Plusieurs travaux ont montré que la connaissance de la position sociale des ascendants est inégalement distribuée : selon que l’on soit ouvriers qualifiés ou non qualifiés, paysan, appartenant aux classes moyennes parisiennes ou à la bourgeoisie, l’amplitude de cette connaissance peut varier de trois à sept générations. Tout comme il existe une mémoire sociale, il existe un oubli social : de transmettre, de recevoir. Cet oubli est fonctionnel, c’est-à-dire qu’il prend place dans les rapports sociaux de transmission inter-générationnels, et qu’il est fonction du rôle de la mémoire dans la socialisation.
Cet article s’insère dans une étude plus vaste sur la mobilité sociale ouvrière. Nous examinerons dans celui-ci quels sont les caractères des groupes sociaux qui oublient la position sociale de leurs grands-parents, ainsi que la relation entre l’oubli et l’amplitude de la mobilité sociale. Nous terminerons sur les explications et ses fonctions, négatives et positives. Positive, lorsqu’il délivre d’une appartenance et ouvre la possibilité de trajets sociaux nouveaux ; négative, lorsqu’il constitue un handicap et se transforme en névrose de répétition et nécessite des formes de remédiation.
Mots-clefs : Mémoire sociale, oubli, transmission, génération, socialisation
Workers without inheritage
Several works have shown that according to your professional position, that is to say whether you are a blue-collar worker a skilled worker, a peasant or a member of Parisian middle or upper middle class your knowledge of your ancestors’ social position may vary from three to seven generations. Thus as there is a social memory there is also a social oblivion of passing on and of receiving. Oblivion is useful that is to say that it takes place in the social relationships of passing on between various generation and that it depends on the role attributed to memory in the way we socialize. This article comes within a large survey about social mobility among the working class. This survey will study the characteristics of the social groups don’t know anything about their grand-parents’ social position and the relation ship between oblivion and the range of the social mobility.
In final analysis we will study the rationale and its negative et positive functions. Oblivion is a positive thing when it gives you the opportunity to leave a certain social class and then makes it possible for you to have access to a different social category. It is a negative thing when it is an handicap and turns into a neurosis of repetition compulsion and requires certain means of remedial work.
Key words : Social memory, oblivion, passing on, socialization, generation
le présent des choses passées le présent des choses présentes
le présent des choses futures.
Et je trouve dans l’esprit ces trois choses que je ne trouve nulle part ailleurs :
le présent du passé, c’est la mémoire
le présent du présent, c’est l’attention
le présent du futur, c’est l’attente"
(St Augustin, Confessions)
Plusieurs travaux ont montré l’inégale répartition de la profondeur de la mémoire généalogique : si la bourgeoisie bénéficie actuellement de la plus grande profondeur (sept générations, soit le maximum anthropologique selon Françoise Héritier) et de la plus grande étendue [1], les classes moyennes se situent dans une position intermédiaire (idem) tandis que la paysannerie [2] et la classe ouvrière ont la plus grande méconnaissance de leurs origines [3]. Ceci était déjà pressenti par Maurice Halbwachs lorsqu’il écrivait : « La mémoire collective remonte dans le passé jusqu’à une certaine limite, plus ou moins éloignée d’ailleurs suivant qu’il s’agit de tel ou tel groupe » [4].
Comment se construit cette mémoire sociale en milieu ouvrier ? Nous verrons dans un premier temps les conditions de construction d’un concept d’oubli social familial. Dans un second temps, nous analyserons les données relatives à une population ouvrière sidérurgiste dont l’entreprise a fermé ses portes en 1993 (N=244). Nous distinguerons la population ouvrière ayant connaissance de la profession des grands-parents de celle qui l’ignore, en la mettant en relation avec le statut, le diplôme, le type d’alliance, la descendance et le devenir familial. Enfin, nous dégagerons des pistes pour expliquer les mécanismes à l’origine de l’oubli social, et les problèmes théoriques que cela pose : s’agit-il d’une pathologie sociale, dysfonctionnelle par nature, c’est-à-dire porteuse d’anomie nécessitant une remédiation ?
Ou bien, seconde piste, résulte-t-il d’une nécessité fonctionnelle, et si oui, est-il porteur d’une évolution sociale familiale positive ? Sinon, tout fonctionnel soit-il, s’agit-il d’un problème social auquel il convient de remédier ?
