Résumé
Largement diffusée dans la production et la diffusion musicale, l’utilisation de méthodes Do It Yourself est envisagée dans cet article comme une consolidation de coopérations concrètes et pérennes chez les artistes en marge des standards musicaux. En analysant l’environnement de création des musiciens puis en décryptant le réseau des salles de concerts en France, nous insisterons sur le manque de lieux de représentation pour ces artistes en marge et le champ des possibles qu’offrent les espaces situés en dehors des urbanités.
Mots-clefs : gentrification, musiques alternatives, ruralité, représentation, auto-organisation.
Making and hearing : when alternative music composes with its spatial constraints
Abstract
Do It Yourself is a customary tool in music production and distribution. In this article, the use of Do It Yourself methods is considered as a means of consolidating concrete and long-term cooperation in the alternative scene. By analyzing the musicians’ creative environment and then describing the state of venues, we emphasize the lack of performance spaces for those marginal artists, and the range of possibilities offered by spaces located outside urban areas.
Keywords : gentrification, alternative musics, rurality, representation, self-organization.
Peter est organisateur de concerts dans la métropole lilloise et il est également batteur dans le groupe TOC, trio qui navigue entre jazz-core, punk, pop électronique, post rock, improvisation, musique savante… la liste de genres est encore bien longue. TOC fait partie de ces formations musicales inclassables, à contre-courant, proposant, sans positionnement spontané, une alternative aux musiques dominantes, et qui de fait « brouille les pistes pour les diffuseurs potentiels » (Peter, musicien, intermittent du spectacle, vit dans le Nord, entretien du 18.10.2023).
Peter a participé à l’un des dix entretiens de musiciens expérimentaux réalisés dans le cadre de cet article. L’objectif de ces échanges est de questionner ces artistes sur leur pratique musicale en public et plus précisément sur la disponibilité des lieux de diffusions accueillant les propositions musicales hors normes. En échangeant sur la difficulté actuelle d’organiser des concerts dans la ville de Lille, Peter, habitué des tournées européennes, avance cette observation :
Les musiciens [1], face aux difficultés actuelles, s’organisent et créent des opportunités, des espaces d’expression. Aujourd’hui, la plupart des lieux où je vais jouer sont gérés par des musiciens. C’est aussi comme ça qu’opère Muzzix depuis sa création : accueillir des musiciens et promouvoir certaines esthétiques sur un territoire, à la fois pour la faire connaître au public, mais aussi pour enrichir notre propre pratique artistique. Et il est vrai aussi que depuis quelques années, tout ça se développe en dehors des villes, je pense par là, aux migrations des musiciens eux-mêmes.
Il souligne dans cet échange les difficultés que rencontre une certaine scène musicale que nous qualifierons ici de scène alternative. Par itérations esthétiques ou créolisation, cette scène propose une alternative aux genres musicaux mainstream et devient ainsi difficilement classifiable par les programmateurs, les auditeurs. Comme le constate Christophe Rulhes à propos du groupe de jazz expérimental Z dans son étude des terrains de la musique, il existe certes des « horizons de pratiques musicales et artistiques différents auxquels correspondent des comportements et attitudes variés » de musiciens, mais quand cette formation mêle ces différents facteurs, il devient complexe « de penser une proposition musicale hybride qui n’échappe pas toutefois aux velléités et aux nécessités de classements » (Rulhes, 2004). Lorsque ces musiciens alternatifs parcourent les genres sans jamais s’inscrire dans une catégorie, un cadre donné, la recherche de dates auprès de programmateurs devient compliquée. La problématique principale que nous pouvons lire en filigrane de l’entretien mené avec Peter réside dans la grande difficulté pour cette scène de trouver des espaces de diffusion. Nous retrouvons ce constat pour chaque musicien interviewé, et il constitue la trame de cet article.
Depuis la fin des années 1960, la scène alternative a progressivement changé de repères spatiaux, s’inscrivant successivement dans écoles supérieures, les MJC (Maison de la jeunesse et de la culture), les maisons communautaires ou autogérées, les cafés, les squats urbains (Deshayes, Grimaud, 2008), puis dans les zones inhabitées grâce aux sound systems de la scène techno (Tessier, 2003). La dynamique contre-culturelle portée par les méthodes d’autonomisation propre au DIY a été vectrice de cette circulation à travers les espaces d’expression vacants, particulièrement dans la scène punk des années 1970 (Hein, 2012). Dans cet article, le DIY n’est pas analysé comme outil de contestation ou d’engagement politique émancipatoire, mais il est abordé sous l’angle de la débrouille contrainte (Le Roulley, 2016). Le DIY est ici une méthode d’organisation du travail artistique (promotion, booking) prise en main par les musiciens, qui peinent à trouver des lieux de diffusion et qui laisseraient bien volontiers cette tâche aux professionnels de l’accompagnement artistique.
Il faut ’faire soi-même’ car il n’y a pas d’autres possibles, quand les salles de concerts officielles sont saturées de demandes de programmation ou lorsque les propositions musicales ne sont pas conformes à une ligne artistique. Une approche concrète du ’faire’ en dehors d’un système culturel qui ne semble plus s’adapter aux expérimentations sonores, un processus d’actions employé comme unique stratégie susceptible de reconstruire un réseau de salles alternatives. Pour comprendre quels sont les modes d’organisation imaginés par ces musiciens, nous commencerons par définir les acteurs et les pratiques de cette nouvelle scène alternative en contextualisant cette étude et sa méthodologie. Puis, puisque nous nous appuyons sur le DIY comme méthode organisationnelle, nous commenterons les formes relationnelles et participatives d’internet, qui est devenu l’espace privilégié de structuration de l’ensemble des scènes musicales et surtout la vitrine indispensable des artistes lors de leur recherche de dates de concerts. Les troisième et quatrième parties de cet article seront consacrées à la normalisation culturelle des espaces d’expression en ville ainsi qu’au processus de gentrification qui réduisent les possibilités de jouer de la musique atypique ou à fort volume. Enfin les deux dernières parties mettront en avant la délocalisation progressive de cette scène alternative vers les campagnes, ainsi que les potentiels artistiques et collaboratifs que raniment ces territoires.
Le 23 mai 2019 à Londres, Pil And Galia, artistes et enseignants chercheurs à l’Université de Reading et au Royal College of Art, organisent l’Euronoize, une alternative DIY et avant-gardiste au concours Eurovision de la chanson (London Metropolitan University, 2019). Notre participation en tant qu’artiste à cet évènement, puis comme enseignant associé aux cycles de conférences consacrées aux nouvelles configurations de la scène DIY en Europe, nous ont permis de constater que les environnements de création et de représentation de la scène alternative s’étaient déplacés. Nous ne parlons pas de rupture entre cette scène et les concepts fondamentaux de la débrouille, de l’autogestion, mais d’un glissement de repères esthétiques et spatiaux : la musique alternative n’est plus essentiellement contestataire et concentrée dans les grandes villes occidentales, mais elle s’est globalisée et entretient sa dynamique par la prospection créative.
Premièrement, les espaces numériques ont permis de réorganiser les points de représentation de la scène alternative. Le web participatif du début des années 2000 a largement été inspiré par la contre-culture américaine (Cardon, 2019). Il a puisé dans les formes de manifestations libertaires, les distros [2], les fanzines ou encore les échanges entre pairs, pour proposer aux artistes des outils d’émancipation qui favorisent l’émergence de musiques peu présentes dans les médias radiophoniques et télévisuels (Guibert, 2006). Plus précisément, les réseaux sociaux ont facilité une promotion des artistes alternatifs, médiatiquement décentralisée, hors des grands médias traditionnels, permettant de révéler un maillage entre les scènes musicales indépendantes et de rendre plus perceptible une offre culturelle mixte. L’effet rebond qu’offrent ces nouvelles possibilités d’expression est la massification des artistes sur la toile, ce qui induit une difficulté pour les artistes de se rendre visibles et audibles dans le nombre.
