Le public des talk-shows radiophoniques conservateurs jouit d’un statut particulier. Pendant les trois heures quotidiennes d’émission, les animateurs sont engagés dans une relation conversationnelle avec l’auditeur et déploient une stratégie discursive visant à ‘inscrire’ le public dans le discours par le rappel constant qu’ils s’adressent à lui et parlent en son nom. Le public de ces talk-shows n’est pas envisagé comme simple récepteur du contenu : il fait aussi partie du message et sa présence, inscrite dans le discours, se manifeste par des marqueurs discursifs ponctuant le propos. La présente recherche analyse ces marqueurs pour avancer la thèse qu’ils n’ont pas un rôle simplement fonctionnel, mais qu’ils ont surtout une portée politique. Ce phénomène participe du tournant démotique dans les médias en ce qu’il contribue à créer une identité conservatrice, et fait émerger un processus de communalisation qui a pour effet la polarisation du débat politique et sert la promotion de l’ordre du jour conservateur.
Mots clés : talk-show conservateur, dispositif, stratégie discursive, tournant démotique, participation du public.
The Status of the Audience in US Conservative Talk Radio Programs : ‘you, folks’ and the ‘Audience-in-Discourse’ Strategy
Just like in any form of talk radio, the audience of conservative talk radio (CTR) programs seems to enjoy a particular status. During their daily three-hour shows, CTR hosts are constantly engaging their audience in a dialogical relationship, unfurling a subtle strategy to inscribe its presence in their discourse through a wide array of discursive markers that are constant reminders that he or she is speaking to them and for them. The projected audience is construed not as mere recipient of the content but is indeed part of it. By means of a qualitative analysis, this paper analyzes the discursive markers of the audience’s “presence”—the “audience-in-discourse” strategy—in order to argue that they do not have a mere functional role but do take on political significance. It contends that this strategy partakes of the demotic turn in the media as it contributes to creating a conservative identity, and ushers in a process of communalization of the audience in order to polarize the political debate and promote the conservative agenda.
Keywords : conservative talk radio, apparatus, discursive strategy, demotic turn, audience participation.
Comme le souligne Lou Orfanella sur la spécificité du rapport qu’entretient la radio avec ses auditeurs, la radio est le média de l’intime par excellence : « La radio a toujours eu un pouvoir particulier. Elle exerce ce pouvoir depuis l’époque où nos grands-parents se réunissaient dans le salon pour écouter une causerie au coin du feu de Roosevelt […]. Il y a une intimité, un lien personnel qu’aucun autre média ne peut égaler. » [1] (Orfanella, 1998 : 53). Dans le contexte nord-américain, ce constat semble particulièrement adapté pour décrire le rapport dialogique qui lie les animateurs de talk-shows radiophoniques conservateurs à leurs auditeurs. Le contenu de ces émissions au format conversationnel n’a de sens que si l’animateur s’adresse à l’auditeur : celui-ci est le confident muet qui permet à l’animateur de dérouler le fil de sa pensée sans avoir à structurer son propos à la manière des présentateurs de journaux télévisés ou radiophoniques.
Phénomène apparu à la fin des années quatre-vingt avec l’animateur Rush Limbaugh, le talk-show radiophonique conservateur américain a joué un rôle important dans la vie politique du pays, notamment dans la reconquête du pouvoir par les Républicains. Entre son lancement en diffusion sous licence (syndication) sur cinquante-cinq stations à travers le pays en août 1988 et les élections de mi-mandat de novembre 1994, qui ont marqué le retour d’une majorité républicaine au Congrès, The Rush Limbaugh Show est parvenu à s’imposer comme la première émission radiophonique toutes catégories confondues. Cette année-là, Rush Limbaugh retrouve quotidiennement quelque vingt millions d’auditeurs sur pas moins de 650 stations. Depuis, le genre s’est diversifié sous l’effet de l’arrivée sur les ondes nationales de nouvelles émissions dont les animateurs ont développé un discours qui leur est propre sur la base d’un socle idéologique commun (Mort, 2012a : 491). Ainsi, au tournant des années 2000, Laura Ingraham, Michael Savage et Sean Hannity ont rejoint Rush Limbaugh dans le classement des animateurs de talk-shows radiophoniques les plus écoutés, toutes catégories confondues, et se hissent dans les cinq premières places du classement à l’automne 2009, Rush Limbaugh demeurant à la première place. L’audimat a quelque peu évolué depuis lors, mais en février 2014, Rush Limbaugh était toujours en tête du classement avec 14 millions d’auditeurs hebdomadaires [2], chiffre élevé pour un genre radiophonique qui demeure un média de niche.
L’une des stratégies que déploient les animateurs de talk-shows radiophoniques pour attirer à eux les auditeurs consiste à dénoncer constamment l’idée d’un parti pris sociolibéral (liberal bias) des médias grand public (mainstream media) et d’une collusion avec les forces du Parti démocrate : à leurs yeux, les journalistes trahissent la norme d’objectivité censée régir leur travail d’investigation. Ainsi, cette accusation, établie comme un paradigme indiscutable, légitime le propre parti pris conservateur des animateurs de talk-shows conservateurs, tout autant qu’elle permet à ces derniers de prétendre donner de la visibilité aux citoyens conservateurs dont les idées sont sous-représentées dans les médias traditionnels (Mort, 2012b : 104).
À cet effet, l’une des stratégies consiste à ouvrir les ondes en sollicitant l’intervention des auditeurs sur les sujets évoqués au cours de l’émission. Si ce phénomène n’est pas spécifique aux États-Unis – dans son ouvrage intitulé Les anonymes à la radio : usages, fonctions et portée de leur parole, Christophe Deleu (2006) en fournit une analyse très fouillée dans le contexte français –, la participation des citoyens ordinaires est une des caractéristiques fondamentales des émissions radiophoniques aux États-Unis. Dès la fin des années 1960, plus de mille stations de radio à travers le pays proposent aux auditeurs d’intervenir sur les ondes (Crittenden, 1971), ce qui a eu pour effet l’émergence de ce que certains chercheurs en communication ont décrit comme la démocratie du cadran téléphonique (dial-in democracy) (Bolce et al., 1996 : 458).
Toutefois, les animateurs de talk-shows radiophoniques conservateurs recourent également à un procédé plus subtil pour inclure le public dans leurs émissions : il s’agit de tirer pleinement profit de l’espace intime qu’offre la radio pour rappeler constamment aux auditeurs et auditrices que c’est bien à eux que l’animateur s’adresse et qu’il parle en leur nom. Ainsi, le propos des animateurs est émaillé de marqueurs dialogiques comme « let me tell you something » ou des vocatifs tels que « you people » qui suggèrent que le public de ces émissions n’est pas envisagé comme simple cible du message mais fait également partie du message, et sa présence, inscrite dans le discours-même de l’animateur, se manifeste par une utilisation très appuyée de la fonction phatique du langage.
Depuis son affirmation dans les sphères politique et médiatique au début des années quatre-vingt-dix, le talk-show radiophonique conservateur a fait l’objet d’une masse de travaux de recherche particulièrement volumineuse. Cependant, l’analyse du dispositif de ces émissions et, au sein de celui-ci, la stratégie discursive des animateurs, ne semblent pas avoir retenu l’attention de la recherche en information et communication. Le recours à cette stratégie discursive spécifique est pourtant porteur de sens et celle-ci ne saurait être considérée simplement comme une manière de donner une impulsion au propos de l’animateur. La présente étude se propose donc, en s’appuyant sur The Rush Limbaugh Show, The Sean Hannity Show, The Laura Ingraham Show et The Savage Nation, d’explorer le statut de ces marqueurs discursifs pour montrer que, si leur fonction première est bien de maintenir le contact avec l’auditeur, ils remplissent, en ultime analyse, une fonction stratégique de légitimation du discours de l’animateur, et comportent une très forte signification politique en ce qu’ils ont pour effet d’induire un phénomène de cohésion de groupe.
