Dans l’interaction, qu’elle soit euphorique ou dysphorique – comme à la guerre- le corps est le vecteur prioritaire de la reconnaissance entre les groupes. Il arrive fréquemment que les corps des morts et des survivants, lorsqu’ils ont été soumis au combat, ne soient plus identifiables. L’impossible reconnaissance des corps est un argument récurrent et constant, brandi dans l’après-guerre, au moyen de représentations politiques et artistiques, par les survivants vaincus pour faire obstacle à la réconciliation des belligérants.
Mots-clés : reconnaissance ; corps ; après-guerre ; art ; énigme
Political and artistic use of non-identifiable bodies and corpses after war.
In the course of interaction, either euphoric or dysphoric – such as in war – the body is the main prop for recognition between groups. Sometimes after the battle bodies and corpses happen not to be identifiable any more. After war, defeated survivors generally tend to stage, both politically and artistically, their difficulty to recognize bodies and corpses. This staging aims to prevent belligerents from making peace.
Keywords : recognition ; body ; after-war ; art ; enigma
Le 10 avril 2010, le président de la république polonaise et plusieurs hauts dignitaires ont péri dans un accident aérien, alors qu’ils se rendaient à une cérémonie commémorative dans la forêt de Katyn, toute la région étant alors plongée dans un épais brouillard. Pourquoi l’équipage de la délégation polonaise a-t-il pris le risque d’un atterrissage que les règles de la sécurité aéronautique proscrivaient absolument ? Quel sens exceptionnel avait donc cette réconciliation russo-polonaise devant des cadavres enfouis anonymement depuis 70 ans ? Celui d’une reconnaissance.
On sait depuis Fredrik Barth que les marqueurs qui matérialisent la frontière entre les groupes ethniques se réfèrent de façon privilégiée aux corps, à leurs vêtements, leurs parures, leurs attitudes qui sont à appréhender comme autant de traits diacritiques [1]. Dans l’interaction, qu’elle soit euphorique ou dysphorique (à la guerre, par exemple), le corps n’appartient pas seulement à l’individu. Le corps, vecteur de représentations collectives, est un message dont s’empare le groupe entier. La reconnaissance mutuelle des corps est en effet le premier stade de la reconnaissance entre les groupes, comme il l’est entre individus soumis au face à face selon Erving Goffman. Au combat, les corps sont exposés au danger, à la fatigue, aux privations. Ils sont susceptibles de traitements extrêmes. Dans un premier temps, par le code des uniformes et des insignes, les corps sont proposés à une reconnaissance immédiate et sans ambiguïté. Mais il arrive aussi que les corps, morts ou vivants, soient rendus méconnaissables au cours des affrontements. Ce brouillage des repères corporels imposé à l’ennemi peut être intentionnel ou accidentel, selon les types de conflits. Peu nous importe ici, ces aspects ont été largement documentés par ailleurs [2]. Nous nous intéressons à ce qui se passe une fois la paix revenue. Quand le conflit cesse, l’attention portée à ces corps méconnaissables détermine la reprise des interactions pacifiques entre les anciens belligérants. La reconnaissance des corps des hommes tués au combat est un acte fondamental par lequel les survivants des deux camps se reconnaissent une légitimité dans les interactions à venir.
Selon notre hypothèse, les corps méconnaissables sont un argument récurrent dans l’après-guerre, brandi pour entraver les processus de réconciliation. Nous imaginons que, à l’issue des confrontations guerrières, les partisans des victimes choisissent, dans certains cas qu’il nous reviendra de préciser, d’exhiber le motif des corps méconnaissables à travers des représentations artistiques et politiques.
Face à l’impossibilité de réunir et d’examiner dans l’espace d’un court article un échantillon suffisamment représentatif de ces mises en scène, nous avons adopté une démarche compréhensive qui s’insère dans une sociologie des œuvres. Nous proposons donc d’épuiser les représentations et les circonstances possibles (ou impossibles) en cheminant d’objection en objection. Dans le raisonnement abductif, recommandé par Charles Pierce, il suffit en effet d’un seul cas pour infirmer une hypothèse, alors qu’une confirmation exigerait un très grand nombre d’observations [3]. Cette typologie des corps méconnaissables devra croiser les dispositifs de description des corps méconnaissables et les contextes d’énonciation.
Revenons à Katyn où des milliers de Polonais furent exécutés et enfouis dans des fosses communes en 1940 par les Soviétiques. Le massacre, révélé en 1943 par les nazis et longtemps nié par l’Union soviétique, a cristallisé la haine des Polonais pour les Russes. L’aveu de la culpabilité russe en 1990 par Mikhaïl Gorbatchev, l’autorisation accordée en mai 1992 au président Lech Walesa de se rendre sur l’emplacement des charniers, la communication à la Pologne par Boris Eltsine, quelques mois après, d’archives accablantes, tous ces gestes de reconnaissance accordés par la partie russe n’ont pas réussi à faire oublier aux Polonais le scandale de Katyn. La présence conjointe prévue en avril 2010 des présidents russe et polonais devant les fosses avaient pour but d’achever la réconciliation des deux peuples.
