L’article propose une vision d’ensemble des raisons du renouvellement de l’intérêt de la sociologie pour l’individu. Une fois rappelés le modèle classique du personnage social et ses difficultés actuelles, il s’attarde à souligner, en conversation avec d’autres propositions, les spécificités théoriques de la démarche et les défis qu’elle entraîne. Une stratégie principale est assumée : remplacer l’ancienne centralité de l’idée de société par l’étude du processus d’individuation.
Mots-clés : individu – personnage – modernité – individuation – épreuves.
Sociology in the time of individual
The article proposes an overall vision of the reasons of the renewal of the interest of sociology about individual. Once recalled the traditional model of the Social Character and his current difficulties, it underline, in conversation with others proposals, theoretical specificities and challenges, which it involves. A principal strategy is assumed : to replace the old centrality of the idea of society by the study of the process of individuation.
Key-words : Individual – Social Character – Modernity – Individuation – Trials.
Les dernières décennies ont indéniablement connu un renouvellement indéniable de la sociologie pour l’individu. Un nombre croissant d’études y fait référence ; certains travaux célèbrent ce qu’ils n’hésitent pas à appeler un véritable progrès théorique, d’autres, en revanche, fustigent le danger que cette démarche comporte pour l’analyse sociale. Etrange débat. Comment oublier que l’individu n’a jamais été absent des études de la sociologie classique ? Et que rendre compte de son expérience et du niveau de réalité qu’il représente fut une préoccupation constante dans le travail de Marx, Durkheim, Weber ou Simmel, mais aussi, et bien sûr, de Talcott Parsons ? Qu’y a-t-il alors de nouveau aujourd’hui ?
En fait, la centralité actuelle de l’individu dans la sociologie contemporaine est d’une nature inédite dans la mesure où son importance procède d’une crise intellectuelle et témoigne, surtout, d’une profonde transformation de notre sensibilité sociale. La sociologie au temps de l’individu affronte un fait inédit : à savoir que l’individu est devenu l’horizon liminaire de notre perception sociale. Désormais, c’est en référence à ses expériences que le social fait – ou non – sens. L’individu n’est pas la mesure de valeur de toutes les choses, mais bel et bien l’arrière-plan de nos perceptions. L’axe du regard sociologique pivote sur lui-même et se renverse. Reste bien entendu à comprendre l’impact de ce mouvement et surtout le type d’analyse qu’il incite à adopter.
Le noyau central de ce processus peut s’énoncer simplement. De la même manière que, hier, la compréhension de la vie sociale s’organisait autour des notions de civilisation, d’histoire, de société, d’État-nation ou de classe, il revient désormais à l’individu d’occuper le lieu analytique central. Si les défis ont ainsi tendance à se dessiner en sens inverse, le problème, lui, reste cependant le même. Le défi consistait hier à lire et à insérer les expériences des acteurs au travers des logiques groupales propres aux grands processus structuraux ; aujourd’hui, le but est de rendre compte des principaux changements sociétaux à partir d’une intelligence ayant pour horizon l’individu et les épreuves auxquelles il est soumis. C’est cette exigence qui fait de l’individuation une problématique centrale de la sociologie.
Mais procédons par étapes. Afin de rester dans les limites de cet article nous procéderons en quatre mouvements. Une fois rappelés les contours de l’épure du personnage social et sa crise, nous présenterons les promesses et problèmes d’une sociologie de l’individu, avant de revenir à son fondement même, la distance matricielle propre à la modernité, puis esquisser, dans la dernière partie, les spécificités qui reviennent, dans ce contexte, à l’étude de l’individuation.
Un des grands mérites de la sociologie fut, pendant longtemps, sa capacité à interpréter un nombre important de situations et de conduites sociales, pour diverses qu’elles soient, à l’aide d’un modèle quasiment unique. En effet, en dernière instance, la véritable unité disciplinaire de la sociologie, au-delà des écoles et des théories, est venue de cette vocation commune, de ce projet de comprendre les expériences personnelles à partir de systèmes organisés de rapports sociaux. L’objectif fut bien de socialiser le vécu individuel, de rendre compte sociologiquement d’actions en apparence effectuées et éprouvées en dehors de toute relation sociale – comme Durkheim l’a magistralement montré à propos du suicide [1]. Les conduites individuelles ne sont jamais dépourvues de sens, à condition d’être insérées dans un contexte social leur transmettant leur véritable signification.
Aucun autre modèle n’a mieux résumé ce projet que la notion de personnage social. Elle ne désigne pas seulement la mise en situation sociale d’un individu mais, bien plus profondément, la volonté de rendre intelligibles ses actions et ses expériences en fonction de sa position sociale, parfois sous forme de corrélations statistiques, d’autres fois par le biais d’une description ethnographique de ses communautés de vie. C’est ce regard qui, pendant longtemps, a défini la grammaire proprement sociologique de l’individu. Chaque individu occupe une position, et cette position fait de lui un exemplaire à la fois unique et typique des différentes couches sociales. Il se trouve submergé dans des espaces sociaux qui « génèrent », à travers un ensemble de « forces » sociales, ses conduites et expériences (et peu importent les notions effectivement déployées pour rendre compte de ce processus – système, champ ou configuration) [2].
