La créativité matérielle des sportifs a été étudiée sous l’angle des lead-users mais très peu sous celui des utilisateurs ordinaires. Cet article propose l’étude d’une communauté de pratique en ligne regroupant des passionnés de la randonnée légère, fédérée notamment autour de la promotion du « faire soi-même » des équipements sportifs minimalistes. Il est montré que ce Do It Yourself recouvre des pratiques très variées, décrites et caractérisées selon une échelle croissante de créativité-technicité autour des trois figures de la bidouille, du bricolage et du making. Il apparaîtra que cette valorisation et transmission du DIY est à la fois centrale, mais qu’elle renvoie à des façons de faire et de penser contrastées dont il s’agira ensuite d’analyser les significations et les valeurs qui s’y façonnent, entre accommodement créatif et émancipation voire résistance au système dominant.
Mots-clés : Détachement, Do It Yourself, Communauté de pratique, Minimalisme, Randonnée
The workshop for minimalist do-it-yourselfers. From creation to resistance through making in an online sports community
Abstract
The material creativity of sportsmen has been studied from the perspective of lead users but very little from that of ordinary users. This article proposes the study of an online community of practice bringing together lightweight backpackers, united in particular around the promotion of Do It Yourself minimalist sports equipment. It is shown that this creativity covers very varied practices, described and characterized according to an increasing scale of creativity-technicality around the three figures of tinkering, ‘bricolage’ and making. It will appear that this valorization and transmission of DIY is both central, but that it refers to contrasting ways of doing and thinking. We will analyze the meanings and values which are shaped there, between creative accommodation and emancipation or even resistance to the dominant system.
Keywords : Community of Practice, Detachment, Do It Yourself, Hiking, Minimalism
La créativité matérielle des utilisateurs – qu’on l’appelle bidouille, bricolage, Do It Yourself (DIY) ou plus récemment making – a trouvé dans les loisirs et les sports un terreau fertile où se déployer. La Lead-User Theory (Von Hippel, 2005) a même systématisé cette prise en compte de la créativité des « utilisateurs-pionniers », notamment autour de la fabrication d’équipement dans le domaine sportif. Cette approche a multiplié les cas montrant le rôle moteur de ces acteurs dans l’émergence et l’essor de nombreux sports outdoor : mountain bike, kitesurf… Le lead user est un sportif expert qui dispose d’aptitudes et de ressources pour la fabrication matérielle. Il est appréhendé comme un développeur de produits singuliers et originaux que les acteurs traditionnels du marché ne savent pas, ou ne veulent pas satisfaire. Ses inventions sont alors partagées avec d’autres utilisateurs-pionniers, qui vont à leur tour contribuer à adapter et développer ces solutions, bien avant que les fabricants ne s’en saisissent.
Mais dans l’ombre des utilisateurs-pionniers, nombre d’ordinary users ont développé une créativité dans les usages, notée très tôt par Akrich (1998). Dans certaines pratiques sportives alternatives, les pratiques de DIY ont pu s’épanouir, que ce soit dans des périodes historiques de développement préludant à leur institutionnalisation (e.g. l’autoconception et l’autogestion de snowpark, Pabion-Mouriès et al., 2015) ou ultérieurement dans une forme de résistance collective à la normalisation de pratiques contre-culturelles (e.g. fabrication DIY contestataire de spots de skate, Riffaud, 2018). Cette proximité entre sports alternatifs et créativité contestataire (Messey, Tuaillon Demésy, 2022), qui n’est pas sans analogie avec les origines musicales contre-culturelles du DIY (Le Roulley, 2016), est relativement attendue, bien qu’encore trop peu étudiée.
Mais que se passe-t-il lorsque la promotion du « faire soi-même » s’enracine dans une activité sportive plus classique et instituée, ici la randonnée pédestre en itinérance ? D’un point de vue matériel, cette pratique – qui implique de voyager de quelques jours à plusieurs semaines – constitue au premier regard une activité relativement simple. À une technique du corps ordinaire (la marche), ne nécessitant pas d’une instrumentation complexe (chaussures, bâtons), s’ajoutent des équipements aujourd’hui assez standardisés (sac-à-dos, duvet, abri, réchaud, etc.).
La randonnée pédestre constitue d’ailleurs un marché de masse pour une prolifique industrie d’articles sportifs. Néanmoins, à partir et parfois à l’écart de ces productions sérielles et normées, les randonneurs peuvent faire preuve d’une grande richesse de pratiques créatives. Cet article va s’intéresser spécifiquement à une communauté de pratique (Wenger, 2005) en ligne [1] dont les membres promeuvent une stylisation minimaliste de l’itinérance, l’objectif étant de randonner le plus léger possible.
Ce travail se fonde sur une enquête de terrain approfondie débutée en 2017 (et toujours en cours) combinant classiquement tous les procédés de recueil qualitatif de matériaux (Beaud, Weber, 2010). Elle est d’abord centrée sur une observation variablement participante partant du forum « randonner.leger.org » et de la vie communautaire (lecture, commentaire, contribution, sociabilité…) pour s’étendre jusqu’aux autres activités individuelles ou collectives : achats, tests matériels, rencontres et randonnées itinérantes et… bricolages. Il s’agissait de réaliser une ethnographie, alternativement en ligne et hors ligne, de toutes ces activités qui, même lorsqu’elles sont numérisées, entremêlent social et technique, matérialité et immatérialité (Martin, Dagiral, 2021). Cela produit une enquête de terrain longitudinale, multi-sites, et plus ’à distance’ qu’une monographie ordinaire (Demazière et al., 2011). Ainsi, sans occulter certains acquis des travaux en ethnographie virtuelle (Hine, 2000) ou netnographie (Kozinets, 2008) qui ont permis d’identifier des adaptations méthodologiques aux spécificités de certains dispositifs numériques, je ne m’inscris pas dans un tel cadre qui invite à distinguer artificiellement le virtuel et le réel, ou l’incorporel et le physique.
Après une première phase de familiarisation distante et incognito, je suis devenu membre du forum en 2018 (sous le pseudo « Éric le rouge ») pour une observation à découvert incluant une partie auto-ethnographique. À partir de 2021, j’ai même été invité à devenir membre du comité directeur de l’association et du forum, me permettant de découvrir les éléments peu visibles côté public de la régulation et de la vie concrète de ces communautés de pratique en ligne (Demazière et al., 2011). J’ai également réalisé un recueil formalisé de récits de vie de pratiquants et de professionnels (n = 47) [2] enrichi par de réguliers entretiens situationnels non formalisés lors des rencontres de terrain. J’ai enfin procédé à une importante collecte documentaire dépassant les seuls contenus du forum pour intégrer des ouvrages, la presse spécialisée, les productions des acteurs marchands (fabricants, distributeurs) et surtout les nombreuses traces en ligne (blog, réseaux sociaux, YouTube, etc.) proliférant autour de la problématisation par le léger de l’itinérance. Dans le cadre d’une approche qualitative inductive et enracinée (Glaser, Strauss, 2010), l’interprétation a consisté, en partant de faits empiriques recueillis méthodiquement, à identifier progressivement et catégoriser des répétitions, des ressemblances et dissemblances pour remonter vers leur explicitations et conceptualisation. La validité (toujours imparfaite) se fonde alors sur le registre de la plausibilité et de la véridicité (Olivier de Sardan, 2004).
