Chaxel Sophie, Fiorelli Cécile, Moity-Maïzi Pascale
Les récits de vie sont dotés d’un fort pouvoir d’intelligibilité car ils permettent de faire émerger le sens que les acteurs accordent à leurs actions en stimulant notamment leur capacité réflexive. Cependant, on ne peut réduire la méthode biographique à cette seule tâche de compréhension. Les récits de vie et leur analyse peuvent également constituer un media pour faire prendre conscience à une personne des ressources construites au cours de sa trajectoire dans une visée émancipatrice et en ce sens constituer des catalyseurs pour l’action. C’est ce que nous proposons de montrer en exposant une méthode associant l’analyse des récits de vie et la cartographie cognitive co-construite entre chercheurs et professionnels de l’accompagnement à l’installation agricole. L’analyse de cette expérience méthodologique nous permet de réinterroger le rôle et le statut non seulement des récits de vie mais aussi du sociologue et des individus qu’il sollicite dans un processus de recherche-action.
Mots clés : trajectoire de vie, récit de vie, cartographie cognitive, sociologie performative
Life stories as comprehension tools and catalysts for action
By enhancing actors’ reflexive capacities, life stories contribute especially to the emergence of the meaning of actors’ actions. However, the biographical method should not be reduced to this understanding aspect. In an emancipatory perspective, life stories and their analysis may be a medium for raising an individual’s awareness of the resources developed throughout the course of life, making them available for future action. That’s what we want to show by presenting a life-story-based method including main mapping co-constructed by scientists and professionals helping new farmers to set up. Analyzing these methodological approaches will lead us to question the role and status of life stories but also of the sociologist and all those involved in research processes.
Keywords : life trajectory, life story, main mapping, performativity
L’intérêt renouvelé pour l’usage des récits de vie dans le champ de la sociologie française au début des années 1970 traduit un changement de posture dans la construction de la connaissance sociologique : en réaccordant une place centrale à l’acteur, en lui reconnaissant une identité et en lui redonnant la parole, une rupture épistémologique s’opère avec les théories structuralistes qui tendaient à envisager les individus comme de simples « unités statistiques » (Passeron, 1989 : 6), sujets ou agents interchangeables et mobilisables à la seule condition qu’ils répondent à quelques variables jugées pertinentes. Avec l’approche biographique, les individus deviennent des acteurs sensibles et agissant du monde, qui dans diverses situations jouent des éventuelles structures normatives qui s’imposent à eux, s’avèrent ainsi stratèges, inventifs, engagés et surtout actifs (Boltanski, 2009). Quand l’individu devient ainsi un « observatoire du social » (Le Breton, 2004 : 20), lui donner la parole à travers le récit de vie par exemple, permet d’accéder aux motifs de l’action, aux ressorts de l’engagement, aux singularités de l’expérience vécue, enfin aux dimensions réflexives et créatives de la personne qui donnent aussi sens aux faits sociaux, historiques et actuels [1].
Réduire les récits de vie à un simple outillage pour la compréhension des phénomènes sociaux serait toutefois bien réducteur. Car cette technique est également couramment mobilisée dans les pratiques professionnelles qui se réclament de l’accompagnement ou de la formation. Sous le terme ’histoire de vie’, le recueil et l’analyse de récits de vie permettent de rechercher et de construire du sens relatif à des faits temporels individuels. Ils sont alors conçus comme des outils pour orienter l’action et penser le futur .
Notre objectif est de montrer que l’analyse des récits de vie peut donner lieu à des applications aussi bien analytiques que pratiques suivant la situation dans laquelle elle est mobilisée quand le recueil du récit de vie est formalisé et validé selon des conditions méthodologiques particulières. Pour valider cette hypothèse, nous proposons d’exposer les conditions d’expérimentation ou de co-conception d’une méthode développée en France pour accompagner de futurs agriculteurs dans leur projet d’installation. Ce travail a été réalisé dans un projet de recherche-action [2] à la demande d’une association accompagnant des porteurs de projet agricole à s’installer (ADEAR) [3]. Les animateurs de l’association doivent en effet répondre aujourd’hui à la demande d’individus porteurs d’un projet professionnel agricole, de plus en plus nombreux, avec des profils et des objectifs diversifiés. Pour mieux les accompagner dans leurs parcours d’installation, les animateurs éprouvent le besoin de disposer de nouveaux outils permettant d’une part aux porteurs de projets eux-mêmes d’identifier ce qui dans leur trajectoire de vie peut constituer des ressources pour mener à bien leur nouveau projet ou envisager des ajustements et, d’autre part, aux accompagnateurs de préciser les conditions et configurations d’une première phase d’accompagnement. Pour ces derniers, l’enjeu est de personnaliser l’accompagnement, de s’assurer d’abord que le projet correspond bien aux attentes et capacités du porteur de projet et qu’il lui garantisse une autonomie ensuite. Le porteur de projet est appréhendé non plus comme un simple agent, ’demandeur’, mais comme un acteur de sa future installation agricole, engagé dans un changement important.