Certes, cette représentation, surtout dans ses usages quotidiens et profanes, aura davantage été l’œuvre du réalisme social propre au roman du dix-neuvième siècle que, véritablement, le résultat du projet scientifique de la sociologie [3]. Mais il n’empêche : cette équation fonde la grammaire la plus durable parmi les sociologues, celle qui dicte leurs réactions disciplinaires les plus habituelles, ce savoir professionnel partagé qui fait immédiatement comprendre les traits individuels comme des facteurs dus à une inscription sociale particulière. Sur cet arrière-plan, les différences, au-delà du narcissisme de la nuance si souvent de rigueur entre écoles et auteurs, apparaissent bien minimes. La lecture positionnelle parcourt, hier comme aujourd’hui, et sans doute le fera-t-elle encore demain, l’essentiel de la sociologie. Toutes les démarches, malgré leur diversité, communient autour de ce modèle général, qui fait de la position de l’acteur le meilleur opérateur analytique pour rendre compte de ses manières de voir, d’agir et de percevoir le monde. En bref, la plus vénérable vocation de la sociologie réside dans cet effort inépuisable visant à faire de la position occupée par un acteur le principal – sinon le seul – facteur explicatif de ses conduites. Rien d’étonnant alors si au sein de ce modèle, un rôle majeur est revenu au processus de socialisation.
La force de la sociologie a donc reposé, pendant des décennies, sur cette capacité à articuler organiquement les différents niveaux de la réalité sociale, au point d’aboutir à une véritable fusion entre l’acteur et le système [4]. Soulignons-le : le triomphe de l’idée de société, et la notion adjacente de personnage social, n’ont jamais signifié la liquidation de l’individu, mais l’imposition hégémonique d’un type particulier de lecture.
C’est ce projet intellectuel qui est progressivement entré en crise depuis quelques décennies. L’épure apparaît chaque fois comme moins pertinente, au fur et à mesure que la notion d’une société intégrée se défait et que s’impose (en général sans grande rigueur), la représentation d’une société contemporaine (à noms multiples : post-industrielle, hyper-modernité, seconde modernité, post-modernité…) marquée par « l’incertitude » et la contingence, en fait, par une prise de conscience croissante de la distance irrépressible qui serait en train de s’ouvrir « aujourd’hui » entre l’objectif et le subjectif.
La situation actuelle se caractérise par la crise définitive de l’idée du personnage social au sens précis du mot – l’homologie plus ou moins étroite entre un ensemble de processus structurels, une trajectoire collective (de classe, de genre ou générationnelle) et une expérience personnelle. Bien entendu, le panorama de la théorie sociale est sans doute moins univoque. Bien des sociologues continuent à s’efforcer de montrer, sans répit, la validité d’un modèle qui rend compte de la diversité des expériences en fonction des différentiels de position sociale. Mais, lentement, cette élégante taxinomie de personnages révèle un nombre croissant d’anomalies et de lacunes. Certains se limitent à constater, sans aucune volonté de changement, l’insuffisance générale de l’ancienne taxinomie ; d’autres, avec davantage de mauvaise foi, minimisent ou nient ces failles, mais tous, au fond, sont conscients de la force du séisme. Les individus ne cessent de se singulariser et ce mouvement a tendance à s’autonomiser des positions sociales. En réalité, il les traverse, et produit le résultat inattendu d’acteurs qui se conçoivent et agissent comme s’ils étaient « plus » ou « autres » que ce qui leur dicte leur position sociale. Les individus se rebiffent contre les cases sociologiques.
Face à ce constat, certains sociologues ferment les yeux. Contre la fragmentation des trajectoires, ils s’efforcent de replacer les expériences dans le contexte social dont elles procèdent et duquel elles obtiendraient, aujourd’hui comme hier, leur signification. Mais écrite de cette manière, la sociologie laisse désormais échapper un nombre chaque fois plus important d’éléments que bien des sociologues constatent mais qu’ils s’efforcent de sur-interpréter (en les sous-interprétant) en termes de crises positionnelles. Le sens, quoiqu’ils en disent, est toujours donné d’emblée par une vision enveloppante et descendante des pratiques sociales. Du coup, il est souvent impossible de rendre compte des acteurs en d’autres termes que négatifs, au travers d’une litanie d’évocations sur la désorientation, la perte des repères, la crise… La « crise » est justement ce qui permet, par un jeu de prestidigitation intellectuelle, de rendre compte de la distance qui s’ouvre entre la description positionnelle du monde social propre à un certain regard sociologique et la réalité vécue par les individus [5]. En adoptant une perspective de ce type, les sociologues exercent une des plus formidables violences symboliques consenties aux intellectuels – celle qui consiste à imposer, au milieu d’une absolue impunité interprétative, un « sens » à la conduite des acteurs.
