La gestion d’une société repose en grande partie sur celle du corps. Trois formes de maîtrise du corps dans le temps nous semblent significatives à étudier, car elles mettent à jour sa dimension historique et donnent à voir une place singulière dans l’espace public : le corps des pauvres, celui des pestiférés et celui des jeunes entre le 17ème et le 18ème siècle. Nous avons choisi de partir des interdits édictés par les autorités à propos du corps. Ils légitiment l’action de la police et construisent la société. Nous nous sommes concentrés dans un lieu délimité, Chartres et sa région.
Mots-clés : Maitrise du corps, Corps corrompus, Impudeur, Peurs.
The management of a society relies mostly on that of the body. Throughout times, three kinds of body control seem to have been meaningful enough to be studied as they shed light on the historical dimension of the topic and lend specific room to the public space : the body of paupers, that of plague-stricken human beings and that of the youths between the 17th and 18th centuries. We chose to start our analysis with the proscriptions that concerned the body and were enacted by the authorities. They legitimated police action and structured society. To do so, we focused on a delineated location : Chartres and its vicinity.
Keywords : Body control, Subverted bodies, Shamelessness, Fears.
Ce texte a pour objet de revenir sur quelques dimensions historiques de la maîtrise du corps. Pour Elias, l’essentiel du processus de la civilisation des mœurs est visible en Occident par une mise à distance des corps et un contrôle accru des émotions personnelles. L’acceptation du corps discipliné, dont fait partie le corps performant, notamment par l’intermédiaire de la notion de maîtrise, au cœur des univers gymniques et sportifs, découle en partie de la récurrence de l’imposition d’une discipline changeante du corps dans l’espace public.
L’honnête homme est celui qui maîtrise les fonctions naturelles du corps : une « créature corporelle raisonnable et fragile », disait Pufendorf au début du 18e siècle [1]. Pour ce dernier la gestion du corps fait partie du domaine de la gestion des affaires publiques. Le corps-éduqué, compris comme découlant d’un processus éducatif au sens le plus large, se voit dans la maîtrise du corps, traduite juridiquement, selon le Journal du Palais, par l’expression : « nous rendre maître de nos mouvements ». Le résultat doit permettre de contraindre « la nature capricieuse » et donne ainsi la possibilité à l’homme d’être maître de lui même, d’agir « selon sa volonté ses souhaits ses empressements » [2].
L’histoire de la maîtrise du corps résulte d’une gestion juridique mais aussi policière de la discipline du corps dans l’espace public. C’est cela que montrent les interdits et les arrêtés de police qui participent à la lente construction de formes diverses de maîtrise du corps. De Certeau, perçoit dans ces interdits, un efficace et tenace « quadrillage disciplinaire » construisant des identités sociales [3].
Le corps maîtrisé de l’honnête homme comme modèle dominant, est discriminant, car il tend à exclure de son univers tous ceux qui ne constituent pas des êtres moraux au sens strict, puisqu’ils sont considérés comme immoraux. Parmi cette catégorie nous trouvons principalement le peuple grossier, proche de la nature et de l’animalité. C’est ainsi qu’il ne peut prétendre faire partie du corps politique de la cité : « l’assemblage des membres qui constituent une société civile » selon Robinet [4].
L’éducation du corps est un phénomène complexe qui est redevable d’évolutions de la société et de principes éducatifs. La gestion d’une société repose en grande partie sur celle du corps. Dans le courant du 19 siècle, les exhibitions des gymnastes dans les villes de nombreux pays européens (Suède, Allemagne, Suisse, Autriche, France) exaltent une nouvelle performance corporelle, reposant sur la maîtrise du corps. Mais dés le 18ee siècle, en France des projets pédagogiques, comme ceux de Condorcet, de Daunou et de L’Abbé Coyer, pensent inclure une éducation physique dans l’enseignement. Cette éducation a pour fonction de préparer les jeunes à une maîtrise générale de leur corps de façon à le rendre plus civilisé. Cet objectif dépasse le seul cadre scolaire pour solliciter l’ensemble du processus social. Aujourd’hui, pour les historiens, le corps constitue un monde complexe, il est individuel et collectif, il est productif et il fait aussi partie du monde fantasmé. Ces corps construits et modelés par les évolutions des sociétés sont « à la croisée de l’enveloppe individualisée et de l’expérience sociale » [5].