Maurice Halbwachs s’est rendu célèbre notamment pour ses deux ouvrages, publié l’un en 1925 (Les cadres sociaux de la mémoire) et le second en 1950, après sa mort (La mémoire collective). Cette construction de la mémoire comme objet répond à deux objectifs : tracer des frontières disciplinaires face à la psychologie et la philosophie (comme chez Durkheim), se doter d’un instrument explicatif des mécanismes de socialisation. Or la mémoire s’insère dans des formes de temporalité particulière : la socialisation est faite à la fois de continuité et de discontinuité, « de mémoire et d’oubli » [5]. La notion de mémoire collective est, pour Halbwachs lui-même, problématique : on perçoit qu’elle est le pendant des « représentations collectives » chez Durkheim. Le message disciplinaire adressé au lecteur est clair : on ne pense pas seul, mais toujours avec la société, au point où celle-ci définit ce qui est remémorisé, et le reconstruit si besoin est. Cependant, Maurice Halbwachs semblait lui-même gêné par cette notion de mémoire collective, pratique et utile lorsqu’il s’agit d’apparaître face à ses pairs des autres disciplines, mais pas nécessairement la plus adéquate quant à son objet – les conditions de la socialisation - et à son usage. C’est pourquoi apparaissent dans le corps de son texte les notions de mémoire historique et de mémoire sociale. Après avoir confronté dans un premier chapitre mémoire collective et mémoire individuelle, il l’oppose dans un second chapitre à la notion de mémoire historique [6]. Paul Ricoeur attire notre attention sur ce qu’il nomme une « découverte », en ce qu’elle constitue une « véritable acculturation à l’extériorité » [7], autre manière sans doute pour un philosophe de désigner le processus de socialisation. La mémoire résulterait donc d’un double processus d’intérorisation et d’extériorisation : intériorisation d’une expérience non vécue, transmise par la parole et par l’écrit (notamment à l’école, par les livres d’histoire), extériorisation d’une expérience personnelle, mais restituée à travers le prisme de la société : même seul, la société est toujours là. Toutefois, c’est moins la notion de mémoire historique, histoire épique, mythifiée, qui nous intéressera ici, que celle de mémoire sociale, avec laquelle Halbwachs semble la confondre. Or celle-ci renvoie à un autre niveau de réalité, bien plus opérationnelle pour ce qui nous concerne. Trois sens peuvent la définir : elle trouve son origine dans le social, c’est-à-dire dans la société ; elle est distribuée inégalement ; enfin, elle remplit une fonction sociale. C’est le deuxième point qui nous renvoie le plus directement à la notion d’oubli social, comme phénomène distinguant les différents types de mémoire selon leur étendue. L’oubli est généralement défini comme l’envers, pathologique, de la mémoire : il est un défaut de mémoire. Or l’étude de l’oubli spécifique aux lignées ouvrières révèle un phénomène non seulement distinct des autres catégories sociales, mais également distinct, au sein du groupe ouvrier, selon la dotation entre différents types de capitaux (culturels, scolaires,symboliques, social). De plus, loin d’être une « pathologie », il répond à des besoins fondés sur la position sociale et le type de parcours sociaux. L’oubli, parce qu’il est social, est actif [8] [9], et n’est pas sans rapport avec la mobilité sociale.
Le concept de champ, popularisé par Bourdieu comme champ de forces, de rivalités, entre joueurs différemment dotés en capitaux, a ceci de problématique que tout objet peut être qualifié de champ et devenir le prétexte à des usages sociologiques distingués. Pourtant une telle perspective est envisagée par Halbwachs dès 1925 lorsqu’il souligne les inégalités de position et les rivalités qui peuvent en résulter dans une même famille [10]. Bourdieu lui-même a consacré davantage ses travaux aux champs universitaires, scolaires ou journalistiques. Le fait qu’il les qualifie lui-même de peu autonomes leur retire une part de spécificité et d’homogénéité. S’agissant de la famille, il traitait plus volontiers des « systèmes de stratégies matrimoniales ». Pourtant, la référence à un champ familial apparaît à trois reprises dans son œuvre : dès 1985 au cours d’un entretien [11], puis en des termes presque identiques dans deux articles publiés en 1993 [12] et en 1994. Cette notion a inspiré deux travaux [13], l’un sur le processus d’autonomisation du champ familial à travers la généralisation du modèle individualiste, la famille devant un « producteur d’individus », l’autre questionnant les rapports entre l’Etat et le champ familial.
Nous traiterons ici le champ familial comme un espace de positions différenciées entre générations, ce qui donne un objet à l’oubli. Nous formulerons l’hypothèse que celui-ci ne s’exerce pas de manière aléatoire, mais se porte plus volontiers sur certains éléments de la généalogie en fonction de leur importance. Enjeu de luttes entre les vivants, il existe un usage social des ancêtres en tant que porteurs d’une valeur – ou d’une dévaleur - symbolique.