L’expérience individuelle échappe chaque fois davantage aux interprétations de ce type. Toute une série d’inquiétudes prend corps et sens en dehors du modèle du personnage social. Certes, l’analyse sociologique possède encore, sans doute, une vraisemblance qui fait défaut à bien d’autres représentations disciplinaires, mais ses interprétations cessent chaque fois davantage d’être en accord avec les expériences des acteurs. Paradoxe supplémentaire : au moment même où les termes sociologiques envahissent le langage courant, les représentations analytiques d’un certain regard sociologique prennent de la distance – et glissent – sur les expériences individuelles.
Bien sûr, cet affaiblissement de la taxinomie générale est une affaire de degré et non de tout ou rien. Dans ce sens, il ne s’agit absolument pas de la crise terminale du regard sociologique. Ce qui se modifie, ce qui doit se modifier, est la volonté de comprendre, exclusivement, et même majoritairement, les individus à partir d’une stratégie qui accorde un rôle interprétatif dominant aux positions sociales (en fait, à un système de rapports sociaux) au sein d’une conception particulière de l’ordre social et de la société [6].
Inutile d’ailleurs d’évoquer à cet égard le désajustement nécessaire et légitime existant entre les modèles d’interprétation de la sociologie et les expériences ou le sens commun des acteurs. Le problème actuel est différent et sans doute plus pressant. La non communication partielle entre acteurs et analystes, suite de leurs différentiels de formation et d’information, est sans doute inévitable. Mais la vraie difficulté survient lorsqu’un ensemble croissant de phénomènes sociaux et d’expériences individuelles ne parviennent plus à être abordés et étudiés sociologiquement, sinon au travers de mutilations analytiques ou de traductions forcées. La crise est là et nulle part ailleurs. A ce carrefour, chacun est libre de choisir, avec toute l’intelligence nécessaire, son chemin. Soit tout se résume à une simple affaire d’aggiornamento de la notion de personnage social (et derrière elle, inévitablement, du problème de l’ordre social et de l’idée de société) ; soit on prend acte que le défi est plus profond, plus sérieux et qu’il requiert une réorganisation théorique bien plus conséquente, où l’individu se voit conférer une importance toute autre. Il va de soi qu’il s’agit bien de la position assumée dans cet article.
Mais, que cela veut-il dire exactement ? S’agit-il, comme certains l’avancent de manière téméraire, de refuser tout recours à une explication de nature positionnelle au seul profit de capacités réflexives des acteurs ? Et dans ce dernier cas, le défi consiste-t-il essentiellement à mettre l’individu au centre de la théorie sociale ? Avançons par étapes.
Progressivement, s’impose la nécessité de reconnaître la singularisation croissante des trajectoires personnelles et ceci même quand ils occupent des positions sociales similaires. Cependant, la prise en compte de cette situation ne doit pas se traduire forcément par l’acceptation de la thèse d’une société sans « structure » ou « liquide » [7]. A l’aune de cette description la vie sociale est entièrement décrite comme soumise à un maelström d’expériences « incertaines », une réalité dans laquelle les normes et les règles qui, hier encore, étaient transmises de manière plus ou moins homogènes par les institutions, seraient de plus en plus engendrées in situ et de manière purement réflexive par les acteurs.
Les études qui ont progressivement pris ce chemin dans les dernières décennies sont chaque fois plus nombreuses [8]. Elles sont loin de constituer une « école », et elles ne constituent même pas vraiment un « mouvement » intellectuel en bonne et due forme. Pourtant, ce qui est le plus souvent commun à ces travaux est l’idée que la compréhension des phénomènes sociaux contemporains exige de partir des individus. Comprenons-nous bien : si l’individu doit être placé au socle de l’analyse, cela ne suppose aucunement une réduction de l’analyse sociologique au niveau de l’acteur, mais de prendre en compte la conséquence d’une transformation sociétale instaurant l’individu à la racine de la production et de l’interprétation de la vie sociale.
