Pourquoi et comment les couples stériles ont-ils recours à la technique de procréation médicalement assistée ? Quel en est l’enjeu économique, social, symbolique et sanitaire ? Que représente le recours à cette technique nouvellement introduite en Algérie ? Sur la base de ce questionnement, l’enquête montre bien que l’usage de la procréation médicament assistée est étroitement lié au projet d’avoir un enfant, dans une société qui valorise fortement le statut de la mère. On comprend donc pourquoi la stérilité de la femme est l’objet d’une forte stigmatisation au sein de la famille et de la société.
Mots-clés : technique de procréation, couple, stérilité, coût, famille
The appeal to medically assisted procreation. Study of Algerian couple’s paths
Why and how do sterile couples have recourse to the technique of medically assisted procreation ? How do they face the economic, social, symbolic and sanitarian costs of this practice ? What does it mean ? How do they continue to multiply the interventions’ attempts ? Based on those questions, the enquiry shows that the recourse to the technique of procreation reveals a strong moral and social demand. The desire of child appears as a complicated fact, due to the strong link between that desire and the social duty, the obligation for each married woman to become a mother. So that the recourse to this practice clearly explains this medical assistance’s demand by the wish to triumph on sterility and to let triumph the common sense in the same time.
Keywords : procreation’s technique, couples, sterility, costs, family
La présente étude tente d’analyser le recours, dans le contexte algérien, à la procréation médicalement assistée (PMA) dans le but de faire face à la stérilité des femmes et des hommes. Aborder cette technique comme objet sociologique permet d’approfondir certaines questions liées à la famille et à la santé. Il nous a semblé pertinent d’interroger l’usage social et culturel de cette technique médicale dans le contexte d’une famille algérienne dominée par l’idéologie patriarcale. Autrement dit, la stérilité dans la société algérienne est articulée à la question centrale des rapports sociaux des sexes. La stigmatisation de la femme stérile reste prégnante au sein de l’institution familiale qui intègre des inégalités et des différences selon le sexe et l’âge au profit des hommes.
A partir des trajectoires des couples stériles, nous avons tenté de comprendre leur expérience vécue face à la stérilité. Les principales questions que nous nous sommes posées sont les suivantes : comment ont-ils eu recours à cette technique ? Qui a décidé ce recours ? A quel moment ? Comment ont-ils financé ces interventions ? S’agit-il d’une ou de plusieurs tentatives, et pourquoi ? Quels sont les différents effets de cette pratique sur le corps des femmes ? Il s’agit d’insister sur les déterminants sociaux qui permettent d’expliquer l’usage de la procréation médicalement assistée, avec un ensemble d’enjeux économiques, sociaux et sanitaires.
Notre perspective de recherche s’appuie principalement sur les travaux d’Erving Goffman notamment la notion de stigmate qu’il définit de la façon suivante : « Un individu est dit stigmatisé lorsqu’il présente un attribut qui le disqualifie lors de ses interactions avec autrui. Cet attribut constitue un écart par rapport aux attentes normatives des autres à propos de son identité. » [1] En outre les recherches de Pierre Bourdieu sur la domination masculine nous ont semblé importantes pour appréhender la question de la stérilité en Algérie. Il écrit à ce sujet : « La division entre sexe, présente à la fois à l’état objectivé dans les choses (dans la maison), et à l’état incorporé dans le corps, dans les habitus des agents, fonctionne comme système de schèmes de perception, de pensée et d’action. Quant à la variété des rapports des pouvoirs entre sexe dans les différentes sociétés, c’est sans doute à la famille que revient le rôle principal dans la reproduction de la domination de la vision masculine. » [2]
Pour répondre à notre problématique, nous avons mené nos investigations au centre de procréation médicalement assistée El Mawloud et en se rendant aux domiciles des couples, en privilégiant l’observation et les entretiens individuels approfondis. L’objectif de notre travail d’enquête est de tenter de comprendre et d’analyser le discours et les pratiques des acteurs sociaux (hommes et femmes stériles, professionnels de santé, belles-mères).