En premier lieu, on examinera la spécificité des dispositifs des talk-shows radiophoniques conservateurs, afin de souligner la toute-puissance de l’animateur dans le contrôle du dispositif. En second lieu, on établira une typologie des marqueurs discursifs de l’inscription du public dans le discours de l’animateur pour en analyser les emplois comparativement entre chaque émission. En dernier lieu, on défendra l’hypothèse que le recours à cette stratégie discursive vise à produire une représentation des auditeurs en tant que groupe politique homogène aux contours clairement définis et à l’allégeance politique stable. À cet égard, on montrera que ce processus de communalisation des conservateurs participe du tournant démotique décrit par Graeme Turner (2010), selon lequel les médias ne remplissent pas tant une fonction de médiation des identités que de création à des fins stratégiques. On conclura sur l’idée que dans le cas des talk-shows radiophoniques conservateurs, cette finalité est la polarisation du débat politique et la promotion de l’ordre du jour conservateur.
Si chaque émission définit un discours singulier, toutes s’appuient sur un dispositif de médiation dont l’importance du lien conversationnel avec les auditeurs est l’une des caractéristiques fondamentales les plus importantes. Le concept de dispositif est entendu ici dans le sens que lui donnent les sociologues et les chercheurs en communication depuis son apparition dans les années soixante-dix sous l’influence de Michel Foucault (Colas et al., 1977), et tel que le définit Daniel Peraya :
« Un dispositif est une instance, un lieu social d’interaction et de coopération possédant ses intentions, son fonctionnement matériel et symbolique enfin, ses modes d’interaction propres. L’économie d’un dispositif – son fonctionnement – déterminée par les intentions, s’appuie sur l’organisation structurée de moyens matériels, technologiques, symboliques et relationnels qui modélisent, à partir de leurs caractéristiques propres, les comportements et les conduites sociales (affectives et relationnelles), cognitives, communicatives des sujets » (1999 : 153).
La définition de Daniel Peraya est essentielle pour décrire le dispositif du talk-show radiophonique conservateur à deux titres. D’une part, en décrivant le dispositif comme « lieu social d’interaction et de coopération », il le définit comme un espace virtuel où est possible la mise en relation d’individus entre eux. D’autre part, Daniel Peraya insiste sur le caractère stratégique et intentionnel du dispositif en précisant que l’agencement des éléments a pour finalité d’influer sur les comportements : il s’agit donc d’un instrument de pouvoir.
Cette idée du pouvoir comme finalité du dispositif est d’ailleurs posée dès l’introduction de l’ouvrage collectif de Violaine Appel et son équipe. Les auteurs y soulignent que « Foucault insiste surtout sur la nature essentiellement stratégique du dispositif, comme manipulation ou intervention rationnelle et concertée des rapports de force, jeu ou enjeux de pouvoir en lien avec des types de savoir » (Appel et al., 2010 : 11). Daniel Peraya et l’équipe de Violaine Appel complètent très utilement la définition car le principe d’intentionnalité, pourtant inhérent au concept de dispositif, est absent de la formulation de Foucault lorsqu’elle est convoquée dans sa version escamotée, et donc habituellement évacuée des discussions.
La voix qui se fait entendre dans les talk-shows parle à la première personne du singulier. Ce faisant, elle signale la centralité de l’animateur dans l’émission et dans la définition de son contenu : dans le talk-show, et a fortiori le talk-show radiophonique conservateur, l’animateur est maître absolu du dispositif. Il suffit pour s’en convaincre de considérer le simple titre des émissions : à l’exception de celui de l’émission de Michael Savage, il comprend le prénom et le nom de l’animateur en position épithète du mot show. Si Michael Savage ne fait pas mention de son prénom, son patronyme fait bien partie du titre. La formulation du titre signale à elle seule l’identification du contenu de l’émission à l’animateur. Le talk-show radiophonique conservateur est donc ce que Christophe Deleu (2006 : 76).désigne comme une « émission personnalisée ».
En corollaire à la personnalisation du talk-show radiophonique conservateur, l’animateur utilise la première personne du singulier et du pluriel à longueur d’émission, une particularité discursive qui distingue ce genre d’émission des journaux d’information télévisés. Le respect de la norme d’objectivité rend impératif le désinvestissement et la mise à distance du présentateur par rapport à l’information qu’il rapporte. Le I est donc une option discursive proscrite dans la présentation et la mise en perspective des événements relatés. Il en est tout autrement des animateurs de talk-shows conservateurs où l’utilisation du I dans le traitement de l’actualité politique et sociétale indique que l’animateur parle en son nom propre.
La centralité de l’animateur est manifeste également dans la définition du contenu de l’émission, constitué des commentaires d’événements précis de l’actualité politique et sociétale, eux-mêmes sélectionnés sur la base de l’importance que l’animateur y accorde et selon des critères qu’il détermine seul. Ainsi, lors d’un entretien accordé à Robert M. Batscha, directeur du Museum of Television and Radio de New York [3], Rush Limbaugh précise que lui seul décide de l’ordre du jour : « Le but de cette émission est de parler des choses qui m’intéressent » [4] (Museum of Television). C’est là un autre aspect commun aux quatre émissions, car si les autres animateurs ne semblent pas produire de métadiscours sur le fonctionnement de leurs émissions, leur propos est ponctué de marqueurs discursifs signalant leur plein investissement dans le contenu de ce qu’ils relaient, ainsi que l’importance particulière qu’ils accordent aux sujets évoqués. Dans le talk-show radiophonique conservateur, l’animateur ne se limite donc pas à transmettre l’information de manière détachée mais prend pleinement à sa charge le contenu de ce qu’il rapporte et commente. Ainsi, la prépondérance de l’animateur dans la définition du contenu de l’émission, la prise en charge du contenu informationnel ainsi que l’affirmation du I comme pratique discursive dominante, sont les caractéristiques qui constituent le socle commun des dispositifs des talk-shows, et plus particulièrement du talk-show radiophonique conservateur.
La question du statut de l’animateur est toutefois un élément de divergence qui définit deux modèles de dispositifs. Dans l’un, la voix de l’animateur domine la discussion et, outre l’intervention des appelants et la diffusion de segments audio, est la seule voix à se faire entendre dans l’émission : cette caractéristique définit le ‘dispositif monophonique’, typique de The Rush Limbaugh Show. Dans l’autre, la voix de l’animateur demeure prépondérante mais n’exclut pas l’expression d’autres voix, celles de spécialistes, de figures politiques ou médiatiques et autres experts, invités à s’exprimer dans l’émission. C’est le cas de The Sean Hannity Show, The Laura Ingraham Show et The Savage Nation, émissions qui s’appuient sur un ‘dispositif polyphonique’.