Deuxièmement, les repères esthétiques dans la musique alternative sont à réactualiser. À l’image de la redéfinition de la musique contemporaine par Benoît Thiebergien, la musique alternative vit elle aussi dans un paradoxe : elle correspond soit à des genres musicaux qui ont fait révolution (rock, punk, électro, rap, métal et les sous-genres qui en découlent) mais qui se trouvent maintenant stabilisés dans la culture dominante, soit à « un acte présent de création, une attitude d’expérimentation et d’innovation » (Thiebergien, 2012 : 32), ce qui de fait, en fait une catégorie difficilement discernable. Pour cette étude, ces paramètres d’expérimentation, d’innovation et de contemporanéité caractérisent la scène alternative, dans laquelle l’approche des styles musicaux se fait de manière non hiérarchique, avec une attention particulière pour les musiciens en marge des standards ou autrement dit les musiciens « campés dans une posture alternative face à ce qu’ils considèrent, à tort ou à raison, comme […] du “trop entendu” », tel que le propose le sociologue des musiques populaires Jean-Marie Seca (2009). Cette musique, qui peut être aussi qualifiée de nouvelle avant-garde ou post-contemporaine, mais que nous appellerons ici simplement musique alternative [3], a la particularité d’agréger de nombreuses formes sonores, d’être à la jonction des musiques savantes et des musiques populaires dites ’actuelles’. Elle trouve ainsi sa singularité dans le mélange des genres et est à la fois « trans-culturelle, trans-historique et trans-géographique [4] » (Verdier, 2012 : 151).
Afin de situer géographiquement les salles alternatives et de représenter les profils de musiciens acteurs de cette scène, nous avons développé depuis l’été 2019, une démarche qui se situe à la croisée de l’histoire des nouvelles technologies de l’information et de la communication, de l’ethnomusicologie et des sciences sociales, dans le but de cartographier les initiatives musicales avant-gardistes. Cette étude est nourrie d’un travail d’observation effectué durant nos tournées en Europe ainsi que de prises de notes témoins d’entretiens informels avec les acteurs du milieu (musiciens, publics, organisateurs de concerts) complétées par 12 entretiens semi-directifs [5] (dix artistes français qui ont quitté la ville pour organiser des concerts en territoire rural, un artiste berlinois DIY francophone qui se produit régulièrement en France, un programmateur de SMAC).
Cette étude a été enrichie d’une base de données cartographiques non exhaustive (répertoire d’initiatives rurales françaises repérées ou visitées), d’un travail d’archivage de documents promotionnels (flyers, affiches de concerts, annonces sur les réseaux sociaux numériques, newsletter) et de documentations issues de sources ouvertes (rapports publics, coupures de presse, articles en ligne [6]). Les lieux de vie des enquêtés et les espaces agricoles inventoriés appartiennent à la catégorie des communes de moins de 5000 habitants, indice démographique en dessous du seuil moyen utilisé par le géographe Jean Paul Laborie (Demazière 2017), pour qualifier les petites villes de France. Les documents de cette étude présentent essentiellement des initiatives pérennes, autogérées, associatives ou régies sous forme de coopérative d’intérêt collectif et n’analysent pas les formules sporadiques que composent les festivals.
À partir de l’ensemble de ces données, nous tenterons de déterminer quels facteurs techniques, politiques ont écarté certains musiciens des réseaux de salles dédiés à la diffusion de concerts. Quels sont aujourd’hui les lieux disponibles pour accueillir les musiciens sous-exposés, trop singuliers pour entrer dans une grille de programmation conventionnelle ? Quels sont les territoires en perte de dynamique contre-culturelle ? Comment s’adapte cette scène musicale et dans quels types de lieux ces musiciens peuvent-ils encore se faire entendre ?
Rares sont encore les salles de concert qui partagent le contact téléphonique de leur programmateur, ou demandent des objets audios physiques pour évaluer la pertinence d’une performance musicale dans leur lieu. Le premier contact entre groupe de musique et programmateur se fait par mails interposés, par demande formatée par un formulaire ou parfois, par messagerie instantanée. Ce sont des portails de contacts qui ont été adoptés par les organisateurs d’événements en réponse à un développement du web au service de la création artistique. Dès lors que le web participatif a offert à l’ensemble des musiciens des algorithmes de compression audio efficaces puis des plateformes vitrines dédiées à la communication entre acteurs du milieu, les artistes ont articulé leur pratique avec les outils numériques afin de créer une chaîne de production complète, potentiellement affranchie des acteurs de l’industrie musicale (label, producteur, manager, tourneur, diffuseur). Une fabrication puis une diffusion de la musique ’faite maison’, qui a changé les modes de valorisations et de curations des artistes.
Les techniques de numérisation de l’audio ont tout d’abord changé les modes de consommation de la musique : les taux d’écoute ne cessent d’augmenter dans le temps, et les contenus consommés par auditeur forment des répertoires particulièrement hétérogènes (Le SNEP, 2022). Avant la généralisation du streaming, la normalisation du mp3 comme petit fichier d’écoute, articulé à l’apparition des logiciels d’échanges Peer to Peer et des blogs sharity [7], ont contribué à fluidifier l’échange de pièces musicales à grande échelle, cela en marge de la distribution conventionnelle régie par l’industrie musicale. Durant cette décennie, les pratiques de copie et d’échange massif de fichiers ont sérieusement impacté le chiffre d’affaires des grandes maisons de disques qui n’ont pas su réorganiser à temps leurs modes de distribution (Bourreau, Labarthe-Piol, 2004). L’industrie du disque, qui peine à s’adapter à ces nouvelles pratiques, réitère une tentative de recomposition plurielle (Mortaigne, Vulser, 2008). L’idée fut de mettre en pause le renouvellement des catalogues d’artistes et de miser sur les valeurs sûres des labels en développant des produits dérivés des tubes les plus lucratifs. Comme le souligne Julien Soulié, directeur du Fair, dispositif de détection et d’accompagnement des nouveaux talents, en 2016 « les labels n’ont plus les moyens ni le temps de développer les artistes, et très peu de signatures se font sur une simple maquette guitare-voix, comme cela pouvait se faire auparavant » (Renier, 2016).
Face à une économie culturelle bouleversée et à la difficulté à se professionnaliser, les musiciens se sont emparés des outils numériques pour s’autoproduire, dépasser l’étape des simples démos pour réaliser des œuvres finies (Ribac, 2012) : une pratique, dite du home studio, permise grâce à la vulgarisation des logiciels d’édition, à l’accessibilité des équipements informatiques et aux téléchargements pirates d’application audio (Sahay, 2023). L’équipement informatique moderne ainsi que les suites logicielles dédiées à la production audio permettent à l’artiste de s’affranchir de toute une série d’intermédiaires : les principales plateformes de streaming proposent des services de mastering, des modules logiciels gratuits permettent de mixer des pistes sonores comme un professionnel, et les tutoriels multilingues en ligne facilitent l’autoapprentissage. Aussi, en amont de cette chaîne technique, les logiciels de création sonore peuvent intégrer dans leur fonctionnalité des intelligences artificielles nourries de modèles musicaux populaires qui aident à l’étape de composition ou d’arrangement d’une pièce (Ableton, 2019). Cette autoédition a progressivement occulté une partie des acteurs essentiels de l’industrie musicale (ingénieurs son, producteurs, labels, distributeurs) jusqu’au poste de diffuseur, puisqu’elle trouve aujourd’hui sa finalité sur les plateformes de streaming.
En bout de chaîne technique, la promotion des artistes se fait essentiellement sur les réseaux sociaux numériques (RSN). Couplés à l’audimétrie des plateformes de streaming, le nombre de followers ou de likes, sont devenus, pour les programmateurs et les musiciens, des valeurs comptables interprétés comme taux d’engagement d’un public : plus ces données sont élevées, plus l’artiste est susceptible d’attirer du public en salle. Même si les RSN sont essentiellement dédiés au travail de l’image, ils n’épargnent pas le travail d’autopromotion d’un grand nombre de musiciens qui doivent apprendre à illustrer leur travail, à se mettre en scène (Porcher et al., 2016) pour fédérer une communauté d’auditeurs.
Par le biais de ces mécanismes de valorisation numérique, la quête de viralité d’une pièce musicale sur les RSN extirpe les musiciens alternatifs d’un engagement collectif, d’une action sociale réelle que les artistes des mouvements DIY ont développée depuis les années 1970 (Guibert, 2006). Les marqueurs d’engagement des internautes (likes, followers, vues) peuvent donner une valeur faussée des contenus esthétiques d’un artiste, mais aussi des intentions participatives, puisque les musiciens n’hésitent pas à créer des liaisons intéressées avec leur communauté ou leurs pairs pour accroître leurs nombres de likes ou d’écoutes. Chercher les connexions d’acteurs par opportunité afin d’augmenter les taux d’audience, utiliser des robots pour gonfler les scores, suivre un label en espérant être suivi en retour, flirter avec les tendances des recommandations algorithmiques pour lisser ses productions, inscrire ses titres dans de multiples catégories, saturer le réseau d’images, parler de soi, etc. : toutes ces techniques fondées sur des stratégies marketing ont été acceptées par une majorité de musiciens, parfois même décryptées et soutenues par les dispositifs d’accompagnement culturel (FGO Barbara, 2023).