Dans un premier temps, lors d’une visite à une amie qui exerce au centre El Mawloud, l’opportunité nous a été donnée d’écouter les discours des patientes, d’observer leurs comportements au sein de la salle d’attente. Dans un deuxième temps, certains entretiens se sont déroulés au sein du centre. Ils ont duré entre une et deux heures selon la situation des acteurs et leur état psychologique. Il nous a été possible de consulter les dossiers des patients tout en nous entretenant avec les professionnels de santé. Dans un troisième temps, d’autres entretiens ont été réalisés à domicile auprès des couples. Pour certains couples, il était important de ne pas dévoiler à la belle-mère la question du recours au centre de procréation médicalement assistée qui s’opère dans une logique de discrétion et de secret. Pour d’autres couples, la transparence a été de règle au sein de toute la famille, nous permettant de réaliser des entretiens avec les belles-mères.
Lors du choix des patients, nous avons tenu compte de la diversité de leurs statuts sociaux. Les personnes enquêtées étaient âgées de 28 à 42 ans. Leurs conditions socioculturelles diffèrent d’une personne à une autre. Les couples consultent le centre à partir d’une triple orientation : la première est celle du médecin traitant, la deuxième est liée à l’information diffusée par les médias et la troisième provient de façon informelle par la médiation du réseau familial et de voisinage.
Les couples viennent de toutes les régions d’Algérie. Certains ont recours pour la première fois à cette technique. D’autres viennent, après un échec, consulter de nouveau les médecins de ce centre. Ces personnes n’appartiennent pas toutes à des catégories sociales supérieures. Nombreuses sont issues des couches moyennes. Des familles défavorisées au statut précaire viennent aussi consulter.
L’enquête s’est déroulée pendant quatorze mois. Nous avons effectué des entretiens individuels répétés avec un corpus de quinze couples, deux médecins gynécologues, cinq belles-mères paternelles et dix autres maternelles, une secrétaire d’accueil, un agent technique.
Nous avons structuré notre article de la façon suivante. En premier lieu, nous évoquerons le parcours des couples stériles. Dans ce premier point, il nous a semblé important d’insister sur les contraintes financières rencontrées par les couples. Ces contraintes les conduisent à chercher un capital relationnel et matériel pour faire face à la situation. En second lieu, nous montrerons les effets pervers de cette technique sur le corps des femmes. En effet, leurs corps sont considérés comme une machine, un outil faisant l’objet d’expérimentations incertaines lorsque l’on sait que le taux de réussite ne dépasse pas les 25 à 30 %. En troisième lieu, il ressort clairement de l’enquête, que les couples ne sont pas autonomes dans la prise de décision du recours à la procréation médicalement assistée. Ce sont les belles-mères qui font pression sur le couple. Dans les différents parcours, il apparaît que le recours à la procréation médicalement assistée n’a été envisagé qu’après l’échec des différents remèdes traditionnels et médicaux. Ensuite nous verrons que les couples subissent une violence verbale et symbolique, et même une stigmatisation du fait d’être stériles et d’avoir eu recours à une technique étiquetée et représentée comme étant « illicite ». Ce qui explique que le recours se construise dans la discrétion. En conclusion, le vœu d’être parent apparaît une obligation sociale. En effet, cette technique constitue un projet de vie qui s’inscrit au cœur du quotidien de ces couples, relativement auquel nous ouvrons quelques pistes pour des recherches ultérieures.
Grâce au progrès technologique et biomédical, notamment les techniques de la procréation médicalement assistée, les médecins ont pu donner espoir à ces personnes stériles. L’usage de cette pratique est considéré comme une réponse à la stérilité. Certaines causes de stérilité, relativement fréquentes, sont d’origine masculine et d’autres, par contre, sont féminines. La procréation médicalement assistée permet de réaliser la fécondation hors de l’organisme, vu qu’elle ne peut pas se faire naturellement. C’est une technique en constante évolution : « Depuis trente ans les naissances de ces enfants sont banalisées tout au moins pour l’équipe médicale. Les projecteurs sont mis toujours sur la première naissance issue d’une technique expérimentale ou nouvelle. » [3] En Algérie, la première naissance issue de cette technique a eu lieu en 1996 [4]. Précisément à Oran, la petite Doha, premier bébé in vitro, est née le 14 juillet 2004 par insémination artificielle au centre de procréation médicalement assistée El Mawloud.
Dans la société algérienne, les techniques médicales de procréation sont pratiquées exclusivement dans le secteur privé de santé à but lucratif. Il existe sept centres qui assurent les différentes techniques de procréation. Les patients sont orientés par des professionnels du secteur public. Le discours des patients traduit leur mécontentement sur l’absence du PMA au niveau du secteur public, en laissant libre cours au privé. En effet, l’Etat n’intervient qu’à travers la sécurité sociale [5].
