Fraysse Patrick, Barthet Laure
Cette étude est issue d’un dialogue entre un chercheur en sciences de l’information et de la communication [SIC] (spécialiste en infocom du médiévalisme) et une conservatrice du patrimoine (archéologue et pratiquant l’histoire vivante). À partir de l’étude du cas de la reconstitution de la bataille de Muret en 2013 (commémorant la défaite des méridionaux en 1213 pendant la croisade albigeoise), la recherche consiste à questionner plus largement les mises en scène du Moyen Âge dans les fêtes populaires en période estivale nommées “médiévales”. S’inscrivant dans ce nouveau champ de recherche scientifique pluridisciplinaire qu’est le médiévalisme, les auteurs de cet article se livrent à une approche infocommunicationnelle des notions de valorisation, de reconstitution et de médiation du Moyen Âge dans l’espace public aujourd’hui. L’analyse de ce phénomène de création de dispositifs de médiation et de circulation de discours sur le Moyen Âge est confrontée à une observation empirique participante d’histoire vivante.
Mots-clés : médiévalisme, bataille, Muret, reconstitution, évocation
Muret 2013, reconstruction of a forgotten Southern medieval battle
This study arises from a dialogue between a researcher in information and communication sciences [SIC] (specialist in medievalism infocomm) and a curator of the heritage (archaeologist and living history practitioner). From the case study of the reconstruction of the Muret battle in 2013 (commemorating the defeat of the Southerners in 1213 during the Albigensian crusade), the research consists in questioning more widely the staging of the Middle Age in popular festivals in summer named ’medieval shows’. Within the new multidisciplinary scientific field of research that medievalism is, the authors of this article are engaged in an infocomm approach of the notions of valuation, reconstruction and mediation of Middle Age in the public space today. The analysis of the creation of mediation devices and circulation of speech on the Middle Age is confronted with a participating empirical observation of living history.
Keywords : Medievalism, battle, Muret, reconstruction, evocation
Depuis les nombreuses études en sciences humaines et sociales analysant ces phénomènes, nous savons désormais que parler de l’histoire en général et du Moyen Âge en particulier, à un public de non spécialistes, entraine des simplifications et parfois même une unification de la chronologie en un bloc monolithique. Les mille ans de la période sont en effet souvent résumés dans les médias, au grand dam des historiens, dans des personnages emblématiques, des événements célèbres et quelques stéréotypes. Les reconstitutions ou les évocations du Moyen Âge, dans ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui l’histoire vivante, tentent de rectifier ces travers dans une recherche de vraisemblance archéologique. Le Moyen Âge peut alors être étudié aujourd’hui tout à la fois comme une période de l’histoire, une notion et un objet de pratiques. Ainsi, différentes disciplines universitaires jettent un regard spécifique sur cet ’entre-deux’ : l’histoire et la littérature sont, depuis longtemps, parmi les plus engagées dans ces recherches mais, plus récemment, la sociologie, l’ethnologie et les sciences de l’information et de la communication (SIC) renouvellent le regard et les méthodes d’investigation.
Cette période ’moyenne’, située entre l’Antiquité et la modernité est par ailleurs devenue un « être culturel » [1] capable de circuler dans la société, les médias et l’espace public . Elle n’est plus uniquement envisagée en tant que période mais aussi comme une forme du passé ; les médias, l’industrie culturelle et les infrastructures touristiques se sont emparés du Moyen Âge. Le discours scientifique des laboratoires universitaires est concurrencé par un discours mythologique fictionnel ou touristique dans les ’lieux de médiévalité’ (roman, cinéma, jeux vidéo et « fêtes médiévales »). Les efforts déployés dans les ateliers de médiation des musées ou des monuments ou bibliothèques recevant du public pour reconstruire de la complexité se heurtent à la forte concurrence de l’industrie culturelle qui impose des idées reçues ou des poncifs. La dualité entre la recherche en histoire ou en littérature médiévales (la médiévistique), qui construit un discours scientifique, et la recherche sur la réception du passé médiéval dans la modernité (le médiévalisme) met également au jour une médiation du patrimoine médiéval qui cherche à cheminer entre savoirs scientifiques et culture populaire. Tous ces récits, scientifiques ou non, peuvent-ils donner une image authentique du Moyen Âge ? Peut-on véritablement, dans l’état actuel de la documentation ’reconstituer’ une bataille médiévale ? Que donne-t-on à voir de la réalité du combat médiéval ou comment évoquer les coutumes du XIIIe siècle par exemple ? Nous essaierons dans cet article de comprendre les fonctions que se donnent les acteurs de l’histoire vivante, entre reconstitution exigeante ou simple évocation.
