Dans le cadre d’une démarche pluridisciplinaire, le présent article examine la façon dont l’appartenance nationale se forge à un niveau microsocial, au croisement de l’habitus, des représentations, des stratégies et des motivations des agents sociaux. Il esquisse une formalisation, inédite de par son caractère synthétique et multidimensionnel, de ce concept, et essaie de dépasser le clivage traditionnel entre critères organiques et politiques de la nation. Loin de vouloir montrer la ’réalité’ essentialiste des identités nationales, il propose des outils pour comprendre l’ancrage de cette construction symbolique entre le matériel et l’idéel, entre les subjectivités et les objectivités qui structurent tout imaginaire social.
Mots-clés : Identité nationale, appartenance nationale, identité imaginée, identité imaginaire, communautés imaginées
Within the frame of a multidisciplinary approach, this paper examines the way national belonging is forged on a micro-social level, at the crossroads of the social agents’ habitus, representations, strategies and motivations. It sketches an original modelization, synthetic and multidimensional, of this concept and tries to go beyond the traditional divide between nation’s organic and political criteria. Far from proving the essentialist ’reality’ of national identities, it offers some theoretical tools in order to understand the embedding of this symbolic construction between the material world and that of ideas, between the subjectivities and the objectivities that structure social imaginaries.
Keywords : National identity, national belonging, imagined identity, imaginary identity, imagined communities
Cristallisée par Benedict Anderson en 1983 dans sa désormais célèbre formule d’imagined communities [1], l’approche constructiviste des nations constitue de nos jours le paradigme dominant en sciences sociales, même si la portée heuristique de ce dernier continue à alimenter des débats. Dans le présent article, il s’agit de dépasser, autant que possible, les clivages qui caractérisent les travaux existant dans ce domaine et d’objectiver le concept d’identité nationale [2], souvent contesté [3], afin de comprendre comment, pourquoi, par qui et à partir de quoi, l’appartenance dite ’nationale’ se développe. À l’encontre de la majorité de la littérature académique relative au concept de nation, je ne me pencherai pas sur l’apparition historique de ce dernier. Je vais en revanche m’intéresser à la façon dont l’appartenance nationale se forge à un niveau microsocial, au croisement de l’habitus, des représentations, des stratégies et des motivations des agents sociaux. En s’inspirant de travaux émanant notamment de la sociologie, de la psychologie sociale, de la science politique, de l’histoire, de l’archéologie, de l’anthropologie et des sciences de l’information et de la communication, je souhaite esquisser une formalisation, inédite de par son caractère synthétique et multidimensionnel, de l’identité nationale. Ma démarche se nourrit de plusieurs recherches personnelles menées pendant les quinze dernières années. Elle émane d’un besoin, de plus en plus présent dans la recherche contemporaine, repéré par la chercheuse en communication Sabina Mihelj, selon qui « si beaucoup de choses ont été dites par rapport aux premières périodes de la formation des nations […], nous en connaissons beaucoup moins sur les nations et des États-nations établis. […] La popularité du travail d’Anderson est trop souvent basée sur des lectures partiales qui tendent à privilégier le rôle de l’imagination. » [4]
En effet, si le sens courant du terme ’imaginaire’, parfois utilisé en tant que synonyme du ’fictif’ [5], veut que celui-ci s’oppose à une prétendue réalité qui lui échapperait, l’acception anthropologique du concept appelle à une analyse plus nuancée, qui met l’accent sur l’incessant échange entre les subjectivités et les objectivités qui structurent tout imaginaire social [6]. Dans ce cadre, loin de vouloir montrer la ’réalité’ essentialiste des identités nationales, j’essaierai de proposer des outils pour comprendre l’ancrage de cette construction symbolique au croisement du matériel et de l’idéel [7]. Néanmoins, afin d’éviter les confusions avec le sens courant du terme ’imaginaire’, je parlerai plutôt de ’communautés imaginées’.
Bien évidemment, je ne prétends pas avoir étudié tous les cas, souvent très différents les uns des autres, qu’englobe ce que l’on appelle couramment ’nation’ : peuples sans territoire [8], nations se confondant à des régions au sein d’un ensemble territorial et national plus vaste (fédéral ou confédéral), diasporas qui revendiquent une appartenance nationale, etc. Le modèle proposé ici concerne davantage les territoires relativement stables et établis au sein des sociétés dites ’développées’. Je préférerai, autant que possible, parler d’’identité nationale’ et non pas de ’nationalisme’. Malgré la porosité qui existe entre les deux termes, je garderai le dernier pour désigner davantage, à l’instar de l’historien John Breuilly et du politologue Christophe Jaffrelot [9], un mouvement politique avec des enjeux géopolitiques et économiques, ainsi qu’une idéologie qui cherche à se donner une nation et/ou à promouvoir la supériorité de son groupe sur les autres. Sans ignorer la question des stratégies et des idéologies qui sous-tendent la formation des identités nationales au niveau macro-social, question sur laquelle je reviendrai plus loin dans ce texte, je focaliserai mon analyse sur l’appartenance nationale en tant que construction et manifestation ’banales’ au sein de la vie quotidienne, et m’abstiendrai de recourir au vocable ’nationalisme’, chargé généralement de connotations négatives.
Pourtant, parler d’identité nationale semble un choix risqué. Si cette question occupe l’actualité dans plusieurs pays européens, les débats se trouvent souvent piégés dans un cadre partisan qui tend à porter préjudice à toute réflexion scientifique en la matière. Notamment en France, la médiation et les instrumentalisations politiques de cette notion, associées à un certain scepticisme intellectuel lié à la tradition républicaine de cette société, ont fait que les travaux sur le sujet ne sont pas nombreux, contrairement au monde anglo-saxon où la question de la nation est posée et débattue au sein des institutions académiques [10]. Il me semble, enfin, que si l’identité nationale provoque aujourd’hui autant de polémiques ainsi que de contestations, c’est parce que, hormis ses usages et instrumentalisations politiques, elle englobe un terme dont la légitimité épistémologique peut aussi être contestée, celui de l’identité. Il s’avère ainsi indispensable de s’attarder sur ce concept.