La population étudiée concerne tous les sidérurgistes ayant terminé leur activité au sein d’en 1993 une usine située à Mondeville (Calvados). Sur les 1300 salariés encore présents, 244 ont été interrogés sur leur mobilité sociale et professionnelle, et sur celle de leurs ascendants, descendants et collatéraux. Un des traits les plus frappants a été l’ignorance des professions de leurs grands-parents dans laquelle se trouvait un grand nombre d’entre eux. Tous n’étaient pas également frappés par cette forme d’oubli et l’oubli n’était pas sans conséquence sur les trajectoires sociales.
Les parents pauvres sont aussi les plus pauvres des parents » [14]. On ne s’étonnera pas de constater qu’au sein de la population ouvrière, ce sont les plus démunis en capitaux scolaires et ceux qui sont le plus voués aux tâches ingrates, dévalorisées, qui forment la population la plus « oublieuse » de la profession de leurs grands-parents. Distinguons tout d’abord l’oubli des orphelins, qui n’ont pu recueillir l’information de leur père ou de leur mère : ils sont 8 à ignorer la position de leur père, 6 celle de leur mère. Dans ce cas il n’y a donc pas « oubli », mais ignorance, par impossibilité de transmettre. Il n’en est pas de même pour tous les autres, dont les parents ont « oublié » de transmettre, et/ou qui ont « oublié » de recevoir. Ils sont un tiers des sidérurgistes interrogés dans ce cas, quel que soit le grand-parent, avec toutefois un taux d’oubli légèrement supérieur du côté maternel.
Tableau 1
GPP | GMP | GPM | GMM | |
---|---|---|---|---|
Ne sait pas | 37,6 | 37 | 39,3 | 40 |
Sait | 62,4 | 63 | 60,7 | 60 |
Si nous retenons ici l’ignorance de la profession du grand-père paternel (GPP) nous ne pouvons en déduire l’ignorance de la profession des autres grands-parents : parmi les oublieux, 14% connaissent la profession de leur grand-mère paternelle (GMP), 34% celle de leur grand-père paternel (GPM) et 33% celle de leur grand-mère maternelle. Si ceci semble s’opposer aux résultats du tableau ci-dessus (une plus grande ignorance frappant les lignées maternelles), cet oubli n’est pas univoque, unidirectionnel, il peut s’exercer selon les cas dans plusieurs directions à la fois selon l’histoire nationale (immigré ou non) et sociale (petits-enfants de journaliers ou d’ouvriers d’autres régions, en Lorraine notamment).
La relation scolarisation-oubli fait apparaître que les oublieux sont surreprésentés parmi les sans-diplôme ou « le niveau CEP » (celui-ci étant régulièrement évoqué même lorsqu’il n’a pas été obtenu) : ils représentent près de la moitié des non diplômés (47,5%) contre un tiers des diplômés (CAP, BEP, bac ou plus). Plus du tiers des oublieux sont sans diplôme (38%) contre moins du quart de ceux qui connaissent la profession de leurs grands parents. Les dispositions à l’acquisition des compétences scolaires se formant dès l’enfance au sein de la famille, on peut formuler l’hypothèse que les lignées courtes sont aussi celles qui socialisent - préparent - le moins intensément à cette acquisition, ou désignent le moins l’école comme un lieu légitime.
S’agissant des classifications, le taux d’oubli décroît régulièrement à mesure de l’ascension dans l’échelle sociale ouvrière. Les deux tiers ont débuté leur carrière en fabrication, là où le travail est le plus pénible et les qualifications les plus basses, là aussi où le capital symbolique est le moins important, les lignées ouvrières plus courtes et le taux de syndicalisation plus faible [15].
Le graphique suivant montre la corrélation existant entre oubli et classification :
Lecture : La moitié des manœuvres ignore la profession de leur grand-père paternel, contre 42% des OS et 31% des ouvriers professionnels.
Les fratries des « oublieux » sont aussi les plus nombreuses. 50 sidérurgistes ont déclaré être membres d’une fratrie de 7 enfants et plus (Maximum : 16). Si les familles nombreuses se répartissent également entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, on constate que plus les fratries se réduisent, moins les sidérurgistes ignorent les positions de leurs ascendants.
Graphique 2 : Part des oublieux selon la taille de la fratrie
Lecture : la moitié des sidérurgistes issus d’une famille de 7 enfants et plus ignore la profession de ses grands-parents. Ils ne sont plus que 29% parmi les fratries de 1 à 3 enfants.
