Désiré Mandilou (sous la dir. de), La Dette africaine. L’état des savoirs, Paris, L’Harmattan, 2008, 201 pages.
Ce volume, structuré en huit chapitres, regroupe les principales contributions présentées à Lille lors du premier colloque pluridisciplinaire organisé par l’association « Initiatives pour le développement économique en Afrique ». La problématique de l’endettement est ici au cœur des préoccupations et, comme le rappelle d’entrée de jeu le coordonnateur de cet ouvrage, il importe désormais d’« associer la recherche universitaire au souci pédagogique de vulgarisation, afin d’extraire de la gangue des chiffres les logiques sous-jacentes » (p. 11).
Sylvestre Piam, tout d’abord, entend dénoncer le « cercle vicieux des conditionnalités libérales », estimant qu’il s’agit là, dans le droit fil du « consensus de Washington » et à travers le dispositif HIPC (Highly Indebted Poor Countries), d’une « nouvelle duperie du droit international de la pauvreté » (p. 15). Les politiques d’ajustement structurel, est-il souligné, ont leurs limites et ne doivent pas nous conduire à éluder la question de la redistribution et des termes de l’échange.
Benoît Lallau et Bruno Boidin prolongent la réflexion en s’interrogeant, à partir du cas « exemplaire » du coton, sur trois éléments clés du processus participatif : l’appropriation (ownership), l’insertion (empowerment) et la responsabilité (accountability). Ces principes de « bonne gouvernance » ne sont cependant pas dénués d’ambiguïtés, la Banque mondiale reprenant l’analyse du prix Nobel Amartya Sen (« donner aux individus les libertés fondamentales leur permettant de mener le genre d’existence auquel ils aspirent ») mais en la limitant à des facteurs internes de capacités. Nous nous situons malheureusement, fait observer Désiré Mandilou, dans un contexte dominé par « le comptable, le nominal et le court terme » (p. 75), d’où de grandes confusions analytiques.
Sylvestre Piam à nouveau, en collaboration cette fois avec Pierre Ngahane, préfère mettre l’accent sur la « face cachée » des difficultés rencontrées. Celles-ci tiennent davantage à des dysfonctionnements d’ordre organisationnel, liés à un système de prébende ou de prédation orchestré par des instances étatiques corrompues, aux circuits administratifs opaques, qu’à un réel manque de ressources financières.
Reposant sur la valeur des excédents budgétaires futurs et sur le niveau du taux d’actualisation, la notion de soutenabilité, poursuit François Koum, mérite également attention, la libéralisation et la primauté des règles du marché entraînant une marginalisation des pays les plus vulnérables et nécessitant dès lors des mécanismes de compensation.
Nadia Elouar, se basant sur l’index de solvabilité proposé par David Cohen, illustre ces propos en se centrant sur la Tunisie, laquelle a su renforcer sa crédibilité en maintenant l’encours de la dette dans une fourchette jugée encore acceptable.
Siméon Maxime Bikoué et Guy-Lafleur Djongoué se focalisent de leur côté sur la situation particulièrement dramatique qui prévaut en Afrique subsaharienne, les politiques menées se faisant par à coups avec une forte progression des arriérés de paiement.
Joseph Mbandza enfin, se référant au Congo Brazzaville, stigmatise les risques de fuite en avant, générés par une gestion clientéliste, chaotique et anarchique, de type néopatrimonial, et leurs corollaires : l’irresponsabilité des pouvoirs en place et la « gloutonnerie des classes dirigeantes » (p. 180).
Des communications, on l’aura saisi, très décapantes, sans langue de bois et qui ouvrent la voie, de manière pragmatique, à une approche alternative des relations Nord/Sud. L’heure est à présent au rééquilibrage, « sans sacrifices excessifs ni délestages des souverainetés en faveur des créanciers » (quatrième de couverture).
Ferréol Gilles, « Désiré Mandilou (dir.), La Dette africaine. L’état des savoirs », dans revue ¿ Interrogations ?, N°8. Formes, figures et représentations des faits de déviance féminins, juin 2009 [en ligne], https://revue-interrogations.org/Desire-Mandilou-dir-La-Dette (Consulté le 9 décembre 2024).