Le pragmatisme de John Dewey comporte des implications esthétiques particulièrement pertinentes pour comprendre le projet d’une esthétisation du monde et de la vie. Pour autant, l’esthétique de Dewey est indissociable d’une critique socioculturelle radicale (Joas, 2008 [1992]), l’éloignant derechef de toute forme complaisante de l’agir et de la création dans le capitalisme artiste (Lipovetsky, Serroy, 2013). Bien au contraire, dans la perspective de Dewey, le non-dualisme de l’art et de la vie renoue avec la dimension politique de la notion grecque d’art de vivre, tout en instaurant un dialogue fécond avec certains auteurs de la Théorie critique. À un niveau méthodologique, il s’agit de confronter les fondements pragmatistes de l’esthétique de Dewey aux fondements proprement esthétiques de sa philosophie, de sa conception de l’éducation, du travail et de la démocratie. À un niveau épistémique, c’est en partant du concept d’expérience et de son paradigme, que cet article souhaite mettre en valeur l’importance et les incidences pratiques d’un usage esthétique du pragmatisme aujourd’hui.
John Dewey’s pragmatism implies notably relevant aesthetic issues n order to understand the project of an aestheticization of world and life. For all that, Dewey’s aesthetics cannot be dissociated from a radical sociocultural criticism (Joas, 2008 [1992]), driving it thereby away from any yielding form of act and creation in artistic capitalism (Lipovetsky, Serroy, 2013). On the contrary, in Dewey’s perspective, art and life’s non-dualism reconnects with the political side of the greek way of life, while establishing a fruitful dialog with some of Critical Theory autors. On a methodological level, the point is to confront Dewey’s aesthetics pragmatic groundings with his philosophy’s specifically aesthetic groundings, with his thinking of education, work and democracy. On an epistemological level, starting from experience’s concept and paradigm, this paper wishes to enlight the prominence and practical bearings of an aesthetic use of pragmaticism nowadays.
La ‘créativité de l’agir’ (Kreativität des Handelns), remarque Hans Joas, est aujourd’hui devenue un poncif, un motif publicitaire de la civilisation des loisirs : « La publicité et, plus encore, la civilisation des loisirs en ont fait la marque de ces activités qui sont censées compenser le ‘‘stress’’ professionnel ou l’inanité de la condition ménagère » (Joas, 2008 [1992] : 81). La mainmise actuelle de l’économie, des entreprises et du management sur cette notion, peut être comprise comme une attitude générale du capitalisme, capable de récupérer ses propres critiques pour en faire de nouveaux arguments ou de nouvelles forces. Réactualisée avec les contrecultures des années soixante en Europe et aux États-Unis, la critique artiste du XIXe siècle aurait ainsi été pleinement absorbée dans ce que Luc Boltanski et Ève Chiapello ont nommé ‘le nouvel esprit du capitalisme’ (Boltanski, Chiapello, 1999) ou ce que Fredric Jameson a qualifié, quant à lui, de ‘capitalisme tardif’ (Jameson, 2011 [1991]) associé au postmodernisme et à l’explosion de la culture dans le domaine social. Cette créativité de l’agir, telle qu’elle se trouve aujourd’hui promue dans les médias, vante la construction et l’accomplissement de soi (‘be your self’), l’autopromotion et l’auto-entreprise. Le diktat de la visibilité à tout prix (en partie symptôme d’une évaluation endémique [1]), le devenir artiste, du moins créateur de tous, s’expriment dans de multiples réseaux sociaux particulièrement propices à la représentation de soi. L’homo aestheticus peut enfin se révéler, encouragé par les différentes industries du loisir et de la communication. Cette expansion de la sphère esthétique, largement analysée depuis quelques années [2], semble servir de justification au capitalisme puisque, dans ce système, nos vies, nos biens, nos environnements, nos habitats et nos productions, sont beaux, d’autant plus beaux que la beauté – ou plutôt, l’agréable au sens kantien – est devenue un argument économique [3].
Amorcé dès le XIXe siècle et largement amplifié depuis, l’investissement capitaliste des valeurs de l’art et de l’expérience esthétique, est en réalité un phénomène particulièrement ambivalent, puisque jouant de sa proximité avec la notion grecque d’art de vivre. C’est pourquoi le ‘capitalisme trans-esthétique’, tel que l’appellent Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, pose un triple problème. L’idée d’une esthétisation de l’éthique peut-elle être soluble dans l’économie ? Des valeurs financières peuvent-elles se porter garantes de la vie belle et bonne ? La sphère de l’aisthesis est-elle par ailleurs réductible à une cosmétique, un art de l’apparence et du visible, comme le sous-entendait déjà Platon dans Gorgias ? En dehors de l’analyse de cette nouvelle esthétisation de soi et du monde, n’est-il pas aussi important de reconsidérer le potentiel politique que comprend le projet ancestral d’union de l’art et de la vie ? Ces questions semblent trouver réponse dans la philosophie pragmatiste de John Dewey, dont la pertinence, pour penser la situation actuelle de l’esthétique, nous semble mériter d’être relevée. Il se trouve, en effet, que la philosophie deweyenne comporte une réflexion originale sur le non-dualisme de l’expérience esthétique et de l’expérience humaine, de l’esthétique et du social, de la culture et de l’utilité. Si le bios theoretikos et le bios politikos consistaient en un perfectionnement de soi créant les conditions de la vie formée comme une œuvre, Dewey souligne combien cette pratique mérite d’être prolongée, tout autant que contextualisée dans l’univers économique qui est le sien et ce, sans lui céder le projet humain, pédagogique et politique, que recouvre la dimension esthétique de l’existence.