Membres de familles plus nombreuses, on pourrait attendre une plus grande présence familiale et par suite un plus grand capital social au sein de l’usine. Les chiffres nous indiquent le contraire : si l’on additionne le nombre de frères, cousins et oncles qui travaillent ou ont travaillé dans la même usine, on s’aperçoit que 4,5% des oublieux n’ont pas de famille à l’usine contre 1,3 % des autres. Moins diplômés, il s’agit probablement de lignées nouvelles dans l’usine (47% sont nés entre 1941 et 1950), l’école technique étant réservée aux enfants du personnel.
Enfin, les oublieux sont surreprésentés parmi les descendants d’étrangers (cette descendance se rappelant par le nom, fréquemment polonais, ukrainien ou russe) dont ils représentent 44%, contre le tiers parmi ceux qui ne se connaissent aucune ascendance étrangère. Le déracinement serait un principe explicatif fort.
Si l’on accepte l’hypothèse (souvent vérifiée) que le choix du conjoint est un indicateur de la mobilité sociale, les oublieux sont voués à une forte reproduction : Près de la moitié des oublieux (47 %) ont épousé une femme sans diplôme, contre un peu plus d’un tiers (38 %) des autres. Au cours de leur carrière dans l’usine, qui, en se modernisant, a qualifié les tâches et par suite élevé le niveau de qualification ouvrière (la classification « manœuvre » disparaît dans les années 50, les années 80 verront le déplacement massif des OS en ouvriers professionnels, les moins performants étant les premières victimes des plans sociaux des années 1986 à 1988), les encouragements à la formation sont nombreux, les opportunités d’élévation réelles. Or parmi les oublieux, on compte 87 % d’OS promus en professionnels, agents de maîtrise ou plus. Si ce pourcentage peut sembler important, celui-ci doit être mis en rapport avec la politique de qualification menée par l’usine et comparée avec le taux de promus des autres sidérurgistes. Or celui-ci s’élève à… 98%, soit la quasi totalité de ceux qui ont pu commencer comme manœuvres et OS. L’oubli est donc bien un prescripteur d’une plus forte immobilité sociale. Compte tenu des difficultés à venir, puis de la fermeture de l’usine, on pouvait donc craindre qu’ils ne figurent parmi les principales victimes de celle-ci. C’est ce que confirment les résultats : dix ans après la fermeture, ils sont 17% à être au chômage parmi les oublieux, contre 10% pour l’autre catégorie.
Ceci confirme la proposition de Michel Bozon (1984) selon laquelle « le recours à la mémoire familiale verticale » est valorisant et plus fréquent chez les ouvriers en ascension sociale. Ce résultat avait pourtant été invalidé en 1986 par Claude Thélot et François de Singly qui voyaient dans la mémoire un effet de l’ancienneté dans une position sociale élevée, ne distinguant pas les ouvriers en ascension des autres [16]. Mais le champ d’étude n’est pas le même : ici, l’histoire de l’usine s’étend sur 70 ans et concerne souvent les mêmes dynasties, même si celles-ci ne furent pas toujours de création homogène, ni historiquement, ni géographiquement, on peut parler de « melting pot » usinier.
Dans son livre « La famille-objet », rapporte Michel Bozon [17], Martine Segalen explique comment le principe de sélectivité dans la mémoire des parents morts est caractéristique du système de parenté occidental, qu’il fonctionne comme un système de repérage social [18]. Cette fonction est remise en cause à travers l’oubli des grands-parents. S’ils disparaissent de la mémoire, c’est du fait de leur absence d’utilité sociale, n’étant porteurs d’aucun statut symbolique, nul avantage, nul prestige ne pouvant découler de cette connaissance. Car finalement, de quoi serait composé cet héritage ? Gérard Mauger qualifie celui-ci de « patrimoine matériel et culturel (envisagé du point de vue de sa conversion en capital scolaire) des familles populaires […] petit, nul ou négatif » [19]. Si l’on ajoute que la structure des capitaux se compose également du capital social (réseau relationnel) et du capital symbolique (prestige acquis dans son milieu), dont les quantités sont du même ordre, on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas seulement de défaut d’un type particulier de capital dans la structure mais du volume global de celui-ci. L’enjeu de cette transmission étant « le maintien, l’amélioration ou la détérioration de la position sociale atteinte par la lignée » [20], on conçoit que la mémoire collective ne fasse pas référence à l’ancêtre qui n’a pas su/pas pu accroître le bien-être de sa descendance [21] : les familles bourgeoises n’agissent pas autrement, qui « oublient » la lignée –maternelle ou paternelle- ou, à l’intérieur de celle-ci, celui qui a dilapidé une partie du patrimoine familial [22].