L’ensemble de ces gestes numériques s’est adapté à un réseau participatif altéré par un système de valorisation résultant de l’économie de l’attention contraire à une éthique sociale du DIY (Alinaghi, 2023). La révolution du web participatif a incontestablement permis de décentraliser les lieux stratégiques de toutes les scènes musicales, donnant ainsi une fenêtre de visibilité pour chaque artiste amateur qui souhaite se lancer dans la création. Il n’est plus nécessaire de créer des connexions avec les réseaux de salles et de labels de grandes métropoles pour exister : sans ancrage géographique précis, tenter d’accroître la propagation d’une publication sur les RSN suffit à faire parler du travail de l’artiste. Même si le succès grand public n’est pas l’objectif des musiciens alternatifs, la configuration de ces plateformes de valorisation facilite la création de communautés de fans, plus ou moins importantes, qui légitiment l’existence de chaque artiste sur le cyberespace. La scène alternative n’est plus fédérée en un réseau physique hétérogène qualifiée d’underground mais elle s’est dissoute en plusieurs segments communautaires imperméables, régulés par les algorithmes de recommandation qui encapsulent dans le même temps l’artiste, son genre, ses fans.
Cette rupture dans la chaîne d’écoute, de production puis de valorisation de la musique a permis de déployer une méthodologie DIY numérique accessible et ancrée dans le cadre domestique. Comme la musique n’a pas d’objet à montrer, qu’elle est le résultat d’une accumulation d’interventions remplaçables par les nouveaux outils informatiques, le recours à ces dispositifs pourrait isoler le musicien, fragiliser les formes de coopération propre à la scène DIY (Roux, 2023). Même si la musique peut être socialement autonome (Hennion, 2007), soit exister sans devoir être exécutée devant un public, la scène alternative trouve son sens dans la représentation, dans la confrontation publique de l’exercice musical, dans l’effervescence que crée la « réciprocité artiste/public » (Ferrand, 2009). Face aux salles de concerts, les musiciens de la scène alternative jouant le jeu des RSN portent avec eux l’empreinte des taux d’engagement de leurs communautés, donnée considérée dans les critères de sélection des salles de concerts. Plus l’artiste est identifiable et fédère une large communauté d’utilisateurs, plus il sera susceptible d’être programmé.
Avec la difficulté d’intégrer des propositions atypiques dans le calendrier d’établissements culturels normés (Picaud, 2021), la scène de la musique alternative continue à élargir ses champs esthétiques en incluant dans son spectre des artistes issus de formation académique, des chercheurs qui s’initient à la débrouille, à la précarité technique, et parfois à la rudesse des organisations autogérées. Elle incarne davantage des gestes artistiques forts, en s’affranchissant des routines musicales, qu’une posture contestataire. Prenons par exemple la scène du circuit bending, dans laquelle ingénieurs et amateurs de musique se croisent pour recycler, détourner des jeux électroniques désuets et en faire du son, en prenant le risque du bug en live, de la texture inattendue, parfois dansante, parfois fracassante. La scène est pour ces musiciens un territoire d’expérimentations qui permet d’affiner les dispositifs, de les mettre à l’épreuve de l’amplification, d’aller plus loin dans la recherche sonore tout en y incluant l’audience. La scène alternative fédère avant tout une catégorie d’artistes pour qui la valeur esthétique d’une pièce musicale prime sur les valeurs quantitatives encouragées par l’industrie culturelle. Ces acteurs n’espèrent plus faire carrière, mais seulement faire entendre, sans faire de concession sur leur composition ni leur mode de jeu. Car l’une des caractéristiques de ces musiciens est de travailler les pratiques musicales en bousculant les techniques d’écriture, de jeu, ou en proposant un instrumentarium singulier, parfois DIY [8]. Cette musique de niche, en demande d’espace d’expression, constitue un véritable défi pour les programmateurs, pour qui le processus de sélection se fait par le biais d’un cadre de référence artistique découpés en standards, et qui n’inclut pas l’inclassable.
Le paysage culturel français n’est pourtant pas en carence de lieux mixtes où faire jouer. Les villes concentrent 63 % des équipements culturels dédiés aux arts du spectacle (Insee, 2021) auxquels nous pouvons additionner les initiatives privées. L’espace musical urbain peut être divisé en deux catégories. Une première catégorie de structures, inscrites dans une dynamique d’industrialisation culturelle et créative, dans le sens où les enjeux économiques influent sur les choix artistiques : les salles de spectacles privées, les scènes de musiques actuelles (SMAC), les discothèques et les tiers-lieux. Une deuxième catégorie de structures qui aspirent à une indépendance dans la gestion des évènements culturels : les cafés-concerts, les lieux autogérés, les squats.
La première catégorie représente les lieux de diffusion et de création qui adhèrent aux règles du marché de l’industrie musicale, et fonctionnent sur un système de rentabilité basé sur la fréquentation du lieu. C’est une évidence pour les salles privées, les discothèques, dont la principale mission est de remplir les jauges et générer des bénéfices tout en positionnant les exigences artistiques en second plan. Cela est moins saisissable pour les SMACs, label attribué aux structures porteuses d’un projet culturel ambitieux et d’intérêt général encadré par un cahier des charges et de missions. Les SMACs ont pourtant pour « principal objet de favoriser, d’accompagner, de promouvoir la création musicale défendue par des artistes professionnels aussi bien qu’amateurs » (JO n°0110, 2017). Elles bénéficient de subventions publiques, qui rendent possibles les choix de programmations originales, hors normes (Picaud, 2018). La publication de la circulaire du 18 août 1998 (Ministère de la culture, 1998) sur les SMACs a clairement défini les missions de « défrichage artistique », de soutien aux musiciens locaux, en soulignant l’importance de soutenir les artistes en développement de carrière, de valoriser les scènes émergentes. Les SMACs, à l’image de l’exception culturelle française, ont toujours joué le rôle de garde-fous, d’équilibre dans l’offre culturelle musicale (Sagot-Duvauroux, 2005). À l’exception des périodes de confinement dues à la COVID-19, cette catégorie de structures a enregistré en dix ans, une hausse continue de la fréquentation et de la billetterie (CNM, 2022). Mais dans un contexte aussi concurrentiel, où les choix politiques entraînent la baisse de subventions publiques et incitent le développement de ressources propres (Picaud, 2018), les SMACs ont dû adopter des méthodes de programmation proche des salles privées,
[…] ce qui nous a valu une baisse de subvention de la ville de 50% […] si on n’a pas d’activité, si on programme pas, on est à 67% d’autofinancement […] les subventions publiques vont seulement payer les frais de fonctionnement, les salaires, les investissements de la salle. (Jean-Michel, programmateur à l’Aéronef, salle du réseau des SMACs, entretien du 05.07.2024)
Outre la location de leurs espaces à des tiers, les SMACs sélectionnent les artistes musicaux « pour lesquels les publics sont plus nombreux » (ibid : 24) dans des catalogues de grands managers. Dans un souci de rentabilité, ces mêmes managers n’hésitent pas à vendre des plateaux complets aux programmateurs : ils imposent une tête d’affiche avec une première partie du même catalogue, empêchant la valorisation d’artistes locaux ou amateurs et entretenant ainsi une certaine homogénéité des agendas de l’ensemble du réseau des SMACs.
Face à la logique sélective des salles portées par des financements croisés, les artistes de la scène alternative se sont toujours débrouillés pour essayer de faire de la musique dans les interstices de la ville. Ces musiciens trouvent des modes d’organisation d’événements plus modestes dans les cafés-concerts, lieux autogérés et squats. La fréquence des activités de ces espaces, mais surtout la possibilité de co-organiser des soirées avec des assemblées coordinatrices plus inclusives, permet de provoquer des plateaux d’artistes inattendus. Confrontés à la dynamique de gentrification urbaine et périurbaine que nous commenterons plus bas, ces espaces viennent à fermer ou à accepter une transformation radicale de leur mode de fonctionnement.