Si l’animateur de talk-show radiophonique est typiquement maître absolu du dispositif, c’est un contrôle hégémonique qu’exerce Rush Limbaugh sur celui de The Rush Limbaugh Show, émission qu’il définit comme une dictature bienveillante : « C’est également une dictature bienveillante : c’est moi le dictateur. Il n’y a pas de Premier amendement ici, sauf pour moi » [5] (Limbaugh, 1994 : 00:09:47). L’animateur entend avoir un total contrôle de la parole et jouir seul de la liberté d’expression : il est donc unique source du droit et de la loi dans son émission, comme le suggère la référence au Premier amendement de la Constitution. Outre la façon dont elle définit le statut de la parole de l’appelant, cette conception de l’émission indique également que la voix de Rush Limbaugh exerce un monopole absolu sur la discussion. Ainsi, il précise que l’émission ne sollicite l’intervention d’aucun invité : « Il n’y a pas d’invités dans cette émission à moins qu’ils n’appellent comme tout le monde. Nous ne prévoyons ni ne programmons d’entretiens ici » [6] (Limbaugh, 1994 : 00:09:24). Aucune valeur n’est donc reconnue à la parole de l’expert, du spécialiste ou de l’homme politique qui se voit reléguée au rang de parole ordinaire. Dominé par la seule voix de l’animateur, le dispositif de The Rush Limbaugh Show est donc monophonique.
Outre que la sélection des événements et des faits d’actualité disséqués à l’antenne est définie par l’animateur – comme c’est le cas des autres émissions – il ne semble pas y avoir, dans l’émission de Rush Limbaugh, d’autre interprétation acceptable que celle qu’en propose l’animateur qui se pose ainsi comme seul contre-expert des questions de société et des événements politiques du moment : « C’est aussi une émission, il faut que je le précise, dédiée exclusivement à ce que je pense. On n’est pas là à essayer de savoir ce que quelqu’un d’autre pense en tant que tel ». [7] (Limbaugh, 1994 : 00:11:08). L’émission de Rush Limbaugh apparaît comme l’archétype de l’émission personnalisée en ce que l’opinion de l’animateur en constitue à elle seule le contenu. De ce point de vue, le dispositif de The Rush Limbaugh Show est donc un dispositif verrouillé.
Ainsi, la prépondérance de l’animateur va-t-elle bien au-delà de sa simple maîtrise du dispositif : elle s’affirme par la mystification de la personne même de Rush Limbaugh. L’auditeur se branche donc sur The Rush Limbaugh Show en toute connaissance de cause et accepte l’hégémonie de l’animateur sur l’ensemble du dispositif et sur lui-même, par son adhésion au phénomène Limbaugh qui scelle le pacte spectatoriel, l’horizon d’attente des auditeurs en ce qui concerne la teneur du contenu diffusé (Charaudeau, 2005).
Bien qu’ils en restent maîtres, Laura Hannity, Sean Ingraham et Michael Savage n’exercent pas ce contrôle hégémonique sur le dispositif de leur émission du fait principalement qu’ils ménagent un espace d’expression à d’autres voix que la leur. Ils gardent, certes, la maîtrise absolue du contenu éditorial et de la sélection des événements qui font l’objet de la discussion mais le dispositif s’appuie sur l’intervention d’invités dont ils sollicitent le point de vue et l’analyse sur un sujet donné : il s’agit donc d’un dispositif polyphonique. Les invités sont des personnes dont les animateurs reconnaissent l’expertise dans un domaine précis, ou des figures politiques, presque exclusivement des conservateurs, à qui ils offrent une tribune.
Laura Ingraham, Sean Hannity et Michael Savage assoient donc leur légitimité sur la pertinence de leurs idées, leur adhésion à des valeurs qu’ils estiment supérieures et leur analyse des enjeux de l’actualité politique et sociétale, elle-même validée et légitimée par l’intervention d’experts. Leurs émissions mettent l’accent uniquement sur la promotion active du conservatisme, et non sur la personne de l’animateur. À cet égard, bien qu’elles soient des émissions personnalisées, The Laura Ingraham Show et The Sean Hannity Show ne produisent pas de métadiscours sur la personne de l’animateur, contrairement à The Rush Limbaugh Show. Il n’y a donc pas de processus de starisation, encore moins de mystification.
Pour finir, le positionnement de Laura Ingraham et de Sean Hannity n’est pas celui du loup solitaire à la Rush Limbaugh. Chacun cherche, certes, à se différencier mais leurs liens avec l’establishment médiatique sont clairement revendiqués au cours des émissions, ainsi que ceux qu’ils entretiennent avec certains membres du Parti républicain. L’adhésion de l’auditeur au discours est ainsi motivée par l’appartenance de l’animateur à cet establishment médiatique conservateur, élément qui scelle le pacte spectatoriel de ce dispositif polyphonique.
La présence du public se manifeste en partie par l’échange verbal direct, mais ce n’est pas là le mode d’interaction principal entre l’animateur et celles et ceux à qui il s’adresse. L’animateur ne consacre en effet que peu de temps d’émission à l’intervention directe des auditeurs sur les ondes. À titre d’exemple, au cours de la semaine du 12 au 16 avril 2010, le temps le plus long que Rush Limbaugh ait consacré à l’intervention des auditeurs est 24 minutes, ce qui, ramené au temps total de parole d’1h 47 min 20 s hors pauses publicitaires [8], revient à 22,4%. Ce temps d’échange avec les auditeurs peut descendre jusqu’à 12 minutes, comme ce fut le cas de Laura Ingraham le 12 avril, ce qui équivaut à 11,3% du temps de parole total d’1h 46 min 20 s. Ainsi, ce simple calcul – qui montre que le temps dédié aux appelants n’atteint jamais le quart du temps de parole – indique donc que dans les émissions de talk radio, celui qui parle (talk) est donc principalement l’animateur, une situation paradoxale dans la mesure où l’intention annoncée de ces émissions est précisément de donner la parole aux auditeurs.
En fait, le dialogue réel est très largement supplanté par une forme de dialogue symbolique. Ainsi, pendant les 80% de temps d’émission qui ne sont pas consacrés aux interventions des appelants, l’animateur est là encore engagé dans un dialogue : il ne parle jamais tout seul. À cet égard, chaque animateur ouvre son émission par une formule de salutation qui signale le début de la conversation qu’il engage avec l’auditeur. Laura Ingraham a pour coutume de le gratifier d’un « Vous écoutez votre saine addiction radiophonique, 800-876-4123 » [9] (Ingraham, 2010a : 00:02:26) et Sean Hannity débute son émission par un « Nous sommes là, nous sommes contents que vous soyez avec nous. Notre numéro gratuit 800-941-SEAN, si vous voulez participer à l’émission » [10] (Hannity, 2010a : 00:00:10). Michael Savage ne salue pas toujours ses auditeurs en ouverture du programme, et lorsqu’il le fait, c’est généralement après un long développement inséré entre le début de l’émission et sa formule de salutation, sur l’un des sujets majeurs qu’il va évoquer.
L’animateur s’adresse donc bien à quelqu’un, à un auditeur qui n’est pas dépourvu de réactions, qui bien qu’absent du studio où des ondes, acquiesce, s’interroge, s’irrite, se gausse, accusant ainsi pour lui-même bonne réception du message qui lui est adressé. Le discours de l’animateur trouve donc sa raison d’être dans la projection de l’échange conversationnel dans lequel il s’incarne, tel qu’en témoigne Rush Limbaugh qui a pour habitude de saluer ses auditeurs ainsi : « Greetings… Greetings to you music-lovers, thrill-seekers and conversationalists all across the fruited plain ! » [ « Bonjour… bonjour à vous amateurs de musique, amateurs de sensations fortes et causeurs à travers ce pays d’abondance ! » ] (Limbaugh, 2008 : 00:00:20). Le terme « conversationalists », qui désigne une personne douée pour la conversation et que l’on pourrait traduire par causeur, signale que c’est bien d’un échange avec l’auditeur dont il s’agit. Si l’auditeur ne participe pas physiquement à l’émission en faisant entendre sa voix, il n’en est pas pour autant absent et sa présence symbolique s’incarne dans les marqueurs dialogiques qui émaillent le discours de l’animateur et entretiennent ainsi le lien conversationnel.