Partant, nous situons l’esthétique de Dewey dans une perspective politique étrangère à une fausse et illusoire réunion de l’art et de la vie, que le capitalisme a toujours en réalité pris soin de séparer. Celui-ci entretient, en effet, une « tour d’ivoire » d’ordre économique, rendant l’expérience esthétique inopérante sur la vie quotidienne du plus grand nombre, la cantonnant dans la sphère du divertissement et l’amenant à fonctionner, tout au plus, comme une source « d’évasion ou de compensation futile » (Dréon, 2016 [2012] : 7 et 9). Notre thèse consiste à défendre l’importance politique d’une créativité de l’agir et d’un art comme pratique de vie, loin des clichés véhiculés par les industries publicitaires et, dans une certaine mesure, les guides de développement personnel qui en sont partie prenante. L’article cherche ainsi à démontrer que la critique esthétique de Dewey vis-à-vis de la différenciation de l’art et de la vie, loin de favoriser l’hédonisme individuel et le capitalisme artiste que nous vivons actuellement, le rejette au contraire, et par anticipation, fortement ; au lieu d’être désarticulée, la critique esthétique doit donc être associée à la critique sociale. En ce sens, l’esthétique de Dewey nous semble être très utile pour penser le projet d’une réelle esthétisation du monde dans toute sa teneur politique. Le premier temps de l’article situe l’esthétique de Dewey vis-à-vis de la notion d’expérience. La deuxième partie présente un état des lieux du capitalisme artistique et cherche à montrer, au travers de la conception deweyenne de l’éducation, du travail et de la démocratie, confrontée à des auteurs issus de la Théorie critique, comment se forme l’enchevêtrement de la critique esthétique et de la critique sociale. En dernier lieu, nous proposons quelques pistes quant à la dimension pédagogique d’une hétéronomie pragmatiste de l’art.
L’expérience est la clef de voûte de la philosophie de Dewey et c’est à partir d’elle qu’il faut situer ce que Dewey entend par « esthétique ». L’expérience est tout à la fois une action et une épreuve, le tout formant la signification pratique de l’expérience, sa réussite ou son échec. Issue de l’héritage darwinien de Dewey et de son intérêt pour les sciences de la nature, la naturalité de l’expérience (Dewey, 2013 [1925]) doit se comprendre comme la réponse d’un organisme à son environnement ; non pas seulement comme une adaptation, mais comme une action réciproque, un ajustement mutuel, de l’organisme et de son contexte de vie. Par ailleurs, toute expérience commence ‘comme’ une impulsion mais ne devient un acte expressif que grâce à « l’interprétation réfléchie » de celle-ci (Dewey, 2005 [1934] : 89). L’expérience inclut donc une dimension à la fois réactive et active, mais aussi somatique, intelligente et cognitive. L’accent porté sur la corporéité de l’expérience, associée à une réflexivité propre, servira notamment d’inspiration à la construction, par Richard Shusterman, d’une soma-esthétique. L’expérience est conçue de telle façon qu’elle préfigure l’expérience esthétique qui n’en est que la manifestation la plus claire et la plus épurée. Il faut d’ailleurs relever ici la circularité de cette quintessence esthétique de l’expérience : « ce qui détermine ce qui est esthétiquement essentiel est précisément la formation d’une expérience en tant qu’expérience » (Dewey, 2005 [1934] : 339). Quelques précisions s’imposent. Premièrement, l’expérience esthétique n’est pas réductible à l’artistique puisque toute expérience humaine peut être vécue sous une modalité esthétique. La mesure de la différence entre expérience humaine et expérience esthétique n’est pas l’art, mais la qualité et la complétude de l’expérience, ce qui en compose la dimension créative. L’artistique n’est donc qu’un aspect de l’expérience esthétique aux applications très larges : suivant les exemples donnés par Dewey, les activités de la ménagère s’occupant de ses plantes, de l’homme tisonnant des morceaux de bois en flamme, du mécanicien absorbé dans son travail, peuvent être esthétiques dans la mesure où les tâches sont effectuées de manière consciencieuse, appliquée et intelligente. L’expérience esthétique est donc associée, non pas à une ‘activité créative’, mais plutôt à une ‘composante créative’ de l’activité elle-même. Deuxièmement, l’expérience n’est pas exclusivement subjective, mais plutôt le fruit d’un entrelacs du sujet et de l’objet. L’expérience esthétique articule le fait et la valeur de par l’attention qu’elle porte à l’objet et la valeur qu’elle lui attribue. L’attribution de la valeur