Pluridimensionnelle, la précarité de l’emploi dans les sociétés “développées” revêt des significations multiples, à la fois objectives et subjectives, personnelles et collectives. Quoique les situations individuelles soient infiniment variées, le chômage prolongé et/ou récurrent mène immanquablement ceux qui le subissent à expérimenter une altération de leur rapport au temps et de leur désir. Cet effet symptomatique est généralement interprété par les organismes gestionnaires du chômage ou de l’assistance comme un défaut de “motivation” qui s’érigerait en obstacle à une sortie positive vers l’emploi. Mais ces organismes examinent et jugent les cas particuliers dans le cadre d’un ordre normatif émergent qui tend à produire des règles anomiques négatrices du vivant.
Mots-clés :Précarité, chômage, ordre normatif, identité, désir.
Social precariousness and the negation of the living subject
The precariousness of employment in contemporary advanced societies is a multidimensional phenomenon with multiple meanings, objective and subjective, personal and collective. While individual situations are infinitely varied long term or recurrent unemployment invariably leads those who are subjected to it to undergo an alteration of their relationship to time and to their desire. The managerial institutions usually interpret this symptomatic effect as a lack of “motivation” which becomes an obstacle to a positive return to employment. In fact, these institutions develop criteria of judgment within an emerging normative order that tends to produce anomic rules that negate the living subject.
Keywords :Precariousness, (un)employment, normative order, identity, desire.
Quand elle désigne la vulnérabilité sociale, c’est-à-dire un « espace d’instabilité et de turbulence peuplé d’individus précaires dans leur rapport au travail et fragiles dans leur insertion relationnelle » [1], la précarité peut se définir comme une situation sociale vécue caractérisée par une insécurité essentielle, à la fois matérielle et existentielle, qui tend à reléguer les sujets aux marges de la société et à les enfermer dans un présent sans avenir. Elle renvoie à une réalité et à une expérience multidimensionnelles, à la fois intimes et collectives, objectives et imaginées, travaillées par la dynamique des rapports de forces, les formes mouvantes de leur institutionnalisation et leurs modes de légitimation.
Quoique le spectre de la précarité hante depuis longtemps les sociétés et alimente des anxiétés dans les foyers occidentaux les mieux protégés, celle-ci n’a de pertinence pour l’analyse sociologique et politique qu’au regard des processus socio-historiques, culturels et politiques concrets dans lesquels elle s’inscrit. L’interprétation des enjeux identitaires — rapport au temps, au désir, dynamiques émancipatrices — qui se posent aujourd’hui aux personnes les plus vulnérables entre dans le contexte européen de sous-emploi, de privation de travail (décent) et, à l’autre extrême, d’intensification excessive des rythmes de travail. Aufil de l’analyse, il apparaîtra que le contexte est aussi celui d’un ordre normatif émergent indifférent au sort des individus concrets.
Étant toujours historiquement et socialement située, la précarité peut s’incarner dans des figures et prendre des formes différentes, mais sa persistance à travers les âges n’en fait pas pour autant une catégorie ontologique. Au sens de la vulnérabilité, elle n’est ni une loi de la nature ni ne recouvre la notion de risque, contrairement à ce que laisse entendre une rhétorique en vogue. Quand d’éminents représentants du patronat français disent : « La vie, la santé, l’amour sont précaires. […]La précarité, c’est la vie. C’est bon pour l’emploi qui est bon pour la vie » [2], ils assimilent la précarité à la finitude de la condition humaine. Et quand les chefs d’entreprises expliquent qu’ils sont les premiers touchés par la précarité, comme on a pu l’entendre en France au moment de la crise du CPE (contrat première embauche), ils font un amalgame donnant à penser que la précarité serait consubstantielle à la liberté de choisir, à la liberté d’entreprendre. Dans l’un et l’autre cas, il est oublié que les risques de précarité ne sont pas également, “naturellement” répartis dans la société. Aujourd’hui, l’insécurité sociale se concentre à peu près partout en Europe (et aux Etats-Unis) sur certaines catégories de la population : les jeunes, les femmes, les salariés faiblement qualifiés, les étrangers et les minorités plus ou moins “visibles”, ainsi que, de plus en plus, les “seniors”. Cela suffit à indiquer que la précarité n’est pas une affaire de liberté ou de choix. Elle s’enracine dans des processus socio-historiques et politiques conduisant à des épreuves subies.