C’est dans ce contexte historique et politique qu’il faut replacer la sortie du film d’Andrzej Wajda, Katyn. Ce film a été réalisé en Pologne en 2007, alors que peu d’ombres subsistaient encore sur ce douloureux dossier. La sortie du film à Varsovie a été choisie un 17 septembre, pour coïncider avec l’anniversaire de l’invasion soviétique de la Pologne. C’est donc dans un esprit de revanche, plus que de révélation, que cette œuvre cinématographique a été entreprise. Pourtant le synopsis, sur le site officiel du film, invite à y chercher une vérité :
« KATYN est avant tout un film sur la lutte incessante pour la mémoire et la vérité. C’est aussi un règlement de compte sans compromis avec le mensonge qui a forcé la Pologne populaire à oublier ses héros [4]. »
Le statut de ces corps méconnaissables, envisagés sous la forme des disparus, apparaît d’emblée dans toute son ambiguïté. En 2007, en effet, ces disparus ont depuis longtemps cessé de l’être tout à fait. Après leur localisation et l’établissement des circonstances de leur exécution, leur potentiel de révolte subsiste cependant pour les Polonais qui ont fait un accueil enthousiaste au film d’Andrzej Wajda. Partout où on les évoque, les disparus ont cette qualité politique et artistique d’être aisément érigés en monuments. Pour faire échec à la réconciliation en marche, il fallait un mausolée grandiose, un Arc de Triomphe, une construction capable de résister au temps. Dans la Pologne de 2007, ce monument a pris l’aspect d’un film, porté par la mémoire des femmes survivantes. Ces mère-épouse-sœur des disparus sont livrées à leur douleur et à leur attente déçue, inscrivant délibérément le film dans ce que Jean Kaempfer nomme les récits pathétiques [5]. Il n’est pas innocent en effet que le drame y soit évoqué par un jeu de focalisations indirectes. Dans ces exhibitions de corps disparus, les acteurs principaux ne sont ni les agresseurs, ni les morts, mais les partisans survivants des morts.
A distance du conflit, les vaincus survivants continuent de refuser de faire la paix avec le vainqueur, en agitant durablement leur revendication d’accès aux corps de leurs disparus ou en faisant valoir un besoin de reconnaissance insatisfait. Il nous reste à éprouver ce modèle en le soumettant à différentes contre-hypothèses. Un seul exemple observé, invalidant l’objection, suffira à l’écarter.
Que la disparition soit irrémédiable ou temporaire ne modifie pas son usage comme argument de la haine. Le corps promis à la fumée des crématoires prive de leur être les survivants de la Shoah, tout autant que les victimes décédées. C’est la démonstration administrée par Michael Rinn. Le récit d’Elie Wiesel, Le crépuscule, au loin, témoigne, à distance du drame, de l’aberration persistante de ce monstrueux escamotage :
« Je comprenais assez pour me mettre à dévorer livres et documents. Mais plus j’apprenais, moins je comprenais. […] Il s’agissait d’un crime nouveau, inédit : d’un crime absolu. Oui, absolu, puisque les tueurs ont réussi à faire disparaître les cadavres. Pour la première fois de notre histoire les victimes n’ont pas pu être enterrées. Voilà ce que je n’arrivais pas à comprendre. Six millions d’êtres humains, ça fait un pays, une nation à l’échelle européenne : on ne peut tout de même pas les rayer de la carte, comme une erreur de frappe ? Alors je me suis mis à les chercher [6]. »
Les disparitions sont élevées en monument symbolique dont l’importance ne doit rien au nombre des victimes. A Chypre, par exemple, les Grecs déplorent moins de 1500 disparus lors de l’attaque turque de 1974. Pourtant, alors que le processus de réconciliation a repris en 2007, les revendications portant sur ce point sont chauffées au rouge. Marietta Karamanli est député de la Sarthe. Née en 1964 à Athènes, elle est particulièrement sensible au point de vue des Chypriotes grecs. Dans un rapport d’information de 2008 présenté à l’Assemblée nationale, elle identifie sans peine le nœud du litige :
« Mme Marietta Karamanli a répondu que le premier problème était celui des disparus et qu’il avait déjà fait l’objet de nombreuses questions écrites [7]. »
Depuis la réalisation du film Le viol d’Aphrodite en 1985 par Andreas Pantzis, rien n’a vraiment changé. Le regard d’Evagoras qui, sans nouvelle de sa femme et de son fils, rentre précipitamment à Chypre après l’invasion de 1974 et parcourt les camps de réfugiés en quête d’informations sur ses disparus, s’est enkysté dans l’imaginaire des Chypriotes grecs. Les plaintes, pourtant, sont peu rationnelles et l’action politique peine à y répondre. Les efforts des analystes de l’ONU qui travaillent depuis l’été 2007 à l’exhumation de restes humains constatent avec surprise que l’identification rendue désormais possible par les tests ADN ne satisfait pas les familles. Rien de plus normal au fond, puisque le rôle symbolique de ces corps méconnaissables leur assigne de rester pour toujours dans l’indétermination.