C’est le regard des sciences de l’information et de la communication que nous proposons de poser sur une pratique originale du patrimoine médiéval, ses usages contemporains et ses détournements éventuels : la reconstitution (ou l’évocation) [2] en septembre 2013, à l’occasion de son huitième centenaire, d’une bataille médiévale méridionale oubliée, celle de Muret en 1213. L’approche infocommunicationnelle de ce phénomène repose d’abord sur l’observation du dispositif de reconstitution de la bataille, du comportement des acteurs qui se nomment eux-mêmes reconstituteurs et de la circulation du discours sur l’usage de l’histoire. Elle consiste également en une observation participante dans la mesure où nous avons nous-mêmes expérimenté cette reconstitution, dans les rangs des acteurs-reconstituteurs pour l’une et dans le public pour l’autre. Nous présentons d’abord le cadre général de l’analyse de ces modernités médiévales avant de décrire l’offre de médiation d’une troupe de reconstituteurs pratiquant l’histoire vivante et le spectacle médiévalisant pour questionner enfin les notions d’évocation et de reconstitution.
L’analyse de la reconstitution de la bataille de Muret s’inscrit dans le médiévalisme, nouveau champ de recherche sur la réception et les médiations du Moyen Âge dans l’espace public contemporain. Plusieurs disciplines questionnent le Moyen Âge en tant que notion qui procède davantage d’une grammaire de réception, où les acteurs de la médiation et les publics font évoluer les cadres traditionnels de présentation du Moyen Âge, que d’une période historique. Les expérimentations proposées, dans ces événements de reconstitution ou d’évocation médiévalisantes depuis quelques années, modifient jusqu’au lexique utilisé, où des mots anciens qualifient autrement des pratiques nouvelles.
Dans ce mouvement qui scrute, depuis le présent, le pourquoi et le comment de l’actualité du Moyen Âge, les historiens participent largement au débat. Tommaso Di Carpegna Falconieri et Benoit Grévin en 2015 se sont par exemple intéressés à un public inhabituel pour eux, les non-historiens. Ils précisent les raisons qu’ont ces derniers d’étudier le Moyen Âge et comment les médias ont permis une plus grande circulation dans la société de références au Moyen Âge ou d’informations concernant le Moyen Âge. Cependant, l’étude du goût pour cette période n’est pas un champ de recherche complètement nouveau en histoire. Christian Amalvi a analysé l’appétit et les usages sociaux du passé médiéval en 1996 et Joseph Morsel, dans une attitude métacognitive, s’est aussi posé la question, en 2007, de la place des médiévistes dans l’étude du Moyen Âge et de leur rôle face aux usages sociaux du passé.
Aux côtés de l’histoire, les réflexions sur les finalités de l’histoire du Moyen Âge intéressent également d’autres disciplines, dans ce que l’on appelle une perspective de réception, considérant différents canaux de diffusion de l’idée de Moyen Âge, comme la littérature contemporaine, la publicité, les jeux vidéo, le cinéma ou l’histoire vivante. Vincent Ferré, chercheur en littérature, fait le point sur la modernité du Moyen Âge et l’imaginaire médiéval (Ferré, 2010). Gérard Chandès, chercheur en SIC, a lui aussi envisagé ces questions de manière théorique en proposant un modèle sémio-pragmatique d’information et de communication appliqué aux représentations du Moyen Âge (2007). Ce sont l’image et l’imaginaire du Moyen Âge, les connotations contemporaines attachées à cette période, la perception du passé médiéval dans l’imaginaire collectif qui définissent le médiévalisme, notion théorisée dans l’introduction des actes du colloque Médiévalisme, modernité du Moyen Âge tenu à Metz Malbrouck en 2010.
Donner un nom, le médiévalisme, à ce domaine de recherche en émergence depuis une trentaine d’années en France était indispensable pour pouvoir à terme élaborer un cadre méthodologique et constituer un réseau de chercheurs.
Les sociologues ou les chercheurs en communication étudient de près, sur le terrain, les manifestations touristiques des fêtes médiévales ou des reconstitutions, en interrogeant les acteurs de l’histoire vivante sur leurs motivations. C’est ce que proposent dans leurs travaux Audrey Tuaillon Demésy (2014) ou Nicolas Baptiste (2016).
Cette offre de médiation de l’histoire est très variée. Ce que l’on appelle « spectacle historique » est une forme d’interprétation classique du patrimoine et de l’histoire. Cette expression renvoie aux manifestations d’animation du patrimoine depuis la visite guidée renouvelée jusqu’aux ateliers pédagogiques réalisés en costume en passant par les célèbres et anciens « sons et lumières » ou diverses reconstitutions. Toutes ces manifestations, que Sophie Lacour a rassemblées dans le sigle AHVP pour « Animations Historiques Vivantes du Patrimoine » (Lacour, 2009), sont liées à l’animation, à la médiation ou à l’interprétation du patrimoine. Elles procèdent du spectacle vivant, c’est-à-dire de la mise en scène de personnages en costumes, agissant pour illustrer ou pour éprouver une époque, un lieu, une thématique historique. Cela se pratique aujourd’hui autant dans les monuments et les musées que dans la rue, sur les places, au pied de remparts à l’occasion de fêtes ou d’événements particuliers. Il est donc utile d’observer ces phénomènes sociaux avec une autre grille d’analyse que celle de l’histoire.