Pour les cafés-concerts proposant des formations amplifiées, c’est le facteur de normalisation des établissements accueillant du public qui contribue à reconsidérer leur offre musicale. Le code de la santé publique (2017) impose à ces lieux un niveau sonore en dessous de 102 décibels, ce qui rend difficile la programmation d’une formation amplifiée incluant une batterie. Les normes concernant les établissements recevant du public (Ministère du travail, de la santé et des solidarités, 2023) peut redéfinir la disposition des spectateurs dans l’espace (jauge réduite, zone de circulation du personnel, public assis ou debout) et limitent également un certain nombre de concerts amplifiés par an, invitant ainsi les gérants à se doter d’une licence d’entrepreneurs du spectacle pour pouvoir produire plus d’artistes sur scène. Les gérants de cafés-concerts doivent désormais se défaire de la souplesse des traditionnels modes de rémunération des musiciens DIY (prix libre, dons, pourcentage de la recette du bar) au profit de déclarations de prestations facturées. Ces obligations juridiques combinées aux nouvelles méthodes de production numérique DIY participent à la fin de la musique en fort volume, à l’effacement du corps et de l’instrument sur les scènes des cafés-concerts, bien souvent au profit de la formule DJ set, tout terrain, jouable en solo et en sourdine, ce qui favorise les économies de moyen de ces établissements. Les lieux en résistance qui n’emboîtent pas le pas de ces transformations structurelles et juridiques s’exposent à des risques de pénalités (Masi, 2002), voire de fermetures administratives par arrêtés préfectoraux, causées par des plaintes pour nuisances sonores (Richard, 2018).
L’usage du terme gentrification dans cet article fait appel aux travaux qui démontrent que les populations précaires sont progressivement exclues des grandes villes (Clerval, 2013) et qualifie le terme comme une mécanique politique socialement déterminante. Avec la transformation des classes sociales des résidents urbains soit la relégation des plus précaires par la flambée des loyers, il faut intégrer la disparition d’espaces alternatifs de création, des « alter-urbanités » socialement mixtes (mélangeant bénévoles, artistes bénéficiaires du RSA, public modeste, marginaux, réfugiés en exil) que constituent les squats artistiques (Bel, 2018). La culture en ville est vectrice d’attractivité pour les investisseurs et les populations aisées (Matz, 2012), mais la musique à fort volume et les attitudes non conformistes des habitués des squats peuvent troubler le quotidien de ces nouveaux résidents. Nous verrons que les élans spontanés d’une poignée d’artistes underground confrontés à une politique culturelle territoriale forte peuvent être déterminants pour enclencher un processus gentrifieur.
Les squats artistiques qui font l’objet d’occupations illégales dans les quartiers populaires sont aujourd’hui observés attentivement par les municipalités qui voient dans ces espaces l’opportunité de monter rapidement de nouveaux lieux culturels ’branchés’ portés par une poignée d’entrepreneurs (Correia, 2018). Sur quelques prétextes juridiques fondés, les villes et acteurs privés s’emparent de ces espaces squattés sans réellement les déconstruire. Grâce à un marketing particulièrement soigné, ces sites récupérés se présentent comme ’engagés’, ’créatifs’ et participent à la revalorisation de quartiers dépréciés. Renommés ’tiers-lieux’, ’friches’, ’fabriques solidaires’, ces lieux ont l’apparence des squats et entretiennent les formes de représentation de la débrouille en jouant des codes de l’activisme social et écologique, réemployant le décorum DIY et des ressources locales : mobilier en palette, fresque street art, déco de brocante, jardin potager en friche, la brasserie et cantine locale. L’habillage brut reste le même, mais les modes de gestion libertaire (organisation horizontale, prix libre, entrée pour tous, cantine solidaire) ont disparu au profit d’une organisation professionnelle et stratégique (Pinard, Vivant, 2017) qui rendent ces lieux « fréquentables » (Chaudieu, 2018), soit coupés des plus marginaux. À l’entrée, les agents de sécurité et les prix des consommations affichés peuvent dissuader une catégorie d’anciens habitués, plus précaires, à passer les portes. Puisqu’elle garde l’aspect des squats, la transformation de fond et non de forme de ces friches culturelles est peu palpable pour les nouveaux résidents qui entrevoient dans ces lieux une réhabilitation raisonnée, mais ne s’interrogent pas nécessairement sur les premiers usages et fréquentations de ces espaces. Ces tiers-lieux urbains ou périurbains, qui s’inscrivent dans une démarche de revalorisation culturelle, trouvent leurs limites dans le rapport à la population locale de ces quartiers. En proposant un modèle fondé sur une industrie de contenu « solvable » (Lextrait, 2001 : 67), un rapport frontal aux œuvres, ces espaces contribuent la plupart du temps « à rendre les citoyens un peu plus consommateurs qu’acteur » (ibid : 67).
L’une des caractéristiques de ce secteur culturel est qu’il articule les ressources de l’économie publique et privée, en bénéficiant de financements croisés élargis (ibid : 67). L’investissement dans l’exploitation des squats artistiques par des consortiums privés/publics a pour objectif de créer de la valeur économique dans des zones désuètes, en utilisant le minimum de ressources pour adapter ces espaces au grand public. L’impact de cette appropriation express est économique, puisque l’activité culturelle ouvre à une nouvelle fréquentation des quartiers populaires, à une revalorisation immobilière, mais aussi esthétique. L’underground musical devient l’indicateur des possibles dans les plans de revalorisation urbaine (Charme, Vivant, 2008). Et si la manœuvre politique est de créer de la valeur avec d’anciens espaces culturels anarchistes ou autogérés, le contenu culturel doit lui aussi être une variable à rendement. La programmation de ces friches devient plus consensuelle, plus confortable pour les oreilles pour espérer attirer un maximum de public, empêchant ainsi les premiers occupants à participer au développement artistique de ces espaces.
À Lille, l’un des pôles urbains les plus ségrégés de France (INSEE, 2023), le recours à cette ingénierie culturelle comme vecteur de gentrification est devenu systématique (Collectif Degeyter, 2017). Pour illustrer cette tendance, prenons l’exemple du collectif Compote Musique, qui peine à organiser des concerts atypiques dans la métropole lilloise. Le 13 juin 2024, le collectif s’est vu offrir un créneau à Chaud Bouillon, nouvel espace culturel géré par la société Petite Lune, construit sur l’ancienne friche du quartier Fives Cail. La société bien connue à l’échelle nationale « développe des lieux de vie socio-culturels qui portent un projet plus général de cohésion sociale » [9]. Manu Louis, artiste électro-pop programmé ce soir-là, se voit interpellé sur scène puis couper le son par la direction du lieu après quelques minutes de représentation. La direction, prétextant que le concert n’était finalement pas adapté au lieu, a ensuite substitué l’artiste par une playlist de musique.
La directrice est montée sur scène, elle était derrière moi au début du deuxième morceau. Donc ça veut dire, qu’après un morceau, il y a des gens qui se sont plaints suffisamment pour qu’elle décide de venir me trouver pour me demander de changer ce que j’allais jouer. Est-ce qu’il y a vraiment eu des gens qui se sont massivement manifestés ? Ou est-ce que c’est elle qui a projeté que ça n’allait jamais aller ? […] Je peux comprendre un contexte où la musique joue un rôle d’animation et tu comprends totalement que ce que tu fais va être secondaire à la soirée et que la chose principale c’est que les gens mangent des hamburgers. Mais c’était pas présenté comme ça, et tout était spatialement découpé de manière à ce qu’il y ait un espace de concert et un espace où les gens sont en train de faire d’autres activités. (Emmanuel Louis, artiste, musicien dans Manu Louis, vit à Berlin, entretien du 24.06.2024)
Outre la mise en relief de spectateurs devenus consommateurs, ce que souligne Manu Louis ici, c’est le contexte ambigu qu’entretiennent ces espaces. Ils restent semblables à des lieux de sociabilité DIY, invitant à la préservation d’une vie de quartier sans bouleversement social, faisant de ce camouflage un axiome de leur mode opératoire, mais les actes laissent penser que la rentabilité des entreprises gestionnaires prévaut sur le sens artistique et le faire en commun.