Trois formes de maîtrise du corps dans le temps nous semblent significatives à étudier, car elles mettent à jour sa dimension historique et donnent à voir une place singulière dans l’espace public ; le corps des pauvres, celui des pestiférés et celui des jeunes entre le 17 et le 18ee siècle. Les pauvres, considérés comme des êtres moraux par la charité chrétienne, deviennent peu à peu des classes dangereuses, le monde du mal et de l’immoralité, celui des tares corporelles transmissibles : « La dame accoucha d’un garçon qui avait la figure totalement décharnée d’un mendiant » [6]. C’est pourquoi, en partie, la disposition du corps des pauvres dans l’espace de la cité est conflictuelle. Dans le cas de la peste, l’apparence corporelle devient un facteur de discrimination dans l’espace social où, combinée avec le monde de la mort, elle inscrit le corps comme une menace qu’il convient impérativement de circonscrire et de modifier. Le corps est ainsi pris dans des processus complexes que Foucault compare à « une machinerie de pouvoir qui le fouille, le désarticule et le recompose » [7]. D’autre part, les notions de conflit et de menace vont devenir des symboles de la jeunesse. Au 18 siècle, dans les archives consultées, on peut percevoir un changement de statut du corps des jeunes qui va devenir en grande partie une figure menaçante. Pour Ariès, à la fin du 17ee siècle, il se produit un changement considérable dans les mœurs, car : « commence alors un long processus d’enfermement des enfants (comme des fous, des pauvres et des prostituées) » [8]. Les jeux et en particulier ceux entre garçons et filles deviennent des sources de désordres et des actes de rébellion. Ces trois dimensions du corps, social pour les pauvres, hygiénique-moral pour les pestiférés, sexuel et ludique pour les jeunes, sont liées entre elles. Elles construisent des mises à distance des corps dans l’espace social. Le lien qui les unit provient de procédures juridico-policières de nettoyage des rues et de circulation dans la ville, semblables dans les trois cas, et qui ont pour objet de rendre « les corps dociles » selon l’expression de Foucault en exerçant sur lui « une coercition ténue » [9].
Il s’agit ici de mettre à jour les multiples procédures mises en place, dans la cité et dans la durée, pour contraindre le corps, en jouant sur les codes culturels et les structures normatives. Le corps étudié ici est celui des quartiers populaires aux rues étroites et aux habitations contiguës, que Roche décrit par « l’entassement, la promiscuité des âges et des sexes » [10]. Nous avons limité notre étude dans la période du 17à la fin du 18e e siècle. En raison de l’importance de l’époque des Lumières, il serait erroné de penser ces époques comme le passage de la contrainte à la libération du corps. Nous sommes plutôt en présence de formes sociales diverses de contraintes s’exerçant sur les corps. Au cours du 18e siècle, on note, selon Vigarello, « l’émergence d’une totalité physique » qui trace les prémisses d’une « science des formes » du corps [11]. Ainsi le corps proportionné sera considéré comme un signe de vertu, ce qui donne une valeur nouvelle à l’aspect extérieur du corps et l’apparence corporelle est censée dévoiler aussi le monde intérieur de la personne. On reconnaît là les thèses de la physiognomonie de Lavater ou bien celles de son contemporain l’Abbé Pernéty, qui a étudié minutieusement les proportions idéales du corps humain afin de proposer l’harmonie corporelle idéale car, selon lui « la trempe des esprits dépend beaucoup de l’organisation des corps » [12].
Nous avons choisi de partir des interdits édictés par les autorités à propos du corps. Ils légitiment l’action de la police, « miroir soigneux du dédale des mœurs » [13] et construisent la société. Nous nous sommes concentrés sur un lieu délimité, Chartres et sa région. Merlet, l’archiviste à qui l’on doit la mise à jour des séries B et G des archives d’Eure-et-Loir antérieures à 1790, a eu l’intuition de noter scrupuleusement les procès et les interdits, enfouis au cœur de liasses particulièrement touffues. Au delà des renseignements sur l’histoire locale, ces documents nous livrent des informations sur les modifications des mœurs. L’étude des arrêtés, recommandations, interdits pris par les échevins de Chartres, les notes des Préfets de police, les interdits appliqués par la police des cabarets, permettent de dévoiler quelques aspects de la symbolique complexe du corps dans la société. La plupart de ces interdits visent le corps dans ses déplacements dans la cité, dans ses gestes, ses attitudes, ses expressions tolérables.
Quel est le sens de cette contrainte ? Que peut-elle nous apprendre sur les rapports d’une société avec le corps ? De quel corps s’agit-il ? Pour l’essentiel il s’agit du corps quotidien dans l’espace public. Divers phénomènes agissent. Il importe donc d’identifier les autres interdits et arrêtés pris en même temps et d’analyser leurs liens. Les interdits définissent « des seuils du tolérable » dans le quotidien et des moments repérables en grande partie dans « la compartimentation des activités corporelles », qui nourrissent des actes juridiques [14]. On peut y lire les évolutions des conceptions morales du corps et de la nature, des mœurs, pénétrant le quotidien et l’ensemble de la société. Ces évolutions sont des repères, pour comprendre les dispositifs utilisés par la société pour contraindre et éduquer la nature, en civilisant le corps des pauvres, des malades et des jeunes. La contrainte s’exprime dans les lois et elle se juge. C’est pourquoi nous nous sommes appuyés sur le fonds ancien de la bibliothèque du Tribunal de Châteaudun déposé aux Archives Départementales de Chartres, et notamment sur les deux tomes du Journal du Palais.