Parmi ces spectacles en vogue aujourd’hui, le combat médiéval fait recette auprès des publics notamment dans la période estivale. Mais il n’est pas pratiqué partout de la même manière. Le souci historique et archéologique s’efface au fur et à mesure que l’on s’éloigne des lieux de conservation du patrimoine. L’organisation et la diffusion des connaissances changent de registre en fonction des contextes d’énonciation. Le combat à l’épée et les batailles en armure sont même devenus de véritables pratiques sportives et ludiques. Le combat médiéval appelé Béhourd réunit de nombreux adeptes. L’accent est mis sur l’exploit physique et le caractère violent du contact et le souci historique est très peu présent. En ce sens, le Béhourd se distingue des Arts Martiaux Historiques Européens (AMHE) qui, eux, entrent bien dans le registre de l’histoire vivante (Tuaillon Demésy, 2014).
L’histoire vivante procède d’une toute autre logique que celle du spectacle touristique et englobe des pratiques plurielles dont la reconstitution de bataille ne constitue qu’une facette (Tuaillon Demésy, 2014). Cette activité contemporaine propose une approche particulière du passé et du patrimoine, en mettant l’accent sur la re-création d’un savoir-faire militaire. Les participants souhaitent renouer avec l’histoire en choisissant une période très précise, en recréant des costumes et des objets médiateurs conformes aux connaissances archéologiques. Cette interprétation plus scientifique du Moyen Âge est un terrain d’observation privilégié qui permet aux professionnels du patrimoine comme aux chercheurs en sociologie ou ethnologie de retrouver, par l’expérimentation, des gestes techniques et de mieux comprendre l’utilisation d’équipements et d’objets collectionnés dans les musées. La dimension commémorative est par ailleurs particulièrement forte et peut se manifester sous la forme d’une minute de silence observée par les pratiquants avant ou après l’engagement (ce fut le cas par exemple lors des reconstitutions de la bataille d’Hastings 1066, mais également de Muret 1213). La reconstitution de bataille concentre ainsi deux aspects particuliers de l’histoire vivante : la dimension physique qui forme une part centrale de l’activité, et l’aspect spectaculaire, sous la forme de mêlées scénarisées ou non selon les cas, dans le cadre d’un règlement précis de pratique. La réalité historique est ainsi soumise à des ajustements pour présenter un « tableau guerrier » au public tout en garantissant la sécurité de tous (Tuaillon Demésy, 2014).
Dans cet état des lieux des pratiques de médiation et de diffusion de la notion de Moyen Âge, de nombreuses hésitations apparaissent quand il s’agit de nommer les activités. Les acteurs, en innovant dans l’organisation et dans un récit de ce qu’Olivier Renaudeau (2009) appelle « la Reconstitution Historique Archéologique » (RHA), utilisent un lexique non stabilisé pour nommer des pratiques parfois opposées. Emmanuel Paris, chercheur en sciences de l’information et de la communication, a montré les difficultés que rencontraient les membres de l’association Les Chevaliers du Comté de Boulogne pour nommer l’acte de reconstituer la vie quotidienne au XIIe siècle devant un public en grandeur nature, mais surtout pour être reconnus par les professionnels du patrimoine ou les chercheurs et distingués des animations de parcs à thèmes historiques (Paris, 2013).
Au-delà de ces pratiques et usages de l’histoire auxquels les observateurs peinent à trouver un nom générique et évident pour tout le monde (AHVP, AMHE, RHA…), il est aussi important de remarquer que les acteurs eux-mêmes hésitent dans leurs propres dénominations. La définition des termes particuliers de reconstitution et d’évocation contribue à déterminer l’apparition d’une sphère d’activité spécifique liée à l’histoire vivante.
Reconstituer dérive du verbe constituer, emprunté au latin classique constituere, littéralement « mettre debout ». Notamment employé pour décrire le fait de rétablir dans un état ancien un objet ou un édifice, il devient, au sens figuré, synonyme de l’activité intellectuelle permettant de faire revivre par l’évocation un événement passé (Rey, 2010 : 782). Évoquer, qui dérive également du latin vocare, est spécialement exploité dans le domaine spirituel pour signaler l’invocation des ombres et des enfers (Rey, 2010 : 793). Par extension, l’évocation dépeint l’action de remettre en mémoire, de faire apparaître à l’esprit, par des images ou des associations d’idées, des faits. Jessica de Bideran (2016) a montré que ces termes étaient utilisés dans des acceptions différentes dans des domaines d’activités pourtant proches : la restauration architecturale et/ou archéologique et les restitutions numériques de monuments disparus ou endommagés. Projeter ces mots dans le domaine de l’histoire vivante provoque de nouveaux glissements de sens et celle-ci impose peu à peu des interprétations qui se répercutent dans le domaine lexical. L’attention aux discours produits à l’occasion de la reconstitution de la bataille de Muret en 2013 permet de le montrer.