Mon outing a permis de jouer de mes statuts pour partager en ligne des réflexions et interprétations, et bénéficier de discussions autour du partage de mes productions académiques avec les membres du forum. La triangulation des méthodes et sources, ou la recherche méthodique de contre-exemples ou d’ambivalences, ont constitué d’autres garde-fous à la sous-interprétation ou à une adhésion naïve aux discours des enquêtés (Olivier de Sardan, 1996).)]
La pratique est identifiée par l’acronyme Mul (pour Marche ultra-légère), dénomination volontairement humoristique qui qualifie également les pratiquants – mul (marcheur ultra-léger / marcheuse ultra-légère). Cette promotion d’un allègement radical (la promesse est d’arriver à un sac autour de 4kg hors aliments) va de pair avec une évolution plus immersive et ascétique de l’expérience de la randonnée et du bivouac en milieux naturels. La question des équipements prend donc une dimension particulièrement importante dans les échanges en ligne, mais aussi lors de régulières rencontres entre randonneurs légers sur le terrain. Dans un contexte marchand où les fabricants d’articles sportifs ont clairement intégré le light comme une qualité cardinale de gammes de plus en plus larges (Hallé et al., 2014), les muls ne s’enferment pas dans une consommation passive de ces offres. Bien au contraire, la Mul passe par l’application des grands principes du minimalisme – faire mieux avec moins (Dopierala, 2017) – et par divers procédés sociotechniques de détachement-attachement (Goulet, Vinck, 2012), en premier lieu travailler à identifier et se débarrasser des objets superflus (inutiles, redondants) avant de les remplacer par des équipements optimisés, notamment par le DIY. La communauté de pratique s’est ainsi fédérée autour de la promotion explicite du « faire soi-même » sous des formes cependant extrêmement variées. Le forum offre par exemple une luxuriante rubrique « L’Atelier des bricoleurs » [3] qui regroupe en 2023 presque 2 000 sujets (et 40 000 messages) consacrés à la présentation et la discussion de bricolages, depuis des légères modifications d’articles existants jusqu’à l’auto-fabrication d’équipements très élaborés (figure 1). Par ailleurs, une des rubriques principales du Wiki (« Bricolage ») présente de manière structurée « le meilleur du bricolage du forum » [4].
L’intérêt de ce cas est que la culture matérielle promue autour de la Mul dépasse largement le cercle de ses membres.
Ensuite tu peux jeter un coup d’œil sur les forums MUL (rando leger) car il y a bcp de DIY. (Réponse d’un internaute à une question ’Réparation pantalon : quel tissu ?’ : https://skitour.fr/forums/341767->https://skitour.fr/forums/341767)
J’avais trouvé ça sur https://www.randonner-leger.org/ (à la rubrique « fabriquer du silnylon »). (Réponse à une question ’Ré-imperméabiliser plancher de tente’ : https://forum.camptocamp.org/t/re-i…>https://forum.camptocamp.org/t/re-i…)
À l’image de ces renvois, le forum est ainsi identifié dans les communautés de pratique en ligne voisines [5] comme une source d’inspiration incontournable pour les questions de bricolage. Il bénéficie par ailleurs d’une audience qui dépasse largement ses membres (100 000 à 400 000 visites mensuelles), même s’il est difficile d’identifier les usages qui en sont faits par ces visiteurs anonymes. Le DIY constitue sur, et autour de Randonner-léger, un état d’esprit et des activités qui vont rencontrer un public plus large que ses seuls membres actifs. Cette étude de cas soutient alors une double question de recherche, descriptive et interprétative : comment caractériser et typologiser la grande hétérogénéité des pratiques recouvertes par un tel DIY ? Existe-t-il un potentiel critique d’émancipation et d’autonomie dans la promotion et la mise en œuvre de ces activités créatives ?
Dans une perspective inspirée par la technologie culturelle (Bensa, Cresswell, 1996), je commencerai par décrire finement les techniques propres au bricolage sportif minimaliste, suggérant combien la notion de DIY peut recouvrir des activités hétérogènes. Je proposerai d’ordonner ces pratiques plurielles de DIY autour de trois figures idéales-typiques [6] selon une échelle croissante de créativité-technicité des savoir-faire, des matières et des objets : la bidouille, le bricolage et finalement le making. Le recours à cette dernière notion appelle dès à présent une clarification conceptuelle. Il s’agit, dans le cadre de ce texte, de faire référence au mouvement dit « maker » dans lequel des utilisateurs, dans des espaces communautaires inventifs (hackerspace, fablab, etc.), expérimentent et soutiennent l’auto-fabrication sous des formes généralement élaborées et libristes (Berrebi-Hoffman et al., 2018). Cet usage modeste du making ne s’inscrit pas dans la conception proposée par Tim Ingold (2017), lorsqu’il redéfinit le « faire », non comme la matérialisation planifiée et maîtrisée d’une idée, mais comme une pratique dynamique et processuelle faite d’ouverture et d’ajustement aux affordances des matières et des milieux.
L’anthropologie des techniques permet conjointement de prendre en compte les représentations qui sous-tendent les pratiques matérielles pour saisir les « effets réciproques de compatibilité » (Lemonnier, 2010) entre processus techniques et d’autres caractéristiques sociales. En ce sens, il sera possible d’identifier les ressorts imaginaires, instituant de manière différenciée besoins, techniques et valeurs (Castoriadis, 1975), associés à cette culture récréative du bricolage [7]. Il apparaîtra que la valorisation du DIY est à la fois centrale, mais qu’elle renvoie à des façons de faire et de penser ambivalentes. Il sera ainsi montré qu’il existe une réelle dimension d’autonomie et d’émancipation dans le ’faire’, portant en germe une certaine résistance en acte au système dominant. Mais il ne faudra pas surestimer ce potentiel subversif, souvent plus proche de l’accommodement créatif, et jamais découplé des infrastructures dominantes.
À un premier niveau, la figure de la ’bidouille’, notion émique dans l’univers DIY (Goyon, 2016), apparaît comme une activité absolument cardinale dans les façons de faire et de penser de la communauté de pratique Mul. Je l’entends ici comme ’simple’ intervention créative ou petite modification d’objets déjà constitués. Pour la décrypter, on peut s’appuyer notamment sur les quatre formes d’usages créatifs des objets techniques par les utilisateurs, proposées par Akrich (1998).