« Les problèmes de stérilité féminine ou masculine ou les deux, sont rarement considérés comme un problème de santé publique. Je me demande pourquoi les techniques de procréation, la PMA, ne sont-elles pas pratiquées dans des C.H.U ? C’est un problème qui touche les riches et les pauvres ? » (45 ans, ingénieur, sexe M)
Le privé se substitue au secteur public dans une société qui tente de s’ouvrir à l’économie de marché. La venue des spécialistes étrangers, l’importation de l’équipement de haute technologie et des médicaments coûteux, traduisent bien l’instauration d’un véritable marché de la stérilité. Ce dernier représente un secteur lucratif qui intéresse l’industrie pharmaceutique et les laboratoires chargés de vente d’équipement. Dans ce contexte, le discours médical montre que le traitement est très coûteux et que les médicaments prescrits ne sont remboursés qu’aux seuls assurés sociaux.
« Il est vrai que le traitement est très coûteux et qu’il avoisine les 1000 euro. Un enfant n’a pas de prix, et pour certains couples, le passage au centre représente l’intervention de la dernière chance même si les prix appliqués, ne sont pas à la portée d’un simple citoyen. Nous avons eu à traiter le cas d’un couple qui a attendu en vain pendant 20 ans. Pour des cas comme celui là, cela relève d’un miracle scientifique, bien sûr. » (Biologiste, responsable du centre, sexe F)
Les couples n’ont pas le même statut social. Leurs situations sociales et économiques sont inégales. Ils rencontrent des difficultés pour le financement des interventions médicales. Le bilan médical et l’acte d’intervention sont pris en charge par les patients. Il exige des consultations régulières, des examens médicaux (échographie, prélèvement de sperme, célioscopie). Seuls les traitements hormonaux sont remboursés par la sécurité sociale.
« La première tentative de fécondation in vitro m’a coûté tout mon compte épargne et pour cette fois ci il me faut encore de l’argent je voudrai vendre mon lot de terrain mais ma femme refuse, elle veut abandonner l’opération. Nous en avons marre. » (Enseignante, 38 ans)
« Mon mari travaille comme gardien dans une école. Ma famille m’a aidée matériellement, j’étais déçue suite à l’échec de ma première tentative, je risque de tout perdre, ça serait un double échec moral et matériel. » (Femme au foyer, 38 ans)
L’acte médical coûte entre 1000 et 1700 €. Si nous comptabilisons toutes les dépenses (le bilan médical, les examens médicaux, la prise de sang, l’acte médical), le prix peut varier entre 22.000 et 30.000 € (le salaire minimum étant de 120 € par mois et le salaire moyen de 20.000 €/an). Les coûts financiers excessifs contrastent avec le taux faible de réussite. Les enjeux financiers sont liés à la croissance de la demande. « Dans le privé, c’est la loi du marché avec un contrôle des pratiques les plus lucratives qui peuvent être proposées et ceci sans garantie de résultat. Les couples s’endettent et revendiquent un droit à la consommation de nouvelle technique source d’espoir. » [6] De ce fait, pour gérer cette situation, les patients agissent selon leurs stratégies, mobilisent leurs ressources relationnelles et matérielles notamment les prêts d’argent auprès de personnes proches (les mères, les amis), la vente des bijoux, le mobilier, etc.
« Pour financier l’opération, il a fallu que je fasse des économies et encore, ma femme a vendu tous ses bijoux. Mes amis m’ont prêté de l’argent et à savoir si ça réussi ! » (Fonctionnaire, 45 ans, sexe M.)
La solidarité demeure un élément qui consolide les liens sociaux entre les membres de la famille. Certains couples venant des villes avoisinantes, réservent une chambre d’hôtel près du centre de procréation pour éviter les déplacements des femmes par route, se reposer et se protéger contre les risques de fausses couches. Certains vont même jusqu’à louer une petite maison durant toute la période du traitement.
« Je viens de Tindouf du Sud-Ouest algérien et je n’ai aucune personne proche ici à Oran, moi et mon mari avons loué une petite maison parce que nous n’avons pas assez de moyens pour nous déplacer régulièrement. » (Femme au foyer, 40 ans)
La stérilité est le plus souvent mal vécue par les couples. Ces derniers sont donc prêts à tenter de multiples traitements à dépenser beaucoup d’argent et de temps pour continuer leurs parcours dans le but d’avoir un enfant.