Les sociologues Roger Brubaker et Frederick Cooper [11] font partie de ceux qui depuis quelques années s’interrogent sur la pertinence de l’identité en tant que catégorie d’analyse : trop fluide, trop utilisé, le terme, selon ces auteurs, a fini par perdre toute valeur heuristique. C’est dans le même esprit que le sociologue politique Siniša Malešević [12] parle de « camisole normative » pour désigner le concept d’identité et soutient que son ambiguïté sémantique empêche toute possibilité d’opérationnalisation en sciences sociales.
Néanmoins, si ces auteurs récusent le terme identité, qu’ils remplacent par d’autres jugés plus pertinents selon le cas (e.g. catégorisation, identification, compréhension de soi, positionnement social, similitude, communauté, lien, idéologie, etc.), ils insistent eux aussi sur le caractère contextuel de ces derniers et acceptent leur dimension politique. Ils introduisent finalement dans leurs analyses les mêmes problèmes que pose l’identité en tant qu’objet de recherche, auxquels ils répondent par une fragmentation catégorielle qui s’avère in fine aussi problématique que le concept initial. En réponse à ces critiques, le sociologue Anthony Smith [13] admet la polysémie de l’identité et souligne que cela est le cas d’autres concepts utilisés en sciences sociales, comme la classe, l’État, l’idéologie, etc., qui constituent des catégories à la fois analytiques et empiriques. La difficulté de circonscrire et de définir ces derniers ne disqualifie pas, selon l’auteur, leur pertinence heuristique ni leur légitimité en tant qu’objets de recherche.
La définition de l’identité retenue dans le présent travail est celle proposée dans le cadre des sciences de l’information et de la communication par Alex Mucchielli, inspirée de travaux en psychologie sociale. Selon cet auteur « l’identité est un ensemble de significations (variables selon les acteurs d’une situation) apposées par des acteurs sur une réalité physique et subjective, plus ou moins floue, de leurs mondes vécus, ensemble construit par un autre acteur. C’est donc un sens perçu donné par chaque acteur au sujet de lui-même ou d’autres acteurs. » [14] Dans le cadre de cette approche, l’identité désigne à la fois un sentiment de permanence de soi – l’ipséité dont parle le philosophe Paul Ricœur [15] – et de différence par rapport aux autres. Pour Alex Mucchielli, les acteurs sociaux définissent leur identité en faisant appel à divers éléments. Parmi ces derniers, certains semblent particulièrement pertinents pour l’analyse des identités collectives : référents matériels et physiques (possessions, potentialités, organisation matérielle, traits physiques), référents historiques, référents culturels (normes groupales, habitudes collectives), référents psychosociaux (satisfactions et frustrations, compétences reconnues, qualités, défauts, etc.). L’avantage de cette approche est qu’elle met en lumière le caractère construit de l’identité qu’elle ancre néanmoins dans un ensemble d’éléments aussi bien subjectifs que matériels. Mais avant d’appliquer ces éléments dans le cadre des identités nationales qui constituent l’objet de ce travail, il faut s’attarder sur l’autre composante de ce concept, la nation.
Selon l’acception commune, l’identité nationale désigne la conscience d’appartenir à un groupe spécifique, la nation, dont les membres sont censés partager un ensemble d’attributs. Analystes en sciences politiques, historiens, sociologues, anthropologues, archéologues, etc. se sont penchés pendant les cinquante dernières années sur le sens et les origines de la nation. Leurs travaux ont permis de mieux cerner ce concept aux contours flous et aux usages multiples. Ils ont abouti à la construction d’un champ discursif, au sens foucaldien [16], au sein duquel deux approches fondamentales se disputent : la première, sous le nom de primordialisme, appréhende la nation en tant que phénomène naturel, organique et donc universel ; la seconde, appelée couramment ’modernisme’, la conçoit en tant qu’épiphénomène sociopolitique, résultat des conditions de la modernité. Au sein d’une posture constructiviste, et par conséquent à l’opposé de quelconque essentialisme, ma démarche dans le présent travail essaie de dépasser, autant que possible, certains aspects de cette opposition. Mais attardons-nous d’abord sur quelques penseurs emblématiques de la nation.
Pour le sociologue et anthropologue Pierre Van den Berghe [17], par exemple, les nations constituent des extensions des groupements familiaux primaires et reflètent une certaine tendance népotiste chez l’homme. Légèrement nuancée par rapport à cette approche qui met la biologie au centre de la formation des nations, un courant primordialiste de nature plus culturaliste insiste davantage sur des ressemblances culturelles (traditions, religion, langue, etc.). Ainsi, pour l’anthropologue Clifford Geertz [18] l’homogénéité culturelle – mais pas forcément biologique – de la nation précède et prédétermine son organisation politique et c’est elle qui génère auprès de ses membres le sentiment d’appartenance.
Si les chercheurs sont loin de s’accorder autour d’une thèse unique concernant les origines et les processus d’apparition des nations, le paradigme dominant au sein de la recherche contemporaine prône que celles-ci, telles que nous la concevons aujourd’hui, à savoir associées à un État et à un territoire donnés, émanent d’une forme moderne d’organisation politique et sociétale.