Cette méthode a été construite en deux phases successives (Fiorelli et alii, 2012) :
Cet article se décompose en trois parties : dans un premier temps, nous présenterons les ’ingrédients’ théoriques de cette expérience méthodologique, rappelant ainsi les écoles de pensée dont ils sont issus. Nous exposerons ensuite le déroulement concret des deux phases de ce processus de recherche-action : tout d’abord, nous présenterons la méthode d’analyse des trajectoires de vie en montrant à partir d’exemples concrets le type de connaissances auxquelles elle permet d’aboutir. Puis nous aborderons la phase de test en montrant sous quelles conditions cette méthode peut être adaptée pour l’accompagnement. En guise de conclusion, nous soulignerons les principales caractéristiques de cette méthode et analyserons en quoi la prise en compte de la réflexivité et de la compétence des acteurs, rendue possible par l’importance donnée aux récits de vie et à leur formalisation graphique, réinterroge à la fois le rôle du sociologue et le statut du sujet qui produit un récit de vie, dans la construction de la connaissance sociologique [4].
La sociologie ne manque pas de termes pour aborder ce que Passeron nomme le « devenir biographique » (Passeron, 1989 : 16) : biographie, carrière, itinéraire, trajectoire, histoire ou parcours de vie. Mais ces termes n’ont pas le même statut théorique et de fait, ne conduisent pas aux mêmes tâches de description et d’analyse. Pour construire notre propre expérience méthodologique, il nous a fallu faire un choix, puisque c’est de cette position théorique que découlent les outils mobilisés et leurs articulations.
La trajectoire de vie peut être définie comme « un entrecroisement de multiples lignes biographiques plus ou moins autonomes ou dépendantes les unes des autres : le parcours scolaire, le rapport au travail et à l’emploi, la vie familiale, la vie sociale, la santé, la trajectoire résidentielle, l’itinéraire politique, etc. » (Hélardot, 2006 : 3). Chacun de ces domaines correspond à un ensemble de pratiques, de rôles et d’identités sociales se déployant sur trois axes : lieux, temps et temporalités, réseaux et cadres structurels. La trajectoire dans sa globalité est ainsi constituée par une succession de situations vécues par les individus dans différentes sphères et par l’histoire des diverses configurations successives ou « formes identitaires » [5] structurant l’articulation entre ces sphères de la vie sociale. Par ailleurs, la trajectoire d’un individu n’est pas linéaire mais composée d’étapes ou phases, ponctuées par des ruptures et des « bifurcations » [6] dont le moment et l’issue étaient imprévisibles. Cette définition de la bifurcation se rapproche de la notion de « turning-points » [7] utilisée pour l’analyse des carrières professionnelles, marquées par des phases successives de transition, plus ou moins prévisibles, plus ou moins brèves, plus ou moins ritualisées ou institutionnalisées. Un moment de doute, d’incertitude, marque souvent le début d’une bifurcation. Celle-ci diffère de la « transition » biographique dont la venue est prévisible (par exemple : la fin des études) ou du « carrefour » dont les issues restent limitées et structurées (comme l’orientation scolaire où il est obligatoire de faire un choix ; Grossetti, 2006 : 13-14).
Le récit de vie, comme expérience narrative (Ricœur, 1990) permet de retracer une trajectoire singulière. L’individu met en scène à travers lui une multiplicité de sphères, dont certaines ont parfois permis une bifurcation ou un changement, d’autres ayant été touchées ensuite par ces changements. Par exemple, le récit d’un processus d’installation en agriculture se limite rarement à l’évocation de la seule sphère professionnelle. Il évoque d’autres sphères : la sphère amoureuse ou familiale, la sphère économique ou plus subjectif encore, un ’projet de vie’ dans sa globalité, qui ont eu une influence décisive pour décider de s’installer en agriculture ou qui ont été affectées par ce choix professionnel parfois lourd de conséquences. Un récit de vie met donc en lumière les différents ’ingrédients’ mobilisés pour prendre une décision, inscrits dans des temporalités hétérogènes : le temps long de l’histoire des cadres sociétaux, le temps générationnel de la famille et des héritages, le temps plus court de l’individu dans ses interactions quotidiennes et dans divers réseaux. Interviennent également l’instant de l’événement et le temps prospectif (Bidart, 2006 : 23). Une bifurcation n’est plus seulement le résultat d’une accumulation d’événements : leur simultanéité constitue aussi un facteur décisif.