L’oubli aurait donc pour explication l’absence de fonction, ou d’utilité, pour la trajectoire collective familiale (ce qui explique que les parents ne transmettent pas) et sa propre trajectoire individuelle (ce qui explique que l’on ne reçoit pas ce que l’on n’a pas requis) : « On choisit ce qui compte » [23]. C’est la conclusion que l’on peut tirer de la mémoire des familles bourgeoises, pour lesquelles la famille élargie fait l’objet d’une « véritable pratique sociale » [24]. C’est pourquoi il n’est pas exagéré de parler comme le fait Béatrix Le Wita « d’usages sociaux de la parenté » [25]. Ceci est-il suffisant ? Ne pourrait-on assister à de tels usages sociaux parmi les familles ouvrières, dans la mesure où il s’agit en l’occurrence d’usages moins symboliques que pratiques ? C’est oublier les différences de niveau de qualification et de spécialisation et l’importance des « usages sociaux du voisinage » ou des collègues de travail dans le cadre du mode de vie ouvrière. Compte tenu de la nature des services rendus - bricolage dans la maison, garde d’enfants - une connaissance pratique de l’espace ouvrier est plus utile que celle de la généalogie.
Cet usage pratique n’épuise pas la question. Claude Thélot et François de Singly ont sans doute raison lorsqu’ils écrivent que « l’enracinement dans un statut social semble bien être un facteur déterminant dans la mémorisation de données généalogiques » et plus loin : « Au sein des ouvriers, le clivage principal sépare ceux dont le père est paysan et ceux dont le père ne l’est pas » [26]. Ainsi posée, la question est résolue non de manière fonctionnelle, mais en terme de condition de possibilité. C’est la question de la continuité qui est posée [27], l’oubli étant un marqueur des discontinuités des lignées lorsque celles-ci changent de manière importante de statut (rural/urbain, indépendant/salarié, agricole/ouvrier).
Alors que, selon Béatrix Le Wita, « pour les bourgeois, la mémoire fonctionne comme un capital accumulé et transmis depuis plusieurs générations » [28] dans la mesure où, pour la classe ouvrière, celle-ci ne fonctionne pas comme capital, la question de son accumulation ne se pose pas, ou en tout cas, pas dans ces termes et ne saurait revêtir la même fonction.
Reste à répondre à une ultime question : L’oubli constitue-t-il une pathologie sociale, signe d’une dysfonction, à l’origine de souffrances sociales et nécessitant des remédiations ? Ou au contraire, s’agit-il d’un phénomène normal, nécessaire à la régulation de l’ensemble social considéré [29] ?
La psychanalyse et la psychologie prêtent volontiers une fonction négative à l’oubli. Pour Freud, l’oubli est attribué à un « barrage » [30]. A l’origine de l’oubli, le refoulement [31], qui tient éloigné du conscient tout ce qui est susceptible de provoquer un déplaisir. Celui-ci tient une place centrale dans la construction de la psychanalyse, car il est constitutif du noyau originel de l’inconscient [32]. Ce refoulement se traduit par des inhibitions [33], des contraintes de répétition. Dès lors, la fonction thérapeutique de la psychanalyse consiste à contourner la résistance du malade par l’interprétation de ses symptômes, la communication de ses résultats au malade et combler les lacunes du souvenir.
On mesure la différence avec les conceptions sociologiques de la pathologie sociale. Pour Durkheim, le crime n’est pas pathologique s’il se produit en moyenne de la même manière pour l’ensemble des sociétés comparables selon le niveau de développement considéré. Pourquoi en serait-il différemment de l’oubli ? Après tout, phénomène répandu au sein d’un même groupe social, il a valeur de fait social moyen et échapperait à la qualification de pathologique. Toutefois, il ne saurait laisser indifférent par ses conséquences : corrélé avec un fort taux d’immobilité sociale, on est frappé par l’analogie avec le « syndrome de répétition » qui conduit à répéter la position sociale des pères et à demeurer un immobile professionnel [34]. Dès lors, la question d’une remédiation, est posée pour encourager une ascension sociale qui ne trouve pas dans des facteurs internes à la famille sa dynamique propre.