Les marqueurs discursifs que mobilisent les animateurs pour entretenir le lien conversationnel avec l’auditeur sont de nature très diverse et peuvent être classés en cinq catégories principales : fillers, vocatifs, impératifs, formes interrogatives et utilisation des pronoms you et we.
Le terme de fillers renvoie aux sons ou aux mots qu’un interlocuteur mobilise dans une conversation pour signaler qu’il marque un court temps de pause pour réfléchir à la formulation de son propos. Les animateurs de talk-shows conservateurs recourent constamment à ces filler words de façon à appuyer l’idée qu’ils s’apprêtent à développer. Ainsi, le you know inséré entre deux constituants de la phrase apparaît comme l’un des fillers de prédilection des animateurs, tel Rush Limbaugh qui, évoquant le président russe Vladimir Poutine affirme : « It’s amazing, you know, Putin doesn’t like the Poles, he doesn’t like the Czechs… » [ « C’est incroyable, vous savez, Poutine n’aime pas les Polonais, il n’aime pas les Tchèques… »°] (Limbaugh, 2010a : 00:04:12). Guess what est très largement utilisé également, à l’instar de Laura Ingraham lorsqu’elle vilipende la politique de Barack Obama en matière de programme spatial : « Ok, guess what,… Obama spending more on space and getting less bang for the buck ! » [ « D’accord, devinez quoi… Obama qui dépense plus dans le domaine de l’espace sans qu’il en ait pour son argent ! » ] (Ingraham, 2010d : 01:08:40). Enfin, look compte parmi les filler words les plus usités dans le discours des animateurs, comme le montre Sean Hannity lorsqu’il dénonce l’existence d’un complot sociolibéral visant à réduire au silence les figures du talk-show radiophonique : « Look… I can tell you right now, there is an organized effort constantly to silence talk radio » [ « Ecoutez, je peux vous dire tout de suite qu’il y a une action concertée pour constamment réduire les émissions de talk-show au silence » ] (Hannity, 2010a : 00:27:19). Bien que guess what et look prennent en apparence la forme d’un interrogatif et d’impératif respectivement, ils n’ont pas pour fonction de poser une question authentique ou d’intimer un ordre.
La présence de ces filler words dans le discours des animateurs constitue un symptôme de ce qui est désigné en linguistique par le terme de disfluences (disfluencies). Si l’utilisation des filler words dans la conversation signale le besoin de l’interlocuteur de marquer une pause pour organiser sa pensée ou opérer un choix dans les options langagières qui s’offrent à lui, elle remplit également une fonction de structuration de l’échange, comme le soulignent la linguiste Heather Bortfeld et son équipe : « Si les disfluences telles que les fillers ont une fonction communicationnelle, elles peuvent aussi fournir de l’information qui permet à deux personnes en conversation de mieux coordonner l’interaction, structurer la prise de parole ou adapter leur état mental l’un à l’autre ». [11] (Bortfield et al., 2001 : 125). Ainsi, les filler words jouent un rôle de régulateur de la conversation en ce qu’ils coordonnent la prise de parole en indiquant que celui ou celle qui parle est simplement en train de ralentir le débit de son discours, non de clore son intervention. Dans une conversation en face à face, les filler words ont pour effet de signaler à l’interlocuteur que ce n’est pas encore à lui de prendre la parole. Dans le contexte de la conversation in absentia de l’animateur de talk-show avec ses auditeurs, leur présence peut être analysée comme remplissant une fonction de maintien du lien conversationnel avec un auditeur qui peut à tout moment se brancher sur une autre station de radio ou simplement éteindre son poste. Elle marque en tout cas la volonté de l’animateur d’indiquer qu’il est bien ‘en conversation’ avec celui ou celle qui écoute.
L’utilisation de vocatifs pour s’adresser aux auditeurs constitue une deuxième catégorie de marqueurs discursifs signalant l’inscription du public dans le discours. Rush Limbaugh semble être celui des quatre animateurs qui y recourt le plus. Le terme folks est pleinement intégré à son discours, si bien qu’on peut en dénombrer jusqu’à vingt-quatre occurrences au cours d’une même émission, comme ce fut le cas le 3 mai 2004 (Limbaugh, 2004). Six ans plus tard, le terme figure toujours au lexique de l’animateur qui l’emploie par exemple pour amorcer le récit d’une soirée de gala à laquelle il a participé : « Folks, before we get to the economic news […] I have to tell you what I did over the weekend. » [ « Les gars, avant que nous passions aux informations économiques […] il faut que je vous dise ce que j’ai fait ce week-end. » ] (Limbaugh, 2010a : 00:19:26).
Variante de folks, you people est également un élément de son lexique, comme en témoigne son évocation des photographies montrant des soldats américains se livrant à des actes de torture sur des prisonniers iraquiens d’Abou Ghraïb : « And these American prisoners of war — have you people noticed who the torturers are ? » [ « Et ces prisonniers de guerre américains – vous avez vu qui sont les tortionnaires ? » ] (Limbaugh, 2004). Enfin, l’animateur s’adresse également aux auditeurs en les désignant par le terme de friends : « You know, my friends, I have a favorite Shakespeare’s quote [sic] that I frequently use on this broadcast » [ « Les amis, il y a une citation de Shakespeare que j’utilise souvent dans cette émission » ] (Limbaugh 2010a : 00:12:42). Les termes folks, you people, my friends au vocatif opèrent comme des rappels constants du rapport conversationnel, permettent de compenser, dans le discours, la distance qui sépare l’animateur des auditeurs, tout autant qu’ils renforcent le lien d’intimité entre les deux. Dans deux de ces trois exemples, le recours au vocatif précède l’évocation de quelque chose qui se fait pratiquement sur le ton de la confidence, comme dans le contexte d’une conversation en face à face où l’un des interlocuteurs prononcerait le nom de la personne à laquelle il s’adresse pour préparer l’annonce de ce qu’il souhaite lui dire.
En troisième lieu, l’inscription du public des talk-shows radiophoniques conservateurs dans le discours se manifeste par l’utilisation de formes verbales à l’impératif dont les animateurs semblent tous faire une utilisation soutenue. Ce mode est souvent utilisé dans sa fonction conative, à l’instar d’Ingraham qui suggère aux auditeurs de se rendre sur le site de son émission : « Make sure you go to the website lauraingraham.com, Shut Up and Blog !, great items up there, share them with your friends […]. And become a Freedom Czar, Laura 365 member, laugh and learn all at the same time and get all that great discounts on all the Laura gear […] » [ « N’oubliez pas de vous rendre sur le site lauraingraham.com, “Shut up and blog !”, il y a des articles sympas, partagez-les avec vos amis […]. Et devenez un défenseur de la liberté, membre de “Laura 365”, riez et instruisez-vous en même temps et obtenez toutes ces réductions sur le merchandising “Laura” […] » ] (Ingraham, 2010d : 01:29:02). Il s’agit dans ce cas d’inviter l’auditeur à prolonger la conversation en prenant connaissance d’informations complémentaires publiées sur le site et, ce faisant, d’en assurer la promotion.