Le recueil de récits de vie (ou méthode biographique) est une méthode initiée par les sociologues américains de l’École de Chicago dans les années 1920 et développée notamment lors de l’enquête de Thomas et Znaniecki sur les paysans polonais (Thomas et Znaniecki, 1998). La méthode s’inscrit clairement dans l’interactionnisme symbolique : elle repose sur une approche compréhensive des phénomènes et considère l’acteur social enquêté comme « un véritable observatoire du social, à partir duquel se font et se défont les interactions et actions de tous » (Le Breton, 2004 : 20). Partant de là, il importe de saisir les raisons qui motivent les actions du point de vue de chacun des acteurs. Cela n’est possible qu’en leur donnant la parole. Les récits de vie constituent alors des occasions de mettre à jour dans le détail les manières dont chacun a réagi au fil des circonstances, les connaissances et registres de justifications qui ont permis d’affronter des événements, les leçons tirées de l’action, les facultés revendiquées d’adaptation (Le Breton, 2004 : 28).
La méthode de recueil des récits de vie fut tout d’abord mobilisée en France par l’anthropologie et la psychologie sociale avant d’être partiellement oubliée au cours des années 1940 et 1950 au profit de méthodes quantitatives et statistiques. Elle sera réhabilitée par la sociologie française des années 1970 avec les travaux de Daniel Bertaux, pour qui « le récit de vie résulte d’une forme particulière d’entretien, l’entretien narratif, au cours duquel un chercheur (…) demande à une personne ci-après dénommée « sujet », de lui raconter tout ou une partie de son expérience vécue » (Bertaux, 2005 : 6). Mais l’une des limites opposable au procédé narratif, c’est qu’il tend « à unifier le parcours, à lui donner une forme de trajectoire, à le rendre cohérent » (Bidart, 2006 : 3), car il s’agit souvent pour le narrateur de ne pas « perdre la face » (Goffman, 1973 : 742). Le récit articule et mobilise ainsi des arguments de justification aux étapes vécues. C’est ce que Bourdieu appelle « se faire l’idéologie de sa propre vie » (Bourdieu, 1986 : 2). Passeron souligne quant à lui que « l’excès de sens et de cohérence » inhérent aux récits biographiques peut conduire le sociologue à « l’indigestion » ou aboutir à la situation extrême d’un « tout pertinent » où « chaque biographie contient Tout » (Passeron, 1989 : 4). L’une des difficultés propre à l’étude des trajectoires basées sur le récit de vie consiste donc à trouver des solutions méthodologiques aptes à rendre compte de l’intelligibilité des ordres biographiques tout en minimisant les « effets de reconstruction » (Grossetti, 2006 : 19). C’est pour dépasser ces limites que nous avons mobilisé les apports de la cartographie cognitive.
L’appréhension des individus comme étant ’capables’ et ’compétents’, inspirée par les travaux de la sociologie pragmatique (Dodier, 2001 : 315-330), a des répercussions sur le plan épistémologique et méthodologique car elle autorise à une « créativité de l’enquête » (Genard et Cantelli, 2008 : 6) : l’enjeu pour le sociologue n’est plus d’être le révélateur d’explications cachées des faits sociaux mais un médiateur par lequel les acteurs s’autorisent à s’exprimer sur leurs propres façons de construire, penser et justifier leurs identités en lien avec d’autres, s’interrogent sur les conséquences de leurs choix et de leurs actes. Pour opérer ce transfert, le sociologue peut analyser le récit de vie (enregistré et retranscrit) selon diverses techniques d’analyse de discours ; mais il peut aller plus loin en cherchant à visualiser la trajectoire de son interlocuteur pour l’amener à s’engager un peu plus dans l’interaction réflexive qui lui est proposée par la médiation d’une visualisation de ses énoncés. La cartographie cognitive, généralement mobilisée par les sciences de l’éducation et les sciences cognitives, est l’outil que nous avons retenu.
La carte cognitive ou carte conceptuelle désigne le produit d’une démarche qui vise à projeter graphiquement les représentations mentales - énoncées - qu’un individu (ou par extension un groupe d’individus) se fait d’un problème ou d’une question problématique (Damart, 2006 : 3). C’est donc un graphe qui présente les liens entre des concepts (ou nœuds). Les liens représentent le plus souvent des relations causales mais également des relations de proximité, des relations d’influence (Damart, 2006 : 3). Les concepts correspondent à des régularités perçues dans les événements, dans les objets, livrées oralement au travers de descriptions, ils sont formalisés sous forme d’étiquettes (Novak et Canas, 2008 : 1). Pour Cossette, une carte cognitive est donc la « représentation graphique de la représentation mentale que le chercheur se fait d’un ensemble de représentations discursives énoncées par un sujet à partir de ses propres représentations cognitives à propos d’un objet particulier » (Cossette, 2003 : 25).
En associant l’étude sociologique des trajectoires (à travers l’analyse des récit de vie) à la cartographie cognitive, nous tendons finalement à développer une méthode qui se rapproche des outils de la sociologie constructiviste (ou performative) (Callon, 1999), c’est-à-dire qui consiste à restituer et à analyser les capacités des acteurs à construire un environnement à leur action. Nous présentons maintenant les deux phases du processus de recherche-action.