Le ’déplacement’ représente un cas limite car le pratiquant explore et élargit par de nouveaux savoir-faire les usages prévus d’une chose sans la modifier physiquement. Dans une culture matérielle fondée notamment sur la recherche de la polyvalence pour éviter les redondances (et donc se détacher d’objets devenus inutiles), les muls sont d’insatiables prospecteurs de la flexibilité des dispositifs sociotechniques : utiliser les bâtons de marche comme mats pour les abris (permettant le retrait des arceaux), un matelas en mousse roulé en tube comme armature de sac à dos, le savon d’alep comme dentifrice… L’up-cycling, en particulier des déchets de contenant ayant simplement été nettoyés, est également courant dans cette modalité créative : utiliser une gourde de compote en récipient à alcool pour réchaud, des emballages zippés ou bouteilles plastiques pour reconditionner des aliments, etc.
L’’adaptation’ consiste à opérer quelques modestes modifications dans un dispositif pour l’alléger par détachement (enlever des éléments ou de la matière inutile) et l’ajuster aux caractéristiques et besoins du sportif. Il s’agit d’une activité cardinale dans la Mul, fondée essentiellement sur toutes les opérations techniques de détachement. Les randonneurs légers se distinguent ainsi par une capacité à identifier puis retirer (détacher, découper, découdre) des éléments dispensables d’un dispositif : enlever ou ajuster des étiquettes, des sangles, des poches ; recouper un matelas à sa taille ou sa morphologie, etc.
Dans les photos précédentes, mon fils – qui s’est tôt enrôlé dans l’apprentissage Mul – découvre le plaisir un peu sacrilège des techniques de découpe sur son premier sac-à-dos de randonnée. Sur la figure 2, on découvre les outils ordinaires de ces interventions : une paire de ciseaux, un briquet (pour fondre les bouts de découpe). Le matériel de couture (fil, aiguille, dé) ne sera finalement pas utile.
Ces procédés passent aussi par des techniques de retrait de matière (par exemple percer ou poncer un manche de couteau). Le cas de la réduction du manche de la brosse à dent est à cet égard un marqueur clivant de l’appartenance Mul, que je vais mettre en scène avec autodérision dans le récit partagé sur le forum de ma première itinérance ultra-légère :
Je termine mon ziploc pharma-hygiène en mettant ma brosse à dent, et c’est là que je suis frappé de vertige. Je tiens dans ma main le manche de plastique coloré et j’ai la sensation physique du poids exagéré de son inutilité. [Flashback]. Tous ces derniers temps, j’y avais pensé de façon rationnelle et reculée à ce satané manche de brosse à dent. Cette petite partie plastique m’avait semblé cristalliser les enjeux de la Mul, mais aussi les équivoques autour de ses adeptes. Par exemple, lorsque je discutais de mon sujet de recherche avec des gens qui avaient déjà entendu parler ou lu des choses sur la Mul, j’avais régulièrement droit à des ’Ah ! Ceux qui coupent leur brosse à dent en deux !’ suivis de propos suggérant derrière l’absurdité du geste (gagner quelques grammes au prix d’une hygiène bucco-dentaire incertaine) l’extrémisme plus général de la démarche d’allègement. Ou encore, lorsque j’interviewais des randonneurs s’étant allégés, mais non-inscrits sur le forum RL, ils minimisaient leur expérience par un ’Oui, mais moi, je n’ai pas coupé ma brosse à dent’, faisant cette fois du manche (absent) le marqueur d’un engagement véritable dans l’allègement. […] [Fin du Flashback] Je suis pris d’une frénésie proche de l’amok : j’essaye de casser à la main le plastique souple qui, tel le roseau de La Fontaine plie mais ne rompt pas. Vite une arme ! J’attrape dans ma popote mon opinel aiguisé : le manche s’entame mais résiste. Qu’à cela ne tienne, je sors une petite scie de mon matériel de bricolage et me voilà sciant en quelques mouvements rageurs l’excroissance négligeable. L’arme blanche dans une main, je tiens dans l’autre la tête en me disant que c’est vraiment plus léger. Mais avec la satisfaction vient la décompensation : je regarde le cadavre du manche gisant dans ses copeaux en me disant que je file un mauvais coton. (Notes de terrain, travaillées en récit partagé sur le forum, 28/03/2019)
Dans ce micro-DIY de l’adaptation, il faudrait ici intégrer toutes les opérations d’ajustement et de (re)conditionnement des objets (figure 4) et des consommables, en premier lieu les aliments (décrites dans Boutroy, Vignal, 2018).
L’’extension’ a, pour principe, de conserver globalement l’objet dans ses formes et usages initiaux, mais d’y ajouter un ou plusieurs éléments afin d’élargir ses fonctions. Ce type d’opération implique parfois des procédés assez simples : coudre deux petites attaches élastiques sur un sac à dos pour y fixer ses bâtons, fixer à une bretelle une poche de portage de gourde. Mais l’extension peut aussi nécessiter des savoir-faire plus élaborés, comme pour cette création par Peyo [8] d’un poncho étendu en abri : « Je suis parti du poncho de chez Ferrino. J’ai tout d’abord enlevé la poche de rangement ventrale (40g en moins). Ensuite, j’ai cousu à chaque extrémité des gaines en tissu polyamide pour insérer les arceaux que j’ai récupérés sur ma Lightent. Ces arceaux sont tendus au moyen de cordelettes mises à bonnes longueurs. Comme la toile ne descendait pas jusqu’en bas sur la partie avant, j’ai cousu des bavettes pour éviter le splash effect [éclaboussures de grosses pluies]. […] Les deux extrémités [sont] ouvertes mais je suis en passe de régler ce problème en attachant des parois ou absides au moyen de scratch ou crochets (je ne sais pas encore) » [9].
Le ’détournement’, qui reste assez rare, consiste à utiliser un objet dans un usage sortant complètement du scénario programmé par les concepteurs. Il peut y avoir des modifications matérielles, mais la créativité se fait dans l’ouverture aux affordances d’un équipement. C’est par exemple le cas de l’utilisation d’un ou plusieurs pare-soleils de voiture (avec retrait des fixations, parfois découpe) comme matelas ou isolant pour le couchage : « J’ai l’habitude d’emporter avec moi un [matelas] Arkmat de 127g pour la pause et aussi pour mettre sous la[tente]Laser pour protéger le tapis de sol. Je viens juste d’investir pour le même usage dans un pare-soleil qui sera, [il] me semble, bien moins overkill [excessif au regard du but]. Une face alu (côté terre), l’autre un genre de mousse, 3€13, 60*130, 49g (avec œillets et élastiques). […] Cette couche est aussi pour moi une solution thermique de secours en cas de froid imprévu (on se l’enroule autour du torse) » (Iksafighter) [10]. Ce dernier cas souligne que les catégories proposées par Akrich (1998) peuvent s’hybrider (ici, extension et détournement). Plus largement, la quête insatiable de polyvalence des muls pourrait permettre de suggérer l’existence d’une autre figure de créativité des utilisateurs : le ’doublement’ (donner à un objet plusieurs fonctions).