Cette grille de lecture vaut pour des conflits plus anciens et le schéma peut être cristallisé sur une seule personne. En avril 2009, le projet de recherche du corps du poète Frederico Garcia Lorca, fusillé en 1936 par les franquistes, a créé une polémique en Espagne. La famille du poète était également hostile à l’identification. Beaucoup lui préférait le maintien de la plaque « Lorca era todos » (Lorca était chacun d’eux) posée au hasard sur une fosse commune de la région de Grenade. En effet, dans le cas de la guerre civile espagnole, c’est l’ensemble de l’œuvre littéraire de Lorca qui fait figure de monument funéraire pour les républicains.
Ces exemples où les survivants d’une guerre restent farouchement cramponnés au ressassement des corps disparus dépassent l’idée courante selon laquelle le deuil est toujours rendu plus difficile par l’absence du corps. Pour certains groupes d’acteurs, entretenir le deuil est un artifice volontaire destiné à maintenir le conflit. Le corps disparu, provisoirement retenu ou définitivement inaccessible, unique ou innombrable, impose un même devoir de mémoire. Quant au corps modifié et défiguré, nous verrons qu’il incite plutôt à la colère.
La difficulté à reconnaître les corps provient des transformations qu’ils ont subies. Le choc des combats s’est souvent imprimé sur les corps privés de vie. L’agresseur, parfois, s’est en outre acharné sur les cadavres pour en bousculer l’apparence. Ces atteintes déshumanisantes, ces humiliations, ces inversions organiques, sont des actes de langage adressés à l’adversaire et qui ont leur logique propre [8]. Le camp des victimes se saisit de ces messages obscènes, quelles que furent leurs intentions, pour faire obstacle à la réconciliation sur la longue durée. L’ampleur de la documentation, notamment photographique, ainsi conservée par le camp des victimes, explique la facilité éprouvée par les anthropologues à travailler sur ces aspects longtemps après la cessation des hostilités.
La représentation de l’atrocité guerrière sous la forme de corps désarticulés s’est imposée en tant que topos artistique après la réalisation de Guernica par Picasso. A première vue, pourtant, ce tableau constitue une objection considérable pour notre hypothèse. En effet, il n’a pas été conçu à la fin d’un conflit par le parti des vaincus. Lorsque la ville de Guernica est bombardée le 26 avril 1937 par la coalition franquiste, le peintre choisit ce thème pour honorer une commande préalable du gouvernement républicain encore au pouvoir à Madrid. Cette commande lui avait été transmise par leur ambassade à Paris et sans sujet imposé [9]. Pablo Picasso réalise la première esquisse cinq jours après le bombardement et achève le tableau au cours du mois. Il s’agit donc d’une œuvre peinte à chaud pour un belligérant encore vainqueur. Par ailleurs, l’usage ici des corps méconnaissables doit autant, sinon plus, aux recherches formelles du peintre qu’au thème traité. Rappelons que le premier corps démantelé peint par l’artiste était celui, fort paisible du reste, du collectionneur Kahnweiler immobilisé en 1910 dans son inconfortable posture cubiste [10]. Pourtant, et c’est ce qui nous intéresse ici, la postérité immense de Guernica s’est bien organisée à distance de l’événement traumatique et au profit d’une mémoire républicaine alors chassée d’Espagne. Le prestige du tableau a été amplifié par la fermeté de l’artiste refusant jusqu’en 1981 que l’œuvre soit installée dans son pays d’origine. L’exil du tableau imitait celui des ennemis de Franco. La représentation des corps méconnaissables dans Guernica résume la rencontre féconde d’un événement qui ne fut sans doute pas le drame le plus saillant de la guerre civile espagnole, d’une intention politique collective et des interrogations esthétiques portées par un artiste singulier.
Guernica le suggérait déjà : les corps méconnaissables, obstacle à la réconciliation, ne sont pas seulement des cadavres. La guerre défigure aussi des vivants. C’est l’angle que choisit le réalisateur kosovar Agim Sopi pour rendre compte du ressentiment des Albanais après la guerre qui les opposa aux Serbes en 1999. En 2000, son film Vjeshta e trëndafileve (L’automne des roses) remporta un grand succès, localement et auprès des diasporas albanophones. Le moment le plus dramatique du film est constitué par le viol d’une jeune Kosovare par des miliciens serbes. La victime est ensuite filmée longuement assise devant sa coiffeuse. Revêtue de sa robe de mariée, elle entreprend de se maquiller. La caméra suit longuement le déplacement du rouge à lèvres qui barbouille progressivement un visage désormais méconnaissable. Cette défiguration symbolique est, à tout prendre, plus violente que le suicide final de l’héroïne. Quant à la situation politique des Kosovars à l’issue du conflit, elle n’était ni celle des vaincus (les Serbes), ni celles des vainqueurs (les troupes de l’OTAN). L’ambiguïté de cette position symbolique, perceptible dans Vjeshta e trëndafileve, devait peser lourdement sur la stabilité de la province au cours de la décennie suivante [11].