Evitons tout malentendu. Dans ces travaux, l’individu n’est jamais vraiment perçu ni comme une pure monade (comme l’affirment parfois avec légèreté tant de leurs détracteurs), ni simplement privilégié pour des raisons heuristiques (comme il en est ainsi dans l’individualisme méthodologique). Si l’individu reçoit une telle centralité, c’est bien parce que son processus de constitution permet de décrire une nouvelle manière de faire société. C’est l’entrée dans une autre période historique et sociétale qui fonde donc, en dernière analyse, la véritable raison d’être de ce processus. C’est donc bel et bien à cause de la crise de l’idée de société que tant de travaux essayent de rendre compte des phénomènes sociaux en allant chercher « en bas » l’unité de la sociologie, afin de cerner d’autres dimensions et facettes, désormais incontournables de l’étude sociale, et qui risquent, néanmoins, de rester cachées derrière des conceptions systémiques totalisantes. L’intérêt pour l’individu n’y provient pas et ne s’y accompagne donc pas forcément d’une attention privilégiée au niveau de l’interaction (comme cela fut, rappelons-le, le cas dans les micro-sociologies des années soixante et soixante-dix – qu’il suffise de penser à l’œuvre de Goffman, à l’interactionnisme symbolique ou à l’ethnométhodologie). Aujourd’hui, l’intérêt pour l’individu procède d’une autre conviction théorique – l’étude de la société contemporaine est inséparable de l’analyse de l’impératif spécifique qui contraint les individus à se constituer en tant qu’individus.
Mais, comment ne pas percevoir à la base de ce mouvement le cours habituel de la sociologie ? Qu’y a-t-il vraiment de nouveau dans ce nouveau retour de l’acteur, en fait, de l’individu ? En vérité, le programme de recherche dont on a besoin doit se construire à distance, mais pas à équidistance, des deux perspectives. Il doit se concevoir en franche rupture face à la thèse du personnage social et en inflexion critique vis-à-vis du thème de l’individualisation. En fait, comme nous le préciserons, il est indispensable de comprendre le projet de l’individualisation (l’ensemble de travaux qui font des nouvelles formes d’injonction institutionnelle l’axe central de la sociologie) comme une des variantes possibles de l’étude du processus contemporain de l’individuation [9].
Le point est suffisamment important pour mériter une halte. D’autant plus que, comme on le verra dans un point ultérieur, la voie que nous proposons, l’étude du processus d’individuation par les épreuves, partage avec cette dernière perspective une série de présupposés communs.
1./ Oui, définitivement oui, l’individu est l’horizon liminaire de notre perception collective de la société. Non, cela n’indique absolument pas que ce soit au niveau de l’individu, de son vécu ou de ses différentiels de socialisation, que doive se centrer l’essentiel de la démarche sociologique. Ce que cela implique, en revanche, c’est, de manière urgente, de faire de l’individuation (et non de la socialisation ou de la subjectivation) l’axe central de la théorie sociale [10].
2./ Oui, la sociologie doit prêter une plus grande attention aux dimensions proprement individuelles et même singulières des acteurs sociaux. Non, cela ne veut pas dire que, pour analyser la vie sociale, les histoires et les émotions personnelles soient plus pertinentes que la macro-sociologie. Ce dont il s’agit, c’est de construire des interprétations susceptibles de décrire, de manière renouvelée, la manière dont se structurent les phénomènes sociaux au niveau des expériences individuelles – un effort qui invite à accorder, comme nous le verrons, une importance centrale à la notion d’épreuve.
3./ Oui, les dimensions existentielles sont de plus en plus un élément indispensable de toute analyse sociologique. Non, cela ne suppose pas d’abandonner le propre du regard sociologique et de s’embourber dans une douteuse étude trans-historique de la condition humaine. Ce qu’il faut avoir, en revanche, c’est un regard capable de rendre chaque fois compte sociologiquement de phénomènes qui, tout en s’éprouvant comme étant profondément « intimes », « subjectifs », « existentiels », sont en fait partie prenante et croissante de la vie sociale [11]. La manière dont les individus supportent l’existence et les différentiels de légitimité des supports, ou encore, l’expansion tous azimuts de problèmes d’évaluation existentielle tout au long de la vie et dans tous les domaines de l’existence en sont, parmi d’autres, des exemples significatifs [12].
4./ Oui, les sociétés contemporaines sont le théâtre d’un nouvel individualisme institutionnel qui standardise fortement, comme Ulrich Beck l’a bien souligné, les étapes de la vie [13]. Non, ce processus ne passe pas par le tamis d’une injonction unique et commune d’individualisation, mais se diffracte au contraire dans un nombre croissant d’épreuves de différents types et nature selon les domaines et les positions sociales. Autrement dit, il est nécessaire de construire des opérateurs analytiques capables, dans un seul et même mouvement, de rendre compte à la fois de tendances simultanées et contradictoires vers la standardisation et la singularisation.
5./ Oui, la sociologie doit chercher un nouvel équilibre dans la relation entre les individus et la société. Non, cela n’implique pas vraiment qu’un nombre croissant de phénomènes sociaux soit visible, et même « uniquement » visible aujourd’hui à partir des « biographies » individuelles et non plus à partir des « sociographies » de groupes. Mais il faut désormais tenir compte du fait que la perception des phénomènes sociaux s’effectue à partir de l’horizon liminaire des expériences individuelles au moment même de produire des cadres d’analyse – sous peine de creuser l’abîme qui commence à la séparer des acteurs [14]. Il ne faut pas bâtir une sociologie de l’individu, mais une sociologie pour les individus.