à un objet auquel nous portons intérêt n’est pas dissociable d’une part, de l’impulsion personnelle (impulsion) et de l’émotion immédiate (valuing), d’autre part, de la formation de jugements (evaluation), en dernier lieu, de l’enquête propre de l’expérience jugeant de ce qui est désirable et appréciable dans l’objet (valuation) (Bidet, Quéré, Truc, 2011). La créativité de l’agir humain tient, troisièmement, au plaisir et à l’épanouissement de l’action elle-même, dans un processus holiste, à la fois pratique, émotionnel, somatique, cognitif, excluant l’absence de but (ce qui se produit dans l’action trop réfléchie) tout autant que l’efficacité mécanique (ce qui se produit dans l’action automatique). Cette esthétique de l’action s’accomplit dans un mouvement ordonné, cohérent et unitaire, au sein duquel les parties ont une identité et se succèdent dans la continuité. L’expérience est un flux proprement vital en vue d’une fin qui n’est plus finale ou but ultime, intangible et a priori, mais une ‘fin-en-vue’ non séparable des moyens expérimentés et évalués lors de l’action elle-même.
L’expérience esthétique est, chez Dewey, indissociable de la notion grecque d’art de vivre et d’une vision de la création comme pratique de vie au sens que lui ont donné Ralph Waldo Emerson et Henry David Thoreau, et que Michel Foucault nommera, à la suite des analyses de Pierre Hadot (Hadot, 1981), « culture de soi » ou « souci de soi » : « […] l’art de l’existence – la techné tou biou sous ses différentes formes – s’y trouve dominé par le principe qu’il faut ‘‘prendre soin de soi-même’’ ; c’est ce principe du souci de soi qui en fonde la nécessité, en commande le développement et en organise la pratique » (Foucault, 1989 : 60-61). Cette esthétisation de l’éthique, largement travaillée par Richard Shusterman du point de vue du souci de soi foucaldien, est elle-même corrélative, dans l’esthétique deweyenne, d’une conception hétéronome de l’art, à la fois produit du social et action sur la communauté. Cette hétéronomie de l’art engagé comme une force vive dans la cité explique pourquoi, selon Dewey, les grecs ont fait de la mimèsis le cœur des productions artistiques. L’art imite ce qui se passe en dehors de l’art, à savoir la vie elle-même. L’art reproduit la vie et, qui plus est, influe sur les hommes en exacerbant les émotions et la doxa. Le matériau de l’art est humain, et, en étant humain, il est aussi social. La censure de Platon serait d’ailleurs un hommage paradoxal à l’influence sociale de l’art. Ce modèle grec, à propos duquel le philosophe précise qu’il s’agit aujourd’hui d’un idéal à admirer et non à reproduire, explique pourquoi Dewey refuse, du point de vue de l’expérience, la différence entre les arts populaires – comprenant les productions de l’industrie culturelle –, les arts utilitaires, et ce que nous qualifions de grand art. Si la séparation est réelle, c’est en tant que l’art est relégué dans les musées et coupé, de fait, de son environnement quotidien. Une telle conception muséale de l’art, conséquence de l’autonomie radicale prônée par l’École de l’art pour l’art, elle-même héritière du désintéressement kantien, place les œuvres sur un piédestal, les détournant du plaisir spontané et immédiat de la vie en son ensemble. Ceci explique pourquoi les plus grandes satisfactions esthétiques des gens ordinaires sont éprouvées face à des formes d’art populaire : « Les arts qui ont aujourd’hui la plus grande vitalité pour l’homme ordinaire sont des choses qu’il ne considère pas comme des formes d’art : par exemple le cinéma, le jazz, la bande dessinée, et trop souvent, les articles dans les journaux relatant des liaisons extraconjugales, des meurtres, et des exploits commis par des bandits » (Dewey, 2005 [1934] : 24). Le désir esthétique se tourne alors vers des choses qui, pour être parfois vulgaires et de mauvaise qualité, n’en demeurent pas moins impliquées dans des formes dynamiques d’expérience. La séparation a, dès lors, pour complément une séparation entre une esthétique élitiste, amatrice de grand art, et une esthétique populaire, tournée vers les produits simples et divertissants de tous les jours. Dewey anticipe par-là les recherches menées par Bourdieu dans La Distinction, que prolongera Shusterman pour légitimer l’art populaire tout en critiquant chez Bourdieu la perpétuation d’une conception classique et dualiste de l’esthétique (esthétique cultivée versus esthétique vulgaire), et esquisse la mise au jour des rapports d’hégémonie et de domination dans les domaines socioculturels qui préoccuperont les études culturelles.