Au plan des situations individuelles comme à celui des processus socio-historiques, le travail (ou son absence) représente une variable explicative essentielle sans laquelle il n’est pas d’analyse rigoureuse de la précarité et des dynamiques de paupérisation qui lui sont associées. Cela est vrai, semble-t-il [3], depuis le milieu du XIVesiècle, quand les termes de l’opposition entre travail et assistance ont été fixés en Angleterre, qui ont conduit les pauvres, jusque-là « imagesdu Christ » [4], à être considérés comme des sans-travail à qui il incombait de prouver leur ancrage communautaire et leur réelle inaptitude au travail sous peine de s’exposer aux persécutions et châtiments réservés aux« inutiles au monde » [5]. Mais il importe de rappeler que l’histoire ne se répète pas. Robert Castel a déjà exhumé la figure du vagabond et montré en quoi elle faisait écho aux “nouveaux” pauvres d’aujourd’hui. Il a aussi montré qu’à l’époque contemporaine, la question de la vulnérabilité sociale se posait par référence aupassé proche, c’est-à-dire au salariat. Ce dernier a joué un rôle majeur dans la courte période dite des Trente Glorieuses au cours de laquelle les paysdéveloppésétaient parvenus à juguler la vulnérabilité sociale à un degré sans précédent. Cette exception remarquable, facilement minorée dès lors qu’elle est réduite à la fonction de simple parenthèse de l’histoire, témoigne bien de ce qu’il n’y a pas de fatalité à la précarité des masses, même si le« compromis social » mis en place depuis la fin de la seconde guerre mondiale n’a pas suffi à résoudre le problème philosophique, pratique et politique de l’injustice sociale. Cette “parenthèse” étant désormais plus ou moins close (car subsistent encore des noyaux de stabilité et de protection dans l’emploi), notamment avec la dégradation des conditions de travail, la « balkanisation des formes d’emploi » [6], l’effritement des garanties associées au salaire, la persistance du chômage de masse et l’allongement de ses durées, nos sociétés sont à nouveau confrontées aux dangers de la paupérisation et de la précarisation des masses.
D’une contrée à l’autre, et même d’un individu à l’autre, on observe cependant des gradations dans le sentiment de vulnérabilité éprouvé aussi bien en cas de menace, imaginée ou réelle, de perdre son emploi, que dans les situations de chômage récurrent et plus ou moins prolongé. Le spectre de la précarité hante une fraction souvent beaucoup plus large des populations que les ensembles constitués par les groupes sociaux ayant déjà basculé dans la vulnérabilité, qui y grandissent ou y sont exposés de façon récurrente. Par exemple, alors que les contrats de travail précaires ne représentent en France que 15 à 18 % du total des contrats existants, et que la durée moyenne d’un CDI (contrat à durée indéterminée) s’est allongée pour atteindre en moyenne onze années et demie en 2006, un récent sondage révèle que la majorité de la population française s’estime exposée au risque de devenir « sans domicile fixe ». À l’inverse, tout en craignant pour eux-mêmes, les Français sont majoritaires à penser que les allocations d’assistance incitent plutôt leurs bénéficiaires à s’en contenter et à ne pas rechercher du travail [7]. Plus encore, on s’aperçoit que la constellation de « statuts intermédiaires » ou de contrats de travail « atypiques » n’entraîne pas nécessairement des situations subjectivement vécues par les intéressés comme “anormalement” douloureuses. Ainsi, quelques-uns s’accommodent de l’intérim et parviennent (au moins pendant un temps significatif) à en tirer les ressources souhaitées pour construire leur vie. D’autres encore “s’installeraient” dans une forme de précarité parfois qualifiée de « trappe à inactivité » [8]. On voit bien que la relation entre les formes de l’emploi et le vécu subjectif de la précarité n’est en rien univoque et mécanique [9].