6./ Oui, la société – l’idée de société – a perdu l’homogénéité, théorique et pratique qui fut bien la sienne au sein des sociétés industrielles et à l’âge d’or de l’Etat-nation. Non, la société contemporaine n’est ni « incertaine » ni « liquide » ; elle n’est pas non plus soumise à la « complexité » ou au pur « désordre », et elle est loin d’être devenue pur « mouvement » ou « flux ». Derrière la crise de l’idée de société et de l’épure du personnage social, il y a place pour une autre démarche macro-sociologique qui fait du processus d’individuation un puissant principe d’unité analytique des sociétés contemporaines. C’est la différence fondamentale entre une théorie des systèmes sociaux qui, en épousant le processus de différenciation sociale croissante, a été contrainte de souligner les phénomènes de dissociation ou de désarticulation, et une étude de l’individuation qui elle, au contraire, en souligne d’emblée le principe d’unité. Ce qui est distinct ou contradictoire du point de vue des systèmes sociaux est intégré, y compris par maintes tensions, au niveau des biographies individuelles. C’est pourquoi, et contre toute attente, un des principaux facteurs d’unité analytique des sociétés actuelles se trouve désormais saisissable à l’échelle de l’individuation.
La réflexion sociologique contemporaine sur l’individu part donc d’un présupposé radicalement différent de celui qui a animé les auteurs classiques. Il s’établit sur les décombres de cette philosophie sociale si particulière, longtemps indissociable du développement de la théorie sociale, qui proposait d’établir un lien étroit entre les organisations sociales et les dimensions subjectives au sein des Etat-nations. Cependant, et malgré sa force, le triomphe de cette représentation et de cette épure du personnage social n’a jamais été absolu. De façon souterraine, la sociologie n’a en effet jamais cessé d’être travaillée par un phénomène contraire, celui de la modernité, qui a fasciné et continue de fasciner ses principaux auteurs, et dont la réalité et la permanence défient la vision que ces mêmes auteurs ont voulu imposer de l’ordre social. C’est cette ambivalence théorique qui explique d’ailleurs pourquoi, en dernier ressort, l’individu a pu être à la fois central et marginal dans la sociologie. Central : la modernité se décline et s’impose à partir de son avènement. Marginal : à partir de sa naissance comme discipline, la sociologie s’efforce d’imposer une représentation de la vie sociale qui lui enlève toute centralité analytique [15].
Insistons sur ce dernier point puisqu’il y va, en dernière analyse, de la taille de l’inflexion que l’« individu » introduit aujourd’hui dans la sociologie. Pour le comprendre, il est nécessaire de revenir, même rapidement, à ses origines et de prendre conscience que ce retour décrit, étrangement, à la fois son passé et son probable futur.
La sociologie a été marquée, tout au long de son histoire, à la fois par la construction d’un modèle théorique stable de société et par la conscience permanente de l’instabilité indissociable de la modernité. La « modernité », c’est l’expérience de vivre au milieu d’un monde chaque fois plus étranger, où, comme tant d’auteurs n’ont cessé de le répéter, le vieux meurt et le nouveau tard à naître, et où, surtout, les individus sont traversés par le sentiment d’être placés dans un univers en constant changement [16]. L’individu ne reconnaît plus le monde qui l’entoure, même davantage : il ne cesse de questionner de façon existentielle (et non seulement conceptuelle) la nature du lien qui le relie à lui. Ce fut tour à tour avec et contre cette expérience que s’est inscrit l’essentiel du projet de la sociologie. Le propre du discours sociologique de la modernité fut en effet la prise de conscience historique de la distance entre les individus et le monde, et l’effort permanent pour proposer, encore et toujours, une formulation capable de suturer définitivement cette béance, au travers d’une pluralité d’efforts théoriques chaque fois plus complexes [17]. Et aucune autre notion n’a assuré avec autant de force cette vocation que, précisément, l’idée de société.
Dans la pensée sociale classique, répétons-le, ce qui a primé a donc été, grâce justement à l’idée de société, la représentation d’une forte structuration ou correspondance entre les différents niveaux ou systèmes sociaux. Au fond, toutes les conceptions soulignaient l’étroite articulation existante entre les positions sociales et les perceptions subjectives, entre les valeurs et les conduites. L’objectif, indissociablement intellectuel et pratique, était d’établir un lien entre tous les domaines de la vie sociale. D’une façon ou d’une autre, l’ensemble des phénomènes sociaux se devait ainsi de se structurer autour du problème de l’intégration. La communication des parties dans un tout fonctionnel fut alors le credo indépassable de la sociologie. La dissociation entre l’objectif et le subjectif, élément fondateur de l’expérience moderne, était alors largement obscurcie au profit d’un ensemble de principes, pratiques et intellectuels, supposés assurer l’intégration de la société. Pourtant, et contre ce qu’une vulgate scolastique a fini par imposer, cet ordre n’a cessé d’être ébranlé par l’expérience de la modernité.