Les conséquences des techniques de procréation médicalement assistée sur le corps des femmes sont très importantes. D’une part, les femmes subissent des traitements préalables très lourds, présentant des risques de grossesses multiples. D’autre part, elles sont confrontées à un parcours médical très long, ayant des répercussions sur leur vie professionnelle et sociale. De surcroît, l’échec de la PMA peut accentuer encore leur stress.
Il s’agit donc d’une démarche à la fois douloureuse et contraignante. Le traitement débute par des examens médicaux réguliers notamment des prises de sang, des écographies, des piqûres.
Les femmes semblent actives dans le déroulement de la fécondation. Elles suivent un calendrier à partir du premier jour du cycle menstruel et du déclenchement de l’ovulation. Les injections sont souvent prévues le matin. Elles n’hésitent pas à questionner leurs gynécologues sur la prise de traitement. Mais le recours à la technique crée des conflits et des changements dans leur vie quotidienne. Par exemple, les femmes qui exercent une activité professionnelle, doivent se libérer de leurs contraintes professionnelles. Cela signifie qu’elles doivent prendre au moins deux demi-journées pour réaliser les échographies. Elles sont souvent obligées d’arriver en retard à leur travail afin de réaliser les prises de sang. Cette situation n’est pas banale. Au bout de ces quinze ou trente jours de traitement, les femmes se retrouvent avec un corps et des ovaires extrêmement exténués et accablés. Elles ont des douleurs au ventre et aux ovaires, sans compter les effets secondaires du traitement hormonal, d’ordre psychologique (stress, anxiété, maux de tête). Peu de femmes vont expliquer à leur employeur qu’elles sont stériles ou que leurs maris sont stériles et qu’elles doivent avoir recours à une fécondation in vitro. Généralement, elles mentent plus ou moins, en apportant des arrêts de travail ou bien en prenant un congé de maladie d’une autre pathologie.
« Je viens d’Alger, accompagnée de mon mari. Nous avons pris un congé je ne voulais pas dire à mon responsable que mon mari a une azoospermie et que je devais l’accompagner pour faire la fécondation in vitro, ICSI. » (Administrateur dans une banque, 35 ans, sexe F)
Les femmes se fatiguent donc en raison de leur traitement et de leur stress. Elles sont parfois au bord de la dépression lorsque se présente le jour de la ponction. Cette intervention est réalisée sous anesthésie générale ou sous anesthésie locale. Le médecin autorise le couple à reprendre son activité professionnelle dès le lendemain, pourtant cela lui semble extrêmement difficile en raison du parcours thérapeutique suivi.
« Après avoir vécu trente jours de traitement et une anesthésie générale, en ayant comme perspective l’espoir d’une réimplantation d’embryons deux jours après, je peux vous assurer que vous n’êtes pas en mesure de reprendre immédiatement une activité professionnelle. » (Enseignante, 30 ans)
Les techniques de fécondation in vitro sont des problèmes de couples et pas seulement des problèmes de femmes, même si elles sont les seules à subir les traitements qui ont pour effet pervers d’accentuer les conflits au sein du couple. Les rapports sexuels doivent se dérouler en fonction de la date d’ovulation. Le couple devient obsédé par le protocole de la technique particulièrement quand le temps de l’intervention est imminent. Les couples ont du mal à se contrôler. Plus la date du rendez-vous approche, plus la situation devient inextricable. Le doute sur le résultat de la technique peut prendre de l’ampleur face aux incertitudes de la thérapie. Les femmes considèrent leur corps comme une machine mis entre les mains des médecins.
« A force de prendre des piqûres, mon bas ventre est troué comme du baghrir. » [7] (Vendeuse, 38 ans, 12 ans de mariage, 2 tentatives)
Ainsi pour elles, leurs ovocytes représentent des « bébés » [8]. Entre quarante huit et soixante heures plus tard, les médecins transfèreront l’embryon dans l’utérus.
« Mon bébé est dans un tube au laboratoire et pendant le transfert les médecins vont me le remettre. » (Femme au foyer, 28 ans)
L’attente d’une grossesse met les femmes dans une dépendance affective. Elles sont plus susceptibles lors de la ponction. Elles donnent la vie à leurs enfants avant leur naissance. En parallèle, les hommes, qui ne parlaient pas, sont dans la salle d’attente, pressés de quitter la clinique en compagnie de leurs femmes. Leur souffrance commune semble renforcer le lien de solidarité entre eux.