Les épidémies dévastatrices de la peste créent des frayeurs collectives structurant un monde de la peur, dans l’ensemble de l’Occident. La peste est définie par Guido comme la véritable corruption du corps par les humeurs de la maladie comme celles des conduites considérées contraires à la morale. Ce mouvement tend à modifier les relations sociales, le rapport au corps et à la nature. L’épidémie détruit les corps depuis son centre : « Le mal n’est pas dans le foie mais autour du cœur comme la base de la vie. » [15] Elle est aussi perçue comme un dérèglement de la nature et une absence d’hygiène, celle « de vapeurs vénéneuses qui corrompent l’air et les humeurs » [16]. Ces dernières renvoient à deux fonctions du corps qui vont être soumises à des mesures de surveillance et de restriction. L’une concerne les évacuations corporelles, d’origine humaine ou animale, la nature biologique publique, avec la dénonciation des mauvaises odeurs. Cela concerne celles des excréments non recouverts dans la rue ainsi que celles des aliments. Les bouchers ne devaient plus laisser le sang des animaux tués à l’air libre. Par ailleurs, à Chartres, il leur était interdit de toucher la viande avec les mains. Ils devaient le faire avec une cuillère et des fourchettes [17]. Le linge devait être lavé dans des endroits bien précis. Les Echevins obligent à aérer les maisons et à brûler les draps des malades. Les arrêtés municipaux prennent aussi en charge l’autre fonction du corps soumise à restriction, celle de la sexualité. Il faut éviter les humidités excessives des bains et des étuves, propices « aux mœurs dissolues » [18] et à la propagation de l’épidémie. La lutte contre la peste a suscité une peur de l’eau, qui, en dilatant les pores de la peau, rend le corps perméable aux infections. La peste engendre une peur redoutable du corps, et « cette crainte traverse encore l’ensemble du 17 siècle » selon Vigarello [19]. La corruption du corps humain est cause et conséquence du développement de la peste. La modération sexuelle pour est recommandée : « En temps de peste, les gens sages, mariés ou non, font bien de s’abstenir du coït. » [20] (20) Des mesures de police sont prises contre les pauvres, les mendiants, les gueux, les insensés, les soldats mutilés, et tous ceux qui dérangent l’ordre des choses, empêchant le déroulement naturel de la vie, comme les humeurs polluées de la maladie empêchent le fonctionnement naturel du corps, ainsi que le suggèrent les nombreux interdits pris par les autorités pour combattre ce qui est appelé « le mal contagieux » [21]. Pour éviter « que le mal ne pullule et accroisse et pour l’extirper autant que faire se pourra » [22], les échevins de Chartres vont s’attacher à faire respecter des mesures ambiguës de nettoyage des rues, qui vont toucher à des principes d’hygiène publique mais aussi à des mesures de restriction de circulation des personnes et d’expulsion : « On réitérera l’ordonnance de police concernant le nettoyement des rues et l’expulsion des mendians, vagabons et gens sans aveu » [23]. Les malades ne peuvent pas sortir de chez eux. Ceux qui sont en contact avec la maladie ne peuvent circuler qu’à certaines heures et en se faisant connaître, en portant une casaque noire avec une croix blanche, en tenant une verge blanche et en agitant la nuit une clochette. Ils ne doivent pas s’arrêter en ville, ils ne doivent pas non plus parler avec les gens sains [24]. Une discrimination est mise en place entre les corps sains et les corps malades qui ne doivent pas se rencontrer. Par ailleurs une hiérarchie est construite parmi ceux qui s’occupent des malades. Au bas de l’échelle des valeurs, se trouvent ceux qui ramassent et enterrent les corps des pestiférés morts. Ce sont des mendiants ou des pauvres qui, contre une modeste somme d’argent, se chargent de cette tâche qui les rabaisse encore plus : « Il sera pris des gueux pour faire enterrer ceux qui sont décédés. On les appelle les Corbeaux » [25].
En 1629, un deuxième commissaire de police de la peste est nommé. Il est chargé de veiller à l’exécution des mesures de protection contre la peste, notamment celles qui tendent à exclure de la cité. La peste entraîne la fermeture totale de la ville à tous les étrangers et l’expulsion de tous les mendiants. L’extérieur de la cité est le lieu où sont regroupés, les étrangers, les pauvres, les serviteurs cherchant à être employés et les « délinquants ». La ville se débarrasse des corps étrangers tandis que les corps dangereux de la cité sont regroupés et interdits d’espace public. Les excréments sont portés loin de la ville : « porter les immondices dans des lieux spéciaux, qui ne sont pas les portes barrières et fossés de la ville » [26]. Un rapport différent à la nature, à la société et au corps se construit. Le corps des pestiférés est à protéger, à surveiller et, si nécessaire, à pourchasser, car il fait peur.
La non reconnaissance des signes corporels de la maladie peut être fatale. La maladie se développe très vite. Il y avait tellement de morts durant la peste de 1628-1629, qu’ils étaient enterrés par six ou sept, la nuit. Un chariot parcourait lentement les rues de la ville et portait les morts au cimetière. La peste constitue la figure menaçante et dangereuse du corps malade. Elle oblige à regarder différemment le corps de l’autre, dans lequel peuvent se cacher les atteintes de l’épidémie : « Cette maladie ne s’accompagne pas d’une chaleur excessive extérieure…on en trouve même qui semble être celle d’un homme bien portant. » [27] Le corps de l’autre et notamment celui de l’étranger à la cité, de l’inconnu, devient une figure menaçante dont il faut se protéger. C’est ce qu’indique très clairement l’ordonnance de la police de la peste prise à Chartres en 1632, alors que la peste est signalée dans le département. On ordonne de fermer la ville aux étrangers car « il est impossible de pouvoir discerner et connaitre ceux qui viennent desdits lieux où est le dit mal » [28]. Cependant, l’espace social de la peste est discriminant, car les riches quittent la ville. La surveillance des pauvres, des malades, des joueurs et des étrangers va aboutir à une légalisation de la surveillance mutuelle et de la punition des voisins. Une ordonnance des échevins du 14 novembre 1628 donne le droit aux voisins « de leur courir sus » si quelqu’un de malade refuse de marquer sa maison et si, guéri, il ne veut pas nettoyer sa maison en leur présence. Le temps du danger désigne sans mesure des coupables, en premier lieu les voisins, dans un espace où la proximité des corps était la règle de vie. Le droit de regard et de punition, désormais institué, va contribuer à changer le rapport à l’autre. Ce qui est regardé, observé, scruté, c’est le corps qui, en principe, doit révéler les signes de la maladie. Le corps devient suspect. Cette suspicion dure, elle est marquée par la permanence de l’épidémie, le corps est stigmatisé, normalisé et discriminant. Il est devenu un danger potentiel. Toute activité économique, commerciale ou sociale est interdite à ceux qui se sont occupés des malades. Cela concerne les pauvres qui enterrent les corps, car les chirurgiens ont une fonction médicale et les religieux ont une fonction bien spécifique. Les guéris de la peste, ne peuvent sortir de chez eux qu’après 9h le soir, pendant quarante jours, pour porter leurs immondices loin de la ville. Mais il est interdit de les injurier.