Pendant des décennies le discours sociologique a donc affirmé, simultanément, deux constats opposés : d’un côté, la dissociation entre l’objectif et le subjectif (la modernité), et de l’autre côté, l’articulation fonctionnelle de tous les éléments de la vie sociale (l’idée de société). Aujourd’hui nous vivons une nouvelle crise de ce projet bicéphale. Que ce soit par l’autonomisation croissante des logiques d’action ou des systèmes sociaux [18], ou par la séparation et le primat de l’intégration systémique sur l’intégration sociale [19], ce dont il s’agit au fond est bien de souligner la fin d’une idée de totalité sociétale analytiquement harmonieuse. Mais ces transformations ne font au fond que rappeler ce que la pensée sociologique classique a toujours su et ce contre quoi, cependant, elle n’a pas cessé de lutter. À savoir, la distance matricielle propre à la modernité.
À l’encontre donc de ce qu’affirme le discours largement amnésique et aujourd’hui à la mode de la seconde modernité, l’avatar actuel s’inscrit bel et bien dans une longue filiation – celle de la sempiternelle crise constitutive de la sociologie. Comment ne pas souligner en effet la constance d’un récit qui ne cesse de décliner dans les termes d’une nouveauté radicale et inédite une expérience si constante et cyclique ? La conclusion s’impose d’elle-même. C’est bien ce récit en trois temps (expérience de dissociation de la modernité – intégration analytique grâce à l’idée de société – nouvelles et cycliques dissociations…), et ses « retours » continus au long de l’histoire, qui structure la forme narrative commune à la plupart des interprétations sociologiques.
Il faut alors le reconnaître : ce qui pendant plus d’un siècle ne fut reconnu qu’à contrecœur – la rupture de l’expérience moderne – doit devenir l’horizon fondamental de la réflexion. Si, hier, l’idée de société a primé sur l’expérience de la modernité (subordonnant les individus à l’épure du personnage social), le futur de la sociologie invite, en revenant paradoxalement sur ces origines, à un changement de cap. Une filiation qui invite en tout cas à interpréter l’actuel processus d’individuation d’une toute autre façon de comment le proposent les partisans de la thèse de l’individualisation.
Placer l’individuation au cœur de la théorie sociale pose quelques défis majeurs. Rappelons que son étude exige toujours de rendre compte de l’inscription concrète des grandes transformations sociales dans les trajectoires et dans les vies individuelles. Si ce processus se complexifie de toute évidence à l’ère actuelle, il permet aussi de comprendre la continuité historique dans lequel il s’inscrit. C’est en tout cas cette tension qui doit rester au cœur de l’étude : il ne s’agit ni d’étudier les vies individuelles comme de simples manifestations singulières de trajectoires sociales (dans une litanie des portraits individualisés), ni comme des variantes spécifiques de types d’individus (le personnage social), mais d’essayer de les rendre intelligibles à partir d’un horizon d’analyse élargi qui, sans abolir la singularité, l’insère dans un espace de résonance inter-individuel. La sociologie de l’individuation est un va-et-vient constant entre l’histoire et la biographie [20].
Pour réaliser cet exercice, la notion d’épreuve est particulièrement riche. Les épreuves ont quatre grandes caractéristiques [21]. D’abord, la notion est inséparable d’un récit particulier – celui de la mise à l’épreuve justement – qui est susceptible d’accorder un espace important, et inédit, à l’individu dans la tradition sociologique. Ensuite, toute épreuve apparaît comme un examen, un test (souvent non formalisé) adressé à chacun d’entre nous et au travers duquel s’effectue une sélection sociale. En troisième lieu, le propre de chaque épreuve est de tester notre résistance et nos capacités à nous en acquitter – elle engage ainsi une conception particulière de l’acteur. Enfin, elle désigne des enjeux sociaux auxquels sont soumis les individus de manière contrainte – et qui sont donc variables en fonction des sociétés et des périodes historiques.
Abandonner l’idée de société au profit de l’étude du processus d’individuation invite ainsi à renverser l’ordre de la pensée : le centre de gravité de l’analyse n’est plus censé se reconstruire à partir d’une totalité sociétale, mais en référence à l’unité donnée par un ensemble commun d’épreuves propres à une période. Le système standardisé d’épreuves par lequel se constitue un mode d’individuation apparaît ainsi comme un abrégé sociologique d’une histoire collective de vie. Il désigne une problématique historique commune à laquelle sont confrontés inégalement la plupart des acteurs (pour ne pas dire tous) d’une société. Un mode d’individuation n’existe donc que tant que reste vivant le système d’épreuves qui le forge.