Après le transfert des embryons, les femmes demandent avec enthousiasme les prescriptions ultérieures concernant les soins, l’hygiène, l’alimentation, les rapports sexuels, leurs déplacements et tout ce qui est en rapport avec leur santé physique et morale. Constituant l’étape finale, les examens vont dévoiler la réussite ou l’échec de l’intervention. Malgré tous les moyens mis en œuvre, le taux de réussite est limité [9]. Face à l’échec, la situation est vécue de façon pénible. Les professionnels sont confrontés aux remarques des couples qui remettent en question leurs compétences. Certains hommes se mettent en colère, et critiquent l’équipe médicale. En effet, il est difficile pour l’équipe médicale d’admettre face aux principaux concernés que le hasard préside à la conception de l’enfant et que, par ailleurs, il n’est pas facile de déterminer de manière précise à quel moment leur projet de couple se réalisera. D’autres dépriment totalement, ou prennent leur mal en patience, en se remettant à leur foi : « On ne peut rien faire, c’est la volonté du Bon Dieu. » Dans tous ces cas, il est manifestement difficile pour le couple d’en faire le deuil. L’insuffisance de l’accompagnement psychologique est trop souvent évoquée, notamment en cas d’échecs répétés.
« Quand j’ai commencé le traitement, piqûres et échographies journalières, je me demandais si tout cela avait un sens et surtout si je parviendrai un jour à concevoir un enfant. On ne nous informe pas assez. » (Médecin, 37 ans)
Par contre, d’autres couples continuent leur combat en procédant à une autre tentative. Une fois, cette technique réussie, cela représente une consécration définitive du couple. Depuis août 2004 jusqu’à 2006, 120 cas ont été traités. Selon la responsable de ce centre, sur les 40 personnes présentées pour subir ce genre d’intervention 14 grossesses ont été obtenues. Toutes, d’après leur suivi médical, sont une réussite complète. Parmi ces grossesses, nous comptons trois femmes qui attendent des jumeaux et une qui aura des triplés. Cette dernière, âgée de 40 ans, subissait une stérilité qui a duré 12 ans. D’après les statistiques relevées au niveau du centre El Mawloud, on note une augmentation du nombre des naissances entre l’année 2004 et 2006, de 23 à 34 %. Cette augmentation montre la ténacité des couples pour faire face à leur stérilité et à leur stigmatisation.
Un enfant qui tarde à venir déclenche rapidement des tensions et conflits au sein de la vie du couple et sa famille. Les hommes et les femmes savent que le temps est compté, la société est là pour le leur rappeler. Face à la stérilité, les itinéraires thérapeutiques se caractérisent par le recours aux soins traditionnels, comme étape initiale. En effet, les belles-mères des deux époux achètent des traitements à base de plantes (herbes diverses, nigelle, miel, gingembre, etc.) Elles les orientent ou même les accompagnent chez le guérisseur [10] ; ou bien elles pratiquent des massages dans les hammams (bain maure). Enfin certaines achètent des produits pharmaceutiques auprès des commerçants. Beaucoup de belles mères interrogées déclarent que la stérilité est parmi les causes qui poussent les hommes à la polygamie. Dans plusieurs cas, elles justifient le recours de leur fils à la PMA. Voici un extrait des propos d’une belle-mère qui sont illustratifs de ces positions :
« Les gens de l’ancienne génération, celle de nos grands parents, disent que la femme sans enfants est considérée comme une tente sans piliers, elle tombe rapidement. Mon souhait avant de mourir, c’est de voir mes petits enfants, je voudrais les prendre dans mes mains les caresser les mettre sur mes genoux, veiller sur eux, les élever. »
Cette femme se met à pleurer, ensuite elle ajoute :
« Je sais que mon fils souffre, seulement il ne s’exprime pas verbalement, je lui ai demandé de se remarier mais il refuse, il est amoureux de sa femme. J’ai beaucoup couru auprès des âttar, fq’ih [11], et tous les thérapeutes traditionnels, des médecins, mais sans aucun résultat. Aujourd’hui le monde a changé. Peut-être avec cette technique artificielle lebra [12], mon fils et ma belle fille pourront avoir un enfant. » (Belle-mère âgée de 68 ans)
Il apparaît ainsi que la belle-mère joue un rôle essentiel, elle s’implique à plusieurs niveaux. Elle pousse les couples à pratiquer les soins traditionnels basés sur le savoir profane, et en cas d’échecs à recourir à la PMA. Elle prête assistance aux couples sous forme d’aides financières. Elle insiste pour rester informée sur tous les aspects liés à cette technique (taux de réussite, d’échec, les conséquences éventuelles sur la santé du couple et surtout de l’enfant souhaité par l’usage de cette technique). Si les soins traditionnels et médicaux n’ont pas eu les effets espérés, certains couples tentent de procéder à l’adoption d’un enfant ou envisagent de recourir aux institutions sociales (pouponnière), en renonçant au projet de donner naissance à leur propre enfant. Cependant la procédure d’adoption ne semble pas toujours leur convenir parce que les liens du sang sont absents.