Quoi qu’il en soit, la « crainte de la perte » éprouvée face au danger de la précarité par ceux qui sont (encore) en emploi — et expriment leurs inquiétudes de façon trèscontradictoire —, se nourrit incontestablement de la persistance du chômage de masse et de l’allongement de ses durées. Sans doute est-elle aussi favorisée par la qualité déclinante des droits et des protections garantis par le contrat social dans la plupart des pays européens, notamment en France, mais aussi en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni [10]et ailleurs. Peut-on nuancer ce constat en se demandant ce qui se passe lorsque la précarité cesse d’être, à tort ou à raison, une menace imaginée pour devenir une situation vécue ? Elle frappe prioritairement les plus “fragiles”, parmi lesquels figurent les “assistés”, une bonne partie de l’ensemble composant la pauvreté laborieuse et la plupart de ceux que les services de placement de la main-d’œuvre classent, pour une raison ou pour une autre, implicitement ou non, parmi les “inemployables”. Tous ceux-là ne sont pas loin d’être considérés comme des « inutiles au monde ». Cependant, il en est qui “s’en sortent” et d’autres non. Les premiers auraient-ils moins peur ?
La question pourrait être reformulée de la façon suivante : pourquoi le désir n’a-t-il pas toujours suffisamment de force pour engager ces populations-là sur des itinéraires orientés susceptibles de les conduire vers une « autoréalisation individuelle », au sens d’Axel Honneth [11] ? Deux enquêtes qualitatives récentes conduites en France permettront d’apporter un éclairage à ce problème. La première a été conduite par l’auteur dans le Nord-Pas-de-Calais auprès d’un groupe d’ex-ouvrières du textile licenciées par Levi’s en 1999 à la suite d’une délocalisation. Ces femmes ont été suivies dans leur parcours de demandeuses d’emploi pendant six ans. La deuxième a été réalisée entre 2003 et fin 2004 dans un département d’Ile-de-France à l’occasion d’une réforme du RMI (revenu minimum d’insertion). Cent cinquante allocataires du RMI ont été rencontrés à cette occasion ainsi qu’une quarantaine d’intervenants (agents d’insertion et de placement de la main-d’œuvre, travailleurs sociaux, responsables associatifs, municipaux et départementaux, formateurs, etc.) [12].
Dans les deux cas, ces enquêtes nous mettent en présence de chômeurs de longue durée. Le temps joue incontestablement un rôle fondamental dans l’expérience du chômage prolongé ou de la précarité de l’emploi. Toutes les approches, qualitatives ou quantitatives, mettent en lumière une corrélation entre l’allongement de la durée du chômage et “l’employabilité”, c’est-à-dire la probabilité de (re)trouver un emploi : l’accès au marché dutravail est d’autant plus improbable que la durée du chômage est longue. Mais les corrélations n’étant pas des causalités, qu’est-ce qui se joue pour l’individu au fur et à mesure que s’allongent les durées de son chômage ?
Très fréquemment, l’altération du rapport au temps se manifeste symptomatiquement dans le comportement de celui ou de celle qui ne se présente pas aux rendez-vous, ou arrive en retard, ou vient un jour et l’autre non. Les travailleurs sociaux et les autres accompagnateurs y voient généralement l’indice du défaut de “socialisation” qui serait typique des personnes “isolées”. Ils tentent alors de rééduquer, de “resocialiser” celles-ci en les soumettant à des tests de ponctualité plus ou moins contraignants à partir desquels ils entendent mesurer les progrès “d’insertion” accomplis. Lorsque, dans l’enquête sur le RMI, nous avons demandé aux intervenants de s’expliquer sur ce concept étrange, “resocialiser”, ils avaient l’air de penser que nous n’avions aucune idée de ce qui se passe dans la réalité concrète. À la question de savoir pourquoi il serait si important de faire venir les allocatairessimplement pour un entretien sans rien leur proposer d’autre, ils répondaient [13] :
« — Pour rompre leur isolement : sortir de chez eux, maintenir le lien social, faire une avancée vers la resocialisation […].