Plus particulièrement, la célèbre thèse du politologue Benedict Anderson [19] sur les communautés imaginées que constituent les nations est souvent évoquée pour illustrer cette approche. Selon cet auteur, ces dernières réunissent des personnes qui ne se connaissent pas et qui ne se croiseront jamais mais qui éprouvent un fort sentiment d’appartenance à la communauté nationale. Pour Anderson, l’apparition des nations doit être appréhendée au sein des – ou contre les – systèmes culturels qui l’ont précédée (communauté religieuse et royaume dynastique), ainsi qu’à la suite de l’émergence du capitalisme marchand et de l’invention de l’imprimerie. L’historien Elie Kedourie [20] en revanche voit dans l’apparition des nations une question de manœuvre politique de la part des gouvernants. Il fait ainsi partie, comme l’historien John Breuilly [21], de ceux qui, dans le sillage d’une tradition marxiste, insistent sur l’aspect instrumentaliste de la formation des nations. Quant au philosophe et anthropologue Ernest Gellner, il souligne que « les nations ne sont pas inscrites dans la nature des choses » [22] mais émanent d’un ensemble de conditions sociales liées à l’organisation économique des sociétés industrielles ; le rôle des systèmes d’éducation est entre autres souligné. L’historien Eric Hobsbawm [23] insiste enfin sur l’importance des facteurs culturels mais aussi politiques dans l’apparition de l’État-nation moderne.
Sabina Mihelj [24] a montré que l’expansion récente des approches modernistes de la nation s’inscrit dans le contexte sociopolitique de la fin de la Seconde Guerre mondiale et notamment celui de la fin de la Guerre froide. Elle reflète les efforts des sociétés de la seconde moitié du XXe siècle à mieux appréhender la diversité culturelle et la mobilité croissante des populations. Ainsi que la chercheuse le souligne, même si des affiliations et des liens directs sont difficiles à établir aujourd’hui entre penseurs académiques de l’identité nationale et hommes politiques, les discussions sur la nation reflètent les affinités qui existent entre les mondes politique et idéologique, appuyées par la montée des pensées constructiviste et culturaliste.
Cependant, malgré ces nouveaux éclairages, le débat est loin n’avoir trouvé une fin. Pour Anthony Smith [25], par exemple, si la nation est une construction des sociétés modernes, elle s’appuie sur des identités et des liens ethniques préexistants qui constituent son substrat culturel. En revanche, le politologue Walker Connor [26] souligne que la conviction d’une ascendance commune n’est pas basée sur des faits ni sur la raison, mais sur un sentiment irrationnel partagé par les membres d’une nation. Il met ainsi l’accent sur l’aspect vécu et ressenti de la nation, en même temps qu’il attire l’attention sur le rôle de la communication de masse.
L’origine des débats sur la nation est généralement située à la fin du XVIIIe siècle aux États-Unis et en France, notamment lors de la Révolution française [27]. Dans ce pays, elle constituerait la base d’une antinomie cardinale entre ’nationalisme de droite’ et ’nationalisme de gauche’. Celle-ci reflèterait le désaccord entre les aristocrates, qui prônaient une conception ethnique de la nation, fondée sur l’origine et le droit du sang, avec les Francs comme ancêtres légitimes, et ceux qui défendaient l’esprit des Lumières adoptant une conception assimilationniste, avec les Gaulois comme vrais ancêtres [28]. La perte de l’Alsace-Lorraine en 1870, soutenue par l’approche ethnoculturelle de la nation prônée par l’Allemagne, aurait davantage attisé ce débat [29]. C’est dans ce contexte historique que l’historien et philosophe français Ernest Renan a prononcé en 1882 son célèbre discours à la Sorbonne prônant une vision volontariste de la nation [30]. En réponse à cette thèse, l’historien allemand Friedrich Meinecke a introduit la distinction entre Staatsnation et Kulturnation [31]. Quelques années plus tard, l’historien et philosophe Hans Kohn [32] a donné une dimension spatiale à cette opposition en parlant de « nation à l’occidentale », concrétisée notamment au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis, et de « nation à l’orientale », manifestée en Allemagne, en Europe de l’Est et dans le Tiers Monde. Bien sûr des voix s’élèvent [33] pour récuser ces thèses binaires, tandis que d’autres analystes mettent en cause la légitimité même de la définition ethnoculturelle de la nation : si le critère rigide de la ’race’ en tant qu’élément physique engendre une acception essentialiste de l’identité nationale, son association avec des facteurs culturels amène à une ouverture vers une position plus constructiviste, et par conséquent plus souple. Ainsi que le souligne Tzvetan Todorov « de même que la ’race’, la culture préexiste à l’individu, et on ne peut changer de culture du jour au lendemain (à la manière dont on change de citoyenneté, par un acte de naturalisation). Mais la culture a aussi des traits communs avec le contrat : elle n’est pas innée mais acquise ; et, même si cette acquisition est lente, elle dépend en fin de compte de la volonté de l’individu et peut relever de l’éducation » [34].
Dans une analyse portant sur la construction des identités collectives au sens général, le sociologue et anthropologue Shmuel N. Eisenstadt [35] voit un mouvement de continuité, plutôt qu’une antinomie, entre les approches primordialistes et modernistes. Il soutient que les critères primordiaux (biologie, langue, sacré, etc.), prédominants dans la construction des identités collectives au sein des sociétés prémodernes, ont évolué vers des approches plus civiques de la nation, fondées sur l’importance du territoire et la recherche d’une homogénéité politique et culturelle. Néanmoins, ainsi que le souligne cet auteur, le primordialisme des sociétés prémodernes n’a pas disparu ; ses traces se retrouvent aujourd’hui dans la construction symbolique des identités nationales et constituent la raison pour laquelle les contours de ces dernières sont flous, confus et souvent contradictoires.
