pas le proposer, malgré tout on l’a fait. […] Ben je connais le public, je savais qu’ils n’allaient pas adhérer en fait. » (Entretien éducatrice, 09/07/21).
« La danse, moi c’est ça qui m’inquiétait, la danse, c’est ça qui demandait… on aurait eu des filles ça aurait été beaucoup plus simple, ou des jeunes, parce que tu sais, j’ai dit prenez-les avec Tiktok parce que Tiktok si tu veux, il y a peu de montage, tu fais un petit geste, il te le répète le geste mais ce n’est pas toi qui le fais donc… c’est moins… donc fais avec Tiktok … tu vois c’est moins honteux dans le… je ne sais pas comment t’expliquer, le geste est moins… » (Entretien animateur, terrain un, 05/07/2021).
Mobilisant toute une « mythologie de la virilité » (Gazalé, 2017), l’animateur ne perçoit pas la profondeur du travail corporel allant chercher le corps sensible, le ressenti ; il va dans le sens de la maitrise du corps collectif, du corps expansif, refoulant le corps sensible et les émotions individuelles plus personnelles qui l’accompagnent. Malgré les rencontres répétées en amont avec l’équipe de recherche porteuse du projet, les prises de position soulignent les difficultés d’alignement entre identité sociale et identité professionnelle : la co-construction de sens avec les travailleurs sociaux est délicate. Sans formation à la pratique collaborative, la phase d’opérationnalisation des ateliers est rendue difficile. Cet exemple montre comment les discriminations sont portées par des valeurs de moralités particulièrement saillantes lorsque les pratiques artistiques touchent au corps, marqueur et vecteur d’exposition de soi entre identification sociale et différenciation vis-à-vis du groupe. La posture professionnelle est une des clés de réussite des projets artistiques avec des publics amateurs et/ou éloignés de l’offre culturelle. Les travailleurs sociaux sont des « autrui-significatifs » (Mead, 1963), modèles d’identification qui permettent aux jeunes d’accéder à un processus de construction sociale intrinsèquement relié à une reconnaissance de l’autre. Ils participent des jeux de moralité socialement situés par l’importance de leur influence sur les constructions identitaires des jeunes. Ainsi, si une situation est illégitime pour les professionnels, elle a des chances de l’être aussi pour les jeunes.
La qualité, les modes et les stratégies de l’entrée sur le terrain, souvent évoqués lors des réunions collectives sont à la fois déterminants et déterminés ; ils cristallisent des formes de conflictualité entre la conception du projet et sa réalisation effective. Les ateliers de création, instances socialisatrices particulières et peu ordinaires pour ces jeunes, ont échoué ici à « la mise au travail des dispositions » comme « objectivation de soi partielle » (Faure, 2021 : 229).
Les données biographiques concernant les jeunes sont intéressantes pour saisir les processus de gestion identitaire sur nos terrains, à l’interface des espaces de circulation et des constructions des valeurs. Or, nous avons difficilement eu accès à ce matériau d’étude et les possibilités mêmes de son recueil croisent la question des moralités. Certains travailleurs sociaux ne souhaitent pas accéder à ces informations. La responsable de l’antenne du Refuge (sur le terrain deux), ne lit pas les récits de vie, pièce centrale des dossiers de demande d’asile déposée à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par plusieurs des jeunes fréquentant les ateliers. Elle pourrait mais ne le fait pas. La posture de l’enseignante sur le terrain trois fixe également cette frontière :
Les pratiques artistiques sont des espaces de partage, « d’être avec » (Céfaï, 2003), qui interrogent aussi les habitudes de travail des chercheuses lorsque les professionnels ne souhaitent pas mobiliser les données biographiques ou les entretiens pour ne pas raviver des souffrances, des hontes sociales ou encore des ruptures.
Les expériences artistiques s’articulent autour de dynamiques identitaires où processus d’individualisation, de différenciation voire d’instrumentalisation se révèlent et se côtoient en participant à la construction des rapports au corps des protagonistes. Les espaces de dialogue et de contacts sont alors essentiels pour permettre aux acteurs du projet (adultes et jeunes participants) d’asseoir et d’accepter leur singularité tout en revendiquant une appartenance collective dynamisée par une création artistique commune.