Pour cette première phase, la tâche de collecte et d’analyse des récits de vie a été réalisée par le sociologue auprès de douze porteurs de projets volontaires en lien avec deux animateurs de l’ADEAR. Des temps de restitution et de discussions ont été organisés pour familiariser ces derniers avec les outils et discuter les connaissances construites aussi bien sur la méthode que sur les informations auxquelles elle permet d’accéder [8]. Cette phase de décompose en quatre étape :
Il s’agit de solliciter l’individu pour qu’il raconte un fragment de sa vie, dont la temporalité est variable, puisque qu’il choisit lui-même la période d’où son récit débute. L’entretien est initié par une question ouverte du type : « Ce que je voudrais que vous me racontiez, c’est comment vous êtes arrivé à vouloir vous installer en agriculture ? ». Le récit, quant à lui, n’est pas un monologue : il se construit au travers d’un entretien et de questions de relance. Deux grands axes structurent alors ces dernières :
La retranscription intégrale des entretiens constitue le corpus de base pour l’analyse des récits de vie. Tous les récits sont ensuite séquencés selon trois niveaux (Demazière et Dubar, 1997) : le niveau des fonctions (épisodes du récit, appelés séquences, que l’on numérote Sn), le niveau des actions (éléments du récit qui mettent en scène des « actants » annotés (An), c’est-à-dire des « personnages », qui agissent, interviennent, jouent un rôle dans la trajectoire) et le niveau de la narration (arguments et propositions notées (Pn) destinés à convaincre l’interlocuteur, à défendre un point de vue, à inventorier l’univers des possibles). Chaque élément du récit est surligné et annoté différemment suivant le niveau auquel il renvoie. Un même élément peut toutefois renvoyer à plusieurs niveaux.
Une fois les entretiens intégralement séquencés, les différents extraits du récit sont reportés dans des tableaux. Ces derniers permettent d’exploiter plus facilement les informations que ce soit pour réaliser des représentations graphiques ou comparer les récits entre eux. Plusieurs tableaux peuvent être ainsi construits pour chaque cas (tableau récapitulant les séquences de la trajectoire avec en vis-à-vis les actants et les jugements portés sur chaque séquence ; tableau reprenant les motivations de la personne pour justifier son projet d’installation, etc.).
Différentes représentations graphiques de la trajectoire sont réalisées à partir de ces tableaux : l’objectif est d’illustrer des dimensions de la trajectoire pouvant constituer des ressources pour la construction du projet d’installation (expériences, réseaux, motivations). Par exemple :
Figure 1
La figure 1 présente la trajectoire d’installation de Robert, 55 ans. Après avoir occupé pendant vingt ans un poste de chef de ligne dans une usine d’embouteillage, Robert décide de tout arrêter pour créer un atelier de poules pondeuses. Il contacte l’ADEAR pour l’accompagner dans son installation. Il a plusieurs arguments pour justifier ce changement d’activité (pénibilité du travail à l’usine, dégradation des relations entre collègues, pression des supérieurs, séparation avec sa femme, conflit avec sa fille). Chaque élément s’inscrit dans une temporalité particulière et renvoie à différentes sphères de la vie (professionnelle, amoureuse, familiale). La mise en graphique du récit de cette bifurcation permet d’éclairer que c’est bien la simultanéité de ces différents éléments qui marque l’entrée dans cette bifurcation. Cette représentation visualise aussi les expériences dans lesquelles le projet prend source (dans le cas de Robert, ses souvenirs d’enfance chez son oncle agriculteur qui pour lui sont synonyme de paix, d’osmose et de travail). Ce schéma rend enfin compte des différentes alternatives envisagées au moment de s’installer (atelier de poules pondeuses associés à des cultures céréalières ou non).
Figure 2
Reprenons le cas de Robert (figure 2) : de son expérience comme salarié à l’usine, Robert retient qu’il ne veut plus d’une activité dans laquelle il ne voit « jamais le soleil » ou qui lui procure une pression et un état de fatigue du fait « des horaires pas possibles ». Il ne veut plus souffrir du manque de reconnaissance et veut être son « propre patron » sans avoir à supporter les « relations difficiles entre collègues ». Il repense aux vacances qu’il passait enfant chez son oncle agriculteur. Le fait d’identifier ce qu’il ne veut plus (la pression, être dépendant d’un patron, être enfermé, etc.) l’aide à choisir ce qu’il veut (la tranquillité, l’osmose, travailler pour lui-même et être agriculteur). Ces motivations positives et négatives convergent vers ce projet de créer un atelier de poules pondeuses. Par ailleurs, il est seul (divorcé et sans enfant à charge), il est donc prêt à s’engager dans son projet car n’a « rien à perdre ».