L’esthétique doit renoncer à être pure contemplation pour s’élaborer dans l’action et se tourner vers le domaine de la fonctionnalité et de la pratique humaine. Rien ne plaide d’ailleurs, en dehors de la philosophie, pour une existence en soi de l’art, séparée de la vie. Il n’existe pas d’ontologie de l’art qui le maintiendrait en dehors du monde réel, mais simplement des conditions diverses, telles que l’économie capitaliste entretenant le culte de la singularité et du génie, l’éloge du grand art devenant pour le collectionneur un signe distinctif de richesse et, pour l’amateur, un signe de distinction culturelle. Dewey relève, à ce sujet, tout l’intérêt que le marché de l’art peut retenir de l’autonomie et de la sacralisation du grand art. Le capitalisme serait ainsi lui-même un facteur de séparation : « La montée du capitalisme a exercé une influence puissante sur le développement des musées en tant que lieux propres à accueillir les œuvres d’art et a contribué à répandre l’idée que les œuvres ne font pas partie de la vie quotidienne » (Dewey, 2005 [1934] : 27). On ne peut plus penser l’art dans les sociétés modernes sans penser la différenciation, c’est-à-dire un rapport d’expérience au monde amputée de la dimension artistique qui devrait le caractériser et, d’un autre côté, une relation sans véritable expérience esthétique à l’art, se situant en dehors des autres sphères de la société.
La vision de Dewey anticipe sans aucun doute le devenir artiste du capitalisme et l’explosion attenante de la culture dans la sphère sociale, même si le philosophe est sûrement loin d’en avoir imaginé toutes les ramifications et déclinaisons possibles. Le capitalisme a, aujourd’hui, surtout réussi ce tour de force de donner l’impression de réunir ce qu’il avait séparé. Faut-il voir dans cette réunion une stricte illusion produisant un renforcement idéologique de sa puissance, ou une chance réelle d’embellir le monde, une authentique amélioration de l’art de vivre, sortant enfin, comme le préconisait Dewey, l’art de son rôle de « salon de beauté de la civilisation » (Dewey, 2005 [1934] : 393) ?
Plusieurs aspects de cette dilution de l’art dans la vie sont visibles. En dehors de l’injonction à ‘profiter’ pleinement de la vie, à valoriser l’individu et ses expériences, la dédifférenciation de l’art et de la vie se perçoit dans les confusions de l’industrie et du style, de la mode et de l’art, du divertissement et du culturel, du commercial et du créatif, de la culture de masse et de la haute culture, mais aussi dans le domaine du travail que le management associe de plus en plus au loisir et à la créativité individuelle. Ainsi, précisent Boltanski et Chiapello, la flexibilité et l’intermittence, le défaut de limite entre le temps de travail et le temps hors travail, entre les amitiés personnelles et les relations professionnelles, entre l’activité professionnelle et la personne qui l’exerce, seraient autant de modes de fonctionnements de l’artiste du XIXe siècle introduits dans l’univers capitaliste. L’artiste serait même devenu, selon Pierre-Michel Menger, le nouveau modèle du travailleur : « Dans les représentations actuelles, l’artiste voisine avec une incarnation possible du travailleur du futur, avec la figure du professionnel inventif, mobile, indocile aux hiérarchies, intrinsèquement motivé, pris dans une économie de l’incertain, et plus exposé aux risques de concurrence interindividuelle et aux nouvelles insécurités des trajectoires professionnelles » (Menger, 2002 : 9). Le renversement est donc patent : l’artiste ne servirait plus de repoussoir à l’univers capitaliste puisque les entreprises s’inspireraient désormais de valeurs esthétiques et artistiques entérinées au XIXe siècle. Ce que Martial Poirson nomme « artketing » (contraction d’art et de marketing), fait d’ailleurs aujourd’hui parfaitement partie de notre quotidien et l’accointance de l’art avec les milieux d’affaires et la ‘publicité’ est devenue pratique courante : « Concepteurs de logos, de slogans ou de produits dérivés, les artistes font désormais partie intégrante des stratégies de communication et d’information des entreprises issues du capitalisme cognitif » (Poirson, 2014 : 79). C’est aussi pourquoi, note Fredric Jameson, ce que nous nommons le postmoderne est lié à ce que Benjamin entendait par « esthétisation du politique », comme à « un ‘‘style de vie’’ qui a le même rapport avec le fétichisme de la marchandise de Marx que les monothéismes les plus avancés avec les animismes primitifs ou le culte des idoles le plus rudimentaire […] » (Jameson, 2011 [1991] : 16).