Les autres occurrences de verbes à l’impératif signalent une utilisation plus stratégique du mode. Ainsi, alors qu’il évoque le déroulement du recensement de 2010 et le retard des résidents des zones urbaines – qu’il identifie aux minorités ethniques – dans le renvoi des formulaires, Rush Limbaugh s’exclame : « Well, look at this ! This is from the state-controlled AP, “With five days left for people to return their census forms, the Census Bureau director […] on Monday urged those living in big cities and border regions to step up the response […]” » [ « Eh bien, regardez-moi ça ! Ça vient d’Associated Press que contrôle l’Etat, “Avec seulement cinq jours encore pour que les gens puissent renvoyer leur formulaire de recensement, lundi le directeur du bureau du recensement […] a encouragé ceux qui vivent dans les grandes agglomérations et les régions avoisinantes à faire parvenir leur réponse plus rapidement […]” » ] (Limbaugh, 2010a : 00:01:13). Le recours à l’impératif constitue dans ce contexte un tour stylistique visant à attirer l’attention de l’auditeur sur une situation interpellante dont ce dernier est invité à prendre la pleine mesure. Deux jours plus tard, évoquant la mise en place de ce qu’il perçoit comme une médecine de type socialiste, Sean Hannity suggère quant à lui : « Imagine what this nation will look like, what this nation will become if this ever occurs » [ « Imaginez ce à quoi va ressembler cette nation, ce que cette nation va devenir si jamais cela arrive » ] (Hannity, 2010c : 00:11:39). L’usage de l’impératif est ici mis à profit pour enjoindre l’auditeur à envisager une situation fictive défavorable, de manière à lui faire prendre conscience de ce que Sean Hannity considère comme une situation des plus graves.
Enfin, le mode impératif semble être mobilisé plus généralement pour inciter l’auditeur à effectuer une action ayant une portée politique. Évoquant le phénomène des autocollants pour voiture portant la mention « Hug a Rich Person », Laura Ingraham conclut : « And please, please, follow what I’m asking you to do : do hug a rich person » [ « Et s’il-vous-plaît, s’il-vous-plaît, faites ce que je vous dis : donnez bien une accolade à un riche » ] (Ingraham, 2010d : 01:44:34). L’accolade que Laura Ingraham demande à ses auditeurs de faire constitue un geste de contestation de la doxa sociolibérale qui à ses yeux criminalise la réussite économique. L’impératif dans son sens le plus politique est employé par Sean Hannity alors qu’il encourage les auditeurs à la mobilisation dans le contexte de la campagne des primaires républicaines en vue des élections de mi-mandat de novembre 2010 :
« And for all of you that participated at any point throughout this year and in the last fifteen months—whatever it’s been, since the election of Barack Obama […] I am just gonna say, keep your passion alive, keep your passion alive ! Stay engaged, stay involved, never back off your principles, your values, the things that make this country great […] » [ « Et pour tous ceux d’entre vous qui se sont impliqués à un moment ou à un autre cette année ou au cours des quinze derniers mois […] depuis l’élection de Barack Obama et sa tentative de transformer l’Amérique – je vais simplement vous dire, faites vivre votre passion, faites vivre votre passion ! Continuez à vous engager, continuez à vous impliquer, ne revenez jamais sur vos principes, vos valeurs, les choses qui font de ce pays un grand pays […] » ] (Hannity, 2010e : 00:01:29).
L’accumulation des verbes à l’impératif, qui confère un rythme saccadé à l’énoncé de l’animateur, vise à stimuler l’implication politique des auditeurs dans leur action en faveur des valeurs conservatrices. Il semble que cet emploi de l’impératif soit une spécificité de Sean Hannity, ce qui apparaît pleinement cohérent avec le rôle de supporter des citoyens conservateurs qu’il s’est attribué pendant la campagne des élections de mi-mandat de l’année 2010 (Mort, 2012a : 503).
L’utilisation des questions, dont le fonctionnement est intersubjectif, est un autre indicateur important du lien conversationnel entre l’animateur et son public, et constitue une caractéristique commune de la stratégie discursive des quatre animateurs. Il ne s’agit pas de questions authentiques visant à combler un vide informationnel, mais bien d’outils discursifs contribuant à la progression du discours de l’animateur. Rush Limbaugh ouvre ainsi son émission du 5 mars 2008 : « You know what song I’ve been listening to here to get jazzed up and get ready for the program today ? » [ « Vous savez quelle chanson j’ai écouté en venant ici pour me motiver et me préparer pour l’émission ? » ] (Limbaugh, 2008 : 00:00:05). De même, alors qu’il démontre les choix politiques clairement définis qui s’offrent au citoyen au moment où s’ouvre la campagne des primaires, Sean Hannity déclare : « You know what it is ? […] It’s liberty versus tyranny : either you believe in freedom and liberty and free market and limited government and balanced budgets and fiscal responsibility and strong national defense, or you don’t » [ « Vous savez de quoi il s’agit ? […]C’est la liberté contre la tyrannie : soit vous croyez en la liberté et le libre-échange et l’intervention limitée de l’État et l’équilibre budgétaire et la responsabilité fiscale et une défense nationale forte, ou pas » ] (Hannity, 2010d : 00:21:45). Dans ces deux cas, ces questions sous forme de déclaratives à intonation montante n’ont autre fonction que de mettre en suspens ce que l’animateur s’apprête à évoquer ou l’opinion qu’il souhaite énoncer, en maintenant l’attention de l’auditeur. En d’autres termes, elles remplissent une fonction d’amorçage de l’exposé d’une proposition dont le contenu n’en est que d’autant plus fortement asserté.
Un second type de questions semble se détacher de la somme des tournures à la forme interrogative, questions qui s’apparentent à la catégorie des questions rhétoriques. À titre d’exemple, alors qu’elle s’indigne des décisions du président Obama prises en matière de recherche spatiale, Laura Ingraham s’interroge : « Does that… does any of that make sense to you ? Does any of that make you feel better about where we are… in not only space but just this idea of America as number one ? Does it matter to you ? » [ « Est-ce que… est-ce qu’il y a quelque chose dans tout ça qui vous paraît sensé ? Est-ce qu’il y a quelque chose dans tout ça qui vous rassure sur là où nous en sommes… non seulement dans le domaine de l’aérospatiale mais simplement par rapport à cette idée de l’Amérique en tant que numéro un ? Est-ce que ça vous importe ? » ] (Ingraham, 2010d : 00:24:44). De façon similaire, Sean Hannity récuse la solution d’un troisième parti pour incarner les principes du conservatisme quand, selon lui, la nouvelle génération de Républicains à la Chambre des représentants a fait la preuve de son intégrité idéologique et de son dynamisme :
« Why would you wanna get rid of Mike Pence ? Why would you wanna get rid of Michelle Bachmann ? Why would you wanna get rid of Eric Cantor ? Why would you wanna get rid of Paul Ryan ? Why would you wanna get rid of any of the strong, solid conservatives that have fought hard night and day against Obamacare, Cap and Tax, the stimulus, that are standing for conservative principles, advancing the conservative movement… Why would we wanna get rid of them ? » [ « Pourquoi vouloir se débarrasser de Mike Pence ? Pourquoi vouloir se débarrasser de Michelle Bachmann ? Pourquoi vouloir se débarrasser d’Eric Cantor ? Pourquoi vouloir se débarrasser de Paul Ryan ? Pourquoi vouloir se débarrasser des conservateurs purs et durs qui ont combattu avec âpreté jour et nuit la réforme de santé, le plafonnement des impôts, le plan de relance, qui se battent pour les principes du conservatisme, qui font avancer le mouvement conservateur… Pourquoi vouloir se débarrasser d’eux ? » ] (Hannity, 2010d : 00:18:00).
Michael Savage recourt également à ce procédé pour évoquer le déclin des valeurs de la famille et l’incurie des hommes politiques comme des représentants religieux en la matière :
« When have you last heard them talk about their original congregants being family people ? When have you last heard the church or the synagogue talk about the beauty of family, the sacred nature of motherhood ? When have you last heard a word about fatherhood ? When have you seen the word motherhood or fatherhood recently ? » [ « Quand les avez-vous entendu parler pour la dernière fois des membres de la congrégation dont ils sont issus comme de personnes attachées à la famille ? Quand avez-vous entendu pour la dernière fois l’église ou la synagogue parler de la beauté de la famille, du caractère sacré de la maternité ? Quand avez-vous entendu pour la dernière fois un mot sur la paternité ? Quand avez-vous vu le mot maternité ou paternité récemment ? » ] (Savage, 2010 : 00:52:56).