Environ un ou deux mois après le premier entretien, un deuxième passage est organisé. Le chercheur présente d’abord la synthèse de ses interprétations, matérialisées par les cartes cognitives qu’il a effectuées puis invite son interlocuteur à commenter chaque graphe, à faire les modifications qu’il souhaite et à les valider. Dans un deuxième temps, il s’agit de sortir de la posture de maïeutique adoptée jusqu’alors (« je vous écoute et je vous comprends ») en provoquant le dialogue avec des questions précises sur différents points mis en exergue par les réalisations graphiques. On interroge ainsi par exemple :
Une fois les représentations graphiques validées, la suite du processus consiste à fabriquer du général à partir du particulier. Il s’agit en effet de passer des études de cas à la construction de grilles de lecture à partir d’une analyse croisée des énoncés et des représentations graphiques. Le sociologue active ici ses « devoirs comparatistes » (Passeron, 1989 : 10) en créant des dispositifs qui permettent d’analyser dans les circonstances particulières d’une configuration sociale, des expériences et des apprentissages individuels et de nouvelles formes d’action et d’organisation (individuelles ou collectives). C’est aussi dans ce travail comparatif que se trouve la possibilité d’une généralisation. Le traitement systématique des entretiens (séquençage, construction des tableaux et des représentations graphiques) permet de mettre à jour des équivalences ou des similitudes entre les cas individuels.
Plusieurs grilles de lecture peuvent être construites pour rendre compte de dimensions stratégiques et récurrentes des trajectoires individuelles, telles que les rôles des réseaux ou encore les catégories de justifications et de motivations vis à vis de l’activité professionnelle réalisée ou projetée (cf. tableau 1). Ces tableaux sont donc aussi pensés comme des outils que les accompagnateurs pourront construire et mobiliser pour aborder le projet d’installation dans ses différentes dimensions.
La mise en parallèle des trajectoires d’installation permet en particulier d’identifier des séquences récurrentes dans le parcours d’installation ce qui rend possible la reconstruction d’une trajectoire d’installation « type ». Les professionnels de l’accompagnement peuvent la mobiliser pour positionner de nouveaux porteurs de projet et adapter le type d’accompagnement.
Enfin, cette démarche comparative est essentielle dans le processus de recherche-action car elle permet aux chercheurs et accompagnateurs d’interagir autour des résultats afin d’affiner et de valider les représentations graphiques tout en sachant à quels types d’informations elles permettent d’accéder.
La deuxième phase du processus de recherche-action consiste à traduire cette méthode d’analyse sociologique des récits de vie en un outil mobilisable pour l’accompagnement, à travers un travail collaboratif entre accompagnateurs, scientifiques et porteurs de projet. Ce travail s’est déroulé lui aussi en plusieurs étapes :
Le chercheur a d’abord proposé à des accompagnateurs volontaires un prototype d’outil en présentant ses principales composantes (récit de vie, analyse des bifurcations, reconstitution d’une trajectoire d’installation, analyse des motivations et des réseaux, carte cognitive). Suite à quoi, trois partis pris méthodologiques ont été validés conjointement pour élaborer la phase de test :
Quatre accompagnateurs de l’ADEAR ont ensuite testé auprès de six porteurs de projets la méthode de représentations graphiques des trajectoires au cours d’entrevues de deux à trois heures. Plusieurs graphiques ont pu être dessinés. Le graphe des étapes clés (qui amènent à l’installation) et le graphe des motivations (en lien avec les caractéristiques du projet et les ressources mobilisables) ont cependant été largement privilégiés (cf. Figure 4).
Figure 3 : Représentation des motivations d’un porteur de projet souhaitant devenir paysan boulanger et s’installer avec deux amis, reconstituée à chaud par l’accompagnateur au cours des interactions
Cette représentation a par exemple permis de souligner les interactions entre différentes motivations et différentes activités. L’accompagnateur a par exemple repéré une tension entre d’une part, la motivation d’ « autonomie décisionnelle, financière », d’autre part la volonté de « ne pas mélanger amitié et professionnel » du porteur de projet, et enfin sa volonté de s’installer avec deux amis motivés pour « faire partie d’un collectif ». L’enjeu sera donc de résoudre ces tensions dans la phase d’accompagnement.
Chaque utilisation expérimentale de l’outil a fait l’objet, de la part du chercheur, d’observations précises des interactions et de plusieurs discussions ’à chaud’ avec le porteur de projet et l’accompagnateur, puis ’à froid’ avec l’accompagnateur seul. Toutes les propositions d’amélioration énoncées par les uns et les autres ont été prises en compte au fur et à mesure puis soumises à l’accompagnateur lors d’une nouvelle situation test de face à face ; c’est pourquoi nous parlons ici d’un processus d’amélioration pas à pas, c’est-à-dire de co-conception itérative de l’outil.