— Certains ont des phobies ou sont dans une situation économique et géographique telle qu’il faut leur réapprendre à sortir de chez eux, pour qu’ils ne restent pas isolés. Ça se fait petit à petit. D’abord, leur apprendre à aller à pied nous rencontrer ; ensuite sortir de leur commune. Et ainsi de suite : ils franchissent des étapes. Ils doivent réapprendre. »
Cet intervenant-ci parlait de personnes vivant à la campagne. Une professionnelle remarqua qu’en milieu urbain, il y avait un grand isolement aussi.
« —Ils sont isolés de quoi ? Comment on restaure le lien social ?
— Par contacts quotidiens, par des échanges. […]
— Nous, on suit soixante-quinze personnes par an. Ces personnes sont un peu socialisées car elles sont déjà passées par des entretiens individuels.
—Elles sont socialisées ?
— Oui, elles ont eu des contacts avec des personnes qui leur proposent d’avoir un emploi. C’est-à-dire qu’elles ne sont pas très isolées et ne viennent pas pour la première fois dans une association. Elles sont dans une dynamique de recherche d’emploi. [Elles sont socialisées] parce qu’elles viennent aux rendez-vous, elles répondent à un code social.
—Quel code social ?
— Venir à l’heure. Elles ont envie de s’en sortir. »
La France est loin d’être le seul pays où l’altération du rapport au temps est rabattue sur une représentation intuitive (et moralisante) de la “désocialisation” des chômeurs. L’exemple le plus frappant rencontré au cours de nos enquêtes est le cas de ce jeune chômeur allemand invité pendant un mois à se présenter tous les jours à six heures du matin devant un dépôt d’enlèvement des ordures ménagères, et laissé libre ensuite de faire autre chose. Il illustre bien, quoique de façon caricaturale, l’esprit des techniques de “resocialisation” : on juge à partir d’une vision normée et utilitariste du résultat attendu d’un acte ou d’une mesure, sans se demander si les principaux intéressés sont raisonnablement en mesure de les investir d’une signification pour eux-mêmes.
Il faut donc aller plus loin pour tenter de mieux comprendre l’enjeu du temps et ses significations profondes. Le témoignage des ouvrières du textile est ici très utile. À peine un an après leur licenciement, elles avaient eu une formule assez mystérieuse et paradoxale pour exprimer cette altération du rapport au temps. L’une d’elles a dit :
« Quand on était chez Levi’s, on avait le temps. Maintenant, on n’a pas le temps. »
Comment se fait-il qu’au moment, justement, où elles avaient “objectivement” tout le temps — elles ne travaillaient pas à l’usine et touchaient l’indemnisation du chômage —, elles sentaient qu’elles n’en avaient plus ? Et inversement, comment pouvaient-elles dire qu’elles en avaient auparavant, alors qu’elles se référaient à une époque où elles se levaient à cinq heures du matin pour préparer leur journée et celle de leur famille, puis se rendaient à l’usine où les attendait le travail à la chaîne, repartaient en fin de journée, récupéraient leurs enfants, rentraient chez elles, s’affairaient aux tâches ménagères ? Yves Clot, qui n’a pas manqué de rencontrer ce problème dans ses propres études de cas, lui a donné un éclairage remarquable dans son analyse de la fonction psychologique du travail [14]. Par sa centralité, le travail représente en effet un moyen privilégié dans nos sociétés de vivre des temporalités multiples, et d’expérimenter ainsi une certaine distance à soi qui est essentielle à l’équilibre personnel. Avoir le temps, tout en travaillant, c’est avoir des temps. Des temps pour soi, des temps pour les autres et pour autre chose. Ces univers temporels ne sont pas séparés les uns des autres par des frontières étanches ; ils tiennent ensemble grâce à un système de significations qui circulent d’un univers à un autre (soi-même, le travail, la famille, les amis, la société), qui se font écho, permettent de nouer présent, passé et futur, de vivre le présent pour lui-même et de se projeter dans l’avenir. C’est bien pour cela que le travail n’a pas de valeur absolue. Il n’a de sens pour les sujets que dans le rapport de coopération et decompétition que l’activité de travail entretient avec les autres domaines de la vie (personnelle, familiale et/ou sociale).