C’est dans un même esprit de mélange de critères primordiaux avec des éléments politiques que le sociologue Manuel Castells [36] cite des travaux expliquant l’émergence des nations par l’interaction historique de quatre séries de facteurs : des facteurs primaires (ethnie, territoire, langue, religion, etc.), des facteurs génératifs (développement des communications et des technologies, formation des villes, etc.), des facteurs induits (codification de la langue dans une grammaire officielle, développement des bureaucraties et instauration des systèmes d’éducation nationale, etc.) et des facteurs réactifs (défense d’identités opprimées). Le rôle de ces facteurs dépend des contextes historiques. Selon la sociologue Gordana Uzelac [37], pour comprendre l’apparition des différents types de nations, il faut étudier à la fois les structures sociales et culturelles qui l’ont précédée et les motivations des agents sociaux. Ce dernier paramètre est aussi souligné par l’historien Oliver Zimmer [38] qui met davantage l’accent sur les fonctions que sert la rhétorique nationale à un moment historique donné. Ce dernier distingue les ressources dans lesquelles celle-ci puise son inspiration et les mécanismes qu’elle met en place.
Par conséquent, séparer les approches (ethno)culturelles et politiques de la nation semble difficile [39], et relève plutôt d’une posture académique. Des analyses des représentations de publics européens montrent que la nation n’est pas appréhendée sous une forme binaire et oppositionnelle [40]. Ainsi que le souligne Manuel Castells, s’il semble évident que l’identité nationale, comme toute identité, est construite, il est moins facile de comprendre « comment, à partir de quoi, par qui et pourquoi » [41] ce processus a lieu. Je propose d’apporter quelques réponses à ces points dans le chapitre suivant.
La figure n° 1 propose un schéma illustrant la construction des identités nationales. Il s’agit d’une modélisation inédite visant à expliquer, sans parti pris ni jugement de valeur, les étapes de ce processus et les agents qui y interviennent. Elle ouvre à ce titre un espace pour l’étude des identités nationales en tant que phénomènes complexes au sein des sociétés contemporaines dites ’développées’. Contrairement à la majorité des travaux relatifs aux nations qui s’interrogent sur l’apparition historique de celles-ci et aux structures macrosociales qui l’ont sous-tendue, cette approche s’intéresse aux relations que la nation entretient avec les pratiques et les structures quotidiennes qui la maintiennent et la réinventent au niveau microsocial. Le modèle proposé ici appréhende la formation des identités nationales en tant que processus dynamique, façonné par deux mouvements d’interaction principaux : celui entre matérialités/pratiques et représentations ; celui entre systèmes de communication et motivations des agents sociaux. Le premier (en bleu) concerne davantage le contenu, à savoir les dimensions objectivantes et subjectives de l’identité nationale, tandis que le second (en rouge) focalise plus particulièrement sur la question des pouvoirs (dispositifs et stratégies) qui sous-tendent sa formation.
Les matérialités et pratiques constituent les ressources, le fonds dans lequel les identités nationales puisent leur authenticité et légitimité prétendues. Les matérialités font référence à un ensemble d’éléments géographiques (e.g. territoire, climat), biologiques (e.g. traits distinctifs), économiques (e.g. ressources), démographiques, etc., habituellement sollicités par les acteurs sociaux pour désigner le caractère spécifique de leur nation. Les pratiques sont sociales et discursives. Elles concernent les habitudes et comportements (e.g. alimentaires, tendances de consommation, rites et coutumes), les schémas de pensée (e.g. croyances), les ressorts discursifs (e.g. langue), ainsi que les modalités organisationnelles (e.g. juridiques, éducationnelles) que peut développer et partager un groupe – ce que communément désigne le terme culture. Les matérialités et pratiques se situent notamment au niveau de l’expérience, faisant référence à ce que la psychosociologue Denise Jodelet [42] appelle « réalité matérielle, sociale et idéelle », et constituent la première matière pour la construction des identités nationales. Dans un sens bourdieusien – et ainsi qu’il a été mis en lumière par l’archéologue Siâm Jones [43] au regard de l’ethnicité –, elles désignent l’habitus, à savoir les dispositions que les individus développent lorsqu’ils rencontrent et expérimentent les structures matérielles et symboliques qui définissent leurs pratiques socioculturelles.
Les matérialités et pratiques de la vie collective génèrent un ensemble d’apprentissages et d’abstractions (cadrages, préjugés, stéréotypes, etc.) par rapport à ce que constitue l’ ’essence’ de la nation et l’identité nationale du groupe, en perspective implicite ou explicite avec un Autre. Je désignerai ces éléments avec le terme représentations, faisant référence aux théories sur les représentations sociales [44]. Il ne s’agit pas ici d’insinuer une quelconque séparation entre monde idéel et matériel. Les réalités idéelles traversent et définissent, elles aussi, l’habitus, dont elles constituent une composante interne et une condition d’apparition [45]. Les représentations dont je parle sont celles relatives à l’objet visé, à savoir la communauté nationale. En tant que constructions symboliques, celles-ci se lisent à trois niveaux : cognitif, affectif, idéologique. Le premier concerne des connaissances à propos du groupe concernant sa situation présente et passée (histoire), voire future (aspirations). Le deuxième niveau fait référence aux attitudes, évaluations et jugements que le groupe porte sur lui-même ou les autres. Le troisième niveau désigne les vérités globalisantes mises en place au sein de la nation qui (re)produisent quelques uns des mythes fondateurs liés à ses origines et à son ’destin’. Ces trois dimensions forment une toile complexe où critères primordiaux (langue, religion, etc.) et éléments civiques (valeurs, projet politique, etc.) coexistent et se combinent de façons et d’intensités différentes et évolutives. Par exemple, la chercheuse en médias et communication Myria Georgiou [46] a montré que des éléments primordiaux (couleur de la peau, héritage de la culture grecque antique) combinés à des paramètres d’ordre politique (positionnement pro-européen) a permis aux Grecs de la diaspora des États-Unis de se positionner dans un niveau supérieur au sein de la hiérarchie ethnique et raciale de la société nord-américaine. Ces facteurs ont rendu l’intégration de cette population plus facile et ont circonscrit la construction symbolique de la spécificité nationale grecque moins dans un cadre d’opposition avec la majorité dominante et plus en tant que cas particulier au sein du groupe racial aux attributs légitimes (whiteness).