La représentation de leurs partisans défigurés par la guerre semble bien être le fait privilégié, si ce n’est exclusif, des groupes vaincus. Lorsque Goya, pourtant vivement intéressé par le traitement pictural de l’horreur guerrière, entreprend de célébrer la victorieuse résistance des Espagnols contre l’armée napoléonienne, il semble éviter cet aspect. L’exposition de mai 2008 au Prado, consacrée à « Goya en temps de guerre », en attestait. Si le peintre fait la part belle à la violence et au carnage, avec une attention qui se voulait réaliste, les morts ne sont pas défigurés. Un des fusillés espagnols du Tres de mayo semble assoupi sous la tâche de sang qui masque son visage. Quant aux autres, ils sont plongés dans la pénombre. La même réserve recouvre la figure calme du mameluk mort, arraché de son cheval, sur le Dos de mayo. La violence réside ici dans la composition du tableau, les lignes de forces heurtées, les jeux d’ombres et de lumière, les bouches des vivants ouvertes sur leur cri, mais elle ne déshumanise pas les visages.
Cette pudeur peut difficilement être justifiée comme une caractéristique ancienne des images du combat auxquelles on opposerait une esthétique moderne plus expressionniste. On trouve des exemples de représentations des corps défigurés bien antérieurs au XXe siècle, comme chez Agrippa d’Aubigné. Dans Les Tragiques, publiés pour la première fois en 1616, le poète protestant évoque la persécution des siens par les catholiques, sans taire les méfaits commis par les protestants. On sait combien les guerres de religion en France furent atroces [12]. Agrippa d’Aubigné qui appartient au camp des vaincus n’a pas de raison de dissimuler l’abjection des traitements réservés aux corps :
D’un homme demi-mort le chef se débattant,
Qui sur le seuil d’un huis dissipait sa cervelle.
De sa mourante voix, cet esprit demi-mort
Disait en son patois (langue de Périgord) :
‘Si vous êtes Français, Français, je vous abjure,
Donnez secours de mort, c’est l’aide la plus sûre […] [13]. »
Ici, comme plus tard chez Picasso, l’exhibition des corps défigurés fait écho à des préoccupations formelles, datées avec précision. La poésie baroque a développé un véritable théâtre de la mort, pendant funèbre de la vie dans une esthétique du monde à l’envers [14]. Jean Rousset rappelle la récurrence de ces « singulières anamorphoses, ou portraits doubles d’un visage qu’il suffit de retourner pour le voir se changer en tête de mort [15]. »
Mais l’histoire de l’art ne permet pas seule de justifier le recours, par certains artistes et non par d’autres, au corps méconnaissable dans le ressassement de la guerre. Cette objection d’un goût de l’époque qui imposerait sa vision buterait par exemple sur le double récit qui nous est parvenu de la bataille de Pharsale, celui de César et celui de Lucain [16] Seul Lucain qui défend le parti du vaincu, Pompée, exploite à plusieurs reprises le motif du corps méconnaissable. A la bataille rationnelle décrite par César répond, chez Lucain, l’horreur de la mort du pompéien Crastinus, un glaive enfoncé dans la bouche. Chez César, cet épisode est également présent, mais il fait l’objet d’un traitement sobre et lisse dont tous les détails obscènes ont été arasés. Lucain, contraint à vivre désormais sous l’Empire, rappelle que le régime s’est établi sur les corps méconnaissables des républicains défigurés à Pharsale. Le nœud de toute guerre civile, insinue le vaincu, est dans cet estompage voulu des identités. Il évoque alors le légionnaire de César « […] qui frappe la poitrine d’un frère et, pour pouvoir dépouiller un cadavre connu, en envoie au loin la tête coupée, qui lacère les traits de celui à qui il doit le jour et veut prouver aux spectateurs par une colère exagérée que celui qu’il égorge n’est pas son père [17]. »
Si la mise en scène des corps méconnaissables est une prérogative des vaincus, comment expliquer leur présence lancinante dans les milliers de récits publiés en France après la Première guerre mondiale, me rétorquerez-vous ? De quelle défaite exactement les poilus français souhaitaient-ils se souvenir ? Contre qui bataillaient-ils encore, après novembre 1918, lorsqu’ils firent ériger un monument sous l’Arc de Triomphe au Soldat Inconnu ? Il convient de rappeler que, dans la France de 1918, cette décision ne fut pas consensuelle. En 1919, les députés avaient admis le principe d’un dépôt au Panthéon, ce qui ne satisfaisait pas les anciens combattants. Il fallut une longue campagne de presse et l’épreuve d’une lourde polémique entre les extrêmes droite et gauche, avant d’obtenir un vote à l’unanimité à la Chambre le 8 novembre 1920 [18]. Du côté de l’armée, tout était prêt depuis longtemps. Huit cercueils, portant des dépouilles non identifiées et prélevées sur huit champs de bataille différents, attendaient à Verdun la décision de Paris. Le 10 novembre, un jeune soldat désignait le corps destiné à représenter tous les morts méconnaissables du conflit, juste à temps pour les cérémonies parisiennes du lendemain. Quant aux nombreux vivants méconnaissables et notamment les blessés de la face, ils durent se battre aussi, de retour du front, pour obtenir de leurs compatriotes des soins et des facilités de réinsertion. L’association Les Gueules Cassées, fer de lance de cette revendication contre le mépris et l’oubli, fut fondée en 1921 grâce à l’acharnement d’un individu, le colonel Picot [19]. Les récits littéraires des poilus portent la trace de ce sentiment d’incompréhension entre le front et l’arrière. La plupart des textes de l’entre-deux-guerres qui évoquent les corps méconnaissables des tranchées insistent sur cette impossible réconciliation entre les anciens combattants et les « naphtalinards », ceux que la guerre, pensaient les poilus, avait indûment épargnés et ceux qui en avaient tiré profit.