On pourrait encore intégrer dans la bidouille les nombreuses techniques d’’entretien’ et de ’réparation’ développées par des pratiquants soigneux et très attentifs à maintenir dans la durée leurs équipements. Pendant leurs itinérances, les randonneurs emportent coutumièrement du scotch de réparation de type duct tape, un mini-kit de couture, un petit tube de super-glu voire des patchs pour des interventions de fortune sur le terrain.
Sur le retour, une des chaussures de Sonic qui montrait des signes de faiblesse depuis la veille vient de rendre l’âme : la semelle extérieure s’est entièrement détachée. C’est aussitôt un festival de scotch, plusieurs participants sortant leur duct tape reconditionné pour momifier la partie plastique sur le corps de la chaussure. (Note de terrain, Week-end Mulvivor, 4 décembre 2020)
Hors randonnée, coutures et collages sont enrichis par d’autres procédés techniques créatifs de soin aux choses, ces gestes de la maintenance trop souvent inaperçus (Denis, Pontille, 2022). La (ré)imperméabilisation des coutures (abri, sac voire vêtement) est un exemple original, avec plusieurs fils de discussion [11] consacrés à l’auto-préparation d’un enduit d’étanchéité et la description d’une chaîne opératoire déjà étendue : mise en tension et nettoyage à l’eau (voire savon) du tissu, dilution et fouettage d’une dose de joint silicone transparent dans quatre doses de white spirit, techniques de passe au pinceau ou au rouleau, essuyage au chiffon, séchage hors poussière, etc.
Les bidouilles constituent assurément les pratiques les plus courantes et banales : en quelque sorte, devenir mul consiste à renforcer et généraliser l’aptitude à bidouiller muée en allant de soi. Cette dernière porte déjà en germe un enjeu implicite de promotion d’un rapport quotidien plus direct et créatif aux objets, emblématique de la résistance par les « arts de faire » (De Certeau, 1990).
Alors que la bidouille consiste en un réagencement ou une maintenance d’entités existantes, le ’bricolage’ consiste à confectionner, de manière autonome mais sans nécessaire expertise (Abdu Gnaba, 2016), des ’petits’ objets nouveaux. Il s’agit de fabriquer avec ce que l’on a sous la main, via des matières premières accessibles, des outils communs et des techniques peu complexes (Lévi-Strauss, 1990 [1962] : 30 sq.). Les muls peuvent par exemple réaliser des réchauds (à alcool, à bois) et leurs petits pare-vents, des contenants basiques (porte-bouteille à accrocher à une bretelle de sac à dos, sacoche à appareil-photo ou téléphone pour la ceinture, stuffbag i.e. sac de conditionnement pour ranger/organiser les affaires). Certaines réalisations simples renvoient aussi à des besoins plus spécifiques : mini-guêtres de chaussures, ancre en tissus pour fixer un abri dans la neige, sac de gonflage de matelas (figure 7), etc.
Cette forme de DIY est déjà plus exigeante, mais elle est mise en œuvre par la grande majorité des muls rencontrés dans le cadre de l’enquête. Les récits de vie montrent que le bricolage n’arrive pas toujours dès le début de l’engagement dans l’allègement. Il s’agit dans tous les cas d’une étape marquante dans la conversion mul : réaliser son premier item personnel. Le cas du bricolage d’un réchaud-canette est le plus courant et assez emblématique de cette création alternative. Lors de ma première rencontre pour un entretien avec Wax, il est révélateur que ce mul expérimenté ait amené un de ses réchauds usagés pour illustrer selon lui la quintessence de l’esprit mul (« C’est hyper léger. Hyper efficace. Facile à faire et ça ne coûte rien »). Il m’avait d’ailleurs offert cet objet à l’issue de notre rencontre. Pour la plupart des randonneurs, cet objet implique de se détacher du confort et des habitudes du réchaud à gaz manufacturé pour passer sur un mode de chauffe plus rudimentaire (un peu d’alcool à brûler) et, au début, un peu moins commode à utiliser (nouvelle chaîne opératoire à apprivoiser). Mais sa production ne nécessite comme matière première qu’une ou deux canettes aluminium usagées. Ce DIY est ainsi apprécié sur le forum par sa dimension anti-gaspillage, transformant des déchets en un objet particulièrement utile et fonctionnel. Les outils de fabrication mobilisés restent ordinaires : règle, ciseaux, cutter, feutre, petite pointe (par exemple un compas), etc.
Il existe de très nombreuses ressources en ligne permettant de trouver des modèles et des tutoriels pour bricoler ce petit objet, mais Randonner-Léger concentre de nombreuses sources d’inspiration, dont certaines ont été (re)inventées sur le forum (modèles PRS, P3RS).
D’un point de vue technique, les savoir-faire et les chaînes opératoires du bricolage se complexifient un peu (nécessité d’un apprentissage, recours à des tutoriels, possibilité d’essai-erreur) mais restent plutôt accessibles. Les procédés peuvent d’ailleurs impliquer des matières plus complexes à travailler : fragiles (e.g. des feuilles plastiques de type vitrier pour fabriquer un tapis de sol pour abri) ou au contraire très résistantes, comme le métal (e.g. une boîte de conserve). Dans ce dernier cas (figures 10 et 11), les outils restent communs (perceuse, mèche à métal, scie à métaux, lime) dans l’équipement de quelqu’un qui est déjà un peu bricoleur par ailleurs.
Ce sont donc des dispositions et des ressources élémentaires préalables qui vont faciliter cette étape du DIY, sans que cela soit un frein important (il est possible de se faire prêter du matériel par un proche – à l’image de la pince à couper le métal dans mon cas sur la figure 11 – ou de demander des conseils sur le forum). Par exemple en termes de techniques de couture, les bricolages n’exigent pas une machine à coudre, avec des points simples réalisables à la main. L’esthétique n’apparaît pas une qualité fondamentale dans la majorité des cas, l’enjeu premier étant la fonctionnalité et l’efficience de la réalisation et de ses usages. Ici, on fait soi-même pour utiliser.
Les bricoleurs réguliers se distinguent alors par leur capacité à explorer et inventer des nouvelles expérimentations techniques fondées sur la simplicité, comme dans cette création (figure 12 et 13) par Wax d’un siège de randonnée à partir d’une chute de tissus et de deux coutures droites (et un déplacement fonctionnel des bâtons). Dans une trajectoire de mul, bricoler régulièrement amène souvent à franchir le pas vers une forme de DIY encore plus poussée.