« Le mois prochain ma femme et moi allons tenter notre chance, je veux un enfant de mon sang. » (Commerçant, 37 ans)
La stérilité constitue donc un problème pour les hommes et pour les femmes, qui la vivent comme un drame. En effet, l’enfant demeure fortement valorisé dans la société algérienne. La stérilité n’est pas considérée comme une réalité biologique s’inscrivant dans le corps de l’individu, mais elle reste un événement social exigeant une interprétation collective partagée par les membres du groupe.
Avoir au moins un enfant demeure l’objectif de la majorité des couples. L’enfant est pour eux source de bonheur et donne un but à leur vie. Cela peut apparaître comme une marque essentielle de l’identité sexuée et sociale. Une parenté effective manifeste la potentialité de l’individu. Par contre, la stérilité du couple fait l’objet d’une préoccupation douloureuse et une interprétation négative. Elle met en évidence certaines constructions sociales. L’identité sexuelle est acquise à partir de l’éducation et des normes véhiculées par la famille et la société.
Cette stigmatisation est donc construite dans un contexte social par les différents acteurs notamment les belles-mères, les belles-sœurs, les personnes avoisinantes qui font de l’homme ou de la femme des personnes différentes, que seule la procréation peut mener vers la réconciliation avec la société. Dans ce contexte, les femmes non mères subissent une forte stigmatisation. Leur statut dans le rang de la famille est dévalorisé par rapport à celles qui procréent. Elles intériorisent leur statut lié au rôle de reproductrices. Elles sont confrontées à une double souffrance, celle de ne pas avoir d’enfants et celle d’un corps qui présente une tare.
Le rapport des femmes à la stérilité est conditionné par leur contexte social. Le discours des femmes sur leurs douleurs est représenté non comme un état pathologique mais comme un état socialement vécu. Elles sont conçues incapables de mettre au monde un enfant. L’état de stérilité est vécu par les femmes comme un état de discrimination. Les femmes stériles dites a’gra [13]ont un statut inférieur par rapport à celles qui sont fécondes. Le terme a’gra a une connotation péjorative, il est utilisé comme une insulte. Par le discrédit social qui l’accompagne, la stérilité masculine et féminine a le même statut, celui d’une maladie durable qui implique l’isolement et la différence. Elle est perçue comme une maladie et elle ne peut être que négative.
« Depuis ma deuxième année de mariage ma belle-mère me répète le même scénario, si tu étais une vraie femme, tu aurais enfanté, et nous donner au moins un enfant comme (y), dès sa première année de mariage, elle a pu enfanter. Presque chaque fois, elle me pose la même question : tu n’as rien, tu n’es pas malade et parfois elle palpe mon ventre. Tu aurais dû voir le médecin (x) j’ai entendu dire qu’il est spécialiste en insémination artificielle. » (Secrétaire, 27 ans)
Cela peut traduire une dette vis-à-vis des autres. Donc la PMA présente une dimension sociale. C’est une réponse à la stérilité. Elle participe à la transmission des relations entre générations. On se doit d’avoir un enfant pour s’acquitter d’une dette trans-générationnelle. On doit également des petits-enfants à ses grands-parents. Telle est bien la souffrance des couples qui n’arrivent pas à procréer ; plus qu’une blessure narcissique personnelle et sociale, c’est la souffrance de ne pouvoir s’acquitter d’une dette. Il y a quelques décennies, l’infertilité de ces couples aurait probablement été considérée comme une histoire de femme. En fait, François Laborie a montré dans ses analyses que les interventions médicales sur l’homme sont peu nombreuses parce qu’on ne connaît que peu de choses sur les spermatogenèses. Elles sont à l’inverse fort diversifiées sur les femmes. Les hommes sont naturellement considérés comme étant puissant sexuellement. Seules les femmes peuvent être stériles Notre société associe la virilité à la puissance masculine et la fécondité à la féminité. Ces modalités spécifiques d’un rapport de domination entre êtres humains sont tellement incorporées dans nos schèmes de perception, de pensée et d’action, qu’on ne les voit plus lorsqu’ils ne prennent pas de formes extrêmes [14].