Le travail ne remplit plus cette fonction psychologique dans deux situations extrêmes : quand les rythmes de travail s’intensifient au point de devenir « intenables » [15]ou en cas de privation de travail. C’est alors que le sujet « n’a pas le temps ». Il est submergé par une temporalité strictement subjective qui ne lui donne plus la disponibilité psychique, la « distance à soi » nécessaire pour élaborer des significations qui le projettent et le situent dans le monde. Contrairement à l’idée que s’en font leurs accompagnateurs, cette situation n’entraîne aucune “passivité” de la part des sujets. Au contraire, ilsréagissentà l’agression extérieure (la privation du travail, son intensification excessive) en se livrant à uneactivité subieconsistant à ressasser son impuissance à des coûts subjectifs démesurés. C’est ce qu’Yves Clot appelle le « désœuvrement » [16].
Comment le désœuvrement survient-il et que devient le désir dans ce cheminement ? À en juger d’après le témoignage des licenciées du textile, l’épreuve du désœuvrement ne survient pas instantanément au moment de l’entrée dans le chômage. Pour ces femmes qui avaient travaillé dix, vingt ou trente ans à l’usine, le licenciement a certes représenté un traumatisme. Comme a pu le dire l’une d’elles :
« C’est une bombe nucléaire qui nous est passée dessus, comme ça, qui a fait raz-de-marée… »
Cependant, passé le choc initial, elles étaient pleines d’espoir. Par exemple, et assez typiquement, beaucoup en ont profité le premier mois pour remettre à neuf leur logement. Peut-être essayaient-elles de se dérober à la réalité :
« … Le premier mois […], j’ai tout abattu, j’ai fait la tapisserie, j’ai tout arraché […]. Comme si que je me coupais du monde… pour pas être dans la réalité des choses, de la chose qui se passe. »
Elles ont donc « abattu » tous les travaux restés en suspens. Elles l’ont cependant fait dans l’urgence, car elles vivaient ce premier mois comme un moment où elles avaient enfin le temps. Beaucoup de temps, mais un temps limité :
« — J’ai l’impression que d’un certain côté, on avait tout le temps, l’impression qu’on allait avoir du travail tout de suite après.
— Oui, oui, voilà.
— On se dépêchait, en fait de dire, on va faire cela en un seul jour. On avait l’impression qu’il allait y avoir quelque chose.
— C’est vrai qu’on avait l’impression que c’était un arrêt imprévu, et puis qu’on allait repartir d’un seul coup. Qu’il fallait qu’on fasse ce qu’on avait à faire. Et puis après on s’est rendu compte que non… »
Et elles se projetaient dans l’avenir, désireuses de « tourner la page » de la confection et de s’engager dans une autre vie professionnelle. Au début, elles envisageaient leur situation comme une opportunité.
« Moi je sais qu’une fois, j’avais fait plusieurs propositions dans différents domaines […]. Les fleurs, travailler dans les cantines d’école pour les enfants handicapés, la restauration… On avait cherché pas mal d’idées ensemble […]. On avait dit : on va essayer de proposer le maximum pour dire au moins qu’ils arrivent à nous trouver un travail autre que la couture. On avait quand même cet espoir… »
Cependant, confrontées à la réalité de la recherche d’emploi et aux injonctions des institutions chargées de leur accompagnement, elles ont presque toutes fait l’expérience d’une fermeture progressive de l’horizon des possibles. Décrite ailleurs [17], cette expérience s’inscrit dans une logique politique de gestion des flux et de manipulation des statuts assez indifférente au sort des individus concrets. Il vise l’adaptation des personnes “fragiles” à l’ordre existant, un ordre réduit aux “dures réalités du marché du travail” et abusivement opposé aux “illusions” des chômeurs. Pour les intéressé-e-s, le résultat, c’est une croyance induite par des démarches répétitives et sans lendemain [18], et aussi par l’entourage, que plus rien n’est possible pour soi. C’est un apprentissage forcé du deuil de soi. De là cette atrophie de la vie psychique à laquelle renvoie le désœuvrement : à quoi bon sortir, se lever le matin, s’habiller, faire son repassage quand on n’a pas d’autre temps à expérimenter en dehors de celui, strictement subjectif, d’une confrontation à soi-même ? Pour reprendre les expressions qui reviennent de façon récurrente dans les entretiens, on se sent « diminué » ; on n’a plus envie de faire quoi que ce soit chez soi, et puis la journée passe, et d’autres journées passent encore : « ça se referme ».