Le corps menaçant est principalement le corps du pauvre. Le malade pauvre est transporté, avec son lit, en suivant les contours de la ville jusqu’au Sanitas, lieu de regroupement des pauvres atteints de la peste [29]. Le lit de l’habitat populaire est immense, car il héberge de nombreuses personnes de la famille. Le pathétique trajet parcouru par le malade pauvre dans son lit, porté par les gueux-corbeaux, ressemble à une dramatique procession montrant l’exclusion sociale du corps dangereux du pauvre, qui va être enfermé, dans ce qui sera certainement son ultime destination. Beaucoup meurent au Sanitas. D’autres sont invités à quitter la ville. Ils deviennent alors des pauvres étrangers, soumis à tous les arbitraires. La gestion policière de la peste consiste à fermer la ville, à surveiller la population et les maisons, à limiter les déplacements. L’idéologie des mœurs policées et de la civilité, celle d’un monde aux manières douces et polies, se construit en grande partie dans la mise à distance des corps et dans sa surveillance, souvent violente et intolérante. Tout cela résulte d’une organisation minutieuse par l’intermédiaire de ce que Foucault nomme « l’exercice du pouvoir disciplinaire ». En définitive, selon l’historien la ville pendant la peste est « la cité parfaitement gouvernée » [30]. La gestion policière concerne aussi le pauvre, comme nous l’avions annoncé plus haut, non le pauvre pestiféré dont il a été déjà question, mais l’indigent en général.
Le 17 siècle voit s’opérer une rupture dans le rapport de la société aux démunis, et plus généralement à l’espace social. Les personnes étrangères à la ville sont tenues de se signaler. Les pauvres étrangers à la cité sont pourchassés [31]. Les pauvres valides, troublant l’ordre public, sont regroupés dans un lieu unique, espace intermédiaire entre l’hospice et la prison.
La prise en charge des pauvres de la ville fait partie de la gestion de la cité. On assiste à un double phénomène. D’un côté, on les dénombre et on s’en occupe, et d’un autre côté, on procède à une surveillance accrue de cette population, que la Police s’efforce d’identifier, de regrouper et de maintenir à l’écart. Le Bureau des Pauvres de Chartres, géré par des notables, va instituer le travail obligatoire pour les pauvres valides. En échange de la nourriture, de l’entretien et de l’instruction, ils doivent fournir un travail dans les ateliers publics ou chez les maîtres. Ces derniers ont le pouvoir de les louer pendant trois ans et de les astreindre au travail, sous peine de prison [32]. Ce statut de dépossession de l’usage de son corps, de servitude légalisée, fournissant une main d’œuvre à bas prix, se retrouve dans tout l’Occident chrétien [33]. Pour se protéger des pauvres on prend des mesures d’ordre, de restriction de circulation des personnes, utilisées contre la peste. Le 18 siècle va accentuer l’hostilité face aux pauvres. En 1739, les vagabonds et les mendiants étrangers à la ville ne peuvent y résider plus de vingt-quatre heures et il leur est interdit de mendier. Ceux qui ne respectent pas la loi seront fouettés. D’autre part, il est interdit à la population de donner quelque chose à ceux qui mendient à la sortie des églises [34]. Les contacts entre la population et les pauvres sont interdits, comme avec les malades pendant la peste. Dans cette société fortement marquée par la religion, les pauvres ne sont plus les faibles parmi les faibles, protégés par Dieu, ils sont désormais responsables de leur sort. Le contact charitable du don au mendiant qui est au cœur du monde chrétien et des évangiles devient interdit. Les pauvres valides deviennent, dans ce contexte, un groupe menaçant. Le corps du pauvre n’est plus celui du faible, mais il constitue un danger à éviter, il est intouchable. Son univers est celui de la mise à distance, de l’enfermement et de l’exclusion. Il devient le signe visible, et désigné comme tel, du danger dans l’espace public. Le corps du pauvre est perçu, selon Peter [35], à travers l’étiologie occidentale de la maladie, due à l’apparition d’un agent extérieur à l’organisme ayant pénétré le corps. Les corps des pauvres, disséminés dans la cité, sont dangereux comme tous ces êtres microscopiques, les insectes minuscules qui génèrent les maladies. Ils deviennent pour une longue période la « lèpre dégradante de l’humanité » [36]. Une partie importante de la cité se trouve ainsi exclue du monde qui était le sien. La pauvreté, qui concerne à Chartres au 17 siècle, entre 16% et 32% de la population, correspond à de nombreuses personnes occupant un emploi [37] (37), et c’est un phénomène qui perdure. D’autre part, c’est un statut précaire, menacé en permanence par la chute dans le stade inférieur des indigents, la mendicité. Le basculement dans cet état, dont on rend les victimes coupables, en dénonçant leurs conduites, découle, en réalité, de problèmes économiques dus à de mauvaises récoltes, ou à des gelées trop fortes. De surcroît, le travail obligatoire auquel sont tenus les pauvres de la ville, ne fonctionne pas. Il n’y a pas de travail. En 1790, on dénombre 1 098 pauvres qui ne s’acquittent que d’une ou deux journées de travail par mois.