À un dernier niveau, on trouve alors la figure de la ’fabrication’ qui se rapproche le plus explicitement du mouvement maker. Certains membres actifs du forum, proche des mouvances open, ont même organisé des « ateliers bricolage », parfois explicitement comparés à des « fablabs ». En 2013, le parallèle avec le fonctionnement du forum est opéré dans un fil dédié. Ith, un membre actif fin connaisseur des matériaux, répond : « C’est amusant que tu abordes ce sujet : Lors d’une présentation récente des fablab au taf, j’ai justement fait découvrir le forum RL à la responsable. Et elle s’est montrée intéressée. D’une part en termes de culture d’innovation (leaduser, etc.) ici c’est un très bel exemple, d’autre part il est possible de réaliser relativement facilement des DIY et de faire des économies pour les djeuns » [12].
Avec la montée en compétence technique et la découverte et l’acquisition de matériaux parfois rares, le ’faire’ passe par un travail plus élaboré impliquant notamment une segmentation entre le design, une proto-ingénierie et la production de ce qui reste généralement un prototype oscillant entre les deux idéaux-types identifiés par Adell (2020). Le « prototype-brouillon » consiste à améliorer et à customiser progressivement un objet via des versions successives de celui-ci au fil des développements (par le même bricoleur) ou des appropriations d’une création par un nouveau maker. Jeanjacques, mul-alpiniste aventureux aux besoins pointus, explore ainsi sa quête du sac parfait : « À un moment donné, je faisais un sac à chaque sortie montagne que je faisais, tout simplement parce qu’à chaque week-end je trouvais un truc à changer. Et je me dis au lieu de changer un petit élément sur ce sac-là, autant en refaire un ». Le « prototype-modèle » se base sur une rationalisation initiale plus poussée de la conceptualisation via une analyse approfondie des besoins (cahier des charges), des inscriptions-modélisations (plan, dessin technique) jusqu’à des tests techniques (de matières ou d’objets). Le maker est en ce sens proche de la figure idéale-typique de l’ingénieur au sens de Lévi-Strauss (1990 [1962]) qui part du projet et de catégories abstraites pour chercher ce dont il a besoin. Pour autant, le making ne s’inscrit pas dans une conception hylémorphique de l’action technique dont Ingold (2017), à la suite G. Simondon, a critiqué le caractère peu réaliste. Comme dans les fablabs, la créativité maker ne s’enferme pas dans des projets préconçus imposant une forme à une matière inerte. Au contraire, elle reste fondamentalement ancrée dans l’accommodement jamais terminé avec les choses. Les processus de production s’y nourrissent « des apports et améliorations de la communauté » (Antonioli et al., 2015 : 130) et paraissent rarement achevé : un équipement se redéfinit dans chaque pratique (et peut même être re-bricolé au fil du temps), un modèle ne vaut que pour être adaptée à l’occasion d’un nouveau process créatif.
Le making est mis en œuvre par un nombre réduit de pratiquants expérimentés, mais il constitue une forme d’idéal au sein de la communauté. Les muls qui s’y adonnent jouissent de fait d’une reconnaissance et d’une autorité liées à leur expertise. Les créations elles-mêmes bénéficient à leur tour d’une nomination-individualisation. À l’instar de l’abri « Oli_v_ier » (du nom de son inventeur, par ailleurs créateur du site et administrateur du site), certaines fabrications sont même devenues des références dans ce petit monde [13].
Si certains makers travaillent déjà dans un domaine en lien avec la créativité matérielle ou académique (ingénieur, designer, chercheur ou enseignant en physique), ils se caractérisent dans tous les cas par une appétence pour l’expérimentation et l’apprentissage sensible de savoirs pratiques sur les propriétés de certaines matières peu usuelles (en particulier les divers types de tissus et membranes techniques parfois glissantes ou sensibles dans certaines manipulations). Retrouvons Jeanjacques qui se rappelle sa plongée rapide dans la fabrication :
J’ai quasiment tout de suite bricolé… On imagine un truc. On cherche à l’acheter. On voit que ça existe pas, ou pas vraiment. Tout ça. Et puis on a cette confiance un peu naïve euh ‘‘Je peux le faire’’. Et j’avais une copine, je lui ai demandé sa machine à coudre. Elle m’a prêté sa machine. Et à partir de mon bureau, je me suis mis à coudre. Alors j’ai regardé beaucoup de tissus, j’ai regardé ce qui fonctionnait. J’ai regardé les résistances à la déchirure. J’ai regardé quel assemblage collait, etc. … Et passé ce petit moment à voir ce qui fonctionne et ce qui fonctionne pas, j’ai assemblé comme cela me paraissait simple au début. Et la simplicité amène la légèreté
À l’image de ce témoignage, les makers apprennent notamment par le faire des techniques expertes. Ces réalisations sont d’ailleurs essentiellement liées à l’univers technique de la couture et de l’assemblage : abri, sac-à-dos, vêtement, équipement de couchage. Cela implique forcément de s’équiper spécifiquement, en particulier d’une machine à coudre. Les réalisations supposent également des approvisionnements spécialisés, qu’il s’agisse d’acheter des membranes ’techniques’ empruntées à d’autres secteurs (ex. : le Skytex ou le Cuben, utilisés dans la navigation pour les voiles, le Tyvek ou le Mylar, emprunté à l’univers du cerf-volant et du parapente) ou d’acquérir des matières premières rares (du duvet synthétique – Apex, Climashield, etc. – ou des plumes pour les doudounes et les équipements de couchage). Derrière ces matières premières, on retrouve surtout des fibres et textiles synthétiques (polyamide, polyéthylène, polyester, etc.) issus d’une industrie de pointe et des multinationales (comme DuPont). Randonner-Léger apparaît donc aussi comme un intermédiaire de marché, qui sur le forum et le wiki recense et qualifie une nébuleuse de fournisseurs spécialisés presque exclusivement étrangers et indispensables à l’acquisition de fournitures d’autant plus coûteuses que s’y ajoutent des frais d’acheminement.
L’empreinte frugale reste toutefois possible ici, comme dans ces expérimentations de fabrication d’abri trashelter en sacs poubelle, films d’étanchéités ou bâches de travaux [14]. Denq, un mul maker, pousse d’ailleurs explicitement la logique d’innovation frugale à son terme [15] : « Je suis en suis mode ‘‘Je fonce’’. J’ai une idée et je fais très peu d’itération avec des choses faciles à trouver ». Il travaille volontairement à partir de matières ’pauvres’ (barquette aluminium de cuisson pour son système de chauffe Yvette ; filet en mesh de stockage de balle de tennis pour son sac à dos Toutanmesh [16]) ou récupérées (il réalise son abri Oli_v_ier avec des morceaux de toile d’un vieux parapente) [17]. La qualité économique (au sens du faible coût de production) est revendiquée en plus de la qualité de légèreté dès les titres des sujets consacrés à ces créations : « Yvette d’acier, 2€20, 49g pare-vent inclus », « Toutanmesh II, 160g, 42 litres, 10€ ». On notera que ces fabrications, louées pour leur efficacité et leur efficience, peuvent être taquinées sur le forum en termes de style : « Je n’avais pas vu ce nouveau petit réchaud qui m’a l’air bien sympa (même si c’est pas le plus beau) » (Wax), « Très moche mais sympa. Doit être efficace » (Antoinepierre).