En somme, le désir n’a pas assez de force pour engager le sujet sur un itinéraire orienté vers la réalisation de soi parce que l’itinéraire n’est tout simplement pas orienté. À la mobilité se substitue l’errance. On tend aujourd’hui à valoriser la “mobilité”, notion derrière laquelle se cache une critique implicite de la facilité qui consisterait à se replier sur soi, à préférer l’immobilisme au mouvement, les archaïsmes au changement, le conservatisme à unemodernité associée aux voyages, aux découvertes et aux changements. La résistance des chômeurs vulnérables au nomadisme géographique, social ou professionnel nourrit le soupçon d’une complaisance dans les dispositifs de l’assistance. Pourtant, c’est une imposture que de présenter comme une ressource universelle ce qui, pour eux, ne l’est pas, ou plus. Dans sa connotation positive, la mobilité est prometteuse de promotion ou d’ascension sociales et peut être adossée à des projets à portée de la main : elle ne se confond pas avec l’errance. Ce n’est pas le cas lorsqu’elle n’offre aucune garantie d’insertion à tous ceux dont les déplacements ne parviennent pas à s’inscrire dans un itinéraire orienté.
Il ne faut donc pas s’y tromper : la question n’est pas l’existence du désir, mais celle de l’autoréalisation et de ses conditions de possibilité. Le désir existe. Le désœuvrement ne le supprime pas. Simplement, il devient indéterminé. Il se met en errance et soumet le sujet à la quête stérile d’un point de fixation introuvable [19], à une protestation impuissante devant le manque d’une qualité exigée de la vie, « le manque de sel » pour reprendre l’expression d’une ouvrière du textile :
« On se demande quand est-ce qu’il y a quelque chose qui va arriver, qu’on va se retrouver bien, vraiment bien comme avant. Comme la vie, elle me navre parce qu’on sent qu’il manque quelque chose ! Je ne sais pas expliquer ça, j’ai pas les mots. Mais il y a un manque ! C’est beau de faire des gâteaux, de balayer sa maison, tout le monde sait le faire. Mais ça, c’est la vie quotidienne, c’est la routine. Mais il nous manque le travail. Et puis, c’est vrai, les contacts, tout ça. Alors on va dans le frigo et on prend des kilos, malheureusement, alors en plus ça te fait un double problème si je peux dire… »
Les personnes sur lesquelles est concentré le risque de précarité (et celles qui subissent le« travail intenable ») ne parviennent que très difficilement à sortir de cet engrenage. Toutes choses égales d’ailleurs, il leur faut des années, de nombreuses années pour “s’adapter”, “se décourager” vraiment, c’est-à-dire pour renoncer à soi et s’en faire une raison. Beaucoup tombent malades ; quelques-unes se suicident (certaines sur leur lieu de travail). Cette situation n’étant pas le fruit d’une fatalité aveugle, il importe d’essayer de comprendre comment et pourquoi certains parviennent à (ré)orienter leur désir vers un horizon d’autoréalisation individuelle.