La gentrification des quartiers populaires tend à normaliser les espaces d’expression, restreignant ainsi les possibles exploités par la scène alternative. Aussi cette gentrification bouleverse-t-elle autrement les pratiques de cette communauté de musiciens. Au-delà de la transformation des quartiers et des loyers en augmentation, le paramètre sonore des activités créatives est largement contesté. Le jeu à domicile n’est plus toléré par le nouveau voisinage et les salles de répétitions associatives disparaissent au profit de lieux généralement fléchés par les municipalités. Le duo basse batterie SEC, originaire de Toulouse, aujourd’hui installé entre l’Aude et le Tarn, a constaté une certaine dégradation des conditions de diffusion de la scène alternative dans sa ville d’origine :
Depuis que nous avons démarré SEC, même avant en tant que public ou organisateurs de concerts, la ville de Toulouse du moins – a toujours manqué de lieux de diffusion pour nos musiques et une des alternatives est de s’éloigner des espaces d’habitation. La situation en ville fluctue constamment au gré des ouvertures/fermetures de squats, bars sympas … avec toutefois un mouvement de fond de gentrification du centre de Toulouse qui élargit petit à petit le périmètre muséifié. À titre personnel je suis sorti de la ville depuis 10 ans parce que tout y est plus pénible pour se déplacer, répéter, habiter. (Xavier, musicien dans SEC, bénéficiaire de l’allocation du retour à l’emploi (ARE), vit dans le Tarn, entretien en distanciel du 13 mai 2023)
Quand l’adaptation à une institutionnalisation massive de l’ensemble des scènes urbaines devient complexe et inacceptable par cette scène artistique alternative, l’enjeu pour ces musiciens est de trouver de nouvelles opportunités d’expression sur des territoires encore perméables. Nombreux sont les musiciens qui quittent les grandes villes avec en bagage les ressources créatives et économiques qui relèvent du DIY.
Les artistes qui ne sont pas assujettis à un emploi rémunérateur ancré en zone urbaine ou les musiciens mobiles et souples dans leurs activités trouvent en campagne les conditions favorables au développement de leur scène musicale. Colocation en maison non mitoyenne, espace de vie plus important, loyers abordables, les ruralités sont des espaces domestiques encore accessibles qui invitent à de nouvelles opportunités artistiques (Delfosse, 2011). Même si les concerts alternatifs à la campagne ne datent pas d’hier, les musiciens contribuent à développer la continuité d’un réseau underground dans ces territoires. En s’installant en campagne, les musiciens deviennent majoritairement organisateurs et les catalyseurs de la scène alternative :
Le fait de vivre en milieu rural nous force à être moteur de notre propre diffusion ainsi qu’un relais pour les scènes artistiques que nous apprécions. (Pierre Erick, musicien dans Jankenpopp / Bal Pop Tronic, artiste numérique, vit dans le Vaucluse, entretien du 12.07.2023)
Ils forment des potentiels d’exploitation multiples, tant dans les espaces que dans l’élasticité temporelle que permet l’environnement de ces lieux de diffusion. Dans un contexte d’organisation d’événement, ces lieux sont des points de jonction dans le calendrier des artistes en tournée, et peuvent raccourcir les temps de trajet entre deux évènements. Aussi la configuration de ces lieux et l’attention accordée par les hôtes soulignent-t-elles ces avantages spatio-temporels, notamment lorsque l’on considère les difficultés logistiques d’un groupe en tournée avec son matériel :
Je suis très fan de jouer en campagne, pour plein de raisons. Tu manges de super produits, tu ne te galères pas à aller garer ta bagnole, à flipper pour ton matos, tu n’as pas ce truc de jouer à un endroit puis aller dormir à un autre … à la campagne tu dors sur place, tu laisses ton matos sur place et tu remballes tranquillement le lendemain. (Aurel, musicien dans Chafouin, intermittent du spectacle ou allocataire du RSA selon les périodes, vit dans le Finistère, entretien du 31.08.2023)
Pourtant, les musiciens de la scène alternative ne s’inscrivent pas dans cette dynamique d’opportunités à saisir. Ils ne correspondent pas aux artistes néoruraux que Delfosse et Georges (2013) décrivent comme électrons libres, en itinérance, qui vivent à la campagne pour ensuite exercer en ville ou qui organisent de grands évènements sporadiques en dehors des unités urbaines . L’intention des musiciens alternatifs est de poursuivre leurs exercices de création et de diffusion en toute liberté, sans vouloir bouleverser la composition sociologique d’un territoire. En respectant les usages des lieux d’intérêt, ils assimilent les ressources humaines et techniques de la population locale pour répondre à des problématiques d’installation, d’exploitation et de logistique d’espaces non configurés pour les scènes musicales (fermes, églises désacralisées, granges, médiathèques de village, parkings, etc.). À l’image du ’retour à la terre’ qu’opèrent certains agriculteurs néophytes déterminés à participer au développement d’une agriculture éthique ou raisonnée, les acteurs de la scène alternative souhaitent contribuer à une dynamique culturelle qui, en répondant aux contraintes de terrain (mobilité des personnes, manque d’infrastructures socioculturelles, autonomie financière sur l’évènementiel, etc.), dépasse parfois les premières intentions artistiques. Le peu d’infrastructures existantes dédiées au spectacle vivant et l’étendue des communautés de communes combinées à la faible densité de population obligent à penser des lieux festifs hybrides (Delfosse, 2015) situés « au carrefour des loisirs, des activités citoyennes et quotidiennes » (Canova, Montagnat, Sourisseau, 2022). Selon le témoignage des enquêtés engagés dans ce type de proposition, la forme de ces structures culturelles peut dépendre de l’origine géographique de l’initiateur du projet ou du territoire sur lequel le projet doit faire place :
Il y a des collectifs pour qui ça démarrent facilement, car ils sont fondés par les enfants du pays, qui ont permis que d’autres artistes se ramènent. Ils ont pu créer des connexions avec les locaux. Quand tu es un groupe de néo ruraux, ça peut être très très dur de t’intégrer […] particulièrement dans le sud de la France […] sur la Bretagne, ce que je remarque c’est qu’en dehors des lieux alternatifs ou des cafés associatifs qui communiquent sur leurs concerts, il y a énormément d’endroits chez des particuliers. (Aurel)
Il existerait diverses conditions d’acceptation de ces scènes alternatives par la population locale qui différeraient selon les régions et qui détermineraient dans le même temps la manière de penser les fonctions des espaces de festivité. En Bretagne, l’acceptation de la scène alternative dans les ruralités se fait aisément par le biais de la fête. Au-delà de l’intimité des concerts DIY chez l’habitant, Aurel décrit également un réseau de cafés associatifs qui constituent un axiome des lieux de culture en milieu rural. La tradition du bistrot, du café-concert, a toujours été un « lieu de sociabilité villageoise » (Tuaillon Demésy, 2021 : 99) nécessaire pour une population en carence de points de rencontre et de lieux de culture :
Il y a beaucoup de trentenaires, quarantenaires, qui cherchent la culture dans leur environnement rural, pouvant venir avec leurs jeunes enfants. Pas mal de personnes de plus de 65 ans je dirais, qui sont curieux des nouvelles choses qui se passent dans leur campagne. Les gens se mélangent pas mal, et font vite connaissance dans ces types de moments. (Lulu, musicienne dans Neebiic / Gommette, intermittente du spectacle, vit dans le Nord, entretien du 29.09.2023)
Même si, pour les organisateurs, ces initiatives sont avant tout un plaisir de mélomanes, les soirées concerts tendent à devenir un prétexte à ouvrir des espaces de sociabilité. La finalité de ces initiatives est de renouer avec une certaine pratique sociale de la fête sur laquelle s’articulent d’autres propositions, déroulées sur un temps d’ouverture au public plus important. En s’adaptant aux contraintes familiales des habitants (sortie en famille, emploi du temps) et spatiales des ruralités (longues distances entre les sites, mobilité contrainte à l’utilisation de la voiture), les cafés associatifs cumulent les activités annexes (librairies, cantine, garderie, relais alimentaire, etc.) mélangeant ainsi un large spectre d’âges et de profils d’habitants. La page de présentation du site internet du café associatif le Guingois, situé à Marcillac Vallon dans l’Aveyron, illustre singulièrement cette mixité sociale : « Le Guingois est une maison commune et autogérée. Le Guingois est une boule à facettes. On peut y boire un café, y manger un bout le dimanche, écouter un concert de noise, de cumbia expérimentale ou de flamenco. On peut se rhabiller à la friperie, emprunter un bon bouquin ou encore jouer aux cartes […] Bref, à un moment ou un autre, le Guingois peut vous plaire. Et pour organiser ce joyeux bric-à-brac, on se réunit tous les premiers mardis du mois à 20h30, et vous êtes les bienvenus. » (Leguingois.com, 2023).