Dans son roman de 1934, La comédie de Charleroi, Pierre Drieu la Rochelle situe l’action en 1919. Le narrateur, ancien combattant fort peu glorieux et désormais secrétaire désabusé d’une riche veuve qu’il méprise, accompagne cette dernière sur le champ de bataille de Charleroi. Madame Pragen veut se faire raconter in situ la mort de son fils par son secrétaire, car les deux jeunes gens participèrent à la même bataille en août 1914. Le récit croise donc sans cesse deux temporalités étirées, celle d’une journée de 1919 et celle d’une journée de 1914. C’est l’occasion pour le narrateur de démontrer l’incommunicabilité totale entre le front et l’arrière. L’expérience de guerre que rien n’idéalise pourtant creuse une frontière infranchissable entre ceux qui l’ont vécu et les autres. Ici le ton est celui d’une ironique lucidité qui ne cède ni à la tentation héroïque, ni au pathétique. L’émotion a peu de prise sur un narrateur dont le jugement est suspendu pour tout ce qui concerne la guerre et aiguisé pour tout ce qui touche à l’arrière. Ce divorce culmine dans le passage où Madame Pragen se fait présenter des dépouilles non identifiables pour en attribuer une à son fils. Le narrateur trouve grotesque et inconvenante cette recherche de corps qui n’est que le simulacre d’une reconnaissance. Toute sa révolte sociale s’exprime dans sa réticence à sortir de leur anonymat les cadavres défigurés, liquéfiés même, de ses camarades tués au combat, « cette foule coulée », à troubler la paix de « ce miel d’horreur » que sont devenus leurs visages :
« Nous allions à la recherche du talisman auquel est suspendu la vie européenne, un nom propre. Mme Pragen recherchait le nom de Pragen. […] Elle voulait exercer le droit d’écrire le nom de Pragen, ici, de marquer ce lieu du nom de Pragen […]. Elle ne cherchait pas son fils. […] Cette foule coulée en dessous du niveau social, emmêlée dans la noblesse commune de la mort, dans la subtilité chimique du sous-sol, dans le royaume intime et essentiel, -nous y lancions une rafle, nous voulions la ramener aux quinquets du commissariat. On faisait honneur à deux ou trois de ces cadavres d’être Claude Pragen [20]. »
Cette exploitation artistique des corps défigurés dans le cadre d’un conflit social, plutôt que strictement national, à l’issue de la Première guerre mondiale, transcende les clivages politiques et dépasse les options philosophiques ou religieuses des auteurs. L’exemple de Drieu la Rochelle est confirmé par le témoignage de Cendrars. Dans La main coupée, rédigé trente ans après les événements, Blaise Cendrars rend compte de son expérience guerrière avec tendresse et humour. Sa bonhommie s’étend sans restriction aux soldats allemands. Sa colère ne concerne que les chefs politiques et militaires qui, coupés des hommes au front jusque dans les grades les plus subalternes, avaient « sacrifié la fleur de la jeunesse européenne ». La plupart des chapitres de l’ouvrage porte le nom de camarades de son régiment. Le livre, dédié à son fils pilote de chasse et mort à l’entraînement en 1945, a été conçu comme un monument funéraire collectif. Car pour le poète, les soldats ne veulent d’autre cimetière que la mémoire de leurs camarades [21]. De fait l’effacement des distinctions corporelles dans la mort n’est pas, dans cet ouvrage, un sujet de scandale. Le ton détaché avec lequel Cendrars relate la mort du soldat Lang en atteste :
« Le premier obus tomba en plein sur la voiture de la 6e Cie qui débouchait sur la place du marché. Le cheval, le cocher et Lang furent écrabouillés. On ramassa deux, trois écuellées de petits débris et les quelques gros morceaux furent noués dans une toile de tente. C’est ainsi que furent enterrés Lang, le cocher et de la bidoche de cheval. Et l’on planta une croix de bois sur le tumulus. Mais en revenant du cimetière quelqu’un remarqua la moustache de Lang qui flottait dans la brise du matin. Elle était collée contre la façade, juste au-dessus de la boutique du coiffeur. Il fallut dresser une échelle, aller détacher ça, envelopper cette touffe sanglante dans un mouchoir, retourner au cimetière, faire un trou et enterrer ces poils absurdes avec le reste [22]. »
Autrement scandaleux pour le poète est le comportement de son lieutenant, peureux, méprisant et incompétent, au point que Cendrars pousse un jour ses camarades à lui tirer dessus pour l’effrayer [23].