Le point commun à l’utilisation que font ces trois animateurs de la forme interrogative réside dans le fait que les questions qu’ils formulent ont pour fonction d’asserter le contenu de la proposition qu’elles semblent mettre en suspens. Ainsi, l’auditeur comprend que les décisions de Barack Obama n’ont aucun sens aux yeux de Laura Ingraham et que la perte de vitesse des États-Unis dans la conquête de l’espace est bel et bien un problème de première importance, tout comme il reçoit très clairement le message de Sean Hannity selon lequel il est plus que souhaitable que la génération des jeunes Républicains continue à officier à la Chambre.
La référence implicite à la figure de l’auditeur s’incarne enfin dans l’utilisation des pronoms. En premier lieu, l’utilisation du I apparaît dans certains cas comme le signal de la présence symbolique de l’auditeur. En effet, si l’utilisation de la première personne du singulier et du pluriel peut-être neutre – comme lorsque Sean Hannity annonce ce dont il va parler dans les minutes suivantes (« I’m gonna go about the tax structure in a minute » [ « Je vais évoquer la structure fiscale dans une minute » ], Hannity, 2010c : 00:11:35) – elle a le plus souvent une visée stratégique. En effet, cette utilisation du I dans le traitement de l’actualité politique et sociétale indique que l’animateur parle en son nom propre. Évoquant les politiques interventionnistes de Barack Obama, il déclare : « I am getting more afraid every day, I really am. Just when I think it can’t get worse, it gets worse » [ « J’ai de plus en plus peur chaque jour, vraiment. Au moment pile où je me dis que ça ne peut pas empirer, ça empire » ] (Hannity, 2010c : 00:13:25). L’auditeur est donc invité à apprécier la gravité de la situation, non pas sur la base des faits exposés en amont, mais par identification à l’animateur : si Sean Hannity a peur, l’auditeur devrait avoir peur également. Il s’agit d’un I affirmé qui se veut gage de fiabilité et de vérité de ce dont il évoque.
En deuxième lieu, dans le contexte de ce qui se veut un échange conversationnel avec l’auditeur, l’utilisation du you pour s’adresser directement à lui apparaît comme une évidence. Si les animateurs emploient le pronom de la deuxième personne de façon neutre (« I was overwhelmed, I have to tell you. » [ « J’étais bouleversé, je dois vous dire. » ], Limbaugh, 2010a : 00:19:26), ils utilisent ce dernier principalement de façon stratégique. Ainsi, Sean Hannity s’appuie-t-il sur la figure de l’auditeur pour démontrer les ramifications de la prétendue action concertée des sociolibéraux pour mettre à mal les talk-shows radiophoniques conservateurs :
« And if you follow the money and all of this, you’ve got a well-connected orchestrated left wing conspiracy if you will, just to quote the Clintons. And that is, you’ve got an echo chamber that they have created, you’ve got this incestuous relationship with the Unions, you’ve got their own little think tanks that they put together […] » [ « Et si vous suivez le circuit financier et tout ça, vous avez un complot de gauche orchestré et bien connecté si vous voulez, pour citer les Clinton. Et c’est-à-dire que vous avez une chambre d’écho qu’ils ont créée, vous avez cette relation incestueuse avec les syndicats, vous avez leurs propres petits comités d’experts qu’ils ont mis en place […] » ] (Hannity, 2010a : 00:27:19).
Bien que you présente ici une valeur générique et pourrait être substitué par one, son utilisation indique que l’auditeur/co-énonciateur est pris comme représentant de la classe de tous les animés humains. Outre son appartenance au registre familier, you instaure une connivence avec le co-énonciateur et vise à souligner l’incidence sur l’auditeur que pourrait avoir une telle atteinte à la liberté d’expression : il s’agit là de faire en sorte que le problème dénoncé par l’animateur devienne également celui de l’auditeur. C’est ce même emploi que fait Michael Savage quand il s’insurge contre ce qu’il perçoit comme le favoritisme de l’État envers les familles d’immigrants : « Notice how they speak so glowingly about immigrants and their families and family values ? And how they spit upon you and your family, did you notice this ? » [ « Avez-vous remarqué la façon élogieuse dont ils parlent des immigrés et de leurs familles et des valeurs de la famille ? Et comme ils crachent sur vous et votre famille, avez-vous remarqué ? » ] (Savage, 2010 : 00:52:56). Enfin, l’emploi du you se fait parfois conjointement avec celui du I, comme lorsque Rush Limbaugh commente sa participation au Horatio Alger Awards Dinner, manifestation au cours de laquelle sont honorés des citoyens étant parvenus à se distinguer par leurs accomplissements hors du commun, et ce, malgré leurs origines modestes : « It was a brief foray into the America that you and I love and know, and yearn for again » [ « Ce fut une brève incursion dans l’Amérique que vous et moi connaissons, et que nous désirons ardemment retrouver » ] (Limbaugh, 2010a : 00:27:03). Par cette association, l’animateur invite l’auditeur à s’identifier à lui dans une nostalgie commune pour une Amérique mise à mal par l’Administration Obama et qu’il s’agirait de faire renaître.
À cette association des pronoms de la première et deuxième personne du singulier se substitue parfois l’emploi du pronom de la première personne du pluriel. Ce we est différent de celui que peuvent employer les présentateurs de journaux télévisés. Ainsi, dans les journaux télévisés, la première personne du pluriel constitue la norme discursive : il s’agit d’un we qui renvoie à l’équipe éditoriale qui prépare le journal, comme celui qu’utilise Diane Sawyer en introduction d’un reportage sur le Tea Party en septembre 2010 : « And we have another victory to report for the Tea Party tonight against a mainstream Republican » [ « Et nous avons à présenter une autre victoire du Tea Party ce soir contre un Républicain centriste » ] (ABC World News, 09/01/2010). Ici, we désigne l’ensemble des personnes ayant contribué à l’édition du jour, donc toute la chaîne humaine en amont du journal dont la production du contenu est une entreprise collective. À noter qu’il est employé dans une tournure modale qui vise à distancier l’animateur de la nouvelle qu’il présente, un procédé récurrent dans les journaux télévisés. Ainsi, le présentateur ne tarit pas de périphrases telles que « we learnt today that » [« nous avons appris aujourd’hui que » ] ou « we now know that » [« nous savons que » ] qui sont des rappels constants du processus de mise à distance. Enfin, le présentateur utilise la première personne typiquement au moment de prendre congé des téléspectateurs, à la façon de Brian Williams le 12 avril 2010 : « This is our broadcast for our Monday night […], thanks for being with us, I’m Brian Williams. As always, we hope to see you tomorrow ! » [ « C’était notre journal du lundi soir […] merci d’être avec nous, mon nom est Brian Williams. Comme toujours, nous espérons vous voir demain ! » ] (NBC Nightly News, 04/12/2010 : 00:22:04). Là encore, il s’agit d’un nous collectif signalant que l’animateur parle au nom de l’équipe qui travaille à la réalisation du journal.