Il n’est pas toujours facile d’accéder à la parole des jeunes rencontrés. Nos terrains d’enquête sont tellement chargés émotionnellement que les chercheuses ne sont pas systématiquement passées par la verbalisation pour saisir le poids des discriminations dans la construction sociale des jeunes. D’autant plus que les jeunes que nous avons rencontrés sont souvent confrontés à une sur-institutionnalisation, à de multiples prises en charges comprenant des exercices d’entretien avec des psychologues, des éducateurs, des administratifs de Pôle emploi, des assistantes sociales, etc. En passant par les activités théâtrales (terrain deux), la parole est aussi instrumentalisée par la comédienne mais de manière sensible, à partir d’observations minutieuses, de réajustements progressifs pour trouver un juste équilibre voire, parfois, effacer la place du verbe au profit des observations fines des corps. Le jeu avec le masque imaginaire permet de devenir autre, d’engager son corps, ses sens, ses sensations, de se mettre en condition sensorielle et en acuité visuelle :
« Entre ce masque et soi, il y a un vide […], à partir de ce vide on va pouvoir inventer, cette notion d’inventer sa propre parole, de réinventer une parole apprise par cœur […] être à la naissance des choses. » (Comédienne, extrait du journal de terrain, 09/04/22).
Par le jeu de l’acteur les participants sont mis en condition à partir d’outils mobilisant l’espace et le corps : marche incarnée dans une prise de conscience corporelle entre ce que je suis et ce que je donne à voir, afin de chercher ce qu’ils ne savent pas d’eux-mêmes. Via de petits textes de théâtre, ils expérimentent le souffle et modèlent les intonations en travaillant la fabulation « bonjour, je m’appelle… », « si j’étais… ». Ensemble de techniques et d’outils qui, mobilisés par étapes successives, participent à « s’approprier sa propre parole » (comédienne). Parallèlement, les ateliers d’arts plastiques accompagnent les jeunes dans la (re)transcription d’un geste, d’une intention en jouant avec les matières. En passant par un travail de linogravure autour du thème de l’autoportrait, les jeunes ont pu littéralement s’immerger entre les lignes et sillons creusés par la technique, réguler leur tonicité, leurs crispations au fur et à mesure des ateliers, se confronter aux propositions des autres pour mieux éclairer les leurs. Le portrait, entre réalité et fiction, souligne les caractéristiques saillantes du processus d’identification entre identité pour soi et identité pour autrui.
Les intervenantes échangent autour de chaque atelier, accompagnées par la sociologue observatrice, en retrait mais engagée aussi dans l’analyse de la création ; elle participe, d’une autre place, à identifier les mécanismes de mise à distance, ou à l’inverse, d’appropriation des contraintes par les jeunes, jeu relevant d’une démarche d’émancipation. Ces moments permettent de solliciter et de partager des ressources pour adapter en permanence les exercices ou les consignes artistiques, pour s’ajuster au mieux aux ressentis des jeunes, pour être attentifs aux repères corporels qui sont des signes d’états émotionnels (contraction des mâchoires, des muscles du visage ou des mains, regard fuyant etc.) :
« Youssef [10], j’ai vu sa nuque raide. […] Et je vois dans son regard… – qui est en fait assez éteint. Il est… il a – pardon – un regard assez éteint. Une toute petite pupille en fait… tout petit. J’ai vu une petite lumière. Une toute… Tu sais, c’est infime, pour le coup, mais, là, je me dis : ’Voilà, il se passe un truc ; c’est microscopique’… […] Bon, voilà, c’est infime. Après, c’est sur des choses comme ça aussi… enfin c’est sur des choses comme ça moi que je m’appuie pour aller un peu plus les chercher. » (Comédienne, terrain deux, entretien du 16/06/22).
Le partage de savoirs conditionne pleinement la réussite de chaque atelier. À chaque étape sont avancés les indicateurs de décrispation, de confiance, voire de reconnaissance sur les différents axes de la réciprocité. Cela passe par les regards, les sourires, les contacts, les séquences plus longues de concentration sur une tâche. Sur ce terrain d’étude, la répétition des comportements, des postures corporelles, des choix artistiques génère un lâcher prise progressif qui s’installe chez les enquêtés et souligne la gestion situationnelle du sensible :
« C’est à force de répétition, c’est comme un sport, on est des athlètes nous les acteurs et les actrices. À force de répétition, on arrive ». (Comédienne, extrait du journal de terrain, 09/04/22).