C’est ainsi qu’il a été possible d’envisager la confection d’un support de prise de notes assez grand présentant un axe chronologique, des thèmes clés à repérer dans le récit et enfin des questions de relance pour pouvoir relancer le porteur de projet sur les récurrences, les paradoxes et les dimensions restées silencieuses : ces éléments sont préparés à l’avance. Un autre type de carte cognitive présentant les freins et les ressources à l’installation a aussi été proposé et testé par les accompagnateurs.
Cette phase de test permet aussi de mettre en évidence les capacités requises de la part des accompagnateurs pour utiliser ce type de méthode : écoute sensible, respect et non jugement de l’interlocuteur, gestion de l’empathie et de la distance (relevant d’une éthique professionnelle), etc. Enfin, elle met en évidence les intérêts de l’outil, que ce soit pour les accompagnateurs ou pour les porteurs de projet. Il est apparu intéressant notamment de mobiliser cet outil en amont de l’accompagnement, au cours des premières rencontres entre le porteur de projet et l’accompagnateur. En effet, il contribue à construire une relation de confiance entre le porteur de projet et son accompagnateur qui construisent dans un travail collaboratif une connaissance partagée tenant compte de toutes les dimensions d’un individu et de son projet. Ainsi une porteuse de projet affirme « ne pas s’être sentie persécutée », un autre précise que l’accompagnateur « dégage de la confiance », « on se sent à l’aise », « à une vitesse incroyable, j’ai eu un résumé de ce que je suis ». Une autre se dit « rassurée » et « soulagée » à la fin de l’entretien car l’accompagnateur lui a renvoyé l’importance et la légitimité de pouvoir articuler dans son projet, son envie de développer une agriculture respectueuse de l’environnement et son besoin de partager cela avec ses enfants. En comprenant mieux la personne qui est en face de lui, l’accompagnateur est quant à lui plus à l’aise pour adapter son accompagnement : « l’outil est super intéressant, il permet de bien comprendre la personne, de ne pas faire des propositions stupides », « le récit c’est révélateur ». Enfin, le récit et sa visualisation graphique permettent à la personne de prendre conscience de ses ressources et de ses freins pour mener à bien son projet. Un porteur de projet le souligne : « C’est vrai, je ne me rends pas compte des fois, des petites choses dont on a pu parler là, qui souvent sont vagues dans ma tête mais qui ne sont pas précises non plus. Bah ouais dire « ça c’est un sérieux frein », c’est vrai que « t’as de la chance d’avoir ça »… je vois plus les choses positives, quoi… donc c’est vrai que j’ai de la chance d’être ici, j’ai de la chance d’avoir le réseau que j’ai autour de moi, d’avoir les terres que j’ai là, j’ai beaucoup de chances. Le peu qui ne va pas je ne m’en rends pas vraiment compte, même si je le sais, au fond de moi-même. »
L’exposé de la méthode et de son application dans une situation particulière de recherche-action permet de faire apparaître ses principales caractéristiques et potentialités mais aussi ses limites que ce soit dans des situations de recherche ou d’accompagnement.
Un des risques de l’étude des trajectoires, nous l’avons dit, est de produire des effets de « reconstruction » et d’homogénéisation du récit pour donner de la cohérence au parcours vécu d’un individu. La réalisation de représentations graphiques de la trajectoire offre une solution intéressante car elle permet de livrer au regard des phases de bifurcations dans le parcours qui n’avaient pas été explicitées comme telles au cours du récit. En matérialisant notamment les phases de ruptures, les virages et les changements importants qui ponctuent parfois une trajectoire, on ’cristallise’ (pour l’acteur comme pour la personne qui tente de le comprendre ou de l’accompagner) un ensemble de logiques et d’indicateurs, saisis en situation d’entretien, qui permettent d’expliquer la dynamique, les échelles et temporalités d’une série de décisions et d’actions.
Le graphe de trajectoire, tel que nous l’avons conçu, est le produit d’un processus complexe de traductions successives, correspondant à plusieurs niveaux possibles de représentations de la réalité (représentations mentales, discursives et finalement graphiques). Il constitue le support d’une pluralité d’interprétations : celles qui sont énoncées par le sujet à partir de représentations cognitives ; celles du chercheur ou de l’accompagnateur exprimées par des représentations graphiques ; celles enfin énoncées à nouveau par le sujet enquêté face à l’iconographie révélant celles qui ont été produites par le chercheur ou par l’accompagnateur…
L’objectif de cette méthode n’est pas de saisir la ’bonne interprétation’. C’est au contraire dans la confrontation de ces représentations successives que se construisent ou s’affinent les questions, s’élaborent de nouvelles hypothèses, se conçoivent éventuellement des solutions. Il y a là une dialectique interprétative et des « coopérations conflictuelles » dont la pertinence repose sur leur capacité à générer rapidement de nouvelles connaissances, ’utiles’ à l’un comme à l’autre des locuteurs.