En raison de leur pouvoir normatif, les représentations agissent comme des cadres d’interprétation [47] et alimentent à leur tour l’expérience (les matérialités et les pratiques). Si elles se trouvent largement forgées par l’habitus, elles « tendent [aussi] à reproduire les structures objectives dont elles sont le produit » [48]. En ce sens, la relation entre l’expérience et les représentations ne peut pas être linéaire. Elle se caractérise par sa bidirectionnalité et forme un mouvement circulaire. Cela est important afin de comprendre le caractère rigide – mais pas fermé – des identités nationales, ainsi que la tendance à appréhender ces dernières en deux niveaux. Plus particulièrement, lorsque l’accent est mis sur les représentations entretenues par l’individu (focalisation interne), l’identité nationale est comprise en tant que sentiment subjectif d’appartenance. Walker Connor [49] insiste particulièrement sur cette dimension. En revanche, lorsque le regard se déplace vers les mondes matériels et idéels qui conditionnent et circonscrivent ce sentiment (focalisation externe), l’identité nationale est considérée comme un ensemble d’attributs et de données ’objectives’ qui peuvent être saisis, décrits, voire expliqués. Plusieurs travaux s’inscrivent dans ce cadre, comme ceux de l’anthropologue Edward T. Hall et du psychologue Geert Hofstede [50] qui abordent la question de la différence entre groupes nationaux sous le prisme de l’interculturalité.
Il semble logique qu’entre deux sociétés différentes – en tant que formes d’organisation de la vie collective –, les matérialités et les pratiques qu’expérimentent les individus ne sont pas identiques. Ces derniers donnent par conséquent naissance à des représentations également divergentes d’un espace sociétal à un autre. Cela explique et valide un certain essentialisme couramment lié aux identités nationales. Par exemple, les États-Unis, rappelle Shmuel N. Eisenstadt [51], puisent moins dans l’histoire en tant qu’élément constitutif de leur identité collective par rapport aux pays d’Europe et d’Asie. Cependant, il faut aussi souligner que si plusieurs matérialités et pratiques peuvent être communes aux membres d’un groupe dit ’national’, cela est loin de signifier que ces derniers partagent exactement les mêmes références et expériences ; d’où une grande divergence possible quant aux représentations circulant au sein même du groupe. En ce sens, la notion de similitude qui constitue le cœur sémantique de l’identité nationale doit s’appréhender moins comme une réalité absolue que comme une tendance, voire une promesse. Car d’autres critères, tout aussi importants, déterminent la façon dont les individus expérimentent le monde : la trajectoire sociale, le genre, la pratique religieuse, etc. Ces derniers rendent souvent discordantes, contradictoires, voire conflictuelles, les représentations internes au sein d’un groupe par rapport à sa nation prétendue. Autrement dit, si l’appartenance nationale est imaginée, à savoir construite, elle ne l’est pas pour tous de la même façon et prend un sens différent selon les configurations sociales et historiques. Elle se trouve circonscrite d’une double contrainte : celle des matérialités et pratiques qui la sous-tendent, mais aussi celle des systèmes et dispositifs de communication qui l’activent. Cette dernière contrainte sera discutée dans la partie suivante.
La relation entre matérialités-pratiques et représentations s’opère uniquement au sein de systèmes et dispositifs de communication. Il s’agit d’une condition sine qua non, car sans cette dernière la création du sentiment de l’appartenance nationale ne peut pas avoir lieu, et cela pour deux raisons. D’abord, ce sont les systèmes et dispositifs de communication mis en place par les agents sociaux (école, médias, etc.) qui uniformisent une population et posent les bases pour l’apparition de son espace public. L’importance de ce processus est souvent soulignée dans les travaux sur la naissance des nations et des identités, mais elle est aussi constatée dans les analyses sur le rôle des médias et notamment dans la formation du lien social [52]. La notoriété de la thèse de Benedict Anderson sur les nations en tant que communautés imaginées et ses innombrables citations tendent à faire oublier le fait que l’auteur a insisté sur le rôle primordial des canaux de communication partagés, centralisés et standardisés, en tant que générateurs des coïncidences calendaires consommées de façon synchrone, à savoir simultanée. En ce sens, l’invention de l’imprimerie et l’essor des médias de masse s’avèrent des catalyseurs qui n’ont pas seulement contribué à la naissance des nations, mais qui conditionnent aussi leur existence au jour le jour. Ce processus s’opère à travers la standardisation des messages véhiculés au sein d’une population et la création d’un sentiment d’appartenance, grâce notamment à la fabrication et la célébration d’une culture commune, la création d’un présent partagé et d’une façon d’adresser les publics en tant que membres de la même communauté [53]. Il s’agit d’un processus que je nommerai ’de structure’.