Les épreuves se succèdent et se chevauchent au fur et à mesure que les individus avancent dans la vie. Ils les subissent d’une façon indéterminée a priori et sont contraints de leur donner un sens différent selon qu’ils s’en sont acquittés ou non. Cette succession ne s’organise cependant pas à l’improviste : au contraire même, peu de choses semblent plus standardisées dans la vie moderne. En revanche, au niveau de la vie individuelle, les épreuves apparaissent comme une suite d’étapes où peuvent s’accumuler les revers du destin ou les réussites de l’effort. Elles sont ainsi un dispositif de recherche permettant à la fois de rendre justice au caractère ouvert de leur issue et de garder en tête le caractère standardisé et séquentiel de leur déroulement collectif. C’est dire que si l’issue des épreuves est contingente au niveau de l’individu, leur organisation et leur succession ne sont nullement arbitraires au niveau des ensembles socio-historiques.
Si la notion est centrale pour rendre compte de l’individuation en cours (et au-delà, pour devenir un des opérateurs majeurs de la sociologie), c’est qu’elle permet de rendre compte, autrement que sous la forme d’une filiation descendante, de l’articulation entre les transformations structurelles et le jeu des places sociales. Pour ce faire, il convient de cerner le mode d’individuation propre à une société au travers d’un nombre limité d’épreuves. En effet, bien qu’il soit possible d’identifier une grande diversité de mécanismes institutionnels et de registres analytiques potentiels, l’étude doit, pour rester opérationnelle, se restreindre à l’examen d’un nombre limité de processus, jugés particulièrement significatifs au vu d’une réalité historique et sociale concrète.
Très concrètement alors, décrire le système standardisé d’épreuves d’individuation équivaut à décrire une société historique dans son unité. Cet effort, nécessairement intellectuel et critique, participe de la conviction que c’est au travers d’une sociologie historique écrite à échelle humaine, qu’il est possible aujourd’hui de mieux cerner les grands enjeux de la globalisation. L’analyse macrosociologique est ainsi toujours en phase avec des constats microsociologiques et la prise en compte synchronique de l’individuation se fait en étroite relation avec un axe diachronique. Pourtant, et c’est le pari intellectuel et politique d’une démarche de ce type, tous les individus sont étudiés comme enrôlés dans une aventure commune au sein d’une société et d’un moment historique donné. Une sociologie de l’individuation est par là-même une tentative pour remettre sur pied une analyse macrosociologique.
A l’heure de la globalisation par exemple, ce n’est que de manière très empirique qu’il sera possible, par exemple, de décider si les bornes nationales doivent ou non être respectées, et à propos de quels domaines d’actions. Toute position de principe serait à ce sujet un leurre à l’heure actuelle. Dans certains cas, il est en effet indispensable de prendre acte de la force du cadre national, tant il est évident que les épreuves auxquelles sont soumis aujourd’hui les individus sont toujours largement définies à ce niveau. Mais dans d’autres cas, il faut également prendre acte des manières dont le global et le transnational s’insinuent déjà, très concrètement, dans les expériences personnelles (le différentiel de vulnérabilité aux phénomènes globaux tels que les crises financières, écologiques ou autres, est même un des éléments majeurs à prendre en considération). Une sociologie empirique de la globalisation n’est possible qu’à ce prix.
L’étude de l’individuation ne se confond donc jamais avec une simple étude des parcours de vie qui permettrait d’établir de simples comparaisons (puisque tout le monde, ou presque, travaille, a une vie de famille, est scolarisé…). Pour une sociologie de l’individuation, le but est de parvenir à isoler les épreuves qui sont, à un moment donné, et dans une société donnée, les plus significatives historiquement. Dans ce sens, par exemple, l’école est sans aucun doute une épreuve centrale dans le processus d’individuation aujourd’hui à l’œuvre en France. En revanche, il est fort vraisemblable qu’elle ne l’est guère dans d’autres sociétés nationales (ou, pour la même société française, dans la période qui précède les années cinquante). Plus encore, même lorsqu’une même épreuve est significative dans deux contextes nationaux, elle peut ne pas avoir la même importance dans l’économie générale du modèle d’individuation à l’œuvre. C’est probablement le cas, par exemple, de l’épreuve urbaine. A l’ère de la globalisation, elle est certes un élément important de l’expérience sociale dans les pays centraux, mais elle est souvent décisive dans les pays du Sud, notamment pour les habitants des grandes mégapoles dont toute la vie est scandée par le « combat » quotidien contre la ville (ses distances, ses insécurités, ses frictions). L’individu se conçoit alors à partir d’une imbrication particulière avec l’urbain.