La structure protéiforme du café associatif perpétue l’esprit de coopération de la scène DIY, en invitant les locaux à concevoir la programmation du lieu. Chaque acteur du collectif ou du village peut être à l’initiative d’un événement (soirée jeux de société, dégustation de produits locaux, après-midi lecture…) qui cohabitera avec une performance de musique singulière. La souplesse des régies associatives nécessite une implication forte de la communauté organisatrice et de tisser un réseau d’entraide réactif (prêt de matériel, logement des groupes, catering, etc.). Mais certains territoires demandent un engagement plus fort pour aboutir à une cohabitation sereine. Nicolas a dû faire preuve d’un travail soutenu dans ses vignes avant d’organiser des soirées et de captiver l’attention d’un public profane :
Arrivant d’une autre culture plus urbaine, et n’étant pas natif du coin, il a d’abord fallu se faire accepter par les locaux au quotidien, ce qui s’est beaucoup fait par la valeur du travail. Ils m’ont vu aller bosser aux vignes tous les jours, sortir des bouteilles de la cave… (Nicolas, musicien dans L’Oeillère, vigneron et cotisant solidaire bénéficiaire du RSA, vit dans l’Aude, entretien du 31.08.2023)
Les acteurs de la scène alternative ne se contentent pas exclusivement d’un travail de création, mais participent au développement de l’économie, ou plus largement de la vie locale à travers des projets cohérents avec le contexte territorial. Parmi les artistes familiers des travaux saisonniers, des vendanges, des contrats précaires ou intermittents, les plus déterminés se projettent dans une activité durable. Ils s’exercent à l’élevage, au maraîchage, à la viticulture ou à la gestion de production. Ils s’organisent sous la forme de collectifs autonomes ou déclarés comme Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC), ou encore Société Coopérative et Participative (SCOP), des formes juridiques qui permettent une élasticité des activités exercées sur le site. Loin de l’autodidaxie du DIY assisté par ordinateur, de tels projets nécessitent de faire en commun et d’apprendre du savoir-faire local. Des structures comme La Clementinerie (collectif paysan), La Loutre par les cornes (ferme autogérée) ou encore Tomahawk (association culturelle, producteur de bière et de fromage) naissent d’émulations concitoyennes et proposent, en dehors de la programmation festive, un service lié à la valeur du terroir. Pour pérenniser ces pratiques, certains acteurs investissent dans leur terre tout en respectant une logique d’indépendance et d’autosuffisance.
Pour éviter les prêts bancaires requis pour l’acquisition d’un site, ils n’hésitent pas à lancer des campagnes de dons sur internet, faisant de chaque contributeur un porteur de projet. Les lieux abordables sont généralement à restaurer ou à adapter pour agencer le lieu de vie, les activités et les festivités. Les travaux s’organisent sous la forme de chantiers participatifs dans lesquels chaque contributeur apporte son savoir-faire. Cette logique participative, Do It Together, permet de restructurer un réseau artistique en marge sur l’échelle nationale. Les participants formateurs ou apprentis peuvent circuler de site en site pour soutenir les collectifs et faciliter les interconnexions en transmettant les pratiques manuelles et en recommandant des lieux ou des artistes en tournée. De fait, pour ces musiciens, ces mouvements de transmission participent au retour d’une communication numérique plus raisonnable. Les contacts des gérants des lieux se récupèrent grâce au bouche-à-oreille, les tournées s’organisent par appels téléphoniques et les annonces se font parfois hors des RSN (réseaux fédiverses, newsletters, flyers).
L’avantage de la campagne, c’est qu’on arrive à mélanger les publics, toutes les générations, les milieux sociaux et ça c’est assez apprécié par les groupes qui viennent jouer.
Un truc assez fou, c’est qu’on ne communique que sur mailing list, les gens s’inscrivent à l’entrée, et à chaque fois on a une vingtaine de nouvelles adresses mail, ce qui montre le le public se renouvelle beaucoup (Timo, organisateur de soirées pour le collectif Presbyt’Hair, vit dans le Lot, entretien du 20.11.2023)
L’exploitation d’un territoire en carence d’installations culturelles par la scène alternative participe à restaurer l’esprit de coopération de terrain propre à la scène DIY. Même si les musiciens sont conscients que la campagne n’est pas un Eldorado culturel, mais une itération grandissante du réseau alternatif pouvant comporter les mêmes écueils que l’underground urbain, leur souhait est de projeter leurs actions dans un temps long. En répondant aux contraintes spatiales (mobilité) et sociales (prix libre, cantine, cumul d’activités hétérogènes articulées aux moments festifs), cette scène alternative a su se libérer des clichés de la musique inaudible et s’inscrit spontanément dans un nouveau paysage culturel. Trop « noisy » pour les habitants des grandes villes qui pourtant se prévalent de défendre une culture underground, la musique alternative prend place dans des zones inattendues, remplaçant dans la durée les interventions éphémères des plans d’action gouvernementaux en faveur des territoires culturels prioritaires (Ministère de la culture, 2018). Par ailleurs, le caractère pérenne et réfléchi de ces installations rurales permet le temps long de création et offre de nouvelles intersections créatives avec une population paysanne longtemps privée d’offre culturelle, et riche de pratiques folkloriques séculaires.
En 2015, le groupe SEC travaillait sur une version philharmonique de leur duo basse batterie. Pensée comme une réadaptation des titres du groupe, l’Émeute Philharmonique de Sec a invité camarades et public sur scène pour réinterpréter leur répertoire, bousculant ainsi les hiérarchies de jeu en live. Lors de leur départ de la ville pour la campagne tarnaise, cette formule musicale trouve d’autres perspectives que celle de l’événement éphémère et radical. Habitués à l’organisation de concerts DIY en ruralité, et à la diversité des spectateurs de ces territoires, ils organisent entre novembre 2017 et juillet 2019 une série de rencontres avec les habitants de la commune de Fillols dans les Pyrénées-Orientales, dont l’objectif est d’impliquer l’ensemble de la population filloloises dans le montage de cette pièce musicale, sur la place du village. Le groupe, transformé en collectif autogéré, a travaillé avec ce public amateur sur des temps de répétitions (chorale, danse, pratique d’instruments), d’aménagement (cantines, camping, circulation) et de préparation (restauration, scénographie, techniques). L’implication de tous ces acteurs et la ferveur notable sur les archives du groupe témoignent de la puissance du faire en commun dans ces territoires isolés. Dans ce contexte, l’expérience de résidence DIY donne une autre couleur à l’œuvre de SEC, dans laquelle le rock bruitiste se mélange étonnamment à l’héritage des fêtes païennes paysannes (Burguière, 1991).
Ces croisements de profils de population provoqués par ces initiatives artistiques ont pu favoriser un dialogue entre les genres. La musique alternative actuelle, perméable, dialogue avec les musiques traditionnelles des régions françaises. De nombreux collectifs amateurs de ces scènes transverses et DIY travaillent sur des champs de recherche combinatoire, en articulant pratiques contemporaines et écriture vernaculaire. La Novia, collectif basé en Haute-Loire, réunit des musiciens professionnels résidant sur un large territoire (Auvergne, Rhône-Alpes, Béarn, Cévennes, Hautes-Alpes, Alsace), tous animés par l’exploration de points de jonction entre la musique savante et la musique traditionnelle du Massif Central. Inscrits dans la continuité des compositeurs atonaux ou minimalistes du milieu du XXe siècle, ils trouvent dans ces mouvements contemporains des « similitudes formelles, timbrales et acoustiques » avec les musiques traditionnelles (La Novia, 2015).
L’expérience du faire ensemble sur les territoires ruraux pourrait agir comme un catalyseur artistique. Les ruralités se révèlent être des laboratoires réactifs qui savent tirer avantage d’un environnement vaste encore préservé des modes de vigilances citadines évoqués ci-dessus. Entre et pendant les différentes périodes de confinement, un ensemble de musiciens éparpillés dans le sud-est de la France s’est organisé pour créer une formation musicale adaptée aux mesures sanitaires strictes, réglementant les déplacements dans l’espace public. Comment jouer pour tous, sans rassembler, en respectant les distanciations physiques, dans un lieu aéré ? En réponse à ces problématiques et au silence des multiples confinements, le projet Division Plastique a élaboré un instrumentarium DIY composé de multiples dispositifs électroniques embarqués et sonorisés, pensé pour une fanfare amateur. L’idée est de pouvoir déambuler en extérieur, en évitant les grands rassemblements et d’augmenter le nombre d’interprètes en incitant le public à fabriquer lui-même ses propres instruments à partir d’objets désuets. Même si le collectif n’a pas perduré, il a cédé une documentation technique importante, une méthodologie de la bricole à partir de ressources glanées, mais il a surtout véhiculé l’esprit d’audace, la capacité d’oser faire dans n’importe quel contexte, parfois sous les radars, pour continuer à faire exister la musique sous toutes ses formes.