Il en est tout autrement des animateurs de talk-shows conservateurs qui utilisent abondamment le we inclusif, à l’image de Rush Limbaugh et Laura Ingraham lorsqu’ils évoquent la loi de réforme de santé. À cette occasion, Rush Limbaugh affirma : « we now know what the bill does to us » [ « Nous savons désormais comment la loi nous affecte » ] (Limbaugh, 2010b : 00:45:14). Laura Ingraham déclara quant à elle :
« Remember we were told our options were not going to be diminished, that our healthcare liberty was not going to be intruded upon, and we find out, when you get into the weeds of this law, that in fact the opposite is the case : we will have fewer options, we will have more government control, we will have increased regulations […] » [ « Souvenez-vous qu’on nous disait que nos choix ne seraient pas réduits, que notre liberté en matière de couverture médicale ne serait pas enfreinte, et nous découvrons, quand on se penche sur la complexité de cette loi, qu’en fait, c’est le contraire qui se passe : nous allons avoir moins de choix, nous allons subir davantage de contrôle de l’Etat, nous allons subir davantage de réglementations » ] (Ingraham, 2010a : 00:52:41).
Ce we est celui de la communauté de vues que forment l’animateur et les auditeurs conservateurs, que ce dernier convoque à des fins de polarisation du débat. Là où le we des présentateurs de journaux télévisés est exclusif et n’inclut pas le téléspectateur, le we des animateurs de talk-shows radiophoniques a donc le plus souvent une visée stratégique. Il faut entendre dans ce nous, qui dépasse le cadre des auditeurs de l’émission, ‘nous, conservateurs’ ou ‘nous, citoyens victimes des politiques d’Obama’ par exemple, ainsi que le confirme Sean Hannity : « We have a lot in common with each other. We all love this country, […] we hate unfair taxes, we hate government waste, we all understand freedom, we love our Constitution. » [ « Nous avons beaucoup de choses en commun les uns avec les autres. Nous aimons tous ce pays, […] nous détestons les impôts injustes, nous détestons le gaspillage d’Etat, nous comprenons tous le sens de la liberté, nous aimons notre constitution. » ] (Hannity, 2010e : 00:11:35).
Le recours à la stratégie d’inscription du public dans le discours ne se limite pas à son seul intérêt discursif mais il a également une signification sur le plan politique. L’utilisation systématique de marqueurs discursifs pour signifier le lien conversationnel entre l’animateur et l’auditeur remplit deux fonctions.
D’une part, une telle stratégie discursive vise à forger une représentation du conservateur-type à laquelle les auditeurs sont invités à s’identifier, afin de définir le public comme un groupe politique homogène aux contours clairement définis et à l’allégeance politique stable. Ce processus semble participer du tournant démotique (demotic turn) décrit par Graeme Turner dans Ordinary People and the Media paru en 2010. Phénomène qui émerge au début des années quatre-vingt, l’inclusion du citoyen ordinaire dans les médias a été accueillie par les analystes politiques comme une rupture salutaire avec les pratiques des médias de référence perçus comme trop détachés du quotidien des gens. Graeme Turner réfute toutefois l’argument selon lequel l’inclusion des anonymes dans les contenus médiatiques sert une visée démocratique et, à partir du concept de tournant démotique, met en lumière un changement significatif des deux dernières décennies dans le rapport des médias aux anonymes.
Il définit le concept en ces termes : « J’ai inventé l’expression de ‘tournant démotique’ comme terme de prédilection pour désigner la visibilité croissante des ‘gens ordinaires’ résultant du fait qu’ils sont devenus des contenus médiatiques par le biais de la culture de la célébrité, de la téléréalité, des sites à faire soi-même, des talk-shows radiophonique et des choses de ce genre » [12] (Turner, 2010 : 2). Il défend ainsi la thèse que d’une fonction de « médiation » de l’identité des différents groupes socioéconomiques et culturels qui composent les sociétés occidentales, les médias ont glissé progressivement vers une fonction de « production » de cette identité (Turner, 2010 : 3). Ainsi, selon la théorie du tournant démotique, les gens ordinaires qui sont représentés dans les médias ne sont pas des individus dont l’identité propre et authentique serait rendue visible au public, mais bien des individus factices à l’identité créée de toutes pièces.
Par la dimension uniquement symbolique de la conversation entre l’animateur et le public, et le recours à des marqueurs discursifs qui sont autant d’outils mobilisés pour façonner la figure de l’auditeur, le talk-show radiophonique conservateur semble s’inscrire pleinement dans le tournant démotique tel que le définit Graeme Turner. Loin d’être réelle, l’identité conservatrice qui prend corps dans le lien conversationnel entre l’animateur et l’auditeur est en fait créée de toutes pièces par le dispositif de production des émissions, particulièrement sous l’influence de la toute-puissance de l’animateur. L’inexistence du droit de suite du public et l’utilisation de marqueurs discursifs à la portée quasi hégémonique qui forcent l’identification à l’animateur, définissent un archétype du citoyen conservateur qui reflète davantage la conception qu’en a celui ou celle qui se trouve derrière le micro que la réalité.
Ce processus de création fait de Rush Limbaugh et ses homologues les Prométhée radiophoniques d’un idéal-type du conservateur, donné à entendre au public comme un modèle auquel il est invité à s’identifier. Le conservateur idéal représenté à l’antenne est un individu qui adhère pleinement aux fondamentaux de l’orthodoxie du conservatisme et qui défend des positions nécessairement tranchées, qui ne souffrent pas le débat ni le compromis. Il est également un citoyen dont les droits, voire la survie, sont constamment menacés par l’establishment sociolibéral. Ainsi, l’inscription du public dans le discours (audience in discourse) est un élément essentiel du dispositif car il constitue la caution populaire du discours de l’animateur.
En corollaire, le recours à cette stratégie discursive vise à générer et stimuler le sentiment d’appartenance de l’auditeur à une communauté de vues formée par le public, l’animateur et l’ensemble des citoyens conservateurs. Pour le dire en empruntant un concept de sociologie des relations interethniques, une telle stratégie opère comme le catalyseur d’un processus de communalisation (Juteau, 1999 : 14) du groupe des conservateurs. À cet égard, le recours au we inclusif comme marqueur discursif récurrent est particulièrement éclairant. Parce qu’il sous-entend une cohésion de groupe, il est à opposer au them des sociolibéraux des sphères politique et médiatique dans le rapport avec lequel il se définit. Pas plus qu’ils ne sauraient être réduits à un ensemble distinctif de traits culturels (Juteau, 1999 : 15), les groupes sociaux, dont les conservateurs, ne sauraient se définir uniquement par la perception qu’ils ont de leur spécificité historique, sociale et politique. Ils se construisent principalement dans les rapports sociaux par un processus de communalisation qui s’enclenche lorsque le rapport social est inégalitaire et qu’une communauté d’individus est reléguée à la marge de la société. Ce qui définit la minorité ou le minoritaire n’est donc pas son nombre mais son rapport à l’autre d’une part, et au pouvoir – qu’il soit politique, économique ou médiatique – d’autre part. Dès lors que l’inégalité du rapport met en danger l’humanité commune des individus, le processus de communalisation est activé : « Si les identités […] s’activent aussi rapidement, c’est qu’elles correspondent à quelque chose de vital en nous, à quelque chose de concret qui se sent menacé ou méprisé » (Juteau, 1999 : 15). Dans la vision binaire de la société promue sur les ondes des talk-shows conservateurs, l’autre du conservateur, c’est le sociolibéral, voire celui qui n’est pas ou pas assez conservateur, et qui constitue une menace pour l’identité conservatrice.