La création artistique permet de visibiliser les tensions corporelles, de montrer ce que le langage verbal pourrait détourner consciemment ou inconsciemment ou ne pas dire. Par exemple, la plasticienne a proposé aux jeunes de (se) choisir une photographie comme support du travail d’autoportrait en linogravure. Cette photographie décalquée, encrée, apparaissant en négatif, est devenue un moyen de faciliter la parole, de se réapproprier sa propre définition et de ne pas subir celle des autres, de marquer l’écart entre le soi et le moi.
L’image a aussi le pouvoir de dynamiser l’expression corporelle et joue un rôle important lorsque les mots ne sont pas compris comme ce fut le cas pour les élèves de langue étrangère sur le projet « espaces dansés » à l’école primaire (terrain trois). En montrant les photographies d’une rivière, de cailloux, de textures différentes pour activer des tonicités variées chez les enfants, l’équipe les a associés à des ambiances sonores. Jouer avec la voix et le souffle autant que sur le sens et sur les intentions chorégraphiques fut un moyen de conduire l’ensemble des élèves dans des traversées sensibles dans l’espace comme dans le corps. Un petit garçon venant d’Érythrée s’est mis à siffler dans le patio entouré de bambous. Il a mobilisé le son (l’oiseau) plusieurs fois en réactivant l’imaginaire (une forêt) produit par le contexte proposé. L’espace, ici, est un « cadre social de mémoire » (Halbwachs, 1994), marqueur frontière de l’intimité, de retour sur soi, lieu de possibles tentatives de contrôle par les élèves pour s’approprier les situations. Or, dans cette situation, l’enseignante a demandé à l’élève de se taire et d’écouter les propos de la danseuse, passant à côté des comportements signifiants pour l’élève et exprimés in situ. Dans son rôle d’agent socialisateur l’enseignante témoigne ici d’une volonté d’« intériorisation de la légitimité scolaire » (Darmon, 2001), contradictoire avec les usages de l’espace activés par la danseuse via la pratique artistique. Dans un deuxième temps, et grâce au recul pris lors du bilan effectué avec les partenaires de la recherche collaborative, l’enseignante a utilisé le procédé d’écriture motrice comme espace de réactualisation de « formes d’expériences incorporées non conscientes, et/ou les émotions qui y sont associées » (Faure, 2021 : 230).
Les outils mobilisés et choisis par l’équipe permettent d’entrer dans le processus de création pour oser s’exprimer et activer la mémoire de l’agir. Que ce soit via l’autoportrait ou par l’activation des émotions positives grâce aux évocations mentales en expression corporelle ou en théâtre, l’objectif des ateliers est de déconstruire les motifs de discrimination ou du moins, de les retourner en motifs de valorisation. Passer par le corps qui danse, grave, ou incarne des états rend possible l’identification des ressentis. Faire d’un stigmate [11], « attribut qui jette un discrédit profond » (Goffman, 1975 : 12), une matière artistique ; faire d’une imposition identificatoire, assignation à une identité dépréciée, quelque chose de positif. Les pratiques artistiques sont ainsi des espaces de réinvention, de réajustement et de partage des émotions qui ouvrent la voie à des redéfinitions des identités « sociale », « personnelle », « pour soi », « pour autrui » (Goffman, 1975) par un double mouvement de prise conscience de soi et des autres.
Nous sommes parties de l’hypothèse que l’expérience esthétique, émotionnelle et sensible vécue par les opérations techniques et poétiques pouvait constituer l’un des « moyens par lesquels nous entrons, par l’imagination et les émotions […], dans d’autres formes de relations et de participations que les nôtres » (Dewey, 2006 : 382). La démarche collaborative permet de relever les conceptions et les valeurs sous-jacentes aux constructions sociales et identitaires des individus. L’expérience artistique comme expérience sociale restructure les actions des protagonistes engagés, aux prises avec les « fonctionnements sociaux et institutionnels dominants » (Lapeyronnie, 2014 : 92). La démarche méthodologique multi-située, participe aussi à confronter les perceptions des acteurs ; elle peut conduire à bousculer certains points de vue sur l’objet des discriminations conduisant à une réflexivité accrue sur les principes normatifs et éthiques qui se déploient autour de la perception des inégalités et des stéréotypes associés. Nous avons montré que des points d’achoppements sont apparus autour des valeurs morales projetées par les professionnels de terrain. Les résultats ont dévoilé des jeux de masque socialement situés illustrant, par exemple, des difficultés pour certains éducateurs face aux questions de genre et aux corporéités associées (terrain un). Nous avons évoqué les différences de perceptions des intervenants sur les jeunes en situation de précarité et de fragilités (terrain deux), ou sur les élèves « allophones » (terrain trois).