La bataille de Muret n’est pas la plus célèbre des batailles médiévales dont les historiens et les manuels se sont fait l’écho depuis le dix-neuvième siècle. Néanmoins, elle a été citée par l’historien médiéviste Georges Duby (1973) comme faisant partie des trois batailles majeures du treizième siècle qui ont changé le cours de l’histoire et les positions géopolitiques de l’Europe à cette époque, à savoir la bataille de Las Navas de Tolosa en 1212 en Espagne pendant la Reconquista, celle de Muret, petite ville au sud de Toulouse, en 1213 à l’occasion de la croisade albigeoise, et la plus célèbre, celle de Bouvines, près de Lille, en 1214.
Ces dates rapprochées ont permis, huit cents ans plus tard, d’organiser trois commémorations et reconstitutions. Ces trois batailles ont en effet fait l’objet de commémorations en 2012, 2013 et 2014 proposant trois mises en scène différentes, symptomatiques de l’offre contemporaine de médiévalité.
’L’histoire bataille’ a longtemps été une des formes principales du récit historique. Abandonnées par l’École des Annales qui lui a préféré ’les mentalités’ et l’histoire économique au milieu du vingtième siècle, les batailles sont redevenues un sujet digne d’intérêt avec la publication du livre de Georges Duby en 1973, Le dimanche de Bouvines : « Après Las Navas de Tolosa, après Muret, Bouvines a fixé pour des siècles le destin de tous les États d’Europe » (Duby, 1973 : 239). Georges Duby s’est attaché à donner à voir la guerre médiévale de l’intérieur même de la bataille, à plonger au cœur de l’action, invitant le lecteur à prendre le point de vue du chevalier en étant immergé dans les documents de l’époque, notamment la chronique de Guillaume le Breton (Fraysse, 2017). Ce faisant, il met en lumière le document médiéval qu’est la chronique tout en nous mettant en garde contre l’idée naïve de comprendre réellement les motivations des hommes d’armes du Moyen Âge, dont les mentalités profondes nous resteront, probablement, à jamais inaccessibles [3].
C’est l’historien médiéviste espagnol Martín Alvira-Cabrer qui a écrit le livre référence de la bataille de Muret de 1213 qu’il a titré El jueves de Muret (le jeudi de Muret) en écho au célèbre ouvrage de Georges Duby, le dimanche de Bouvines. Spécialiste de Pierre II d’Aragon, Martín Alvira-Cabrer a rassemblé et analysé les sources documentaires utiles à l’établissement des faits, des causes et des conséquences de la bataille de Muret. Les sources essentielles pour comprendre cette bataille sont évidemment les mêmes que celles de la croisade albigeoise puisque la bataille de Muret en est un des épisodes essentiels. Le paradoxe de cette bataille est que l’armée la moins importante en effectifs, celle des croisés français de Simon de Montfort, a vaincu la coalition des troupes toulousaines de Raymond VI et de celles de leurs ’cousins’ aragonais commandées par Pierre II. Celui-ci meurt dans la mêlée et, comme le rappelle Jean-Louis Biget dans son analyse anthropologique de la journée de Muret, « toute bataille médiévale est vécue comme une ordalie, c’est-à-dire comme un jugement de Dieu » (Biget, 2014). L’élimination précoce du roi d’Aragon (Pierre II) met donc un terme au combat même si sa poursuite aurait pu renverser la situation. Les combattants des deux camps, imprégnés de sentiments religieux, sont certains de l’assistance divine en faveur des croisés.
Huit cents ans après, comme cela se fait souvent à l’occasion de telles dates anniversaires, un colloque scientifique s’est réuni à Muret en septembre 2013. Parallèlement à ces recherches spécialisées en histoire médiévale, des commémorations plus ludiques et faciles d’accès ont proposé au grand public des festivités et des activités, que l’on peut qualifier de médiévalisantes : un marché médiéval à tendance folklorique et surtout une grande reconstitution de la bataille ont été organisés en septembre 2013.
Muret 1213-2013 a été pensé dès sa mise en œuvre comme un événement de reconstitution, à la différence des commémorations portées par les municipalités de Bouvines ou de Las Navas de Tolosa : cette activité exige que les participants observent une démarche historique et qu’ils se conforment à un certain nombre d’attendus dans la qualité des vêtements et des équipements représentés. La volonté de départ, affirmée très clairement, était donc de proposer une alternative aux fêtes médiévales et autres manifestations folkloriques organisées en Occitanie, dans le cadre de la commémoration des huit cents ans de la croisade albigeoise. Pour les organisateurs, il s’agissait de démontrer que les notions de rigueur historique et d’événement populaire n’étaient pas incompatibles.
Le projet a réellement pris forme en 2008 après un premier contact entre l’association de reconstitution historique Anmorelum Fratres 1213, la Ville de Muret et une association locale, le Rideau d’Arlequin. Les termes de l’accord passé furent les suivants : la municipalité acceptait de prêter un terrain et de consacrer quelques moyens de fonctionnement à trois éditions préparatoires (2010, 2011, 2012) et, en échange, les participants devaient proposer une manifestation publique pour l’année commémorative.