Dewey n’aurait sûrement pas adhéré à une telle esthétisation du monde même si l’esprit du pragmatisme, axé sur la créativité de l’agir, le contextualisme, l’interaction permanente de l’art et de son environnement, le refus de la dichotomie entre grand art et art populaire et surtout, le rejet de toute forme d’autonomie de l’art, semble permettre une telle assimilation et une telle perméabilité. C’est ici que l’esthétique de Dewey doit être située dans une perspective plus large, au sein de laquelle la critique esthétique s’associe à une critique sociale du capitalisme. En effet, la composante esthétique de l’expérience humaine, loin de se réduire à une stérile esthétisation acritique de l’existence, voire à une pratique égocentrée, est porteuse d’un véritable projet politique. Comme l’a montré Hans Joas, l’esthétique de Dewey est partie prenante de sa conception de la démocratie et de l’éducation, elle-même tributaire d’une critique socioculturelle radicale, tout à la fois proche et différente de celle qui sera mise en place par la Théorie critique.
L’éducation esthétique est tout d’abord revendiquée comme la formation d’une culture individuelle se répercutant dans le monde social. Dans Démocratie et Éducation, Dewey insiste sur les valeurs esthétiques pour la pédagogie. L’imagination, prospective dans sa capacité à envisager des possibles, est la seule chose qui permette à une activité de n’être pas purement mécanique. Elle ne devrait, en ce sens, pas être réservée aux seuls domaines de l’art, des histoires de fées, des fantaisies symboliques et de la poésie, mais s’introduire dans l’enseignement technique du savoir-faire. L’éducation traditionnelle sépare, en effet, l’apprentissage par le jeu, nécessaire à la croissance des enfants, posant par ailleurs les fondements imaginatifs et intellectuels de l’éducation libérale, et le travail sérieux, technique et professionnel. Si l’éducation libérale « vise à former l’intelligence à remplir sa fonction propre qui est de connaître », l’éducation professionnelle s’acquiert « par répétition et application régulière et non en éveillant et en cultivant la pensée » (Dewey, 2011 [1916] : 344). Il existe donc une division très forte dans la société entre classe instruite et classe non instruite, classe oisive et classe laborieuse, dont l’origine se situe dans une conception de l’éducation séparant l’imagination de l’apprentissage technique, mais aussi la culture (loisir) de l’utilité (travail). Libéral signifierait « inutile à des fins pratiques » (Dewey, 2011 [1916] : 348). Réintroduire l’art et la culture dans l’apprentissage mécanique, tout autant que la finalité pratique dans l’éducation libérale, permettrait de remédier à un défaut d’unification de la société et de la démocratie. Cette dichotomie dans l’éducation entre culture et utilité a aussi pour effet que « la grande majorité des travailleurs n’a aucune idée des objectifs sociaux de leurs occupations et n’y trouvent aucun intérêt personnel » : « Ils font ce qu’ils font, non pas librement et intelligemment, mais dans le but d’obtenir un salaire ». « L’activité n’est pas libre, parce que le travailleur n’y participe pas librement » (Dewey, 2011 [1916] : 351). Il s’agit, en ce sens, de valoriser le plaisir et l’investissement des travailleurs dans leurs productions : « Aucune solution durable n’est possible, excepté dans un changement social radical, qui réalise le degré et le genre de participation du travailleur dans la production et dans le caractère social des marchandises qu’il produit […]. Le point important est un changement qui réduise la force de la pression extérieure et qui augmente celle d’un sentiment de liberté et d’intérêt personnel dans les opérations de production […] » (Dewey, 2005 [1934] : 392-393). Il faut alors comprendre que le modèle deweyen, tant de l’éducation que du travail, est esthétique. Le fonctionnement esthétique de l’expérience sert ici de paradigme à une occupation qui ne devrait plus se réduire à un seul résultat (l’obtention d’un salaire) ou à une fin tangible (la production), mais qui devrait aussi se vivre comme un processus intéressant, valorisé par la réflexion et l’enquête, tant introspectif que prospectif pour la ‘fin-en-vue’ que suscite le désir raisonné.