La scène musicale alternative urbaine, fragilisée par la normalisation des espaces d’expression et les processus de gentrification, construit en ruralité des espaces musicaux et cohérents avec leur territoire. En renouant avec les principes concrets du DIY (bricolage, coopération de terrain), elle participe activement au brassage de cultures, créant dans les temps de festivités des zones de reconfiguration des modes d’écriture de la musique alternative contemporaine. Même si ce nouveau territoire sert la scène musicale alternative et le festif comme vecteur de sociabilité, quelques décalages de points de vue, de positionnements politiques entre artistes et populations locales sont encore perceptibles.
Nous avons donc aussi des choses à apporter, et des choses qui ne nous conviennent pas. Pour exemple, les sujets concernant le féminisme, la politique, les dérives new-age et conspi, et bien d’autres, sont souvent à reprendre à zéro en ce qui concerne la théorie. Je veux dire que beaucoup de voisins ne comprennent absolument pas de quoi nous parlons lorsque nous évoquons ces sujets […] Ces décalages peuvent être déroutants et frustrants dans certaines situations. Là encore, la démarche anti-snob est de mise pour nous, et nous cherchons à discuter et amener ces sujets, sans prendre pour autant le rôle de l’éducateur. (Nicolas)
Pour l’ensemble des enquêtés, ces dissonances font que les campagnes ne constituent pas un modèle d’adaptation idéal, mais un territoire de possibles, financièrement accessible, où l’expérimentation sonore est encore permise. Pour cette poignée d’artistes, le retour aux urbanités n’est pas planifié puisque leur situation sociale ou artistique est la conséquence d’une gentrification urbaine qui pousse soit à la paupérisation des musiciens alternatifs, soit à leur exclusion des divers lieux de diffusion.
Parallèlement à cet enthousiasme créatif, les ruralités suscitent l’intérêt de nombreux élus, politiques, syndicats et autres fédérations artistiques qui perçoivent dans ces initiatives une opportunité de rétablir un certain équilibre territorial et social. De nouveaux dispositifs publics participent activement au développement de structures culturelles en accompagnant les artistes dans leur projet et en priorisant l’offre et les pratiques artistiques pour les populations locales (Ministère de la culture, 2024). Dans le Plan culture et ruralité publiée le 11 juillet 2024, une proposition consiste à développer des « scènes culturelles de proximité » pilotée par les associations détentrices du nouveau label « Éducation populaire pour la culture », une autre à aider à rémunérer et déclarer les artistes se produisant dans les « lieux qui ne sont pas spécifiquement dédiés au spectacle vivant ». Initiatives compromettantes pour la scène alternative rurale puisque l’officialisation de lieux de diffusion et la régularisation des modes de rémunération sont deux facteurs qui ont participé à la normalisation administrative des lieux de culture des grandes métropoles, et qui peuvent être à nouveau le levier d’une standardisation des modes d’organisation d’évènements musicaux.
Alinaghi Keyvane (2023), « Followers, Likes, Vues : l’illusion d’une valorisation artistique par la quantification ? », Marges, n° 36, pp. 23-38.
Bel Arthur (2018), « Les squats, une alter-urbanité riche et menacée », Cahier de l’action, n° 51-52, pp. 79-86.
Bourreau Marc, Labarthe-Piol Benjamin (2004), « Le peer to peer et la crise de l’industrie du disque. Une perspective historique », Réseaux, vol. 125, n° 3, pp. 17-54.
Burguière André (1991), « La fête au village », dans Paysages et Paysans. Les campagnes européennes du Xe au XXe siècle, Paris, Nathan, pp. 146-187.
Canova Nicolas, Montagnat Morgane, Sourisseau Réjane (2022), « Musiques et ruralités. Entre idées reçues, singularités et opportunités », CNMlab, [En ligne]. https://cnmlab.fr/onde-courte/musiques-et-ruralites (consulté le 29 mai 2023).
Cardon Dominique (2019), « Les origines hippies de la culture numérique », dans Culture numérique, Paris, Les Presses de Sciences Po, pp. 46-55.
Charmes Éric, Elsa Vivant (2008), « La gentrification et ses pionniers : le rôle des artistes off en question » Métropoles, n° 3, [En ligne], https://journals.openedition.org/metropoles/1972 (consulté le 28 juin 2023).
Chaudieu Emmanuelle, « Grands voisins, Halle Papin, 6B… Et le squat devient fréquentable », Telerama, [En ligne]. https://www.telerama.fr/sortir/grands-voisins,-halle-papin,-6b…-et-le-squat-devient-frequentable,n5588351.php (consulté le 28 août 2023).
Correia Mickaël (2018), « L’envers des friches culturelles. Quand l’attelage public-privé fabrique la gentrification », Revue du Crieur, n° 11, pp. 52-67.
Clerval Anne (2013), Paris sans le peuple. La gentrification de la capitale, Paris, La Découverte.
Collectif Degeyter (2017), Sociologie de Lille, Paris, La Découverte, pp. 99-110.
Delfosse Claire (2011), « La culture à la campagne », Pour, n° 208, pp. 43-48.
Delfosse Claire (2015), « Patrimoine-culture en milieu rural : désert culturel ou foisonnement ? », Pour, n° 226, pp. 29-38.
Delfosse Claire, Georges Pierre-Marie (2013), « Artistes et espace rural : l’émergence d’une dynamique créative », Territoire en mouvement, vol. 19, n° 2, pp. 60-76.
Demazière Christophe (2017), « Le traitement des petites et moyennes villes par les études urbaines », Espaces et sociétés, vol. 168, pp. 17-32.
Deshayes Eric, Grimaud Dominique (2008), L’Underground musical en France, Marseille, Le mot et le reste.
Ferrand Laure (2009), « Comprendre les effervescences musicales. L’exemple des concerts de rock », Sociétés, vol. 104, n° 2, pp. 27-37.
Guibert Gérôme (2006), « Le fonctionnement rodé d’un oligopole de la production musicale centralisé », dans La production de la culture, Guichen, Éditions Mélanie Seteun, pp. 99-167.
Guibert Gérôme (2006), « Punk, DIY et multiplication des scènes locales », dans La production de la culture, Guichen, Éditions Mélanie Seteun, pp. 235-246.
Hein Fabien (2012), « Le DIY comme dynamique contre-culturelle ? L’exemple de la scène punk rock », Volume !, vol. 7, n° 1, pp.105-126.
Hennion Antoine (2007), « La représentation musicale », dans La Passion musicale, Paris, Métailié, pp. 324-338.
Le Rouilley Simon (2016), « Le cadavre est-il encore chaud ? Étude sociologique sur la portée et l’héritage de la scène DIY punk française », Volume !, vol. 13, pp. 157-171.
Lextrait Fabrice (2001), « Projets, aventures, friches, squats, fabriques : de nouveaux espaces publics en construction », Mouvements , vol. 17, pp. 62-69.
Matz Kévin (2012), « La culture au service du développement économique ou la neutralisation politique », dans Le politique, l’artiste et le gestionnaire (Re)configurations locales et (dé)politisation de la culture, Dubois Vincent (dir.), Bellecombe-en-Bauge, Éditions du Croquant, pp. 153-169.
Mortaigne Véronique, Vulser Nicole (2008), « Après la chute des ventes de disques, l’industrie musicale se recompose », Le Monde, [En ligne]. https://www.lemonde.fr/culture/article/2008/01/25/apres-la-chute-des-ventes-de-disques-l-industrie-musicale-se-recompose_1003673_3246.html (consulté le 29 août 2023).
Picaud Myrtille (2021), « Penser la plasticité des genres », dans Mettre la ville en musique. Paris-Berlin, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, pp. 134-138.
Picaud Myrtille (2018), « Les hiérarchies musicales. Entre art et argent », Savoir/Agir, vol. 44, pp. 21-27.
Pinard Juliette, Vivant Elsa (2017), « La mise en évènement de l’occupation temporaire : quand les lieux artistiques off inspirent les opérateurs in de la production urbaine », L’Observatoire, vol. 50, n° 2, pp. 29-32.
Porcher Amandine, Vacherand-Revel Jacqueline, Bobillier Chaumon Marc-Eric, Manon Moktari et Cuvillier Bruno (2016), « (In)Visibilité de l’art sur les réseaux sociaux numériques (RSN) : analyser l’acceptation des RSN par les artistes », Activités, vol. 13, n° 2.
Renier Romain, « Création : l’effet numérique, L’ère de l’autoproduction », Alternatives économiques, [En ligne]. https://www.alternatives-economiques.fr/lere-de-lautoproduction/00007422 (consulté le 29 août 2023).