Ainsi, en ultime analyse, par les phénomènes d’identification à une identité conservatrice factice d’une part, et de communalisation du groupe conservateur d’autre part, l’inscription du public dans le discours d’un animateur de radio exerçant un contrôle absolu du dispositif de son émission a pour effet de contribuer à la polarisation du débat politique. Il s’agit pour l’animateur et l’auditeur de parler entre soi de l’autre sociolibéral, des caractéristiques du groupe auquel il appartient et des menaces qu’il fait peser sur la communauté des conservateurs, groupe majoritaire minorisé par la collusion entre le pouvoir sociolibéral et les médias de masse grand public. Le recours à cette stratégie discursive n’a donc d’autre finalité que de définir un groupe interne (in-group) de conservateurs opposé au groupe externe (out-group) des sociolibéraux s’affrontant dans le cadre plus général du combat politique et des guerres pour l’identité (culture wars) qui se jouent au sein de la société américaine. Sur le plan strictement politique, cette stratégie semble porter ses fruits dans la mesure où les auditeurs de talk-shows radiophoniques conservateurs semblent être davantage impliqués dans la vie politique que les non-auditeurs (Barker, 1998) et parviennent même à faire basculer le vote en faveur des candidats républicains lors de certaines échéances politiques (Bolce et al., 1996 : 461).
Appel Violaine, Boulanger Hélène, Massou Luc (2010), « Dispositif[s] : discerner, discuter, distribuer », dans Les dispositifs d’information et de communication. Concepts, usages et objets, Appel Violaine, Boulanger Hélène, Massou Luc (dirs.), Bruxelles, De Boeck, pp. 9-16.
Barker David C. (1998), « The Talk-Radio Community : Non-traditional Social Networks and Political Participation », Social Science Quarterly, 79 (2), pp. 273-286.
Bolce Louis, De Maio Gerald, Muzzio Douglas, (1996), « Talk Radio and the 1994 Election », Political Science Quarterly, 111 (3), pp. 457-481.
Bortfeld Heather, Leon Silvia D., Bloom Jonathan E., Schober Michael F., Brennan Susan E., (2001), « Disfluency Rates in Conversation : Effects of Age, Relationship, Topic, Role, and Gender », Language and Speech, 44 (2), pp. 123-147.
Charaudeau Patrick (2005), Les Médias et l’information : l’impossible transparence du discours, Bruxelles, De Boeck.
Colas Dominique, Grosrichard Alain, Le Gaufey Guy, Levi Jocelyne, Miller Gerard, Miller Judith, Miller Jacques-Alain, Millot Catherine, Wajeman Gérard (1977), « Le jeu de Michel Foucault » [entretien], Ornicar ? Bulletin Périodique du champ freudien, 10, pp. 62-93.
Crittenden John (1971), « Democratic Function of the Open Mike Forum », Public Opinion Quarterly, 35 (2), pp. 200-210.
Deleu Christophe (2006), Les anonymes à la radio. Usages, fonctions et portée de leur parole, Bruxelles, De Boeck.
Juteau Danielle (1999), L’ethnicité et ses frontières, Montréal, Presses universitaires de Montréal.
Mort Sébastien (2012a), « Tailoring Dissent on the Airwaves : The Role of Conservative Talk Radio in the Right-Wing Resurgence of 2010 », New Political Science, 34 (4), pp. 485-505.
— (2012b), « Truth and Partisan Media in the USA : Reassessing Objectivity as Truth-Paradigm in the Post-Broadcast Era », Revue Française d’Etudes Américaines, 133, pp. 97-112.
Orfanella Lou (1998), « The Intimate Medium », The English Journal, 87 (1), pp. 53-55.
Peraya Daniel (1999), « Médiation et médiatisation : le campus virtuel », Hermès, 25, pp. 153-167.
Turner Graeme (2010), Ordinary People and the Media : The Demotic Turn, London, SAGE Publications.
Hannity, Sean, The Sean Hannity Show, 12 avril 2010a.
— The Sean Hannity Show, 13 avril 2010b.
— The Sean Hannity Show, 14 avril 2010c.
— The Sean Hannity Show, 15 avril 2010d.
— The Sean Hannity Show, 16 avril 2010e.
Ingraham, Laura, The Laura Ingraham Show, 12 avril 2010a.
— The Laura Ingraham Show, 13 avril 2010b.
— The Laura Ingraham Show, 14 avril 2010c.
— The Laura Ingraham Show, 15 avril 2010d.
— The Laura Ingraham Show, 16 avril 2010e.
Limbaugh, Rush, The Rush Limbaugh Show, 18 février 1994.
— The Rush Limbaugh Show, 03 mai 2004 [transcription].
— The Rush Limbaugh Show, 05 mars 2008.
— The Rush Limbaugh Show, 12 avril 2010a.
— The Rush Limbaugh Show, 13 avril 2010b.
— The Rush Limbaugh Show, 14 avril 2010c.
— The Rush Limbaugh Show, 15 avril 2010d.
— The Rush Limbaugh Show, 16 avril 2010e.
Savage, Michael, The Savage Nation, 12 avril 2010.
TALKERS Magazine, published by Focus Communications, Inc. Issue 208 – April 2010.
[1] Traduit par l’auteur, « Radio has always had a special power. It has exerted its power since our grandparents gathered in the living room to listen to an FDR fireside chat […]. There is an intimacy, a one-to-one connection that no other medium can match. »
[2] Accès : « Top Talk Radio Audiences » (02/2014), www.talkers.com/top-talk-radio-audiences/. Consulté le 27 février 2014.
[3] Museum of Television and Radio Seminars Series : The First Annual Radio Festival, “Rush Limbaugh and the Talk Radio Revolution”, recorded on October 24th, 1995 (7:30 p.m. E.T.) and hosted by Robert M. Batscha, Chair of the Museum for Television and Radio ; catalogue reference : T : 40932. Le musée s’appelle désormais The Paley Center for Media. Voir le site http://www.paleycenter.org/.
[4] Traduit par l’auteur, « the purpose of the show is to talk about the things I am interested in ».
[5] Traduit par l’auteur, « This is also a benevolent dictatorship —I am the dictator. There is no First Amendment here, except for me ».
[6] Traduit par l’auteur, « There are no guests on this program unless they call in like anybody else. We don’t slate or schedule interviews here ».
[7] Traduit par l’auteur, « This is a program also, I should also say, devoted exclusively to what I think. We don’t sit here trying to learn what anybody else is thinking per se ».
[8] Sur la base du découpage de chaque émission (program clock) en vigueur en avril 2010, Michael Savage est celui dont l’émission, hors pauses commerciales et décrochages locaux, dure le plus longtemps (01h50min40sec) et Sean Hannity celui dont l’émission est la plus courte (01h45min). Rush Limbaugh dispose de 01h47min20sec de temps d’antenne et Laura Ingraham 01h46min20sec.
[9] Traduit par l’auteur, « You’re listening to your healthy radio addiction, 800-876-4123 ».
[10] Traduit par l’auteur, « We’re here, we’re glad you’re with us. Our toll free telephone number 800-941-SEAN, if you wanna be part of the program ».
[11] Traduit par l’auteur, « If disfluencies such as fillers serve a communicative function, they may provide information that enables two people in conversation to better coordinate interaction, manage turn-taking, or align their mental states ».
[12] Traduit par l’auteur, « I coined the term ‘the demotic turn’ as a preferred means of referring to the increasing visibility of the ‘ordinary people’ as they have turned themselves into media content through celebrity culture, reality TV, DIY websites, talk radio and the like ».
Mort Sébastien, « Le statut du public des talk-shows radiophoniques conservateurs aux États-Unis : « you folks » ou la stratégie d’inscription du public dans le discours », dans revue ¿ Interrogations ?, N°24. Public, non-public : questions de méthodologie, juin 2017 [en ligne], https://revue-interrogations.org/Le-statut-du-public-des-talk-shows (Consulté le 21 novembre 2024).
ISSN électronique : 1778-3747