Il est absolument impossible de vivre sans oublier » [35]. Certains psychologues [36], mais bien davantage certains écrivains [37], des sociologues et anthropologues ont appréhendé l’oubli comme un phénomène positif. Pour Halbwachs (1925) la société fonctionne sur l’oubli des contraintes car « si l’homme ne voyait que la contrainte du passé, il n’aurait aucun élan vers la société ». Dans ce cas, c’est l’hypermnésie qui est pathologique, c’est l’oubli qui est normal. En effet, la mémoire ne se confond pas avec l’événement : celui-ci peut-être différent, oblitéré, réinterprété. L’oubli est la condition de la mémoire, car c’est lui qui lui donne du sens. C’est pourquoi même parmi les familles qui ont une mémoire longue de leur généalogie, les ancêtres les moins glorieux –ceux qui ont simplement profité de la fortune familiale, ou qui l’ont dilapidé, ne sont tout simplement pas évoqués. Mais si « l’oublieuse mémoire n’est pas toujours un champ de ruines, elle peut être un chantier » [38], il reste que la corrélation entre oubli des grands parents et misère sociale, d’une part, profondeur de la connaissance généalogique et position dominante, d’autre part, est trop forte pour que l’on puisse conclure nécessairement au bonheur de la page blanche sur laquelle tout est possible.
Les temporalités familiales sont sociales, c’est-à-dire attachées à des groupes sociaux : longues pour les familles aristocratiques et bourgeoises, courtes pour les familles ouvrières. La fortune n’est pas ici seule en cause : la structure des capitaux est plus complexe. La paysannerie, parce que la généalogie est un repérage social commun au groupe villageois, les ouvriers qualifiés, souvent intégrés depuis plus longtemps dans l’espace usinier, ont une mémoire généalogique plus longue, qui, parce qu’elle renvoie à des alliances matrimoniales passées, est constamment rappelée.
Si l’oubli peut être défini comme l’envers de la mémoire, la proposition est commutative : la mémoire peut être définie comme l’envers de l’oubli. L’oubli est actif, il est symptôme d’une position sociale, mais pas seulement : à qualification et classification d’origine égales, la mobilité sociale est beaucoup plus importante chez les sidérurgistes qui ont connaissance de leurs grands-parents, généralement pour les avoir connus. Certes, cette connaissance personnelle est utile pour connaître la profession de ses grands-parents : on comprend que la réponse souvent faite, « vous savez, je ne les ai pas connus », se justifie dans une certaine mesure. Mais l’explication réside moins dans l’absence des grands-parents - il existe d’autres membres de la lignée et/ou du voisinage en capacité de la rappeler, et les ressources administratives pour avoir l’accès à cette connaissance existent - que dans l’absence de fonctionnalité de cette information : celle-ci n’est porteuse d’aucune perspective pour la lignée, c’est-à-dire d’aucun capital, symbolique ou relationnel. A l’opposé de l’échelle sociale, la bourgeoisie connaît l’histoire d’ancêtres qu’elle n’avait aucune chance de connaître. Si l’on s’accorde sur le fait que la mémoire, en rupture avec une réduction psychologisante, est d’abord la mémoire d’un groupe social et justifie le terme de « mémoire sociale », alors l’oubli est lui-même significatif d’une appartenance, d’un univers des possibles qu’il révèle et contribue à reproduire.
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[1] « La moitié des interlocuteurs bourgeois a cité entre 50 et 100 parents, l’autre entre 150 et 300. », B. Le Wita, Ni vue ni connue, Editions de la Maison des sciences de l’homme, 1988, p.139.
[2] M. Segalen, « Quinze générations de Bas-Bretons. Mariage, parentèle dans le Pays bigouden sud 1720-1980 », thèse Paris V, 1984.
[3] C. Thélot et F. de Singly, « Racines et profils des ouvriers et des cadres supérieurs », Revue française de sociologie, janvier-mars 1986.
[4] M. Halbwachs, La mémoire collective, [1950] ; édition critique établie par Gérard Namer, préparée avec la collab. de Marie Jaisson Paris, A. Michel 1997, Bibliothèque de l’Evolution de l’humanité (Coll.), p.77.
[5] P. Sabourin, « Perspective sur la mémoire sociale de Maurice Halbawachs » in Sociologie et Sociétés, vol. XXIX n°2, automne 1997, p.139.
[6] « Il y aurait donc lieu de distinguer en effet deux mémoires, qu’on appellerait, si l’on veut, l’une intérieure ou interne, l’autre extérieure, ou bien l’une mémoire personnelle, l’autre mémoire sociale. Nous dirions plus exactement encore : mémoire autobio¬graphique et mé¬moire historique. La première s’aiderait de la seconde, puisque après tout l’histoire de notre vie fait partie de l’histoire en général. Mais la seconde serait, naturellement, bien plus étendue que la première. D’autre part, elle ne nous représen¬terait le passé que sous une forme résumée et schématique, tandis que la mémoire de notre vie nous en présenterait un tableau bien plus continu et plus dense. » M. Halbwachs, 1950, op. cit., p.32.