« Mon fils est un vrai homme. L’homme est irréprochable. Il n’a pas de défaut. Il ne pourra pas être stérile. » (Mère, 59 ans)
Nous avons observé aussi que les hommes se sentent gênés de se présenter au centre de procréation médicalement assistée ; on les voit soit hésitants ou ils y vont en catimini sans que leur entourage ne le sache. L’enfant issu de cette technique fait l’objet d’inquiétude de la part de l’entourage familial, à la fois quant à sa filiation, de sa stigmatisation et à sa fertilité quand il sera grand, ce qui explique sa discrétion. L’acteur va donc faire tout pour cacher ce stigmate ou bien essayer d’éviter qu’il provoque un malaise chez d’autres. Le stigmate n’existe qu’à partir de la valeur qu’on lui donne. Chaque individu a besoin de s’identifier comme « normal » en se comparant à ce qu’il interprète indifférent [15].
Il est important de rappeler que l’Islam interdit le don d’ovules ou de spermes ainsi que les filiations par adoption. Il autorise l’insémination artificielle dans le cadre d’un mariage reconnu, d’une famille légitime qui repose sur une base juridique.
L’insémination par un donneur autre que l’époux légitime provoquerait donc la confusion au sein du milieu familial. Elle pourrait rompre des liens naturels entre parents et progéniture, donnerait un caractère aléatoire à la filiation [16]. Le discours social sur la pratique de la PMA ne se fait pas sans soulever certaines interrogations. Les spécialistes que nous avons interrogés évoquent d’abord la suspicion dont est victime la femme stérile dans notre société.
« Les gens nous demandent par exemple si cette pratique est halal ou haram (pêché). Pour de tels cas de préoccupations d’ordre religieux, la réponse consiste à dire que l’agrément accordé par l’Etat est en soi une garantie. Les questions posées ne sont pas seulement motivées par des considérations religieuses. » (Médecin gynécologue)
Ainsi, il arrive que des couples soupçonneux, veuillent simplement savoir si les spermatozoïdes sont réellement les leurs. A ce sujet, les banques de sperme sont inexistantes et interdites en Algérie. Le médecin explique :
« Cette préoccupation vient du fait qu’un tel procédé est vite assimilé à un acte d’adultère, du moins pour certains, parce que d’autres ont formulé ce type de demandes. Même chose pour le cas du choix du sexe de l’enfant, une pratique interdite également en Algérie, on atteste ainsi que des gens libérés des scrupules religieux qui ont les moyens n’ont pas eu d’autres choix que d’aller à l’étranger. Sinon en attendant que la législation évolue, comme cela a été le cas de la Jordanie (pourtant pays musulman). » (Médecin gynécologue)
La femme stérile est stigmatisée car elle est considérée comme une « femme incomplète ».
« J’ai tenté deux inséminations artificielles et une fécondation in vitro et toutes étaient réduites à zéro parce que le problème venait de mon mari, le résultat de la biopsie le prouve, alors que tous les membres de ma belle famille pensent que c’est moi la coupable et que je suis incomplète. » (Femme fonctionnaire, 38 ans)
Les couples vivent une pression sociale, notamment celle des belles-mères qui se donnent le rôle de contrôleur. Elles reproduisent les rapports de domination et de pouvoir. Les femmes subissent une violence symbolique et verbale. Elles considèrent leur vie de couple menacée. Elles essayent de stabiliser et de réguler la situation afin de ne pas aboutir à ce que leurs maris convolent en secondes noces.
Par ailleurs, le regard méfiant envers une femme ménopausée évoque sa limitation sociale à un rôle de reproductrice. Les femmes cherchent à garantir leur sécurité et leur statut. L’existence de l’enfant va donner un sens au couple [17]. Nos observations montrent que les hommes stériles ne sont pas abandonnés par leurs femmes. Mais, dans le cas contraire, très peu d’hommes continuent à prolonger la relation conjugale. Pour certains, la stigmatisation constitue un stress et une difficulté à mener une vie « normale » ; pour d’autres, elle les motive. En dépit des difficultés rencontrées, les femmes agissent d’une manière active et significative. Avoir un enfant est un combat. L’efficacité de cette technique n’est pas toujours assurée, mais cela ne rebute pas pour autant, puisque certains multiplient les tentatives dans un parcours long et éprouvant.