Un travail esthétiquement libéré n’est pas éloigné de l’expérience ludique, dans la mesure où le jeu ne se résorbe précisément pas tout entier dans une fin déterminée. Ce qui distingue, selon Dewey, le jeu du travail, n’est ainsi pas le mode futile et le mode sérieux, le divertissement et la peine, l’absence de contrainte et la contrainte, mais plutôt l’articulation du processus et de la fin. Dans le travail, l’accent est mis, note Alexandra Bidet, sur « l’éloignement temporel du résultat ultime » (Bidet, 2011 : 108). Les moyens de l’activité complexe qu’est le travail étant ajustés à une fin relativement éloignée, ils se résolvent dans celle-ci sans véritable attention au perfectionnement de l’agent, ni intérêt pour le déroulement de l’expérience elle-même. Dans le jeu, « où le résultat est direct et immédiat » (Dewey, 2011 [1916] : 290), la fin (gagner par exemple) n’a, au contraire, aucune autonomie propre et demeure immanente à l’action. Il se passe la même chose dans l’œuvre d’art : « Dans une œuvre d’art, il n’y a pas de reliquat autonome de ce genre. La fin, ou terminus, est significative, non par elle-même mais parce qu’elle représente l’intégration de ces parties. Elle n’a pas d’autre forme d’existence » (Dewey, 2005 [1934] : 81). Partant, un travail d’ordre ‘esthétique’ devrait pouvoir renouer avec l’immersion pratique et attentive à l’expérience, mobiliser tant l’imagination que l’utilité, et s’entendre comme étant à la fois productif et praxique, réconciliant deux notions (poièsis et praxis) distinguées avec soin par Aristote dans Éthique à Nicomaque. L’expérience du travail pourrait, si ses conditions sociales changeaient, être aussi libre et épanouissante que l’expérience du jeu ; pratiques en réalité aisément identifiables à un niveau psychologique et pédagogique. Mais cette continuité du jeu et du travail se heurte, selon Dewey, au mur de la division de la classe oisive et de la classe laborieuse dans la société qui est la sienne. Or une telle distinction entre travail et loisir, que Dewey fait remonter à l’Antiquité grecque, n’a pas de sens autre qu’économique. Ainsi, psychologiquement, « le jeu et le travail sont tous deux libres et motivés de l’intérieur, sauf dans des conditions économiques artificielles qui tendent à faire du jeu un amusement pour les nantis et du travail un pénible labeur pour les pauvres » (Dewey, 2011 [1916] : 293).
Dewey est très proche du projet, esquissé par Marx dans les Manuscrits de 1844, d’une réalisation sociale fondée sur « l’épanouissement de l’individu dans ses activités propres » (Hans Joas, 2008 [1992] : 101) et du travail comme libre créativité et réalisation de soi, bien que Marx refuse l’idée de travail-plaisir, considérant que l’effort fait partie intégrante de toute action de transformation de soi et du monde. C’est ainsi que Marx fait de la création artistique, au demeurant extrêmement sérieuse et source d’efforts importants, le point focal de la critique du travail aliéné par ses institutions sociales. Comme le note Pierre-Michel Menger, « le travail artistique est conçu comme le modèle du travail non aliéné par lequel le sujet s’accomplit dans la plénitude de sa liberté en exprimant les forces qui font l’essence de son humanité » (Menger, 2002 : 13). Dewey pourrait, en ce sens, adhérer à l’« utopie d’une démocratie de la créativité » (Menger : 14), présente chez Cornélius Castoriadis, Herbert Marcuse ou, plus récemment, André Gorz. Si Dewey s’oppose d’ailleurs à une théorie de l’art et du jeu comme consolation aux contraintes de l’existence (une narcose ou un refuge schopenhauerien), il n’en revendique pas moins, comme l’avait déjà fait Schiller dans les Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, et comme le fera Marcuse, une autre conception de l’art et du jeu produisant la réconciliation de l’activité libre et de l’activité contrainte : « Le contraste entre activité libre et activité contrainte du dehors est un fait empirique. Mais il est en grande partie le produit de conditions sociales ; il est quelque chose, autant qu’il est possible, à éliminer, et non à ériger en une différence à partir de quoi définir l’art. […] La question ne porte pas sur ce trait […] mais sur la manière dont l’art est porteur de libération et d’affranchissement. Ce qui se joue ici est de savoir si la libération relève de la narcose ou du transport dans un règne radicalement différent, ou bien si elle opère en rendant manifeste ce que l’existence réelle devient réellement quand ses possibles sont pleinement exprimés » (Dewey, 2005 (1934] : 325-326).
L’expérience esthétique semble également servir de modèle à la démocratie. La démocratie n’est, en effet, jamais donnée d’emblée, elle est ce qui se fait sans s’abolir dans un produit fini : « la leçon de l’expérimentation est que la liberté comme fin suppose la liberté comme moyen » (Zask, 2010 [2001] : 46). La démocratie comme processus implique que la fin cesse d’être considérée comme un « but ultime et intangible » qui pourrait fonctionner comme un dogme ou un a priori. La fin n’est plus ‘finale’, elle est simplement « ce qui est en vue – provisoire et contextuelle » (Zask, 2010 [2001] : 14). La démocratie n’est pas une forme de gouvernement, car elle n’obéit pas à une philosophie, des normes a priori, mais seulement à des hypothèses toujours révisables et falsifiables. C’est pourquoi la démocratie ne peut se concevoir en dehors d’un processus d’expérimentation et d’enquête. Une telle « justification esthétique de la démocratie » (Shusterman, 2001 : 97) consiste-t-elle, pour autant, à mettre l’accent sur la sphère privée de l’existence ? Dewey accorde à la discussion en commun, au contrôle intersubjectif et à la recherche d’universalité des discours, une importance cruciale dans le processus démocratique.