Une caractéristique inhérente à l’approche biographique est qu’elle permet de façonner des questions dont le sens est indissociable des projets latents ou exprimés d’acteurs non chercheurs. Autrement dit, les récits de vie et leur analyse sont mobilisables par le chercheur en sciences sociales pour produire des « connaissances situées » (Albaladejo et Casablanca, 1997), pour l’action. Mais leur comparaison permet de dégager de nouvelles connaissances pouvant prétendre à plus de généralisation (étudier le profil des nouveaux arrivants en agriculture). Par ailleurs, mobilisés dans d’autres situations telles que l’accompagnement professionnel, les récits de vie sont des supports de dialogue pour accompagner des personnes dans une démarche émancipatrice ou de changement. Dans ce processus, les récits de vie et leur mise en graphique ne se résument pas au seul outil de compréhension ; ils sont envisagés comme des objets médiateurs ou frontières (Vinck, 2009 : 51-72). Ils permettent de structurer/hiérarchiser et de valider dans le dialogue un certain nombre d’informations, de dépasser les limites descriptives et autoréférencées du langage parlé. Cette configuration favorise la compréhension, la mémorisation et la créativité. Ces différents usages amènent néanmoins à réinterroger non seulement le statut du sociologue mais également celui des récits de vie.
La méthode d’analyse des trajectoires proposée ici présente une double dimension réflexive et interactive qui s’apparente à un transfert de compétences. En effet, partant du postulat que les problèmes, les expériences, les événements sont socialement construits, le sociologue laisse les acteurs s’interroger sur les raisons et les conséquences de leurs actes et choix. Si chacun est libre de se raconter, de se mettre en scène (Goffman, 1973 : 7-42), encore faut-il qu’il soit confiant et considère le sociologue (ou l’accompagnateur) comme un partenaire. Cette méthode part donc d’une nécessaire posture de reconnaissance réciproque, condition essentielle pour la réalisation de l’échange. Ainsi, à l’instar d’autres démarches participatives, cette méthode établit et reconnaît « une continuité entre savoirs sociaux et savoirs sociologiques » (Van Campenhoudt, Franssen et Cantelli, 2009 : 10). Le sociologue n’est plus celui qui révèle, mais celui qui suscite des interactions particulières pour explorer et recueillir le sens donné aux actes, reconstruire les logiques d’événements passés, présents ou à venir, au travers d’interprétations toujours négociées (Callon, 1999). La représentation graphique des trajectoires, dans cette double perspective de co-construction de sens et d’interprétations négociées, constitue un média pertinent.
Au cours des entretiens orientés vers le recueil de récits de vie, le chercheur (ou l’accompagnateur) accompagne des acteurs pour analyser avec eux, leurs actions et choix en relation aux autres ou à des événements. Il les stimule donc pour développer leurs capacités cognitives (Shahvali et Zarafshani, 2002 : 458), capacités qui leurs permettront – on en fait l’hypothèse – de réagir face aux aléas, de se sortir de situations difficiles, d’assumer le changement. Cette méthode reconnaît aux acteurs des capacités et des compétences, c’est même l’un de ses fondements. Mais elle repose aussi sur l’hypothèse que les acteurs n’en sont pas forcément conscients et que la formalisation - orale et graphique - des éléments de leur existence sociale qui ont constitué des ressources ou ressorts de leurs décisions pourra les aider à faire face aux aléas, basculement et accidents de la vie (Genard et Cantelli, 2012 : 6). C’est ce qui confère aux récits de vie et aux représentations graphiques un autre statut que celui de simples outils de recherche. En construisant un récit dans un contexte qui lui donne sens, en se réappropriant ses actes au travers de ce récit, en repensant les changements personnels et institutionnels vécus, chacun se donne les moyens d’envisager plus sereinement les changements à venir et de gérer les futures incertitudes liées à ses décisions.
L’accompagnement, en tant que pratique sociale, peut être défini comme « une démarche visant à aider une personne à cheminer, à se construire, à atteindre ses buts » (Beauvais, 2004 : 101). La méthode d’analyse des trajectoires telle que nous l’avons expérimentée constitue un outil efficace pour aider un individu engagé dans une démarche de changement à prendre du recul et à analyser ses expériences passées pour alimenter et construire son projet futur : elle permet de transformer de manière constructive et interactive des expériences en connaissances utiles pour l’action et ce aussi bien pour l’individu qui construit son projet que pour l’accompagnateur qui va mettre en place les dispositifs pour l’aider à atteindre ses objectifs ; en ce sens, elle constitue un outil pour l’accompagnement. Les éléments de méthode retenus et leurs origines théoriques, les modalités de co-conception sont ancrées dans une démarche constructiviste, prenant en charge la singularité et la complexité des situations (Beauvais, 2004) : cet outil permet ainsi une utilisation située (personnalité et compétences de l’accompagnateur, lieu d’utilisation) tout en reconnaissant la singularité et l’autonomie de l’individu qui porte un projet. Par ailleurs, la matérialisation sous forme de représentations graphiques des expériences relatées et analysées font de cet outil un support de dialogue entre l’accompagné et l’accompagnateur : elle permet de construire au fil des interactions une connaissance partagée sur l’individu et sur son projet tout en générant une relation de confiance.