Par ailleurs, les mendiants et les pauvres, qualifiés de vicieux ou d’indévots, sont d’une certaine façon coupables, car ne travaillant pas ou peu, ils s’adonnent à ce que les moralistes nomment « l’oisiveté, mère de tous les vices ». Les mendiants doivent obtenir une autorisation, qui ne sera accordée qu’après un examen de « bonne conduite et de probité » [38] (38). Ceux qui se conduisent mal seront enfermés au dépôt de mendicité. Ils sont pris dans un processus complexe de mise en ordre de la société, notamment par l’ordonnancement des conduites considérées inconvenantes. Celles-ci sont notées dans la rubrique « mauvaises conduites », dans les Tableaux des indigents, où l’on peut lire « inconduite, mauvais caractère, mauvais sujet, faineans » [39]. Le travail devient une valeur morale et une condition de l’adaptation au monde. En l’absence de travail, le corps reste le seul lien au monde social, à condition que sa tenue soit policée, convenable. Celui qui se tient mal sera retiré de l’espace social et enfermé au dépôt de mendicité ou dans des centres de détention [40]. Le regard porté sur le corps de l’autre, change, parce que, conjointement, le statut des pauvres change aussi, entraînant un nouveau rapport au malade, au faible. C’est une rupture dans la longue histoire de la charité. Les pauvres sont chargés de ramasser les morts de la peste. Ils accomplissent la tâche la plus ingrate, la plus répugnante et aussi la plus dangereuse. Elle a pour effet d’accroître encore l’image menaçante de leur corps. Ayant côtoyé les corps infectés, ils sont potentiellement malades. Le corps de la misère, le corps du pauvre est quasi semblable à celui des pestiférés. Il faut le retirer de l’espace vital. Se tisse là un lien entre la pauvreté, la dangerosité et la dégénérescence, celle des morts de la peste qu’ils transportent.
Il faut combattre le mal des corps malades et des conduites inconvenantes, qui dérangent l’ordre social, provoquent de « l’intranquillité » et du danger. La surveillance des corps et des manières est semblable aux cordes tendues dans certaines rues, la nuit, pour contenir les coureurs de nuit, les vagabonds, les joueurs [41]. On restreint l’espace et les temps de jeu dans une société qui modifie le rapport à l’autre au sein d’une même communauté Le corps du pauvre est potentiellement celui de la dégénérescence. Son statut inférieur le fait glisser dans les marges de la société. Ces dernières vont accueillir assez rapidement les jeunes.
Dans le courant du 17 et du 18ee siècle, la consolidation de l’Etat et de son monopole de la violence physique va changer les rapports de la société avec la jeunesse. Mossé, dans son travail sur l’image de l’homme, voit deux phénomènes prendre leur place, au cours du 18e siècle, dans ce processus complexe qui aboutira, selon lui, à installer dans nos sociétés les valeurs de la virilité masculine. Ce sont les théories de la physiognomonie du pasteur zurichois Lavater qui attribuent des valeurs au physique, à l’extérieur du corps, ainsi que le lien établi par Simon André Tissot entre la santé et les exercices physiques. Toute les deux vont concourir, de façon singulière, à valoriser la force et l’endurcissement du corps et un rapport plus austère au corps, dans une époque où les mœurs changent. Certes ce lien est déjà construit plus ou moins depuis longtemps et au moins remis en vigueur avec Mercurialis (1565). Mais la renommée de Lavater dans sa lutte contre Napoléon, et l’action de Tissot au service d’une politique publique de santé et de moralité, légitiment la place importante accordée à ces deux personnages. Au 17e siècle, le jeune âge est celui de « l’indocilité ». Le groupe d’âge des jeunes ayant autour de 15-16 ans est l’objet d’une bienveillante compréhension. Dans le Journal du Palais on parle à leur sujet de « faiblesse de l’âge…où toutes les passions dorment » [42]. On s’inquiète de ce lourd fardeau des sacrifices imposés aux jeunes novices. C’est leur âge qui rend injuste ces sacrifices. La liberté qu’on leur octroie est toutefois censée rester dans les limites de la pudeur et d’une nature apaisée. Sinon, la corruption des mœurs résultant d’un abandon coupable aux caprices de la nature qui « ne consulte ni notre esprit ni notre volonté » [43] et qui dépossède de la maîtrise de nos mouvements, fera sortir ces jeunes de l’humanité.