Ce sont ces systèmes et dispositifs de communication qui, en tant que « premières surfaces d’apparition » [54] des nations alimentent leur rhétorique, à travers ce que j’appellerai l’emblématisation des contenus. Il s’agit de la transformation d’éléments issus de l’expérience (matérialités, pratiques) en ’prototypes identifiels’ de la nation ; ces derniers définissent et incarnent sa prétendue réalité [55] en même temps qu’ils fonctionnent en tant que repères pour la construction de sa mémoire collective [56]. Le rôle des institutions publiques (e.g. l’école), est évidemment primordial, mais les chercheurs analysent aussi le pouvoir des médias dans la reproduction, voire la réinvention de narrations nationales et de traditions, la création et la diffusion de symboles banals de la nation, l’insertion d’images dans la mémoire collective, la promotion des nations en tant que marques (nation branding), etc. [57]. D’autres insistent davantage sur l’intensification des processus de médiatisation de la nation pendant les périodes de crise (guerres, etc.) et distinguent les discours nationalistes ’froids’ de la vie quotidienne des discours nationalistes ’chauds’ qui apparaissent en cas de conflits internationaux [58]. Le rôle de la narration, de l’émotion et de la dramatisation est souligné [59]. Bien évidemment, ainsi que les études culturelles l’ont montré [60], les processus de réception au sein des systèmes de communication sont pluriels et les individus disposent de marges de manœuvre et de résistance en fonction de leurs propres ressources, milieux, stratégies, motivations, etc. Mais le pouvoir inhérent à tout dispositif de communication n’est plus à démontrer.
Signalons néanmoins que l’emblématisation des contenus qui sous-tend la formation des représentations liées à l’identité nationale s’opère uniquement dans le cadre d’un processus de décentration, à savoir lorsque les matérialités et pratiques sont mises en parallèle, explicitement ou implicitement, avec celles d’un autre groupe (comparaison) et/ou vues sous l’angle d’une prétendue identité nationale (auto-attribution) [61]. C’est la dialectique avec l’Autre, en tant qu’objet observé et observant, qui permet à un agent social de positionner son groupe dans le cadre des rapports et des hiérarchies construits et vécus entre nations différentes. Car la quête de valorisation de la communauté d’appartenance sous la forme d’une prétendue authenticité traduit aussi le besoin de maintien d’un certain pouvoir vis-vis l’Autre [62]. Signalons également que cette dialectique s’opère notamment dans un espace synchrone. Les différences en matière de contexte deviennent moins signifiantes lorsque le groupe porte un regard réflexif sur sa propre évolution diachronique. Dans ce cas, le sentiment d’ipséité, à savoir le pouvoir du groupe de se représenter comme demeurant le même, l’importe sur celui de la différence.
Notons enfin que si les canaux de communication fonctionnent en tant que facteurs d’homogénéisation et d’inclusion, leur multiplication, fragmentation et mise en concurrence au sein des espaces publics contemporains engendre parallèlement des reconfigurations identitaires et fait émerger des zones d’hybridité voire d’exclusion. Par exemple, l’expansion des nouvelles technologies de l’information et de la communication amène les chercheurs à s’interroger sur l’impact de ces outils sur la place des identités minoritaires au sein de l’espace public, ainsi que sur la formation de nationalismes transnationaux ou à distance [63].
Dans ce cadre, la question des stratégies des agents sociaux ou « agents mobilisateurs » [64] qui sous-tendent les processus communicationnels est primordiale. Le sociologue Michael Billig [65] insiste sur la façon dont les gens ordinaires produisent et reproduisent quotidiennement un nationalisme ’banal’ [66] à travers un ensemble de pratiques discursives, d’activités de consommation, d’interactions sociales, etc. Son approche s’éloigne de la conception élitiste des nations en tant que résultats des stratégies mises en œuvre d’en haut et s’interroge, dans une perspective plus culturaliste, sur les médiations et les pratiques quotidiennes qui donnent sens à la notion de nation. Néanmoins, si tous les agents sociaux peuvent avoir une participation active dans ce processus, leurs marges de manœuvre ne sont pas les mêmes. Le rôle des institutions publiques (École, armée, etc.) est fondamental [67]. D’autres microstructures et dispositifs opèrent en tant qu’ « instances de délimitation » [68] : la famille bien sûr, mais aussi les matrices organisationnelles d’une société donnée (lois, normes, etc.), les partis politiques, la littérature populaire, l’Église, les médias, etc. [69] Hormis les stratégies politiques qui peuvent sous-entendre les actions de ces acteurs institutionnels, les stratégies commerciales apparaissent comme un autre moteur dans la construction symbolique des identités nationales. Sabina Mihelj [70] souligne l’importance du marché dans la construction d’un espace public commun au sein d’une communauté, tandis que le politologue Nikos Demertzis [71] rappelle que la nation constitue l’un des codes culturels que la société capitaliste valorise, notamment à travers les opérations publicitaires.
Le modèle proposé dans cet article esquisse un schéma synthétique et original décrivant le processus de construction des identités nationales, à savoir les facteurs qui y interviennent et leur articulation. Il ouvre un espace multidimensionnel et pluridisciplinaire pour étudier ces dernières en tant que représentations normatives, générées par des matérialités et des pratiques (expériences) au sein de systèmes et de dispositifs de communication, soutenues par des motivations et des stratégies d’agents sociaux. Il constitue un « tableau de pensée » [72] dont toute contextualisation mettrait probablement en lumière des approximations et des exceptions inhérentes à toute tentative de théorisation et de généralisation [73]. Cependant, l’un des apports de ce modèle est qu’au lieu de hiérarchiser les composantes de l’objet qu’il étudie ou de se prononcer sur leur vérité, il les articule de façon organique afin de montrer leur lien. Sans tomber dans un déterminisme inéluctable ni surestimer la rationalité des acteurs sociaux, il laisse place aux subjectivités et aux stratégies de ces derniers, aux structures économiques et politico-étatiques, ainsi qu’aux pratiques et routines quotidiennes qui luttent pour forger l’identité nationale sur un plan microsocial. Ses potentialités heuristiques sont à développer et son opérationnalité à prouver à travers des études de cas concrètes, et notamment au sein de contextes hybrides (régionaux, diasporiques, etc.), de cas de nations sans territoire, etc.