Lorsqu’un terroriste, ceinturé d’explosif, se suicide, sa tête se trouve le plus souvent séparée de son corps et projetée à distance. Pourtant, il semble que son corps mutilé doive échapper à la logique de victimisation qui s’attache, nous l’avons vu, à l’exploitation du corps méconnaissable. Comme l’expose Achille Mbembe qui définit la souveraineté comme le pouvoir de tuer, le corps du kamikaze ne doit pas être le signe d’une défaite et il ne plombe pas l’avenir. Il sert à dominer le présent :
« Dans la logique du « martyr », la volonté de mourir fusionne avec celle d’emporter l’ennemi avec soi, c’est-à-dire, de tirer un trait sur toute possibilité de vie, pour tous ; logique apparemment contraire à celle qui consiste à vouloir imposer la mort aux autres, tout en préservant la sienne. […]Dans la logique du martyr, une nouvelle semiosis du meurtre émerge. Elle n’est pas nécessairement fondée sur une relation entre forme et matière. Je l’ai déjà indiqué, le corps ici devient l’uniforme même du martyr [24]. »
La mort du terroriste ne doit pas faire de lui une victime, puisque son acte, même s’il a échoué à tuer d’autres personnes que lui – ce qui arrive -, est perçu par ses partisans comme une victoire. De fait, le groupe dont le shahid est issu n’a de cesse de faire connaître et reconnaître l’identité individuelle du combattant décédé, ce dont sa famille et son village pourront ensuite se glorifier. En Tchétchénie, en Ingouchie, comme en Palestine, les messages de revendication des groupes terroristes précisent généralement cette information après les attentats. La reconnaissance du corps suicidé, en dépit de son aspect réel dégradé et indépendamment de l’efficacité variable de l’action, manifeste la réalité d’une victoire. Il est probable que si les Tchétchènes et les Palestiniens venaient à perdre les combats qu’ils mènent, ils n’établiraient pas de revendication post bellum sur les corps méconnaissables de leurs martyrs. Un exemple littéraire de ce statut particulier des corps annihilés dans ce type d’action éclairera mieux cette conception.
L’écrivain algérien Yasmina Khadra a consacré un roman aux attentats-suicides qui se sont insinués dans le conflit israélo-palestinien après la signature des accords d’Oslo de 1993 et qui se sont multipliés au cours des années suivantes [25]. Dans Attentat, son héros est un chirurgien arabe, naturalisé israélien, qui, à la suite d’une attaque-suicide particulièrement meurtrière, examine dans son hôpital le corps de la femme kamikaze. Consterné, il découvre qu’il s’agit de sa propre épouse, Sihem. Contre toute vraisemblance, Yasmina Kadra décrit un cadavre effroyablement détruit par l’explosion, mais dont le visage est non seulement intact, mais particulièrement serein. Ici c’est le caractère reconnaissable du corps qui est réinventé dans une œuvre littéraire pour nier l’effacement corporel du terroriste mort :
« J’ai vu des corps mutilés dans ma vie, j’en ai raccommodé des dizaines ; certains étaient tellement abîmés qu’il était impossible de les identifier, mais les membres déchiquetés qui me font face, là sur la table, dépassent l’entendement. C’est l’horreur dans sa laideur absolue… Seule la tête de Sihem, étrangement épargnée par les dégâts qui ont ravagé le reste de son corps, émerge du lot, les yeux clos, la bouche entrouverte, les traits apaisés, comme délivrés de leurs angoisses… On dirait qu’elle dort tranquillement, qu’elle va soudain ouvrir les yeux et me sourire [26]. »
Tous les corps effectivement méconnaissables ne deviennent donc pas des corps énigmatiques, porteurs d’un message belliqueux et revanchard. Ils doivent, pour cela, être instrumentalisés comme tels, sous l’effet, non d’une défaite réelle, mais d’un sentiment de défaite. S’ils s’insèrent généralement dans le souvenir d’une conflictualité de type nationaliste, il arrive que la dimension sociale de la confrontation prenne l’avantage. La signification politique attachée dans l’après-guerre à la représentation artistique des corps est peu dépendante de la date de production des œuvres. Elle transcende les modes collectives et les options idéologiques des artistes.