Barbeyrac, dans son introduction au livre de Pufendorf, définit l’homme comme une créature corporelle et raisonnable. Les vertus de la tempérance, la force de la sagesse et de la retenue caractérisent ce corps maîtrisé élevé au rang de modèle. Socialement, cela implique de ne pas se singulariser à tout propos, d’être complaisant les uns envers les autres et de ne scandaliser personne. C’est cela la civilité et la bienséance. Si ces limites sont franchies, les effets extérieurs que la nature donne à voir sur le corps, les mœurs licencieuses et l’absence de pudeur, seront ceux de l’espèce animale et donc d’une humanité en danger.
Les êtres moraux existant dans chaque corps disparaîtront et c’est le corps lui même qui sera menacé. C’est pourquoi, selon Pufendorf, l’abandon du corps aux caprices de la nature est un danger pour le pouvoir : « un Etat est entièrement détruit lorsque le corps du peuple vient à se dissoudre » [44]. La valeur de référence, celle qui ordonne l’analyse juridique et construit de nouveaux rapports au corps, c’est la pudeur, comme signe d’une nature apaisée et maîtrisée. L’entrée du corps dans l’ordre social, dans les nouveaux codes culturels, se fait par la pudeur. La sensibilité nouvelle impose que la question sexuelle ne soit plus exposée au public où elle devient un jeu pervers. Ainsi les vérifications publiques de la consommation du mariage, ou celle de son impossibilité physique, vont cesser au 17 siècle car cela devenait un spectacle considéré comme contraire aux valeurs nouvelles de la pudeur. On parle « de quelque chose d’injuste et d’odieux, qui offense les bonnes mœurs, la Religion, la Justice et la Nature » [45] (45). Cette pratique qui voyait des témoins-experts (des juristes, des médecins, des chirurgiens, parfois des membres de la famille) diligentés par le Tribunal pour assister à la consommation du mariage, devient « un spectacle de confusion et de honte » qui exposait les époux « au mépris et à la risée publique » [46]. Les deux longs arrêts de la juridiction de Paris cassant ceux de juridictions départementales se basent sur la pudeur du corps comme élément de la nature. L’impudeur et la sexualité relèvent des « Matières Criminelles ».
La conduite des corps est considérée comme responsable du fonctionnement de la société. Il y a dans le corps des forces dont il faut se méfier, des forces dangereuses. Le corps construit le pouvoir, il peut aussi le détruire et, dans ce cas, la société peut être sans pitié, comme dans le cas des corps suppliciés, écartelés publiquement et parfois exposés plusieurs jours [47]. Le supplice subi par le condamné de Janville en 1778 est en tout point semblable à celui de Damiens en 1757, que relate Foucault au début de son livre Surveiller et punir. Le spectacle de la souffrance physique et celle des corps découpés est exceptionnel et tend à s’effacer peu à peu devant des rituels moins atroces, comme l’exposition de condamnés non torturés, faisant amende honorable publiquement. Ces actes juridiques s’adressent encore au corps, mais elles prennent aussi en compte la morale, le regret et touchent ainsi l’âme. Le corps est donc d’une certaine façon préservé. Le rapport au corps, à son désir, à son usage social, à l’espace, à son image sociale change. Les valeurs de la retenue, de l’intime, de la pudeur et de la honte prennent peu à peu une nouvelle place dans l’espace social. Les limitations des aires de jeu, des enthousiasmes ludiques, du rôle des jeunes dans les fêtes, des jeux entre garçons et filles font partie du même processus qui limite l’usage des armes, réglemente l’hygiène, et interdit les déguisements.
De nombreux interdits de baignade commencent à être pris, sans référence à d’éventuelles noyades. La règle, c’est la limitation de l’usage de l’espace et des bains en commun. La juridiction des bains est tardive à Chartres. Elle date de la fin du 18 siècle. Divers rapports de Police, précisent qu’il est interdit de se baigner au voisinage des lieux fréquentés par le public. Le commissaire de Police insiste, en 1800, sur le fait « qu’aucune communication ne pourra être établie entre les bains de femmes et ceux des hommes ». Quelques années plus tard, une palissade en bois séparera les baigneurs entre eux et avec le public. Par ailleurs, pour éviter qu’il ne soit porté atteinte « aux bonne mœurs », il est rappelé : « qu’il est interdit de paraître en état de nudité en dehors des limites du bain, de se livrer à des luttes ou autres amusements pouvant porter atteinte à la décence et à la morale publique » [48]. L’expression « état de nudité » et le rappel constant de l’obligation de porter un caleçon de bain laissent à penser que la nudité pendant le bain ne choquait pas les baigneurs.
Des frontières nouvelles délimitent les conduites ludiques, les jeux pratiqués ensemble, garçons et filles, dans des espaces aux fonctions diverses sont assimilées à des actes rebelles et quasiment à de la délinquance. Le jeu, sans barrière sexuelle, au cœur de la cité, devient une atteinte au repos public. Les jeunes sont désignés comme un groupe à problème.