Muret 1213-2013 s’est donc positionné dès sa naissance à la croisée de deux intérêts a priori contraires : une démarche revendiquée de reconstitution, qui s’accompagne bien souvent de la volonté des pratiquants de privilégier l’entre-soi, et une ouverture au public dans un principe qui emprunte au monde du spectacle et à celui de la fête médiévale traditionnelle. Ce modèle hybride n’était pas inédit en 2013 : Muret s’est très largement inspiré de la reconstitution de la bataille d’Hastings 1066 (édition 2006 en particulier), tant dans le concept que dans les modalités d’organisation.
Notons avant d’entrer dans le détail de la reconstitution que le projet s’est heurté dans les tous premiers temps à deux obstacles d’égale importance. En France, les événements d’histoire vivante centrés sur le treizième siècle étaient encore rares au début des années 2000. Nous pouvons néanmoins mentionner le projet Bouvines 1214-2014 (nous parlons ici du collectif de reconstitution indépendant qui ne doit pas être confondu avec la commémoration folklorique portée par la Ville de Bouvines), qui a émergé quelques temps avant Muret Pour ce qui concerne le vivier de participants, de nombreuses associations médiévales du sud annonçaient travailler autour de la croisade albigeoise, mais les démarches documentées étaient finalement très peu nombreuses. Engager ce projet impliquait donc au préalable de développer l’intérêt pour une période très faiblement représentée dans le monde de l’histoire vivante et de favoriser en même temps une forme de progression collective des connaissances.
Un guide des costumes, véritable travail de recherche présentant les grands principes des usages vestimentaires et de l’équipement militaire au temps de la bataille de Muret, fut d’abord diffusé sur le site web du projet pour encadrer les réalisations. Un forum internet servit ensuite de lieu de partage, d’échange et de débat, selon un usage largement répandu au sein de la communauté. Il ne restait plus qu’à ouvrir les inscriptions, en précisant bien que les troupes devaient respecter le cahier des charges fourni par les reconstituteurs d’Anmorelum Fratres et se prêter à un examen de passage pour valider les costumes et les équipements.
C’est ainsi qu’eut lieu en 2010, sur le site de Four de Louge, à Muret, la première édition sans public du projet. Elle fut modeste, rassemblant une cinquantaine de reconstituteurs, mais permit de lancer le mouvement. Les éditions préparatoires se poursuivirent en 2011 et 2012, avec toujours plus de participants, permettant aux organisateurs de préciser leurs idées, jusqu’à déterminer ce que serait le format final présenté au public.
Tout projet de reconstitution est affaire de choix et de compromis : le projet Muret 1213-2013 ne déroge pas à la règle. Les limites de l’activité sont telles qu’il est tout simplement impossible de rassembler un nombre suffisant de combattants et plus particulièrement de cavaliers équipés selon les hauts standards de la reconstitution. D’une part parce que représenter un chevalier coûte cher, d’autre part parce que tous les participants potentiels ne savent pas monter à cheval en armes. D’une bataille de cavalerie, le projet Muret 1213-2013 a donc évolué vers une confrontation de piétons simulant des mouvements de cavalerie. La gestion d’un pôle équestre représente en effet un exercice difficile et le projet a connu son lot d’incidents. Monter en équipement complet, même dans le cadre de ces simulacres, est un défi périlleux qui demande un véritable entraînement et beaucoup d’engagement personnel. L’édition commémorative (2013) a tout de même permis de présenter un panel inédit de combattants à cheval avec une qualité satisfaisante voire très satisfaisante, et elle demeure encore aujourd’hui, tant pour les piétons (environ 150) que pour les cavaliers (20), le plus important rassemblement de reconstitution exclusivement dédié au treizième siècle en France.
Rappelons, pour finir de poser le cadre, que le décor d’origine faisait défaut. Le Muret médiéval a en grande partie disparu et la reconstitution ne prenait pas place sur le théâtre historique. Le terrain était cependant traversé par la rivière Louge qui joua un rôle important en 1213. La ville et ses remparts furent donc évoqués par une simple palissade percée d’une ouverture.
Le déroulement mis en œuvre pour l’édition commémorative devait intégrer l’interaction avec le public qui n’était pas présent lors des rassemblements précédents. En 2013, le samedi 14 et le dimanche 15 septembre de 14h à 16h, les 3000 spectateurs purent déambuler librement dans les campements et interagir avec les participants. À 16h15, tous les reconstituteurs se mirent en place et les visiteurs se dirigèrent vers les gradins et les espaces sécurisés. Afin qu’ils puissent suivre les actions présentées sur le terrain, un commentaire fut assuré au microphone à partir d’un texte préparé à l’avance. Le propos expliquait également la démarche de reconstitution historique. Tout le projet a donc été structuré autour d’un double objectif : celui de la médiation pour le public et celui de l’action pour les participants qui, selon un principe fondamental propre à l’activité, escrimaient réellement selon des règles de sécurité bien établies, sans avoir recours à des combats chorégraphiés. Seuls les mouvements de troupe étaient dirigés pour coller au scénario historique.