Car la question esthétique n’est pas évacuée dans le making, bien au contraire. Mais elle renvoie à l’évolution du goût vers des qualités visibles de simplicité et d’épure (face à la complexification et la sophistication des productions traditionnelles des grandes marques). Les sacs-à-dos DIY [18] se distinguent ainsi des sac-à-dos classiques randonnées hyper-accessoirisés : ligne droite, non-rigidité, absence ou limitation des accessoires (sangles, poches extérieures), retrait de la poche rabat supérieure. Il y a de fait un style Mul au sens de choix pertinent établi dans un compromis entre conséquence de la chaîne opératoire et expression formelle de traits significatifs de cette sous-culture minimaliste (Martinelli, 2005).
Par exemple, Valent1 partage sur le site à l’automne 2023 sa première fabrication de sac-à-dos pour des courses raid-aventure [19]. La communauté loue immédiatement les qualités de finition et d’esthétique, soulignant l’admiration à renfort de points d’exclamation : « Sacré boulot, bravo ! », « Sacré boulot, bravo ! Sympa la couleur », « Franchement…bravo ! Une sacrée belle réalisation », « Salut, belle réalisation ! », « Bravo ! Et double Bravo, parce que pour un premier post, c’est très qualitatif et ça apporte beaucoup au forum ! (l’œil du modo) ». La fabrication est donc aussi une source de plaisir et de reconnaissance au sein de la communauté.
Il n’est pas étonnant que le DIY puisse devenir, en effet gigogne, une nouvelle passion à l’intérieur d’une activité sportive, orientation clairement assumée par Pala2, un maker adepte d’itinérances très longues : « En fait, j’ai maintenant deux loisirs complémentaires : randonner et fabriquer ». Dans quelques cas rares, le goût du bricolage peut même être à la source de projets plus ou moins aboutis de professionnalisation vocationnelle (ex. Xavn devenant fabricant d’abri via Typik, Nutzzz se lançant un temps dans l’artisanat textile via Orri Outdoor) [20].
Les pratiques DIY des muls sont donc extrêmement variées, allant d’une économie de la débrouille, de la maintenance et de la récupération à une inscription dans des agencements marchands assez élaborés (recours à des fournisseurs spécialisés, importations lointaines, coût de fabrication élevé). Il s’agit d’une activité à la fois individuelle – bricoler seul face à la matière un item le plus adapté à ses besoins singuliers – et collective : s’inspirer d’autres réalisations, être conseillé sur le forum, diffuser ses créations et ses plans, etc. La dimension communautaire peut aller jusqu’à ’faire ensemble’ lors des rencontres entre muls. Un classique dans les témoignages est la fabrication de réchauds canettes sur le terrain, par exemple en profitant de boissons bues à une pause dans un refuge. Plus rares, il existe des rencontres dédiées au bricolage, comme cet atelier organisé en avril 2023 en Bretagne et consacré à la réalisation conjointe d’abris et de quilt (sorte de duvet-couette) [21]. Avec l’appui de l’association Randonner-léger, stefbzh coordonne alors un regroupement de sept membres qui vont travailler notamment avec un mul expérimenté (Glop^2) présent pour aider les makers débutants à réaliser une version adaptée de son abri (Heptaglop).
La question des modalités de transmissions et de partage des savoir-faire a déjà été analysée (Boutroy, 2022). Retenons que le bricolage constitue clairement un « répertoire partagé » (Wenger, 2005) en mode collaboratif et open source au sein de la communauté Mul. Même à distance, Randonner-léger est à la source d’une promotion d’un faire pour soi-ensemble, variante du DIT où le randonneur bricole le plus souvent seul un item personnel mais avec le soutien à distance des ressources communautaires. La Mul est ainsi à la source d’un activisme pragmatique, avatar connecté du design social (Berrebi-Hoffmann et al., 2018) consistant à concevoir et diffuser des objets simples à faire et modifier, via des matériaux qu’il est facile de se procurer (dont beaucoup de récupération et recyclage).
Cette diversité de formes de DIY se redouble de finalités et significations plurielles inscrites dans des figures contrastées du minimalisme qui s’activent plus ou moins selon les pratiquants ou les moments de leur propre trajectoire de mul.
Une première orientation renvoie à un allègement utilitariste et une simplification maximisatrice. Dans une logique avant tout pragmatique, il s’agit de chercher un équipement ou un système technique (un « combo » en termes Mul) idéal au regard de ses besoins propres. La première définition de la Mul proposée sur le site est explicite : « Quête d’un équipement minimaliste en adéquation avec nos propres aptitudes et les nécessités du terrain » [22]. Cette personnalisation opiniâtre, entre autres par les pratiques DIY de détachement, se fait autour d’une recherche de l’excellence voire de la perfection autocentrée (ce qui est valable pour l’un ne le sera pas pour l’autre). Il ne s’agit pas de s’enfermer dans une lecture négative de l’individualisme contemporain (Corcuff, 2005), mais l’imaginaire Mul n’est pas sans cristalliser certains ressorts de l’ordre libéral (Ehrenberg, 1991) : injonction à l’accomplissement personnel et à la réalisation de soi, focalisation sur la performance. Cette dernière est utilisée au sens d’efficacité matérielle, certes pour autoriser dans certains cas des itinérances plus sportivisées ou aventureuses, mais tout autant pour voyager en logique hédoniste avec plus de plaisir, de confort ou de liberté. « Faire mieux avec moins » est ainsi tout à fait compatible avec cette extension à notre insu de la rationalité logistique à toutes les activités (Quet, 2022). Penser (et donc bricoler) en Mul consiste à reconcevoir sa pratique à l’aune de l’optimisation des qualités et des utilités des choses : du poids, du volume, du prix, de l’efficience, du bien-être. Cet imaginaire de la logistisation de soi et du monde (ibid.) est rendu particulièrement saillant dans la réalisation et l’exposition de ses « listes », étape rituelle consistant à peser et dénombrer minutieusement tous ses équipements, opération sociotechnique de traduction des choses en base de données au service d’une pensée-tableur maximisatrice.
Par ailleurs, la promotion du low tech par la Mul se fait sur fond d’invisibilisation de réseaux sociotechniques qui eux n’ont rien de frugal. Il y a, comme dans d’autres communautés basses technologies (Meyer, 2022), l’appui high tech sur l’ensemble des infrastructures numériques nécessaires au partage en ligne. Plus encore, nombre de fournitures, produites par des industries de pointe, ne sont pas remises en question par les makers Mul. Par exemple, les membranes synthétiques performantes ultra-light (cuben®, dyneema®, pertex®, skytex® [23]…) sont fournies par des firmes chimiques et plastiques pourtant décriées (e.g. DuPont). Même une barquette en aluminium ou une canette de soda (cf. supra), qui au premier regard peuvent paraître comme une matière première ’pauvre’, restent liées à une industrie qui n’a rien de décroissante.