Il manque à ce processus de mutation sociale, dont on a brossé quelques étapes, des principes éducatifs, chargés de suppléer le juridique et le policier, l’autosurveillance et la suspicion d’autrui, et capables de produire des effets bénéfiques pour l’ordre social. Les principes d’exclusion du corps, de mise à distance, de transformation des fonctions naturelles, de dénonciation des pauvres, de séparation des jeux entre garçons et filles, les principes de décence, reposent tous, dans leur application sur la force. Ils sont légitimés par les magistrats, les échevins, les policiers et les évolutions sociales. Les autorités religieuses, dont le rôle dans la cité est encore important, n’ont pas le pouvoir décisif sur ce processus de domination sociale du corps. Les médecins ont eux aussi, dans ce domaine une fonction importante. C’est le cas notamment de Tissot, médecin à Lausanne, au 18 siècle, C’est probablement lui qui assignera le plus clairement à la gymnastique, une utilité hygiénique et sociale, en lui permettant de lutter contre ce qui apparaît, comme un danger extrême pour les jeunes et l’ensemble de la société, l’onanisme. Il va ainsi réactualiser les peurs sociales des corps décomposés, comme ceux des malades de la peste, symptômes de désordres intérieurs, agissant sur la société et son fonctionnement. La crainte de dissolution de la société par les corps inéduqués des pauvres, par leurs corps malades et par les jeux excessifs des jeunes, sera reprise et transformée par Tissot. Pour lui, les désordres sexuels des jeunes menacent la société. L’exercice physique doit permettre de lutter contre tous les excès : « l’oisiveté, l’inaction, le trop long séjour au lit, un lit trop mou… »e [49]. Il exprime là, les fondements de ce qu’il appelle la médecine morale, dont la gymnastique hygiénique constitue une partie importante, car elle permet de soigner et de guérir. Celui qui pratique l’exercice et qui mène une vie sans excès, sera bien différent du masturbateur « plongé dans un monde de misère » [50], et qui ne peut plus lutter « contre le dépérissement général de la machine, l’affaiblissement de tous les sens corporels » [51]. Le corps du masturbateur est « maigre, pâle, sale, répandant une odeur infecte » [52]. Les douleurs le font hurler, « des excroissances charnues » poussent sur son front, « de la liqueur séminale se répand » [53]. Tissot reprend et reproduit des récits de patients, qui se fondent sur les anciennes descriptions de malades de la peste. Ce faisant, l’auteur légitime la gymnastique qui se trouve chargée de valeurs hygiéniques, morales et sociales. En même temps, il renforce la peur du corps et ses dangers. Néanmoins, il affirme la possibilité de guérir. Tissot exercera une influence sur « les initiateurs de la gymnastique pédagogique » [54]. Il peut aussi être considéré comme l’initiateur d’un mouvement social et culturel, dans lequel le médecin prédomine désormais « sur le théologien, dans l’économie morale de la répression sexuelle » [55]. Nous pensons avoir montré que la domination du corps et sa culpabilisation prennent place dans un processus de mise au pas du corps largement sécularisé. En ce sens Tissot est le résultat d’un processus déjà en cours dans l’espace social et un innovateur, notamment par le lien établi entre le corps corrigé par la gymnastique et des améliorations sociales durables. L’ouvrage de Tissot répond à une demande du Secrétaire d’Etat de Bâle. Ce dernier souhaitait que le médecin fournisse des principes éducatifs pour enseigner aux jeunes les moyens de se préserver « de la violence des désirs qui les porte à des excès…ou à des désordres qui troublent le bonheur de la société » [56]. Ainsi le médecin, par l’intermédiaire de la gymnastique, devient aussi un éducateur.
[1] Samuel Pufendorf, Le droit de la nature et des gens, Amsterdam, Kuyper, 170, p. 5.
[2] Journal du Palais, T1, Paris, David, 1687, p. 701.
[3] Michel De Certeau, Pratiques quotidiennes, Toulouse, Privat, 1979, p. 26.
[4] Jean Baptiste Robinet, Dictionnaire universel des sciences morale, économique, politique et diplomatique, Londres, T14, 1777-1783, p. 175.
[5] Corbin, Courtine et Vigarello, Histoire du corps, T1, De la renaissance aux lumières, Paris, Seuil, 2005, p. 10.
[6] Gaston Valran, Misère et charité en Provence au 18e siècle, Paris, A. Rousseau, 1899, p. 43.
[7] Michel Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 2002, p. 162.
[8] Philippe Ariès. L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime, Paris, Seuil, 1975, p. 8.
[9] Michel Foucault, op. cit., p. 161.
[10] Daniel Roche, Le peuple de Paris, Paris, Aubier, 1981, p. 161.
[11] Georges Vigarello, Histoire de la beauté, Paris, Le Seuil, 2004, p. 100 et 101.
[12] Antoine Joseph Pernéty, Connaissance de l’homme moral par celle de l’homme physique, Berlin. 1777, T2, p. 213. L’abbé Pernéty est membre de l’Abbaye de Burgel, des Académies royales des sciences et des belles lettres de Prusse et de Florence.
[13] Martin Rueff., « Morale et mœurs » in Dictionnaire européen des Lumières, Paris, Puf, 1997, p.740.
[14] Nicolle Pellegrin, Corps du commun, usages communs du corps, T1, Paris, Le Seuil, 2005, p. 149.
[15] Théodore Le Forestier, Traité de la peste [1527], Rouen, G. Panel, 1909, p. xxxil.
[16] Id., p. 38.