La représentation démarra par un défilé de l’armée méridionale, le roi d’Aragon en tête, afin que le public puisse découvrir les principaux personnages. Les reconstituteurs présents ce jour-là gardent un souvenir ému de l’acclamation inattendue du public quand le roi puis le comte de Toulouse furent annoncés par le narrateur. L’armée croisée ne connut pas les mêmes honneurs puisque c’est sous les sifflements des spectateurs que Montfort et ses chevaliers sortirent de la ville de Muret, symbolisée par la porte palissadée.
Suivit une présentation pédagogique des costumes, assurée par un membre d’Anmorelum Fratres 1213. Trois groupes de cinq combattants se détachèrent des rangs et prirent place devant le public afin d’illustrer les propos du commentateur : un archer (pour le costume civil), un combattant de bas statut, un piéton lourd (haubert), un chevalier méridional et un chevalier croisé.
Des manœuvres de piétons et piétons-cavaliers achevèrent la partie introductive, afin de battre en brèche quelques clichés sur l’art de la guerre au Moyen Âge, notamment l’image de charges confuses et désordonnées. Du point de vue de l’expérimentation des formations militaires historiques, cette opportunité de faire manœuvrer 150 piétons, selon un cadre d’ordre précis issu d’hypothèses de recherches, fut exceptionnelle.
Environ trente minutes après le début de la représentation, la bataille elle-même put commencer. La milice toulousaine ouvrit le scénario en portant l’assaut contre la porte de Muret : des combattants civils, équipés de pelles et de pioches, s’attaquèrent à la palissade symbolisant les remparts de la ville, tandis que des archers pilonnèrent la porte. Réagissant à cette agression, les croisés sortirent pour les déloger, puis affrontèrent d’autres miliciens équipés, cette fois, pour le combat de mêlée. Afin d’évoquer un moment clef de la bataille historique, les chevaliers méridionaux entrèrent sur le terrain pour reprendre le contrôle de la piétaille et l’enjoindre de cesser le combat. Les croisés en profitèrent pour regagner leur position. Quelques instants plus tard, Montfort – qui arrivait de Fanjeaux en 1213 – fit son entrée sur le champ de bataille, suivi au galop par ses chevaliers. Après être passé à bride abattue devant le public, il franchit la porte palissadée et entra dans la portion de terrain qui symbolisait la ville.
L’étape suivante du scénario fut consacrée à la fuite simulée par Montfort et ses chevaliers : les reconstituteurs croisés firent le tour du terrain au galop alors que les méridionaux criaient à gorge rompre « il fuit, il fuit ! Victoire ! ». Montfort et ses chevaliers ressurgirent par une autre entrée et les méridionaux se précipitèrent au centre du terrain pour les affronter. Des deux côtés, les belligérants formèrent trois corps. Les combats furent symbolisés par des assauts successifs, jusqu’à ce qu’un petit groupe de croisés atteignît le faux roi d’Aragon (un de ses chevaliers portaient ses armes afin de tromper les croisés) et le jetât avec précaution à bas de son cheval. La panique traversa les rangs, « Lo rei es mort ! Lo rei es mort ! », et c’est à ce moment précis que Pierre II se fit reconnaître par ses troupes. Représenté par un reconstituteur cascadeur de formation, le roi reçut un véritable coup de lance : le croisé Florent de Ville le chargea à cheval, équipé d’une arme en balsa. Le choc et la chute (évoquant la mise à mort de Pierre II) furent réels et les images qui demeurent de l’action sont impressionnantes.
Une fois le roi mort, les croisés massacrèrent les derniers soldats méridionaux, tandis que Montfort fauchait au galop les archers. Quand le silence se fit sur le champ de bataille, le chef de la croisade mit pied à terre et salua le roi d’Aragon. Quelques croisés relevèrent son corps, et il fut emporté sur une civière, sous les applaudissements du public.
La commémoration prit fin avec quelques instants de silence en l’honneur des combattants historiques et l’après-midi s’acheva autour d’un échange avec le public.
Comme tout univers alimenté par une communauté consciente d’elle-même, le monde de la re-création médiévale a développé son propre vocabulaire. Depuis la montée en puissance de l’activité dans les années 1990, des catégories particulières ont émergé et partagent désormais les pratiquants en deux grandes familles bien souvent opposées : la reconstitution et l’évocation.
Dans le monde du médiévalisme, la reconstitution, nous l’avons vu, se donne pour objectif le vraisemblable. Il ne s’agit pas de se déguiser selon ses goûts ou sa propre perception du Moyen Âge, mais bien de chercher à recréer, le plus fidèlement possible, un costume civil ou militaire selon une démarche rigoureuse. La première étape est de définir la période représentée avec précision. Pour qu’un vêtement soit cohérent, une temporalité courte de 20 à 30 ans maximum est requise. C’est ainsi que, par exemple, l’association Anmorelum Fratres 1213 se limite aux deux décennies 1200-1220 pour représenter ses personnages. Une fois la chronologie établie, il faut choisir le statut : un noble ne sera ni vêtu ni équipé comme un artisan ou un paysan (couleurs, matières, métrage varient en fonction des moyens de l’individu et des interdits). Le costume dit le statut social. Enfin, l’activité du personnage représenté a son importance : marchand, artisan, soldat… Le reconstituteur peut ainsi développer des outils, des accessoires ou des compétences conformes au profil envisagé.
