L’approche biographique constitue une modalité de production de connaissances centrée sur le récit de vie. Il s’agit d’accéder à une compréhension des phénomènes étudiés par le prisme de productions narratives prenant la forme de récits biographiques ou autobiographiques, d’histoires de vie en collectivité, de lettres, de correspondances, de journaux intimes, de journaux de recherche, de mémoires, de récits de pratiques professionnelles, d’une auto-analyse, d’une psychothérapie, etc. Cette approche est transversale à différentes sciences humaines, que celles-ci s’intéressent à l’analyse du récit et de la narrativité ou à ce à quoi elle donne accès : les effets de sens, la conscientisation et la réflexivité qui procèdent du récit (auto)biographique.
L’approche biographique en sciences humaines est d’autant plus protéiforme qu’elle ne se réduit pas à une pratique de recherche mais peut aussi constituer le support d’une recherche-action. Christophe Niewiadomski distingue ainsi le cas où le chercheur « sollicite la narration, voire l’écriture d’un récit à des fins de recherche », de celui où « l’accent n’est pas exclusivement mis sur des enjeux de connaissance qui se situeraient “en extériorité” par rapport au sujet » [1]. L’approche biographique peut ainsi impliquer le sujet dans une démarche émancipatrice ou de changement, dans la réflexion qui est menée sur eux, ou encore permettre d’accéder à des connaissances s’étendant à d’autres sujets que ceux sur lesquels porte l’enquête.
Tout en maintenant la production de connaissances comme visée, le récit de vie peut ainsi se concevoir comme un outil de formation continue du narrateur, de même qu’un outil d’analyse de sa pratique professionnelle et de ses problématiques existentielles, comme nous y invitent, entre autres, Gaston Pineau et Guy de Villers, fondateurs de l’Association des histoires de vie en formation (ASHIVIF), ainsi que les séminaires d’implication et de recherche de l’Institut International de sociologie clinique (IISC), et plus globalement les dispositifs d’intervention en psychosociologie clinique. Les participants constituent alors plutôt des sujets réflexifs, impliqués dans un dispositif de co-production de connaissances, que de simples objets de recherche, dont il s’agit de recueillir des données.
De ces préalables nous pouvons décliner un certain nombre de pistes de recherche qui, sans prétendre à l’exhaustivité, balisent le champ d’investigations autour de la question de l’approche biographique :
● L’approche biographique ne constitue-t-elle qu’une méthode ou peut-elle prétendre au statut d’une épistémologie ?
● Quelles sont ses spécificités irréductibles et ses apports irremplaçables au regard tant des méthodes quantitatives que des autres techniques qualitatives ?
● Quels enjeux soulève alors cette approche ? Quelles sont ses particularités, autant que ses écueils, d’ordre axiologique, méthodologique, épistémologique ?
● Quelles sont les conditions d’émergence (culturelles, idéologiques, historiques, psychologiques) d’un tel dispositif de recherche et d’intervention ?
● Comment l’approche biographique se met-elle en œuvre selon qu’elle interroge (et implique) des individus, des groupes restreints, des organisations, des mondes professionnels, des institutions ou encore des collectivités ?
● En quoi le récit de vie peut-il s’instituer en dispositif à visée émancipatrice ? Mais aussi, en quoi peut-il s’instituer en dispositif de pouvoir, traversé par de multiples injonctions sociétales ?
● Quelles articulations entre les histoires personnelle, familiale et sociale permettent d’appréhender l’approche biographique ?
● Quels liens se tissent entre l’écriture (auto)biographique et la réflexivité ?
● Quels liens se tissent entre l’historiographie et la narrativité ?
● Quelles perspectives de recherche ouvre la clinique narrative dans le champ des sciences humaines et sociales ?
● Enfin, l’approche biographique fait l’objet de sérieuses critiques : avant Pierre Bourdieu et sa critique de « l’illusion biographique » [2], Daniel Bertaux nous a mis en garde vis-à-vis de « l’idéologie biographique » [3] tandis que Philippe Lejeune interrogeait « l’idéologie autobiographique » [4]. Comment l’approche biographique intègre-t-elle ou se confronte-t-elle à ces critiques ?
À la lecture des lignes précédentes, on aura compris que le comité de rédaction attend des articles qui lui seront soumis, non pas des exemples de mise en œuvre de l’approche biographique, mais des essais de réflexion, y compris critique, sur les conditions de possibilité, les fondements, la portée et les limites de cette approche.
Les articles, rédigés aux normes de la revue, au format .doc, doivent être adressés à Pascal Fugier, avant le 20 octobre 2012, à l’adresse électronique suivante : pascal-fugier(at)orange.fr. Ils ne doivent pas dépasser 50 000 signes (notes et espaces compris).
En dehors des articles répondant à l’appel à contributions, la Revue ¿ Interrogations ? accueille volontiers les travaux les plus divers pour ses autres rubriques.
♦ La rubrique « Des travaux et des jours » est destinée à des articles présentant des recherches en cours dans lesquels l’auteur met l’accent sur la problématique, les hypothèses, le caractère exploratoire de sa démarche, davantage que sur l’expérimentation et les conclusions de son étude. Ces articles ne doivent pas dépasser 25 000 signes (notes et espaces compris) et être adressés à Brice Monier : bricemonier(at)free.fr
♦ La rubrique « Fiches techniques » est destinée à des articles abordant des questions d’ordre méthodologique (sur l’entretien, la recherche documentaire, la position du chercheur dans l’enquête, etc.) ou théorique (présentant des concepts, des paradigmes, des écoles de pensée, etc.) dans une visée pédagogique. Ces articles ne doivent pas non plus dépasser 25 000 signes (notes et espaces compris) et être adressés à Agnès Vandevelde-Rougale : a-vandevelde(at)orange.fr
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[1] C. Niewiadomski, Recherche biographique et clinique narrative, Toulouse, Erès, 2012, pp. 69 et 71.
[2] P. Bourdieu, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 62-63, 1986.
[3] D. Bertaux, Histoires de vie ou récits de pratique ? Méthodologie de l’approche biographique en sociologie, Paris, C.O.R.D.E.S., 1976.
[4] P. Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975.
Comité de rédaction, « AAC n°17 - L’approche biographique », dans revue ¿ Interrogations ?, Appels à contributions en cours [en ligne], https://revue-interrogations.org/AAC-no17-L-approche-biographique (Consulté le 21 décembre 2024).