[7] P. Ricoeur, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Le Seuil, L’ordre philosophique (Coll.), 2000, p.513.
[8] « Les contributions de l’oubli ne sont pas l’envers de la mémoire, mais plutôt la condition de leur opérationnalisation. L’oubli est actif. », A. Muxel, Individu et mémoire familiale, éd. Nathan, Essais & Recherches, série « Sciences sociales » dirigée par François de Singly, Paris, 1996, p.40.
[9] « le contenu refoulé reste donc psychiquement extrêmement actif, et souvent producteur d’angoisse, de rêves et de symptômes. […] L’oubli est un contenu psychique soustrait à la conscience, mais de façon dynamique, du fait d’un conflit psychique. Il n’est pas lacune, mais défense. », D. Bourdin, De l’oubli : dynamique du fonctionnement psychique, Paris, A. Colin, Cursus Psychanalyse (Coll.), 2004, p.38.
[10] « Quand, des deux filles du père Goriot, l’une épouse un comte, l’autre un riche banquier, elles tiennent leur père à distance et effacent de leur mémoire toute la période de leur vie qui s’est écoulée dans un milieu sans distinction. Ici encore on peut dire que le mariage n’a pas créé des familles nouvelles, qu’il a permis seulement à d’anciennes familles de s’accroître de membres nouveaux. Mais quand deux personnes de même niveau social s’unissent, des traditions familiales de force comparable s’affrontent. Aucune de deux familles antérieures ne peut prétendre qu’il lui appartient d’absorber en elle l’époux qui est issu de l’autre. », M. Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, postf. de Gérard Namer, Paris Albin Michel, 1994, Bibliothèque de L’Évolution de l’humanité (Coll.).
[11] « Les stratégies matrimoniales sont souvent la résultante de rapports de force au sein du groupe domestique et ces rapports ne peuvent se comprendre qu’en faisant appel à l’histoire de ce groupe et en particulier à l’histoire des mariages antérieurs. […] La lutte entre le mari et l’épouse peut s’effectuer par belle-mère interposée. Le mari peut avoir aussi intérêt à renforcer la cohésion de la lignée, par un mariage interne. […] l’espace social, dans lequel les distances se mesurent en quantité de capital, comme l’espace généalogique dans d’autres sociétés, définit des distances, des proximités et des affinités », P. Bourdieu, « De la règle aux stratégies », Terrain, Numéro 4 - Famille et parenté (mars 1985), URL : http://terrain.revues.org/document2&hellip ;.
[12] « la famille,[…] tend toujours à fonctionner comme un champ, avec ses rapports de forces physique, économique et surtout symbolique (liés par exemple au volume et à la structure des capitaux possédés par les différents membres), ses luttes pour la conservation ou la transformation de ces rapports de forces (avec des stratégies spécifiques de sociodicée, dont participe la représentation dominante de la famille), etc. : les forces de fusion (affective notamment) doivent sans cesse contrecarrer ou compenser les forces de fission. », P. Bourdieu, « À propos de la famille comme catégorie réalisée », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°100, décembre 1993, p. 32.
[13] Rémy, Voyé et Servais « Produire ou reproduire. Une sociologie de la vie quotidienne, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, tome 2 : Transaction sociale et dynamique culturelle, 1991 et R. Dandurand et F-R. Ouellette, « Famille, Etat et structuration d’un champ familial », Sociologie et sociétés, vol. XXVII, n°2, automne 1995, p.103-119.
[14] P. Bourdieu, « les stratégies matrimoniales dans le système de reproduction », Annales ESC, juillet-octobre 1972, n°4-5, 27, p.1109.
[15] J-P. Terrail, « Destins ouvriers, cultures d’entreprise et pratiques syndicales », volume deux : l’acier et les camions, vies d’usines, Rapport de recherche présenté par le CRESF (Centre de recherches et d’études sur la société française), 1986.
[16] « Les individus en ascension (cadres supérieurs, fils d’ouvriers ou de paysan) déclarent moins souvent que les enracinés dans les classes supérieures (cadres supérieurs, fils de cadre supérieur) la profession de leur grands-pères alors que les individus en déclin (ouvriers, fils d’employé ou de cadre) ne se souviennent pas plus souvent que les enracinés dans la classe ouvrière (ouvriers, fils d’ouvrier) de leurs grands-pères. La mémoire de l’identité sociale de ses ascendants ne semble donc pas, dans le cadre spécifique d’un questionnaire sur la vie professionnelle, caractériser le groupe des mobiles ascendants ; par contre l’ancienneté relative dans les classes supérieures favorise la mémorisation du passé ou, plus exactement, son expression devant l’enquêteur. », F. de Singly et C. Thélot, op. cit., p. 49.