Dans ce cadre, le DIY ne s’oppose pas au consumérisme matérialiste, et peut au contraire s’y articuler pleinement. Parmi de nombreux autres témoignages de « geek de l’ultra-light » (auto-qualification contrite assez récurrente sur le forum), Pala2 assume ainsi être pour ses loisirs « plutôt un gros consommateur, avec l’envie d’essayer plein de trucs. C’est pas un besoin tout à fait rationnel, mais je suis sensible aux retours d’expériences, aux sites des vendeurs, pour expérimenter ou m’en inspirer ». Il accumule de fait beaucoup d’équipements et de créations, faisant le tri (pour revendre ou donner, y compris ses propres fabrications) une fois par an, avec comme « indicateur que l’armoire est pleine ». Le DIY peut donc être un accommodement utilitariste au système dominant, que ce soit pour réaliser un objet parfait ou pour produire un équipement moins cher. Il est intéressant de noter que plusieurs anciens membres de la communauté, pionniers du ’faire’ ultra-light, m’ont fait part (en 2018-2019) de leur crainte que, dans un contexte de renchérissement du coût des matières premières, l’irruption et la montée en puissance, via notamment les places de marché (Amazon et surtout AliExpress), de fabricants asiatiques spécialisés dans l’ultra-light allaient stopper l’intérêt pour le bricolage (à tout le moins pour le making). À quoi bon fabriquer un abri ou sac-à-dos si des acteurs marchands mondialisés peuvent proposer un équivalent performant et peu cher ?
Or, quelques années plus tard, et sans nier l’installation effective de ces nouveaux opérateurs dans l’approvisionnement en produits ultra-light, force est de constater que la dynamique et la valorisation du DIY ne s’est pas éteinte dans la communauté.
Le bricolage sportif ne saurait donc se réduire à une logique utilitariste et à un intérêt économique. On peut dès lors repérer une seconde orientation du minimalisme, plus engagée et politisée, où le DIY est aussi un moyen de résister en acte au système marchand traditionnel. Dans un contexte de prise de conscience de la finitude du monde et de l’impact des activités humaines (réchauffement climatique, limitations des ressources et transition énergétique, crises et accroissement des inégalités, externalité négative de la consommation), on assiste de manière croissante à une injonction collective et non dénuée d’ambiguïté à la sobriété et à des engagements individuels dans des pratiques de simplicité volontaire (Dubuisson-Quellier, 2009). Certains randonneurs entrent alors dans la Mul avec des engagements préalables clairs dans un style de vie marqué par la sobriété voire la décroissance. Dans ce cas, le DIY sportif devient explicitement un des moyens de mise en cohérence, y compris dans les loisirs, d’une existence fondée sur la simplicité volontaire. Mais ce qui se passe pour les autres muls est peut-être plus intéressant. D’un point de vue diachronique, la conversion à la Mul via le détachement matériel est pour ses adeptes l’occasion d’une révision bien plus générale de ses dispositions et de ses besoins dans une orientation plus frugale, immersive et ascétique (Boutroy, 2020). Apprendre, dans une communauté, à randonner et bivouaquer avec moins, est alors un espace d’émancipation du solutionnisme matérialiste et marchand, dont le site témoigne dès la page d’accueil :
Certains alourdissent leur sac de gadgets… ultra-légers. Plusieurs phénomènes amènent au suréquipement : la société actuelle pousse à la consommation, on veut randonner dans la nature avec tout le confort de la maison (paradoxe ?), les fabricants inondent les marchés de nouveaux matériels “ultra-légers”, et face à la crainte de l’inconnu on se réfugie dans l’illusion que le matériel sera là pour nous sauver [24].
Dans ce cadre, le DIY apparaît aussi comme une façon de penser qui se forge et se renforce dans la multiplication et le partage des expériences. ’Faire soi-même avec les autres’ devient un foyer de subjectivation (Julien, Rosselin, 2009) qui marque la culture matérielle des muls. Prendre plaisir à créer, se reconnecter au sensible et au tangible, renforcer son sens de la débrouille, consolider sa capacité à s’affranchir des scripts marchands, expérimenter le sacrilège d’altérer physiquement des biens de marques : toutes ces actions sont une source d’autonomie et d’émancipation individuelle et collective du consumérisme traditionnel. Fabriquer des produits simples et durables, en prendre soin, les faire durer et les réparer, les remettre en circulation (vente de seconde main, don) voire les upcycler (e.g. faire un stuff-bag avec un vêtement usé) représentent un autre degré de politisation en acte de la consommation (Chessel, Cochoy, 2004). Peut-être plus encore que pour les STS (Science and Technology Studies), il existerait des « matters of care » (de la Bellacasa, 2011) à saisir dans l’étude du DIY. L’apprentissage communautaire selon des modalités open fait à son tour s’éloigner des logiques privatives et marchandes, en équipant l’autonomie par le ’faire’ (Goulet et al., 2022). C’est donc tout un halo de valeurs alternatives qui s’incorpore aussi dans le DIY minimaliste qui est, en contrebande et non sans ambiguïté, un espace d’activisme concret porteur d’un imaginaire de sobriété tout en restant encastré dans un système productiviste.
Eraz, aventurier-maker réputé du forum, pousse très loin cet engagement dans la frugalité. Grâce à une inventivité débridée (étayée, il faut le rappeler, en partie sur des fournitures high tech), il voyage avec un équipement hyper minimaliste (il relève d’une minorité de XUL, dénomination locale pour eXtrêmement-Ultra-Light) quasi-intégralement DIY. Par exemple ses poncho-tarp réduits à l’épure sont célèbres (et sources d’admiration moqueuse) dans la communauté. Mais au fur et à mesure de ses expérimentations, il a appris à se débarrasser d’autres biens manufacturés nécessaires à l’utilisation de son abri en bricolant avec le milieu. Il s’est par exemple détaché des sardines et ancre son abri avec les choses disponibles lorsqu’il bivouaque, ayant cultivé une capacité inusuelle à percevoir les affordances de l’environnement : « Il y a toujours ce qu’il faut dans la nature. Il faut avoir confiance, et ce sera plus adapté que nos sardines ultra-light qui soit se plient, soit ne rentrent pas, soit s’arrachent trop facilement ». Il égrène alors les bricolages empiriques : nouer les attaches autour de gros cailloux entassés, tailler des sardines dans des branches mortes, utiliser les reliefs (rocher, arbre), etc.
Cas extrême du fait de sa capacité à faire avec les moyens du bord, Eraz n’en exprime pas moins une tendance, partagée entre muls, à vivre dans une plus grande simplicité matérielle en révisant ses normes et ses relations aux choses. Comme l’a bien montré Abdu Gnaba (2016), le bricolage est aussi un moyen privilégié d’intensifier sa présence au monde.