Le contexte de la reconstitution étant établi, le pratiquant se lance alors dans un travail de recherche afin de collecter des sources de différentes natures : par exemple primaires et secondaires, iconographiques, textuelles, archéologiques… C’est bien cette démarche de recherche qui qualifie l’activité de reconstitution. Face à cet impératif, les pratiquants sont souvent inégaux : un reconstituteur qui a une formation d’historien ou d’archéologue, ou bien un accès facilité aux données, sera nécessairement privilégié. Mais de très nombreux pratiquants sont issus de milieux divers sans aucune formation préalable. La démarche s’apprend et le partage d’informations, via notamment les forums Internet, a grandement favorisé la montée en compétences de la communauté des pratiquants d’histoire vivante.
Toute médaille a cependant son revers : la reconstitution a créé ses propres mythes et ses propres forgeries. Des sources ont été mal interprétées ou surexploitées, certains pratiquants ont acquis une forme d’aura qui érige en vérité la moindre de leurs affirmations. La reconstitution n’est pas exempte de contre-vérités historiques ni même de pratiques de surconsommation : la standardisation des équipements, via notamment les marchands spécialisés qui déclinent à l’infini les mêmes modèles de casques ou de ceintures, la tentation de ne faire que reproduire ce que l’on a vu porté par un autre, contribuent à alimenter la spirale infernale qu’Olivier Renaudeau (2009) qualifie de « reconstatation historique ». Pour être scientifiquement satisfaisante, la démarche de reconstitution doit donc s’accompagner d’une remise en question permanente et d’un esprit critique particulièrement aiguisé.
À l’opposé se situe l’évocation. Autonyme (ce sont les pratiquants eux-mêmes qui ont choisi ce terme) qui devient synonyme, dans la bouche des reconstituteurs, de « playmobilisme » et de « merdiéval ».
L’évocation serait, tant pour ses pratiquants que pour ses détracteurs, tout ce que la reconstitution n’est pas. Elle se caractériserait par l’absence de démarche historique, l’absence de recherche, l’absence de volonté de se conformer à une réalité archéologique… L’évocation ne serait pas le désir de recréer le Moyen Âge historique (même si l’on sait que cet objectif est impossible), mais de créer ’son’ Moyen Âge (c’est-à-dire un univers médiévalisant). Ses pratiquants opposent ainsi le monde de la contrainte et de l’élitisme (la reconstitution), à celui du plaisir et de la liberté (l’évocation). On peut ainsi choisir de représenter un chevalier sans cheval, de porter une cotte d’arme synthétique au patron douteux, frappée des armes imaginaires du propriétaire, de brandir une épée à deux mains alors que l’on prétend représenter une troupe du douzième siècle et que cette forme d’escrime n’était pas pratiquée à cette période, etc. Il ne faut cependant pas confondre évocation et médiéval fantastique : point d’elfes ou de casques à ailes de dragon pour la première. Les pratiquants de l’évocation cherchent à faire du Moyen Âge vraisemblable.
La démarche pourrait apparaître comme totalement innocente. Elle ne l’est cependant pas si l’on se place du côté des professionnels de l’histoire et du patrimoine : la proportion d’évocateurs en France est bien plus importante que celle des reconstituteurs, en nombre d’associations déclarées et d’événements dédiés. C’est donc cette image folklorique du Moyen Âge qui est visible pour le public, sur les fêtes ou dans les médias traditionnels, d’autant que les pouvoirs publics, les collectivités, voire les musées, n’ont pas toujours la capacité à distinguer l’historique du folklorique – ce qui sous-entend en effet d’avoir conscience de cette distinction et de posséder des connaissances relatives aux usages vestimentaires et à la culture matérielle médiévale. Les commanditaires pensent parfois organiser un véritable événement de reconstitution médiévale en contractualisant des évocateurs, contribuant à la promotion d’une image du Moyen Âge qui ne tient pas compte des découvertes archéologiques et des connaissances historiques. C’est particulièrement problématique quand évocation se conjugue avec médiation : certains groupes d’évocation se mettent en situation de dispenser de l’information au public, en s’appuyant sur leurs re-créations pouvant être totalement éloignées des modèles archéologiques, alimentant l’implantation d’un médiéval déformé dans les esprits. Le travail de déconstruction des nombreux clichés déjà très présents pour la période en devient d’autant plus compliqué. Citons, par exemple, la qualité bien souvent médiocre des armures des évocateurs qui concourent à véhiculer l’image de protections corporelles lourdes, bruyantes et mal ajustées, sans aucun rapport avec les exemplaires archéologiques ; ou encore la présentation de combats à l’épée spectaculaires, mais souvent très éloignés des techniques historiques.