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[1] B. Anderson, Imagined Communities [1983], London, Verso, 2006.
[2] Je me réfère à l’identité nationale en tant que ’notion’ lorsque je fais allusion à son caractère communément admis, souvent vague. En revanche, lorsqu’il s’agit de l’appréhender en tant que schème scientifiquement élaboré, j’utilise le terme ’concept’.
[3] G. Noiriel, À quoi sert l’identité nationale ?, Marseille, Agone, 2007.
[4] S. Mihelj, Media Nations, Basingstoke/New York/China, Palgrave Macmillan, 2011, p. 2 et 97.
[5] À l’encontre de l’imaginaire, la fiction résulte d’un pacte communicationnel et d’une posture intentionnelle dans laquelle la question de la référentialité ne compte pas. Voir J.-M. Schaeffer, « De l’imagination à la fiction », Vox-poetica, 2002, http://www.vox-poetica.org/t/articles/schaeffer.html (consulté le 27 novembre 2012).
[6] G. Durand, Les structures anthropologiques de l’imaginaire [1960], Paris, Dunod, 1993. Il est à ce titre intéressant de noter que c’est justement le concept d’imaginaire social qui a restitué le titre de l’ouvrage de B. Anderson (Imagined Communities) lors de sa traduction française en 1996. B. Anderson, L’imaginaire social. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 1996, traduction en français par Pierre-Emmanuel Dauzat.
[7] M. Godelier, « La part idéelle du réel. Essai sur l’idéologique », L’Homme, 18 (3-4), 1978, p. 155-188.
[8] Même si tout peuple ne forme pas forcément une nation (e.g. Rom).
[9] J. Breuilly, Nationalism and the State, Manchester, Manchester University Press, 1993, p. 2 ; Ch. Jaffrelot, « Pour une théorie du nationalisme », dans Repenser le nationalisme, Dieckhoff Alain, Jaffrelot Christophe (dirs), Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 2006, p. 33.
[10] Citons à titre d’exemple l’ASEN (Association for the Study of Ethnicity and Nationalism) au sein de la London School of Economics and Political Sciences, qui publie deux revues sur le sujet, Nations and Nationalism et Studies in Ethnicity and Nationalism.
[11] R. Brubaker, F. Cooper, « Behond ’identity’ », Theory and society, 2000, 29 (1), p. 1-47.
[12] S. Malešević, « Identity : Conceptual, Operational and Historical Critique », dans Making Sense of Collectivity, Malešević Siniša, Haugaard Mark (eds), London, Pluto Press, 2002, p. 195.
[13] A. Smith, Nationalism, Cambridge/Malden, Polity Press, 2010, p. 18-20.
[14] A. Mucchielli, L’identité, Paris, Presses Universitaires de France, 1986, p. 12.
[15] P. Ricœur, Temps et récit 3 [1985], Paris, Éd. du Seuil, 1991.
[16] M. Foucault, L’archéologie du savoir [1969], Paris, Gallimard, 2011, p. 56.
[17] P. van den Berghe, Race and Racism : A Comparative Perspective, New York/Sydney, Wiley, 1967.
[18] Cl. Geertz, The Interpretation of Cultures, New York, Basic Books, 1973.
[19] Anderson, op. cit. p. 6.
[20] E. Kedourie, Nationalism, Oxford, Blackwell, 1960.
[21] Breuilly, op. cit.
[22] E. Gellner, Nations et nationalisme [1983], Paris, Payot, 1999, p. 76.
[23] E. Hobsbawm, Nations and Nationalism since 1870 : Programme, Myth and Reality, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
[24] Mihelj, op. cit. p. 11.
[25] A. Smith, National Identity [1991], University of Nevada Press, 1993.
[26] W. Connor, Ethno-Nationalism : The Quest for Understanding, Princeton, New Jersey, Princeton University Press, 1994.
[27] Le sens moderne de la nation proche du terme ’peuple’, serait apparu dans l’Angleterre du XVIe siècle.
[28] G. Noiriel, Population, immigration et identité nationale en France, XIXe-XXe siècle, Paris, Hachette, 1992, p. 8-9.
[29] L. Dumont, Homo aequalis II. L’idéologie allemande : France-Allemagne et retour, Paris, Gallimard, 1991, p. 73-294.
[30] E. Renan, « Qu’est-ce qu’une nation ? », Paris, Éd. Mille et une nuits, 1997 (discours prononcé à la Sorbonne en 1882).
[31] Fr. Meinecke, Weltbürgertum und Nationalstaat : Studien zur Genesis des deutschen Nationalstaates, München/Berlin, Oldenbourg, 1908.
[32] H. Kohn, The Idea of Nationalism. A Study of its Origins and Background, New York, Macmillan, 1944.
[33] J.-Cl. Caron, M. Vernus, L’Europe au XIXe siècle. Des nations aux nationalismes 1815-1914, Paris, A. Colin, 1996, p. 224-260.
[34] T. Todorov, Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité culturelle, Paris, Éd. du Seuil, 1989, p. 509.
[35] S. N. Eisenstadt, « The construction of Collective Identities and the Continual Reconstruction of Primordiality », dans Making Sense of Collectivity, Malešević Siniša, Haugaard Mark (eds), London, Pluto Press, 2002, p. 33-87.
[36] M. Castells, Le Pouvoir de l’identité [1997], Paris, Fayard, 1999, p. 46.
[37] G. Uzelac, « The morphogenesis of Nation », dans Making Sense of Collectivity, Malešević Siniša, Haugaard Mark (eds), London, Pluto Press, 2002, p. 138-166.
[38] O. Zimmer, « Boundary mechanisms and symbolic resources : towards a process-oriented approach to national identity », Nations and Nationalism, 9 (2), 2003, p. 173-193.