Dans le cadre d’un loisir sportif de masse, la Mul constitue une stylisation de la randonnée par un détachement relativement alternatif vis-à-vis des formes plus classiques de la randonnée. À cet égard on peut comprendre que s’y amorcent des brèches par rapport à l’ordre productif dominant, le DIY sous toutes ses formes y représentant à la fois une activité banale et un idéal partagé au sein d’une communauté pratique. Nous avons vu que portée par des lead-users mais aussi de nombreux ordinary users bricolant des solutions pragmatiques à des besoins sans solution marchande, une créativité utilitariste – y compris à finalité de minimalisme et de simplicité – ne s’opposait pas nécessairement au système marchand. Pas tant parce qu’une partie des pratiques de DIY reste inscrite dans les systèmes traditionnels d’approvisionnement (des grandes enseignes aux fournisseurs spécialisés) qui ne sont pas remis en question, mais plutôt parce que cette « quête du gramme » [25] s’inscrit pour partie dans un imaginaire de l’excellence, de l’accomplissement et de l’optimisation (y compris dans ses loisirs) qui ne détonne pas au sein de l’ordre dominant. Pour autant, une partie des muls entre en bricolage avec une volonté explicite de contestation et d’autonomisation : résister à l’hyper-consumérisme et au solutionnisme technologique, recycler et faire durer les choses, produire et promouvoir des solutions frugales… C’est plus une agentivité du DIY, plutôt qu’un engagement préalable de ses adeptes, qui transforme les acteurs et les inscrit de facto dans un imaginaire de sobriété et d’émancipation. Il faut cependant garder en tête que les tensions entre bricolage low tech et making, ou entre activisme et récupération marchande, s’enracinent le plus souvent dans une hypolucidité (Piette, 2013), à l’égard de leur étayage sur des infrastructures particulièrement technologisées (d’internet au recours à des matières premières industrielles). En cela, le cas singulier de l’« atelier des bricoleurs » d’une communauté sportive constitue un observatoire opportun des ambivalences de l’essor du DIY aujourd’hui. Toutefois, et dans tous les cas, le bricolage y apparaît comme une matrice inachevée de résistance en acte à l’ordre établi.
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[1] Elle est fédérée autour d’un site internet et d’un forum/wiki en ligne créé en 2005. Mi-2024, randonner.leger.org regroupe 14 800 membres, près de 40 000 discussions pour plus de 700 000 messages.
[2] Par un échantillonnage raisonné (en mêlant d’une part sollicitation directe sur la base des identités lisibles en ligne et d’autre part la médiation, en effet boule de neige, d’enquêtés au cœur des réseaux) visant à faire varier les caractéristiques de genre, d’âge, de proximité/distance ou d’ancienneté dans la communauté et de formes de pratique de la randonnée légère (des sorties hédonistes aux variantes les plus sportivisées ou aventureuses). Sans qu’il soit possible de prétendre à une représentativité (absence de données sur la population mère), cet échantillon garde des caractéristiques (e.g. surreprésentation des hommes ou des professions intellectuelles supérieures) cohérentes avec les indices empiriques d’un recrutement social et culturel plutôt élitiste.
[3] https://www.randonner-leger.org/forum/viewforum.php?id=20
[4] https://www.randonner-leger.org/wiki/doku.php?id=sommaire_bricolage
[5] Camptocamp (alpinisme, escalade), Skitour (ski de randonnée), Parapentiste.info (parapente), Voyageforum (trek, randonnée), Davidmanise (bushcraft, survivalisme)…
[6] Cette typologie étique est le fruit d’une caractérisation par le chercheur. Les muls mobilisent ces notions dans leurs échanges, mais avec des acceptions différentes ou à l’inverse synonymiques.
[7] Les travaux sur les passions ordinaires choisies (Bromberger, 1998) ou les pratiques ludiques (Tuaillon Demésy, Haissat, 2019) ont d’ailleurs suggéré combien les loisirs pouvaient être des observatoires féconds des imaginaires contemporains.
[8] Du fait du pseudonymat ayant cours sur le forum (sur lequel les contributions sont majoritairement publiques), il n’a pas été fait recours à une anonymisation spécifique dans cet article. Sur les photos, les visages ont été floutés.
[9] https://www.randonner-leger.org/forum/viewtopic.php?id=89
[10] https://www.randonner-leger.org/forum/viewtopic.php?pid=255908#p255908
[11] Ex. : https://www.randonner-leger.org/forum/viewtopic.php?id=1631&p=5
[12] https://www.randonner-leger.org/forum/viewtopic.php?id=24921
[13] Ce modèle a même inspiré des plus ou moins petits fabricants, ce qui n’a pas été sans susciter des controverses et dénonciations sur le forum lorsque la paternité n’était pas référencée.
[14] https://www.randonner-leger.org/forum/viewtopic.php?pid=4678#p4678
[15] « L’innovation frugale tend, en effet, à concevoir des produits plus simples sans doute plus facilement réparables, avec des pièces plus facilement récupérables. Elle est alors parfaitement en adéquation avec les principes de l’économie circulaire et, pour faire vite, du développement durable » (Haudeville, Le Bas, 2016 : 10).
[16] https://www.randonner-leger.org/forum/viewtopic.php?id=17335 ; https://www.randonner-leger.org/forum/viewtopic.php?id=9967
[17] En cela, Denq est un faiseur intermédiaire, plus ’bricologue’ que maker (voir Golsenne et Ribault, 2015).
[18] Mais aussi les productions des fabricants de niche spécialisés dans l’ultra-light : Gossamer Gear, Granite Gear, Nigor, Sierra Design, etc. Certaines grandes marques ont néanmoins commencé à imiter et intégrer cette épure dans leurs modèles light.
[19] https://www.randonner-leger.org/forum/viewtopic.php?id=43122
[20] Cet aspect a été développé ailleurs (Boutroy, 2022).
[21] https://www.randonner-leger.org/forum/viewtopic.php?id=42333
[22] https://www.randonner-leger.org/wiki/doku.php?id=presentation:sommaire
[23] On notera dans la répétition des ® la signature de la marchandisation capitaliste la plus avancée.
[24] https://www.randonner-leger.org/wiki/doku.php?id=presentation:sommaire
[25] Expression significative empruntée à Anthony Komarnicki, un mul journaliste à Carnet d’Aventures https://www.expemag.com/review/fr/view/osprey/lumina-45
Boutroy Eric, « L’atelier des bricoleurs minimalistes. De la création à la résistance par le making dans une communauté sportive en ligne », dans revue ¿ Interrogations ?, N°39 - Créer, résister et faire soi-même : le DIY et ses imaginaires [en ligne], https://revue-interrogations.org/L-atelier-des-bricoleurs (Consulté le 21 décembre 2024).