Les catégories productrices de différenciations se trouvent activées, convoquées ou mobilisées par les pratiques artistiques qui participent ainsi au « travail émotionnel » pour « défaire un entremêlement de motifs de discrimination au profit d’un ensemble de valeurs identifiées comme positives (l’âge, le genre, la peau, l’origine sociale ou culturelle, voire tel ou tel handicap) » (Meyer-Bisch, 2018 : 24). Des « combinaisons réciproques » (Strauss, 1992) provoquent des réalignements identitaires dépendants des matériaux de création, du jeu des acteurs et des relations entre artistes et institutions d’accueil. Chaque étape du processus permet des réajustements d’objectifs et de propositions en fonction des réponses des jeunes, des perceptions des intervenants, des observations des chercheuses pour que le poids des jugements normatifs et de la disqualification au sens de « processus d’affaiblissement ou de rupture des liens de l’individu à la société » n’entraînent pas une « perte de la protection et de la reconnaissance sociale » (Paugam, 2014 : 113). Les valeurs morales, subjectives, ou objectivées via le fonctionnement institutionnel, participent à requestionner le processus et à le faire évoluer, à dynamiser les pouvoirs d’agir des acteurs engagés dans le laboratoire d’expérimentations artistiques. C’est un espace de mise à l’épreuve, de confrontations et de dialogue, voire « un milieu écologique transdisciplinaire » (Fontan, 2023) privilégié pour comprendre la complexité du vivre ensemble.
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[1] Quand « les rapports sociaux construisent une différenciation et une hiérarchisation en se fondant sur des marqueurs culturels » (Brun, Cosquer, 2022 : 2).
[2] Le « pouvoir d’agir » peut se retrouver dans le concept d’« agentivité » où le choix, la réflexivité et la responsabilité s’articulent au sentiment d’efficacité pour l’individu (Morin, Therriault, Bader, 2019).
[3] La co-création artistique est vue comme le produit d’une action collective, dont les acteurs partagent des présupposés communs, les conventions, pour coordonner ces activités efficacement et sans difficultés (Becker, 1999).
[4] Artistes, acteurs sociaux et scientifiques. Les acteurs sociaux, ici considérés dans un sens restreint, peuvent être des animateurs, des médiateurs sociaux rattachées à une Maison des jeunes et de la culture (MJC), un Centre accueil jeunes (CAJ) ou encore des enseignants lorsque nous sommes intervenus dans des écoles.
[5] LGBTphobie est la qualification donnée aux personnes et actes qui vont à l’encontre, rejettent ou discriminent les personnes de la communauté Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Trans-identités /Trans-genre, et leurs droits.
[6] L’association fédère et anime l’ensemble du réseau national de l’éducation aux images. Ce projet est le lauréat de l’expérimentation interrégionale « Genre(s) en images » en 2020.
[7] Recherche sous la responsabilité scientifique de Marie Doga (laboratoire CRESCO, Université Toulouse 3) financée par le Laboratoire d’Excellence Structuration des Mondes Sociaux, Université Toulouse Jean Jaurès, que nous remercions vivement de son soutien.
[8] Le réseau « Danse à l’école » est issu d’une volonté de partenariat et place les artistes qui s’y engagent à l’interface de plusieurs enjeux : politique et économique mais aussi social. Le principe repose au départ sur la formation de personnes ressources susceptibles d’intervenir à l’école, qui deviennent des référents au niveau national pour le réseau qui reconnaît leurs compétences artistiques, culturelles, pédagogiques et méthodologiques (Brunaux, 2016, 2023).
[9] Les ateliers ont eu lieu la première semaine de juillet au moment des résultats du baccalauréat.
[10] Tous les prénoms sont des pseudonymes.
[11] Processus de différenciation, d’identification et de hiérarchisation : « mais il faut bien voir qu’en réalité c’est en termes de relations et non d’attributs qu’il convient de parler. L’attribut qui stigmatise […] ne porte par lui-même ni crédit ni discrédit » (Goffman, 1975 : 15).
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