Ribac François (2012), « Quand l’amateur rend le numérique analogique. L’exemple des musiques populaires », Revue d’anthropologie des connaissances, vol. 6, n° 3, pp. 717-741.
Richard Olivier, « À Paris, le rock ne tient plus les bars », Libération, [En ligne]. https://www.liberation.fr/musique/2018/09/28/a-paris-le-rock-ne-tient-plus-les-bars_1681904 (consulté le 19 juin 2024).
Roux Manuel (2023), « Comment circonscrire la scène DIY ? », dans Faire “carrière” dans le Punk. La scène DIY, Paris, Riveneuve, pp. 65-86.
Rulhes Christophe (2004), « Les terrains de la Musique. Les classements à l’épreuve du vécu », Sociétés, vol. 85, pp. 36-45.
Sagot-Duvauroux Dominique (2005), « Quel modèle économique pour les scènes de musiques actuelles ? », Volume !, vol. 4, n° 2, pp. 15-24.
Sahay Manish, « Which are the 10 Most Pirated Windows Software ? », The PC Insider, [En ligne]. https://www.thepcinsider.com/most-pirated-windows-software (consulté le 29 août 2023).
Seca Jean Marie (2009), « Le fil de la devise : les trois dimensions de l’authenticité dans les musiques populaires underground », Sociétés, vol. 104, n° 2, pp. 13 à 26.
Tessier Laurent (2003), « Musiques et fêtes techno : l’exception franco-britannique des free parties », Revue française de sociologie, n° 44, pp.63-91.
Tuaillon Demésy Audrey (2021), « Du bistrot aux concerts punks : fragments utopiques en territoire rural », Civilisations, n° 70, 2021, pp. 99-121.
Verdier Véronique (2012), « La valeur de la création musicale contemporaine dans le contexte de la globalisation », Filigrane, n° 1, pp. 139-151.
Thiebergien Benoît (2012), « Le transculturel dans la création musicale contemporaine », Filigrane, n° 1, pp. 51-58.
Ableton AG, « Magenta Studio : Free AI tools for Ableton Live », Ableton.com, [En ligne]. https://www.ableton.com/en/blog/magenta-studio-free-ai-tools-ableton-live (consulté le 29 août 2023).
AJITeR (2021), Plaidoyer Cultures, jeunesses et ruralités, [En ligne]. https://www.ajiterculture.org/articles--actus/plaidoyer (consulté le 2 septembre 2023).
Code de la santé publique, art. R1336-1, [En ligne]. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LEGISCTA000006178516/2021-04-08 (consulté le 9 février 2024).
CNM (2022), La diffusion des spectacles de musiques actuelles et de variétés en France, [en Ligne]. https://cnm.fr/wp-content/uploads/2023/01/CNM_CDLD_22_MaMA.pdf (consulté le 29 août 2023).
FGO Barbara (2023), « Jirafe 2023 - Journées de l’Innovation, la Répétition, l’Accompagnement, la Formation et l’Environnement », [En ligne]. https://fgo-barbara.fr/programmation/jirafe-journees-de-l-innovation-la-repetition-l-accompagnement-la-formation-et-l-environnement (consulté le 28 juin 2023).
IFPI (2022), La consommation de musique, [En ligne]. https://snepmusique.com/chiffres-ressources/la-consommation-de-musique-dans-le-monde-enquete-2022-ifpi (consulté le 29 août 2023).
JO n°0110, 11 mai 2017, texte n° 226, [En ligne]. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034679426 (consulté le 29 août 2023).
Insee (2021), La France et ses territoires. Accès à la culture, [En ligne]. https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/5040030/FET2021.pdf (consulté le 29 août 2023).
Insee (2023), Ségrégation résidentielle marquée à Lille, les autres pôles urbains du Nord plus mixtes, [En ligne]. https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/version-html/7661482/np_ina_158.pdf (consulté le 29 août 2023).
La Novia, « Flux », [En ligne]. https://www.la-novia.fr/flux.php (consulté le 27 juin 2023).
Le Guingois, « C’est quoi ? », [En ligne]. https://www.leguingois.com/index.php?static3/cest-quoi (consulté le 29 juin 2023).
Le Pôle (2017), Profils et conditions de vie des musiciens, [En ligne]. https://lepole.asso.fr/library/file/file/2017/10/EnqueteMusiciens.pdf (consulté le 28 août 2023).
London Metropolitan University, EuroNoize, [En ligne]. https://www.londonmet.ac.uk/news/articles/euronoize (consulté le 7 juin 2023).
Masi Bruno, « Café ou concert ? », Libération, [En ligne]. https://www.liberation.fr/culture/2002/02/28/cafe-ou-concert_395368 (consulté le 19 juin 2024).
Ministère de la culture (1998), Circulaire du 18 août 1998 sur les SMAC, [En Ligne]. https://cnm.fr/wp-content/uploads/2021/08/smac.pdf (consulté le 28 juin 2023).
Ministère de la culture (2018), « Culture près de chez vous : ce qu’il faut retenir du plan d’action pour l’itinérance », [En ligne]. https://www.culture.gouv.fr/Actualites/Culture-pres-de-chez-vous-ce-qu-il-faut-retenir-du-plan-d-action-pour-l-itinerance (consulté le 29 août 2023).
Ministère de la culture (2024), « Culture et Ruralité », [En ligne]. https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/culture-et-territoires/culture-et-ruralites (consulté le 15 décembre 2024).
Ministère du travail, de la santé et des solidarités (2023), « Qu’est-ce qu’un établissement recevant du public (ERP) ? », [En ligne]. https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F32351 (consulté le 29 juin 2023).
[1] Peter parle ici des musiciens qui partagent les locaux de la Malterie à Lille (lieu dédié à la création sonore) et qui explorent les langages musicaux contemporains en privilégiant une démarche d’expérimentation.
[2] La distro ou encore le merchandising sont des modes de distribution assimilés aux labels indépendants. Ils constituent un ensemble d’enregistrements physiques, d’accessoires qui accompagnent les artistes en tournée, généralement vendus en fin de concert.
[3] Au vu de la pluralité des facteurs sociaux et esthétiques qu’engage la musique alternative, nous serions tentés de parler des musiques alternatives. Mais comme ce champ musical engage un tout relationnel, dans lequel les profils hétérogènes et les esthétiques diverses ne se croisent plus mais cohabitent dans les mêmes espaces, nous utiliserons ici la musique ou la scène alternative au singulier.
[4] Nous pouvons essayer d’illustrer ce nouveau mouvement alternatif en prenant le groupe français Bégayer comme exemple. Ce trio synthétise remarquablement ces concepts de trans-musicalité, en composant une musique puisant à la fois dans le blues traditionnel, mais aussi dans un folklore bruitiste imaginaire. Pour ajouter à la singularité du groupe, leurs instruments sont bricolés, détournés ou augmentés.
[5] Le caractère informel n’est pas un paramètre lacunaire de cette étude, mais certains enquêtés ne souhaitent pas que leurs expériences soient relayées ou commentées. Dans ces milieux alternatifs, les outils et les méthodologies de transcription du chercheur sont parfois assimilés à des tactiques de surveillance. Par respect et considération, la confidentialité de certains acteurs de cette scène musicale a été respectée.
[6] L’ensemble des sources et des documents numériques qui ont nourri cet article sont disponibles sur la plateforme d’hébergement décentralisé et open source framagit à l’adresse https://framagit.org/keyvane/article_diy.
[7] Mot valise associant « share », « charity » (charité) et « rarity » (rareté). La sharity est un réseau de blogs de chroniqueurs musicaux qui publient illégalement des disques rares sur des services d’hébergement de fichiers.
[8] Nous qualifierons ici d’instrumentariums singuliers ou DIY les instruments de musique fabriqués hors des méthodes classiques. Nous pouvons inclure dans ce panel d’outils les instruments issus de la lutherie numérique (nouveaux instruments électroniques issus de la recherche acoustique), de la lutherie sauvage, ou détournement d’objets.
[9] Présentation du projet sur le site officiel https://www.chaudbouillon.earth (consulté le 19 juin 2024).
Alinaghi Keyvane, « Faire et faire entendre : quand la musique alternative compose avec ses contraintes spatiales », dans revue ¿ Interrogations ?, N°39 - Créer, résister et faire soi-même : le DIY et ses imaginaires [en ligne], https://revue-interrogations.org/Faire-et-faire-entendre-quand-la (Consulté le 30 janvier 2025).