Comprenons-le bien. L’étude de l’individuation par les épreuves ne « remplace » pas l’étude du personnage social qui jadis, par le biais de la socialisation, a prévalu. Le projet intellectuel étant tout simplement autre, l’objectif visé est différent. Il s’agit de proposer un regard sociologique qui fait face à la prééminence de l’individu dans nos sociétés, et surtout, le fait qu’il soit devenu l’horizon de nos perceptions. Hier, il a fallu construire l’arsenal conceptuel de la sociologie autour de l’idée de société et du problème de l’ordre social. Aujourd’hui, il est nécessaire, en prolongeant l’effort des classiques, de le renouveler autour de l’individu. Dans ce contexte, le futur de la sociologie devra s’écrire à échelle humaine et avec la conscience d’un double renoncement : d’une part, au primat exclusif de l’analyse sociétale et positionnelle et d’autre part, de la volonté de faire de l’individu lui-même le lieu de l’analyse. C’est en navigant entre ces deux écueils que la sociologie de l’individuation devra arriver, sans aucune garantie, à bon port.
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[1] E.Durkheim, Le suicide [1897], Paris, PUF, 1995.
[2] Pour des visions désormais classiques de ces modèles cf. T.Parsons, The Social System, Glencoe, Illinois, The Free Press, 1951 ; P.Bourdieu, La distinction, Paris, Minuit, 1979 ; N.Elias, Qu’est-ce que la sociologie ? [1970], La Tour d’Aigues, Editions de l’Aube, 1991.
[3] W.Lepenies, Les trois cultures [1895], Paris, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1990.
[4] F.Dubet, Sociologie de l’expérience, Paris, Seuil, 1994.
[5] P.Bourdieu (dir.), La misère du monde, Paris, Seuil, 1993.
[6] Pour de mises en garde dans ce sens, cf. parmi d’autres, A.Touraine, « Une sociologie sans société », Revue française de sociologie, n°22, juin 1981 ; F.Dubet, D.Martuccelli, Dans quelle société vivons-nous ?, Paris, Seuil, 1998 ; J.Urry, Sociology beyond Societies, London, Routledge, 2000 ; Z.Bauman, Society under Siege, Cambridge, Polity Press, 2002.
[7] P.Wagner, Liberté et discipline [1994], Paris, Métailié, 1996 ; Z.Bauman, Liquid Modernity, Cambridge, Polity Press, 2000.
[8] Si à bien des égards il est possible de reconnaître à l’allemand Ulrich Beck un rôle décisif dans la réactualisation de cette problématique, paradoxalement, les développements les plus conséquents ont eu lieu plutôt en Angleterre, puis en France, où, deux axes ont été largement privilégiés : les dispositions (V.de Gaulejac, Névrose de classe, Paris, Hommes & Groupes éditeurs, 1987 ; B.Lahire, L’homme pluriel, Paris, Nathan, 1998 ; J-C.Kaufmann, Ego, Paris, Nathan, 2001) et l’identité (F.de Singly, Le soi, le couple et la famille, Paris, Nathan, 1996 ; C.Dubar, La crise des identités, Paris, PUF, 2000).
[9] U.Beck, La société du risque [1986], Paris, Aubier, 2001 ; U.Beck, A.Giddens, S.Lash, Reflexive Modernization, Cambridge, Polity Press, 1994 ; U.Beck, E.Beck-Gernsheim, Individualization, London, Sage, 2001.
[10] D.Martuccelli, « Les trois voies de l’individu sociologique », EspacesTemps.net, Textuel, 2005.
[11] A.Giddens, Modernity and Self-Identity, Cambridge, Polity Press, 1991 ; A.Ehrenberg, La fatigue d’être soi, Paris, Odile Jacob, 1998.
[12] D.Martuccelli, Dominations ordinaires, Paris, Balland, 2001.
[13] U.Beck, La société du risque, op.cit.
[14] M.Buroway, « For Public Sociology », American Sociological Review, 2005, vol. 70, February, pp.4-28.
[15] D.Martuccelli, Grammaires de l’individu, Paris, Gallimard, 2002.
[16] M.Berman, All that is Solid Melts into Air, New York, Simon & Schuster, 1982.
[17] D.Martuccelli, Sociologies de la modernité, Paris, Gallimard, 1999.
[18] D.Bell, Les contradictions culturelles du capitalisme [1976], Paris, PUF, 1979 ; N.Luhmann, Social Systems [1984], Stanford, Cal., Stanford University Press, 1995.
[19] J.Habermas, Théorie de l’agir communicationnel [1981], Paris, Fayard, 1986, 2 vol.
[20] C.Wright Mills, L’imagination sociologique [1959], Paris, La Découverte, 1997.
[21] D.Martuccelli, Forgé par l’épreuve, Paris, Armand Colin, 2006.
Martuccelli Danilo, « La sociologie aux temps de l’individu », dans revue ¿ Interrogations ?, N°5. L’individualité, objet problématique des sciences humaines et sociales, décembre 2007 [en ligne], https://revue-interrogations.org/La-sociologie-aux-temps-de-l (Consulté le 21 novembre 2024).