[39] L’emblématique définition d’E. Renan (1882), souvent évoquée pour appuyer l’approche civique de la nation, est à ce titre significative, dans la mesure où elle s’avère plus nuancée que ne le laissent supposer ses nombreuses citations contemporaines (voir A. Dieckhoff, « Nationalisme politique contre nationalisme culturel ? », dans Repenser le nationalisme, Dieckhoff Alain, Jaffrelot Christophe (dirs), Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences politiques, 2006, p. 109).
[40] C. Bail, « The Configuration of Symbolic Boundaries against Immigrants in Europe », American Sociological Review, 73, 2008, p. 37-59 ; J. G. Janmaat, « Popular Conceptions of Nationhood in Old and New European Member States : Partial Support for Ethnic-Civic Framework », Ethnic and Racial Studies, 29 (1), 2006, p. 50-78 ; Koukoutsaki-Monnier, « Penser le Moi : Représentations de l’identité nationale auprès de jeunes français », Le moi et l’Autre, Questions de communication, série Actes, 11, 2011, p. 215-227.
[41] Castels, op. cit. p. 17-18.
[42] D. Jodelet, « Représentations sociales : un domaine en expansion », dans Les Représentations sociales, Jodelet Denise (dir.), Paris, Presses Universitaires de France, 1989, p. 58.
[43] S. Jones, The Archaeology of Ethnicity, London/New York, Routledge, 1997, p. 88.
[44] Jodelet, op. cit.
[45] Godelier, op.cit.
[46] M. Georgiou, Diaspora, identity and the media, New Jersey, Hampton Press, 2006, p. 15.
[47] E. Goffman, Les cadres de l’expérience [1974], Paris, Éd. de Minuit, 1991.
[48] P. Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Éd. de Minuit, 1980, p. 103.
[49] Connor, op. cit.
[50] E.T. Hall, The Silent Language, New York, Doubleday and Co., 1959 ; G. Hofstede, Culture’s consequences : International Differences in Work-related Values, Beverly Hills, Sage Publications, 1980.
[51] Eisenstadt, op. cit. p. 69 sq.
[52] Voir respectivement : Anderson, op. cit. ; Gellner, op.cit. ; A.-M. Thiesse, La création des identités nationales [1999], Paris, Éd. du Seuil, 2001 ; B. Ollivier, Identité et identification, Paris, Hermès/Lavoisier, 2007 ; M. McLuhan, Understanding Media, London, McGraw-Hill, 1964 ; D. Wolton, Éloge du grand public, Paris, Flammarion, 1990.
[53] Voir respectivement : D. Dayan, E. Katz, Media Events, Cambridge, Harvard University Press, 1992 ; A. Roosvall, I. Salovaara-Moring (eds), Communicating the Nation, Göteborg, Nordicom, 2010.
[54] Foucault, op.cit. p. 60
[55] J.-C. Deschamps, P. Moliner, L’identité en psychologie sociale [2008], Paris, Armand Colin, 2011, p. 21 et 66.
[56] M. Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire [1925], Paris, Albin Michel, 1994.
[57] Voir respectivement : E. Hobsbawn, T. Rangers (eds), The Invention of Tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 1983 ; B. Fleury, La mémoire télévisuelle de la guerre d’Algérie 1962-1992, Paris, INA/Éd. L’Harmattan, 2003 ; G. Bolin, P. Ståhlberg, « Between Community and Commodity. Nationalism and Nation Branding », dans Communicating the Nation, Roosvall Anna, Salovaara-Moring Inka (eds), Göteborg, Nordicom, 2010, p. 79-101.
[58] Mihelj, op. cit.
[59] H. Bhabha (ed.), Nation and Narration, New York, Routledge, 1990 ; M. Bociurkiw, Feeling Canadian. Television, Nationalism, and Affect, Ontario, Wilfrid Laurier University Press, 2011.
[60] É. Maigret, Sociologie de la communication et des médias, Paris, Armand Colin, 2003, p. 137 sq.
[61] Deschamps, Moliner, op. cit.
[62] N. Elias, La logique de l’exclusion [1965], Paris, Fayard, 1997.
[63] Voir par exemple : Tr. Mattelart (dir.), Médias, migrations et cultures transnationales, Paris, De Boeck, 2007 ; B. Anderson, The Spectre of Comparisons, London, Verso, 1998.
[64] Bourdieu, op. cit. p. 99.
[65] M. Billig, Banal nationalism, London, Sage Publications, 1995.
[66] Le nationalisme banal se distinguerait du nationalisme en tant que courant politique, tel qu’il a été évoqué dans l’introduction du présent article.
[67] A. Koukoutsaki-Monnier, « Enjeux de mémoire et identités nationales : autour d’un manuel grec d’histoire », Questions de Communication, 13, 2008, p. 303-322 [en ligne] http://questionsdecommunication.revues.org/1855 (consulté le 20 décembre 2012).
[68] M. Foucault, op. cit. p. 61.
[69] Voir par exemple A. Koukoutsaki-Monnier, « La construction symbolique de l’identité nationale française dans les discours de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy », Communication, 28 (1), 2010, p. 9-36 [en ligne] http://communication.revues.org/index2010.html (consulté le 20 décembre 2012), ainsi que les travaux cités supra dans les notes de bas de page n° 52, 53, 57 et 59.
[70] Mihelj, op. cit.
[71] N. Demertzis, Le discours du nationalisme, Athènes, Éd. Sakkoulas, 1996, p. 234-235.
[72] M. Weber, Essais sur la théorie de la science, recueil posthume traduit de l’allemand, Paris, Plon, 1965, p. 181.
[73] S. Olivesi, « Le travail du concept : théories, modèles, catégories », dans Introduction à la recherche en SIC, Olivesi Stéphane (dir.), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2007, p. 221-240.
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