Dans le contexte du développement agricole français, l’élément le plus important est sans doute qu’à l’issue de chaque utilisation de l’outil, des propositions différentes d’accompagnement ont été émises par l’accompagnateur, propres au porteur de projet, aux caractéristiques de son projet et à son état d’avancement : l’outil ne semble donc pas générer d’artefacts normés (Dalmais, 2011). Nous n’avons pas observé de prescriptions qui viseraient à faire tendre le projet de l’accompagné vers un projet « de référence » ce qui constitue une différence notable avec les outils et dispositifs de conseil à l’installation existant visant à standardiser les projets de telle manière qu’ils remplissent les conditions d’accès aux aides de l’état, et qu’ils soient validés par les commissions départementales d’orientation agricole. L’outil co-construit s’inscrit bien dans le changement de paradigme actuel du développement agricole marqué par une nette évolution des installations agricoles non aidées d’une part, et l’admission par les organismes d’appui ou d’accompagnement qu’être agriculteur aujourd’hui ne signifie plus nécessairement que l’on relève d’un seul régime d’activités, de compétences, et d’une même logique d’activités productives.
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[1] La notion d’expérience n’est pas remise en question ici, pas plus que celle d’acteur, alors même que notre méthode s’inspire aussi des acquis de la sociologie de l’action qui aborde « l’expérience comme une combinaison de logiques d’action » (Dubet, 1994 : 105). Ce sera là l’objet d’une autre réflexion.
[2] Ce projet baptisé « Intersama » s’insère dans le dispositif des Programmes Pour et Sur le Développement Régional (PSDR), réalisé en partenariat entre l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et une région (ici le Languedoc-Roussillon) : le projet Intersama réalisé entre 2008 et 2011, portait sur « l’insertion territoriale des systèmes d’activités des ménages agricoles », avec des problématiques combinées autour de la pluriactivité des ménages agricoles et de leur accompagnement notamment au moment de la construction de leur projet.
[3] L’Association pour le Développement de l’Emploi et de l’Activité Rurale (ADEAR) de l’Aude a pour vocation de favoriser l’installation paysanne en accompagnant des candidats à l’agriculture surtout hors cadre familial susceptibles d’accéder ou non aux aides officielles à l’installation. Le modèle défendu est celui de l’installation progressive sur de petites fermes. Elle s’engage ainsi pour une agriculture paysanne en accompagnant tout type de projet y compris les projets d’installation ’hors-norme’. Les salariés de l’association assurent un accompagnement aux candidats à l’installation avec l’appui éventuel de tuteurs (agriculteurs déjà installés). Après avoir suivi une formation sur l’utilisation des histoires de vie dans l’accompagnement – proposée par des acteurs des sciences de l’éducation - les animateurs de l’ADEAR nous ont donc demandé de tester la pertinence de certains outils d’analyse des trajectoires.
[4] Nous n’aborderons donc pas dans ce texte les intérêts de cette méthode pour l’accompagnateur, en termes de réflexivité et de compétence bien qu’il soit, tout comme le ’porteur de projet’ ou le chercheur, conduit lui aussi à repenser sa posture et ses ressources pour agir.
[5] Claude Dubar a introduit le concept de « forme identitaire » (Dubar, 2009) et l’a substitué à celui d’identité. Il insiste ainsi sur le fait que les identités sont des constructions sociales : chaque individu a une définition de soi et des autres qui lui permet de définir sa situation. Cette définition n’est pas « essentielle » pas plus qu’elle n’est ontologique ; elle est construite dans le temps de l’expérience sociale et individuelle, notamment dans le jeu des interactions et de ce fait en constante évolution. On pourra donc parler aussi d’identité narrative construite dans le cours même du récit de vie.
[6] En mobilisant le concept de « bifurcation », nous nous référons aux travaux de Michel Grossetti et Claire Bidart sur les trajectoires de vie qui ont fait l’objet de deux ouvrages (Grossetti et Bidart, 2006 ; Bessin, Bidart et Grossetti, 2009).
[7] L’école interactionniste et en particulier Everett Hughes (Hughes, 1996 : 165-174) ont travaillé sur les carrières professionnelles conçues comme des enchaînements de séquences. Ils ont introduit la notion de « turning points » (« tournant de l’existence ») pour qualifier les transitions entre ces séquences.
[8] Le sociologue a partagé pendant plusieurs mois les locaux de l’association. De ce fait, l’observation de cette étape par les accompagnateurs a renforcé leur intérêt pour cette démarche mais aussi leur volonté de la simplifier et de la formaliser.
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