La technique de la procréation médicalement assistée est une préoccupation très contemporaine. L’enfant tient une place considérable dans les projets des couples. Beaucoup de questions apparaissent pour définir le projet familial des conjoints selon les attitudes et les comportements des sociétés et leurs milieux. Avoir un enfant est à la fois un droit et un devoir pour les couples afin d’assurer la continuité et la pérennité de la descendance ainsi que perpétuer le nom de la famille. Le sens commun prend volontiers appui sur cet élément de représentations et de logiques. En plus, il dévoile l’enjeu conflictuel entre l’efficacité des savoirs comme légitimité et les règles qui régissent cette pratique. Au fond, ce travail évoque d’autres questions qui peuvent être posées, celle du regard de la société vis-à-vis de l’enfant éprouvette, ou celles des aspects éthiques et réglementaires qui peuvent accompagner cette activité. Si d’autres pays autorisent cette pratique médicale dans un texte de loi, l’Algérie souffre encore d’un vide juridique qui assure son application avec un contrôle rigoureux.
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[1] E. Goffman, Stigmate. Les usagers sociaux du handicap, Paris, Editions de minuit, 1975.
[2] P. Bourdieu, La domination masculine, Paris, Le Seuil, 1984.
[3] C. Dechemp-Le Roux, L’emprise de la technologie médicale sur la qualité sociale, Paris, L’Harmattan. 2002.
[4] Louise Brown, le premier « bébé éprouvette », est née le 25 juillet 1978 à l’hôpital d’Odhan prés de Manchester (Londres) grâce à la collaboration du biologiste Robert Edward et du gynécologue Robert Steptoe..
[5] La procréation médicalement assistée fait l’objet d’un débat entre professionnels algériens et étrangers dans le cadre d’un symposium organisé par le ministère de la Santé, de la population et de la réforme hospitalière. L’Algérie compte aujourd’hui soit 7% de la population générale souffrant d’infertilité. Ce chiffre a été annoncé par Mme la directrice de la Population au niveau du ministère de la Santé en se basant sur une étude réalisée en 2002. Selon elle, l’objectif du ministère est d’arriver à créer d’ici à 2009 trois centres de PMA au niveau des CHU (Centre universitaire hospitalier) d’Alger, Oran et de Constantine (El Watan, 6 décembre 2007, p 11).
[6] G. Becker, « Espoir à vendre : l’A.M.P aux Etats-Unis », Sciences sociales et santé, 2000, n° 105-106. Cité par C. Déchamp-Le Roux, op. cit., p. 113.
[7] Gâteau traditionnel algérien troué comme les crêpes.
[8] Dénomination employée par des femmes que nous avons assistées au bloc opératoire lors de la transplantation des embryons.
[9] « Toutes techniques confondues, la FIV, ICSI avec sperme testiculaire, mis à part les IAC, notre taux de réussite global oscille entre 25%/ et 30%. Les raisons d’espérer existent et sont réelles. Il faut y croire fortement. En même temps, tenez compte des échecs qui s’élèvent à plus de 70% » Texte extrait de L’espoir de donner la vie, estimation des chances de réussite, plaquette diffusé par la clinique de procréation médicalement assistée Al Farabi d’Annaba située à l’Est de l’Algérie.
[10] Sur quinze couples, dix femmes et neuf hommes confirment avoir été chez le guérisseur traditionnel ainsi que le table pour des soins confessionnels basés sur le coran.
[11] Atar et Fquif (respectivement : l’arboriste et le religieux) sont des guérisseurs traditionnels.
[12] Lebra désigne la technique de l’insémination artificielle.
[13] A’gra signifie stérile, c’est une insulte.
[14] P. Bourdieu, La domination masculine, Paris, Le Seuil, 1984.
[15] E. Goffman, Stigmate. Les usagers sociaux du handicap, Paris, Editions de minuit, 1975.
[16] A. Beddiar, Le regard de l’Islam sur les procréations médicalement assistées, Paris, AELF Editions, 1993.
[17] M.Augé, C. Herzelich, Le sens du mal. Anthropologie, histoire et sociologie de la maladie, Paris, Editions des Archives contemporaines, 1984.
Benabed Aicha, « Le recours à la technique de procréation médicalement assistée. Étude de quelques trajectoires de couples algériens », dans revue ¿ Interrogations ?, N°6. La santé au prisme des sciences humaines et sociales, juin 2008 [en ligne], https://revue-interrogations.org/Le-recours-a-la-technique-de (Consulté le 10 novembre 2024).