Ce qui est mis en valeur, chez Dewey comme chez Habermas, est une conception de la démocratie définissant, note Jean-Pierre Cometti, « de manière immanente les conditions pragmatiques de l’interlocution » (Cometti, 2010 : 34). Le facteur social de toute conscience et réalisation de soi (Self), issu du béhaviorisme et de l’observation de la composante sociale des phénomènes psychiques, qu’a défendu George Herbert Mead, ainsi que la priorité de la dimension publique sur la dimension privée de l’existence, sont mis en exergue. Sur ce point, Richard Rorty se distingue largement de Dewey (Rorty, 1989). Pour Rorty, l’ironiste qui vit sur le mode ‘esthétique’ définit sa vie privée (éthique caractérisée par l’art et l’esthétique) à l’abri de la vie publique. Ce n’est pas ainsi le public qui règle le langage et les institutions – pour Dewey, le ‘second’ Wittgenstein et Habermas, il n’existe pas de langage privé –, mais à l’inverse, le privé qui peut avoir un rôle critique de la sphère publique et être le lieu d’expérimentation de nouveaux langages pour la communauté. Si Dewey reste un libéral, proche de la social-démocratie et si, contrairement à Marx, la libre réalisation de soi dans le travail ne passe pas par l’abolition du régime de la propriété privée et la lutte des classes comme unique moyen, – identifiable, dans le marxisme, à une norme ou une fin en soi, une loi scientifique de l’histoire, que récuse Dewey [4] –, l’idée de démocratie participative et l’accent mis sur la construction publique de l’existence, éloignent tout à fait Dewey d’une vision de l’esthétique pensée sur le mode de l’hédonisme individuel. Le libéralisme doit promouvoir le libre développement de l’individu et tout autant garantir le bien commun et l’égal traitement des citoyens. La publicité, au sens dix-huitièmiste de ce qui est soumis à l’argumentation publique, a ici un rôle majeur puisqu’elle permet « d’authentifier et d’universaliser les valeurs », en connaissant mieux « les circonstances et les situations dans lesquelles elles se font voir » (Bidet, Quéré, Truc, 2011 : 62). La connaissance privée n’existe donc pas, car ce n’est qu’en étant rendue publique qu’elle peut être obtenue et mise à l’épreuve. L’individu est appelé à construire le bien commun en partageant ses valeurs et à participer du public, fonction active et dynamique de médiation entre la société et l’État.
Il semble clair que Dewey propose une théorie esthétique, non seulement très distincte du capitalisme artiste que nous vivons aujourd’hui, mais permettant également de réévaluer, tant le sens que l’importance d’une ‘esthétique de l’agir’ dans toute sa dimension politique. Critiquant une conception de l’art comme « divertissement » ou « comme un moyen d’exhibition ostentatoire » (Dewey, 2005 [1934] : 398), l’esthétique de Dewey ne peut se comprendre sans la critique sociale qui la compose et la fermente. L’esthétique est la pratique constante et processuelle de l’émancipation individuelle et collective ; il n’y a ainsi pas de dualité chez Dewey entre le social et l’esthétique. « L’intelligence créative » (Dewey 2005 [1934] : 398) est à la fois conditionnée par le degré de perfectionnement de la démocratie et moteur de celui-ci.
S’il est encore nécessaire de lever une ambiguïté, c’est celle qui concerne l’hétéronomie de l’art dont on peut à première vue penser qu’elle expose facilement l’expérience esthétique au divertissement, voire à l’entreprise créative de soi (selfish) propre à l’individualisme du capitalisme. Interagissant avec son milieu et inscrit dans l’activité humaine, aussi triviale soit-elle, l’art existe bien dans un ici et maintenant et non pas dans un ailleurs. Ce naturalisme est donc incompatible avec une conception autonome de l’art et, en réalité, avec l’utopie d’une démocratie créative citée plus haut. L’utopie de Marcuse par exemple, séparant, à la suite de Schiller, expérience esthétique et expérience de vie, création et vie, pour mieux les réconcilier au travers du jeu esthétique, sa finalité sans fin et sa légalité sans loi, valorise une utilité de l’inutile ou un intérêt du désintéressement, schéma en définitive kantien totalement absent chez Dewey. L’idée d’une ‘action esthétique’ prime, au sein de la Théorie critique, sur l’idée d’une ‘esthétique de l’action’. Si les théories de l’autonomie sont hors de tout soupçon de favoriser un capitalisme artiste, c’est parce que leur orientation ferme la forme artistique à tout risque d’utilité comme à toute emprise extérieure, pour mieux agir sur le réel et faire retour sur lui. Ce que Jameson appelle la « semi-autonomie » (Jameson, 2011 [1992] : 96) de la sphère culturelle est cependant détruite dans la logique du capitalisme tardif. La Théorie critique ne peut se passer de la notion de ‘distanciation’ qui a précisément été abolie avec l’émergence du postmodernisme et dont Walter Benjamin constatait déjà le déclin dans les années trente (Benjamin, 2000 [1939]). De la même manière, la critique artiste s’est toujours distinguée par une volonté anti-utilitariste de distancier l’œuvre et l’expérience esthétique du domaine moral et philosophique, ainsi que du monde politique et de la vie pratique – pensons notamment à l’entreprise radicalement anti-utilitariste, au XIXe siècle, de l’École de l’art pour l’art. C’est pourquoi elle s’est différenciée de la critique sociale. Ce défaut d’interaction avec la critique sociale pourrait expliquer, selon Luc Boltanski et Ève Chiapello, pourquoi la critique artiste a fini par être absorbée par le capitalisme lui-même.