[17] Etienne de Lépinois, Histoire de Chartres, T2, Chartres, Garnier, 1858, p. 402.
[18] Echevins de Chartes, Arrêté n°7, 14-11-1628.
[19] Georges Vigarello, Le propre et le sale. L’hygiène du corps depuis le Moyen Age, Paris, Le Seuil, 1985, p. 18.
[20] Théodore Le Forestier, op. cit., p.. xxxviij, 24.
[21] Echevins de Chartres, 19 septembre 1628. Risque du mal contagieux.
[22] Echevins de Chartres, 1591.
[23] Registre des Actes de la ville de Chartres C1d. Acte 75, 1627. Et aussi Police de la peste Jb21, 3 août 1632.
[24] Id., acte 304, 1628.
[25] Id., acte 303.
[26] Ibid..
[27] Théodore Le Forestier, op. cit., p. xxxviij.
[28] Police de la peste Jb 21, 13 août 1633.
[29] C1d. acte 304.
[30] Michel Foucault, op. cit., p. 232.
[31] Le non respect de ces consignes entraîne l’expulsion de la ville. En 1597 il est donné un écu à deux pestiférés et on leur ordonne « de se retirer aux champs pendant le temps du danger » (Lecocq, registre des EchevinsT4). Les mendiants, les pauvres, les indigents sont regroupés à l’Hôtel-Dieu à la fin du 16 siècle. La police est chargée de les rechercher et de les arrêter (ordonnance du 25 avril 1596).
[32] Etienne De Lépinois, op. cit., p. 196. Selon cet auteur, en 1709, on dénombrait 5000 pauvres. Op. cit. ,T1, p. 459.
[33] Delumeau (La peur en Occident. XIVe-XVIIIe siècle une cité assiégée, Fayard, 1978, p. 253) nous signale qu’en Angleterre le pauvre qui ne travaille pas pendant trois jours est marqué au fer rouge. Cependant la durée de sa servitude est d’un an plus courte qu’à Chartres.
[34] Ordonnance de Police, 1739.
[35] Jean pierre Peter, Le corps du délit, Paris, Gallimard, 1971, p. 95.
[36] Philippe Saint Vincent, Recherches sur le paupérisme et les moyens d’y remédier, Metz, Lamort, 1847, p. 7.
[37] Archives communales Chartres. Assistance, série qa2, 1790-1791. Tableaux des indigents, rubrique : causes de la mendicité : « La classe indigente n’a aucune ressource. » Pour une ville de 15000 habitants, on dénombre 2440 personnes ayant besoin d’assistance. Ce chiffre peut doubler en cas de problèmes de production/vente dans les manufactures.
[38] Archives communales de Chartres. Gestion des pauvres Q-a-15.
[39] Ibid.
[40] Ibid. Qa15. 28-02-1809. Bureau des Hospices et secours. Mendicité. Le Préfet : « Les pauvres valides qui, à l’aide de la mendicité, se livrent à la fainéantise ou au vagabondage, pendant l’année entière, ou seulement pendant une partie de l’année, seront arrêtés et renfermés dans la maison de détention. »
[41] RACC C1d Actes 120 et 136.
[42] Journal du Palais, T2, Paris, David, 1755, p. 610.
[43] Ibid., p. 701.
[44] Samuel Pufendorf, op. cit., p. 70.
[45] Journal du Palais T1, Paris, David. 1755. p. 575.
[46] Id., T2 p. 701.
[47] Au Puiset, en 1699, un homme qui a insulté des objets sacrés est condamné à faire amende honorable devant l’église, nu, en chemise, la corde au cou. Ensuite il aura la langue percée à l’aide d’un fer brûlant et, enfin, il sera pendu et étranglé (AD. B 1089.) Le même rituel d’exposition du corps sera utilisé tout au long du 18e siècle. En 1780, à Janville, un escroc est exposé, attaché à un poteau. C’est la réprobation du corps qui s’expose. Les voleurs, homme ou femme, sont marqués d’un V sur leur corps en 1750. Les corps des suicidés sont exposés à l’envers, la tête en bas (AD B1958). En 1778, à Janville un assassin est torturé. On lui brisera les bras, les jambes et les reins, et il sera ensuite exposé sur la roue, face au soleil, jusqu’à ce qu’il meure (AD, B 1961). Le corps du supplicié est abandonné à sa propre décomposition. Le corps exposé c’est le corps coupable.
[48] Chartres, Police des bains, Ja 39.
[49] Tissot Simon André, L’onanisme. Dissertation sur les maladies produites par la masturbation, Marc Chapuis, Lausanne, 4e édition, 1785. p. 216.
[50] Id., p. 106.
[51] Id., p. 215.
[52] Id., p. 34.
[53] Id., p. 30.
[54] Jacques Ulmann, De la gymnastique aux sports moderne, Paris, Vrin, 1977, p. 140.
[55] Sarah Matthew Grieco, « Corps et sexualité dans l’Europe de l’ancien régime » In Histoire du corps, Paris, Le Seuil, 2005, p. 216.
[56] Tissot, op. cit., p. 214.
Mendiague Francis, « Maîtrise du corps et espace public », dans revue ¿ Interrogations ?, N°7. Le corps performant, décembre 2008 [en ligne], https://revue-interrogations.org/Maitrise-du-corps-et-espace-public (Consulté le 21 novembre 2024).