[17] Note critique sur un livre de M. Segalen, « La sociologie de la famille », Revue française de sociologie, XXV, 1984, pp. 120-134.
[18] M. Segalen, La sociologie de la famille, Paris, A. Colin, Coll. U, 11, 1981.p.85.
[19] G. Mauger, Mauger Gérard, « Les Héritages » in Les rapports sociaux et leurs enjeux, séminaire du centre de sociologie urbaine 1986-1988, animé par Michel Freyssinet et Susanna Magri, 1989, p.115.
[20] Ibid, p.119
[21] « Dans la transmission essentiellement implicite du capital culturel ou de l’ethos familial, c’est le maintien, l’amélioration ou la détérioration de la position sociale atteinte par la lignée qui est en cause. », Ibid, p.119.
[22] Béatrix Le Wita, « Mémoire : l’avenir du présent », Terrain, Numéro 4 –Famille et parenté (Mars 1985), http://terrain.revues.org/document2&hellip ;
[23] J. Bollack, « Mémoire/oubli », Vocabulaire européen des philosophies. Dictionnaire des intraduisibles, Paris, Seuil, 2002, p.775.
[24] B. Le Wita, Ni vue ni connue, op. cit., p.42.
[25] « Dans sa parenté lointaine, il fréquente un médecin (devenu le médecin de famille), un chirurgien (devenu le chirurgien de la famille), un inspecteur des finances (devenu le conseiller fiscal de la famille) sans oublier un architecte en chef des Monuments historiques (devenu le conseiller des travaux à entreprendre dans le château de la famille). », idem, p.42.
[26] C. Thélot et F. de Singly, 1986, op. cit., p.82.
[27] P. Sabourin, « Perspective sur la mémoire sociale de Maurice Halbawachs », Sociologie et Sociétés, vol. XXIX n°2, automne 1997, p.139.
[28] B. Le Wita, 1985, op. cit..
[29] Sur cette question du normal et du pathologique dans le domaine de la sociologie, voir le chapitre 3 des règles de la méthode sociologique de Émile Durkheim. Celui-ci décrit ainsi le normal : « 1º Un fait social est normal pour un type social déterminé, considéré à une phase déterminée de son développement, quand il se produit dans la moyenne des sociétés de celle espèce, considérées à la phase correspon¬dante de leur évolution. », Paris, Flammarion, 1988, p. 157.
[30] S. Freud, « Remémoration, répétition et perlaboration » in Oeuvres complètes, tome 12 1913-1914, PUF, 2005, p.188.
[31] Celui-ci est définit par P-C. Cathelineau comme le « Processus de mise à l’écart des pulsions qui se voient refuser l’accès à la conscience » (« Refoulement », in Grand dictionnaire de la psychologie, Larousse, 1999).
[32] E. Roudinesco, Plon Michel, « refoulement » in Dictionnaire de la psychanalyse, Fayard, 2000.
[33] « ses attitudes ne servant à rien, ses traits de caractères pathologiques. », S. Freud, op.cit, p.191.
[34] Dans un entretien, un père confiait avec bonne humeur : « mes enfants sont comme leurs parents : aucun n’a réussi l’école ».
[35] F. Nietzsche, Seconde considération intempestive, Paris, Flammarion, 1988, [1874].
[36] Leconte, 1999 « l’oubli constitue une nécessité fonctionnelle. »
[37] Voir notamment William Shakespeare : « Tu ne peux donc pas traiter un esprit malade, arracher de la mémoire un chagrin enraciné, effacer les ennuis inscrits dans le cerveau, et, grâce à quelque doux antidote d’oubli, débarrasser le sein gonflé des dangereuses matières qui pèsent sur le cœur ? » (Macbeth) et Jorge Semprun dans « l’écriture ou la vie » évoque « la béatitude obnubilée de l’oubli ».
[38] J. Candau, Anthropologie de la mémoire, Cursus A.Colin, 2005, p.94.
Ferrette Jean, « Des ouvriers sans héritage », dans revue ¿ Interrogations ?, N°3. L’oubli, décembre 2006 [en ligne], https://revue-interrogations.org/Des-ouvriers-sans-heritage (Consulté le 31 octobre 2024).