Si la résistance culturelle se trouve désamorcée et incorporée dans un système qui se nourrit d’elle, une fonction reste, selon Jameson, prioritaire dans l’art : la fonction pédagogique. Cette fonction n’a eu de cesse d’être mise en valeur par Dewey pour en faire, comme nous l’avons vu, le cœur de l’action possible du public et du processus démocratique. La collaboration de Dewey et de l’industriel-collectionneur Albert C. Barnes est exemplaire pour la volonté d’utiliser le potentiel éducatif de l’art, non pas tant parce que les œuvres d’art modernes de la Fondation Barnes auraient à enseigner des aspects précis de la technique, de l’histoire de l’art ou même de la philosophie, que parce que le contact répété aux objets artistiques, favorise, au-delà de l’expertise, la complétude de l’expérience esthétique, l’épanouissement de la personnalité et la formation des valeurs qui règleront la démocratie (Chateau, 2003). Ainsi Dewey note-t-il : « Enseigner les arts de la vie est autre chose que transmettre une information à leur sujet. C’est une question de communication et de participation aux valeurs de la vie par la voie de l’imagination, et les œuvres d’art sont les moyens les plus intimes et les plus énergiques d’aider les individus à partager les arts de vivre » (Dewey, 2005 [1934] : 386). C’est sûrement également ainsi qu’il faut lire le projet de Fluxus, dont on sait combien certains de ses membres – Allan Kaprow notamment, par le biais de John Cage et du Black Mountain College (1933-1957) fortement influencé par la pédagogie de Dewey [5] – ont été inspirés par la lecture de Art as experience : expérimenter la création comme une science de la liberté et de l’émancipation, passer du travail comme peine au travail comme jeu, repenser le geste artistique comme un geste profane, sortir de la professionnalisation du métier d’artiste, introduire la vie ordinaire dans l’art et plonger ce dernier dans l’expérience humaine pour le penser comme une pratique de vie, une forme authentique d’existence. Le non-art expose, certes, l’art à l’écueil d’une démocratisation au mauvais sens du terme, celle de la vulgarisation et de la démagogie. L’art dilué dans la vie telle qu’elle est prend bien le risque d’une réduction à la ‘publicité’ au sens de réclame cette fois. Or l’idée de Fluxus n’a jamais été de descendre l’art dans la vie mais de comprendre l’art comme le ferment subversif et politique de la vie ordinaire. Entre la démagogie du divertissement et l’élitisme d’un grand art autonome et critique se situe peut-être la pédagogie. « À force de descendre dans la rue, l’art peut-il enfin y monter ? » (Buren, 2005), se demandait Daniel Buren. Dewey semble avoir faire le choix, tout en refusant la tour d’ivoire du romantisme, de monter la société vers les exigences de l’art et de l’esthétique.
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[1] Voir, à ce sujet, Angélique del Rey (2013), La Tyrannie de l’évaluation.
[2] Citons, en plus des ouvrages présents dans cet article : Annie Le Brun (2018), Ce qui n’a pas de prix. Beauté, laideur et politique ; Olivier Assouly (1997), Goûts à vendre, essais sur la captation esthétique ; Jean-François Lyotard (1979), La Condition postmoderne.
[3] Si le capitalisme favorise l’élection du mauvais goût, du kitsch, des espaces déshumanisés, de la laideur des zones commerciales et des quartiers abandonnés tant par les investisseurs privés que par les pouvoirs publics, les architectures nouvelles, les musées, les stades, les galeries marchandes se dotent d’une aura esthétique, d’un luxe décoratif exceptionnel. C’est pourquoi Gilles Lipovetsky et Jean Serroy, parlent du capitalisme comme d’un « Janus à deux visages » (Lipovetsky, Serroy, 2013 : p. 12).
[4] Voir, à ce sujet, Léon Trotski et John Dewey, Leur morale et la nôtre (2014 [1938]).
[5] Voir, à ce sujet, Joëlle Zask (2014), « Le courage de l’expérience ».
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