L’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe a enquêté sur la guerre de Bosnie. Elle a mis en évidence que les actes de violence extrême, notamment les viols systématiques et les mutilations sévères infligées aux corps, avaient pour objectif la rupture symbolique des liens de filiation dans le groupe ennemi [27]. Nous estimons que les survivants vaincus d’un conflit continuent après-guerre d’associer leur régime imaginaire de filiation et la représentation des corps méconnaissables. L’escamotage des corps et surtout celui des visages produit une énigme. C’est de cette énigme que peuvent se saisir les œuvres d’art qui se réfèrent au corps méconnaissable. Dans les sociétés restreintes, cette énigme s’oppose aussi à la reconnaissance de l’autre et, partant, elle interdit l’exogamie. La différence des lignages doit normalement être subsumée dans un même social. C’est cette reconnaissance sociale du même dans l’autre qui autorise habituellement les échanges de femmes entre les groupes.
Nous concluons que la création politique et artistique de l’énigme est utilisée, à la suite d’un conflit, par des groupes vaincus pour gêner cette reconnaissance et s’opposer à la reprise des interactions. Le noyau dur de ces interactions renvoie, en pratique, dans les sociétés traditionnelles ou, de manière plus symbolique, dans les sociétés industrielles, à la possibilité d’échanges matrimoniaux [28].
Cet usage du corps énigmatique en situation post bellum est observable dans une vaste aire géographique, historique et culturelle. Il est susceptible d’être mobilisé après tous les types d’affrontements guerriers, qu’il s’agisse de guerres locales ou mondialisées, de logiques ethnico-nationales ou de conflictualités engageant une lecture sociale. Il ne semble pas déterminé par les préférences idéologiques des individus, chefs politiques ou artistes, qui s’en font les porte-voix. En revanche, il s’intègre intimement dans les préoccupations purement esthétiques des artistes concernés, au point qu’il serait naïf d’évoquer à cet égard une instrumentalisation de l’art par le politique [29]. C’est d’ailleurs l’intérêt des questionnements formels de ces œuvres, plus que les contextes conflictuels qui les ont favorisées, qui assurent à ces créations des postérités très inégales.
● Agrippa d’Aubigné, Les Tragiques, Paris, Gallimard, 1995.
● Audoin-Rouzeau Stéphane, Combattre, une anthropologie historique de la guerre moderne, Paris, Seuil, 2008.
● Barth Fredrik, Les groupes ethniques et leurs frontières, à la suite de Poutignat Philippe, Streiff-FenartJocelyne, [1969], Théories de l’ethnicité, Paris, PUF 1995.
● Baxandall Michael, Formes de l’intention, Paris, Edition Chambon, 1985.
● Cendrars Blaise, La main coupée, Paris, Denoël Folio, 1946.
● Crouzet Denis, Les Guerriers de Dieu. La violence au temps des guerres de religion, Paris, Champ Vallon, 1990.
● Drieu la Rochelle Pierre, La comédie de Charleroi, La petite ourse, Lausanne, 1934
● Goffman Erving, Les rites d’interactions, Paris, Editions de Minuit, 1974.
● Jagielski Jean-François, Le Soldat inconnu, invention et postérité d’un symbole, Paris, Imago, 2005.
● Kaempfer Jean, Poétique du récit de guerre, Paris, Corti, 1998.
● Khadra Yasmina, L’attentat, Paris, Julliard, 2005.
● Lucain, La guerre civile, Paris, Belles Lettres, 1927.
● Mbembe Achille, « Nécropolitique », dans Raisons politiques, 1/2006, n°21, pp 29-60. www.cairn.info/revue-raisons-politi…, consulté le 5 octobre 2010.
● Nahoum-Grappe Véronique, « L’usage politique de la cruauté : l’épuration ethnique (ex-Yougoslavie, 1991-1995) », dans Héritier Françoise, De la violence tome 1, Odile Jacob [1999] 2005.
● Pape Robert Anthony, Dying to Win : The Strategic Logic of Suicide Terrorism, Random House, New York, 2005.
● Pierce Charles S., Le raisonnement et la logique des choses, Paris, CERF, 1995.
● Rinn Michael, Les récits du génocide, sémiotique de l’indicible. Lausanne, Delaschaux et Niestlé, 1998.
● Roussel Viviane (dir.), Les artistes et la politique, terrains franco-américains, PU Vincennes, 2010.
● Rousset Jean, Anthologie de la poésie baroque française, tome 1, Paris, Armand Colin, 1968.
● Southworth Herbert, Guernica ! Guernica ! : A Study of Journalism, Diplomacy, Propaganda, and History, University of California Press, 1977.
● Tristan Frédérick, Le monde à l’envers, Paris, Hachette-Massin, 1980.
● Uribe Maria Victoria, De l’inhumanité. Essai sur la terreur en Colombie, Paris, Calman-Lévy, 2004.
● Wiesel Elie, Le crépuscule, au loin, Paris, Grasset 1987.
[1] F. Barth, Les groupes ethniques et leurs frontières, à la suite de P. Poutignat, J. Streiff-Fénart, Théories de l’ethnicité, Paris, PUF, 1995 [1969], p. 211.