La définition du terme reconstitution que donnent les spécialistes de l’architecture lui confère une dimension d’interprétation qui consiste à imaginer l’état d’un bâtiment disparu et à donner une interprétation visuelle des parties manquantes sans le soutien de relevés ou de mesures archéologiques (Bideran, 2016). À l’inverse, la reconstitution en histoire vivante est une démarche qui se rapproche de l’archéologie expérimentale. C’est un lieu de rencontre des spécialistes qui testent des hypothèses tout en restituant le plus fidèlement possible les sources documentaires et archéologiques.
À l’opposé, l’évocation laisse une large part à l’interprétation qui est assumée et même revendiquée. Se voient ainsi redéfinis deux gestes patrimoniaux : la reconstitution, activité fortement spécialisée, lieu de rencontre de techniciens spécialistes d’une période précise, demeurant dans la démonstration, le dire et le voir ; et l’évocation, qui suscite par ailleurs des relations entre des individus qui pratiquent l’histoire par passion et en amateur, se situant au niveau de l’interprétation et du spectacle, illustrant le passé par l’image tout en lui conférant une certaine signification. Ces termes définissent in fine une série d’activités patrimoniales qui s’étendent du domaine de l’expertise et du savoir historique à celui de la fictionnalisation du passé, en passant par un mélange de connaissances historiques et de création artistique. En circulant ainsi, en milieu hétérogène, quittant les laboratoires universitaires, les revues spécialisées ou les salles des musées, la notion de Moyen Âge s’altère. La néo-médiévalité, qu’étudie le médiévalisme en tant que champ de recherche, engendre des « êtres culturels » (Jeanneret, 2008) dont le processus évolutif conserve cependant des éléments essentiels, des formes simples qu’il réplique dans la reconstitution ou l’évocation. Le chevalier, combattant en armure sur un champ de bataille simulé, est un de ces « êtres culturels », compris comme un ’objet’ circulant dans le social et la culture et y contribuant : à partir de « réplicateurs » [4] visuels (comme l’épée par exemple) circulant dans le présent, il est le véhicule d’un discours néo-médiéval et non le support d’une identité authentiquement médiévale impossible à appréhender réellement (Chandès, 2010) mais que la médiation scientifique peut permettre d’approcher.
Au final, nous pouvons dire que l’activité médiévalisante est placée face à un paradoxe que les acteurs impliqués doivent résoudre, à savoir que ce ne sont pas les acteurs les plus informés sur le Moyen Âge qui en parlent le plus : les reconstituteurs préfèrent bien souvent rester entre eux et ne veulent pas systématiquement s’engager dans une démarche de médiation, alors que les évocateurs sont précipités sur la place publique avec une audience très peu consciente de l’existence d’une alternative historique. En ce sens, le projet Muret 1213-2013 a tenté, à son échelle, de renverser la situation le temps d’un week-end.
D’une manière plus générale, on peut dire que certains acteurs du patrimoine ou du tourisme re-forment le Moyen Âge à leur façon, en allant même jusqu’à en proposer une vision globale ou en le traitant comme une catégorie quasiment réifiée, dans une matrice communicationnelle. La médiévalité se distingue alors autant du Moyen Âge des historiens médiévistes que l’italianité chez Roland Barthes (1964) de l’Italie. C’est cette distance entre les signes de médiévalité, observés sur le terrain des reconstitutions d’histoire vivante ou des évocations touristiques, et les objets de patrimoine authentiquement médiévaux, que nous avons tenté de mettre au jour pour comprendre comment se tissent les liens entre passé et présent, entre le public et les objets, entre la complexité des savoirs historiques et les représentations des contemporains.
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[1] Un « être culturel » est un objet qui circule dans le social et dans la culture, qui les transforme en les rencontrant. Cette notion est empruntée à Yves Jeanneret (2008) pour qui elle désigne un complexe qui associe des objets matériels, des textes, des représentations, et qui aboutit à l’élaboration et au partage d’idées, d’informations, de savoirs, de jugements.
[2] Dans le monde du médiévalisme, la reconstitution a pour objectif le vraisemblable et la recréation d’objets, de costumes ou d’événements, selon une démarche archéologique rigoureuse. L’évocation est une démarche moins scientifique qui laisse une large place à l’imagination et à l’interprétation. Muret 2013 procède de la reconstitution. Nous revenons sur cette question sémantique dans la troisième partie de l’article.
[3] Soulignons également que si l’on peut représenter une bataille, il reste impossible d’en saisir la ’réalité’, ne serait-ce que parce que les participants à une reconstitution ou une évocation ne risquent pas vraiment leur vie et parce qu’ils connaissent l’issue de la bataille.
[4] Gérard Chandès défini un « réplicateur » (par emprunt à l’anglais replicator) « comme une réalité dont la structure, la morphologie ou la ’matière’ ont une incidence sur ses possibilités d’être reproduite dans son environnement et de se propager » (Chandès, 2010 : 169).
Fraysse Patrick, Barthet Laure, « Muret 2013, reconstitution d’une bataille médiévale méridionale oubliée », dans revue ¿ Interrogations ?, N° 26. Le médiévalisme. Images et représentations du Moyen Âge, juin 2018 [en ligne], https://revue-interrogations.org/Muret-2013-reconstitution-d-une (Consulté le 21 novembre 2024).