[2] Cf. notamment S. Audoin-Rouzeau, Combattre, une anthropologie historique de la guerre moderne, Paris, Seuil, 2008, chapitre 4 : « combat et physicalité, accéder aux corps ? », pp. 239-316.
[3] C. S. Pierce, Le raisonnement et la logique des choses, Paris, CERF, 1995.
[4] Site français officiel du film Katyn [en ligne] http://www.katyn-lefilm.fr/index.htm (page consultée en avril 2010).
[5] J. Kaempfer, Poétique du récit de guerre, Paris, Corti, 1998, p. 164.
[6] E. Wiesel, Le crépuscule, au loin, Paris, Grasset, 1987, p. 216. Cité et analysé par M. Rinn, Les récits du génocide, sémiotique de l’indicible, Lausanne, Delaschaux et Niestlé, 1998, p. 155.
[7] Rapport d’information n° 1048 du 9 juillet 2008, déposé par la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne sur les perspectives de règlement de la question chypriote [en ligne], http://www.assemblee-nationale.fr/1&hellip ;. Page consultée en avril 2010.
[8] Cf. les travaux de Véronique Nahoum-Grappe sur la Bosnie ou ceux de Maria Victoria Uribe sur la Colombie.
[9] H. Southworth, Guernica ! Guernica ! : A Study of Journalism, Diplomacy, Propaganda, and History, University of California Press, 1977, p. 479.
[10] M. Baxandall, Formes de l’intention, Paris, Edition Chambon, 1985, pp. 79 passim.
[11] Cf notre article « Kosovo, une société en quête d’indépendance », La revue des deux mondes, octobre 2007.
[12] Cf. D. Crouzet, Les Guerriers de Dieu. La violence au temps des guerres de religion, Paris, Champ Vallon, 1990.
[13] A. d’Aubigné, Les Tragiques, Paris, Gallimard, 1995, p. 87.
[14] F. Tristan, Le monde à l’envers, Paris, Hachette-Massin, 1980.
[15] J. Rousset, Anthologie de la poésie baroque française, tome 1., Paris, Armand Colin, 1968, p. 17.
[16] Jean Kaempfer (1998) consacre de nombreuses pages à l’analyse comparée de ces deux textes. Même s’il ne traite pas à proprement parler du thème qui nous intéresse, les rapprochements opérés dans son ouvrage furent très stimulants.
[17] Lucain, La guerre civile, Paris, Belles Lettres, 1927, tome 2, p. 73. Cité par Kaempfer (1998), p. 159.
[18] J. F. Jagielski, Le Soldat inconnu, invention et postérité d’un symbole, Paris, Imago 2005.
[19] L’association a ensuite bénéficié de soutiens importants et existe toujours, site en ligne, http://www.gueules-cassees.asso.fr/, site consulté en avril 2010.
[20] P. Drieu, la Rochelle, La comédie de Charleroi, La petite ourse, Lausanne, 1934, pp. 111-113.
[21] B. Cendrars, La main coupée, Paris, Denoël Folio, 1946, p. 68.
[22] Ibid., p. 38.
[23] Cendrars consacre à cet officier et à ses pairs un chapitre au vitriol intitulé « Plein-de-soupe (les gradés) ».
[24] A. Mbembe, « Nécropolitique », Raisons politiques, 1/2006 (no 21), p. 29-60. http://www.cairn.info/revue-raisons&hellip ;
[25] R. A. Pape, Dying to Win : The Strategic Logic of Suicide Terrorism, Random House, New York, 2005.
[26] Y. Khadra, L’attentat, Paris, Julliard, 2005, p. 34.
[27] V. Nahoum-Grappe, « L’usage politique de la cruauté : l’épuration ethnique (ex-Yougoslavie, 1991-1995) », dans F. Héritier, De la violence,tome 1, Odile Jacob, [1999] 2005.
[28] L’effondrement persistant après 1995 du nombre des mariages entre les communautés bosniennes confirme le réalisme et l’actualité de cette lecture au-delà du symbolique, cf. I. Vikou-Poustovaia, « Encore ensemble ? La question de la mixité en ex-Yougoslavie », Langage et société, n°115, 2006.
[29] Sur l’équilibre des enjeux esthétiques et militants dans la création et la réception d’une œuvre engagée, voir R. Lecler, « Les succès d’histoire d’A, ‘film sur l’avortement’ », Terrains et travaux, n°13, 2007/2. Voir également les contributions à la partie 2, « L’art entre raison esthétique et usages politiques », dans V. Roussel (dir.), Les artistes et la politique, terrains franco-américains, PU Vincennes, 2010
Guibert-Lassalle Anne, « Usage politique et artistique des corps méconnaissables dans l’après-guerre », dans revue ¿ Interrogations ?, N°11 - Varia, décembre 2010 [en ligne], https://revue-interrogations.org/Usage-politique-et-artistique-des (Consulté le 21 novembre 2024).