La survenance d’un événement qui en rend l’atteinte possible ou tout au moins imaginable par le sujet est une condition nécessaire, quoique souvent insuffisante en elle-même (notamment si les ressources matérielles manquent, par exemple l’accès à un logement indépendant). L’événement peut être un emploi (relativement) stable ou la rencontre d’une assistante sociale exceptionnelle. Mais le désir, souvent réduit par les institutions d’accompagnement vers l’emploi ou l’insertion à une définition comportementale de la “motivation”, se laisse mettre en mouvement grâce à des événements infiniment plus variés que la simple perspective d’un travail, même quand c’est ce que l’on souhaite avant tout. Le plus souvent, ce qui motive les chômeurs à l’emploi, y compris les chômeurs de longue durée (et indépendamment de la qualité de l’emploi envisagé), c’est un projet de vie : un amour, une famille à soutenir ou à construire, un investissement fort sur une carrière, sur une activité sociale, artistique ou autre [20]. Parfois, et par bonheur, l’événement n’est qu’une simple idée qui nourrira l’identité narrative.
Deux types de trajectoires personnelles empruntées par les licenciées du textile serviront ici d’exemple. La première illustre la puissance du désir mû par une simple idée. C’est le cas d’Ariane, une femme de trente-sept ans au moment de son licenciement. Titulaire d’un CAP (certificat d’aptitude professionnelle) de couture, d’un BEP (brevet d’études professionnelles) d’employée administrative et d’un CAP d’employée de bureau, elle avait exercé trois mois ce dernier métier en remplacement d’un congé de maternité avant d’entrer chez Levi’s où elle est restée dix-huit ans. Aimant la couture, elle avait cultivé chez elle ce talent qui n’était pas requis à l’usine par le travail à la chaîne. En 1999, elle souhaitait redevenir employée de bureau ou alors s’installer à son compte, par exemple en créant une association où elle aurait animé des activités de couture. Elle n’a pas pu obtenir des organismes d’aide au reclassement un stage de gestion d’entreprise, ni même une formation en informatique (qu’elle avait fini par faire en la finançant elle-même). N’étant pas prise au sérieux, elle s’entendait dire que son BEP et son CAP ne valaient rien. Et quand elle réclamait « quelque chose qui[la]mette à sa juste valeur », elle s’entendait répondre que « personne n’est à la hauteur de son travail ». Ariane a donc « galéré » pendant plusieurs années en travaillant pour des employeurs multiples. Elle a connu comme les autres les « trous noirs » du désœuvrement. Mais elle n’a jamais complètement perdu le fil de son désir. Elle essayait régulièrement de le réinvestir dans les activités apparemment les plus éloignées de « son métier d’origine » (employée de bureau), sans toutefois parvenir à lui donner une traduction concrète. Finalement, en 2004, elle a trouvé, seule, le moyen de créer une entreprise de couture et de retouches parfaitement viable grâce à laquelle elle coud et simultanément gèreson entreprise.
Pour ceux qui le connaissent déjà, le deuxième exemple fait partie des « success stories » médiatiques qui passent sous silence les épreuves psychiques, matérielles et sociales qu’il aura fallu surmonter pour les rendre possibles. Au printemps 2000, un an après la fermeture de l’usine, une jeune équipe artistique s’était associée à un metteur en scène, Bruno Lajara, pour tenter une expérience difficile : organiser, sous la forme d’un SAE (stage d’accès à l’entreprise), un atelier d’écriture qui déboucherait sur un spectacle joué par cinq licenciées du textile. Malgré d’énormes difficultés liées au scepticisme des institutions, ce projet a abouti et s’est conclu par un immense succès. Le spectacle,501 Blues, a tourné pendant plusieurs années en France et parfois même à l’étranger. Ainsi, des femmes qui s’étaient vues refuser sous divers prétextesdes formations, y compris un stage d’aide cuisinière, sont devenues comédiennes. Elles le sont resté jusqu’à une période récente quand des portes inattendues se sont ouvertes à elles. Actuellement, l’une est toujours actrice, une autre anime des ateliers de paroles et les trois dernières ont été embauchées à plein temps par la Région.
Chacun à sa manière, ces deux événements ont amené les licenciées à réévaluer leur passé, à s’inventer une place nouvelle et se la construire au présent, à se redéfinir dans leur relation à autrui et au monde, et à prendre de la distance par rapport à l’entreprise textile. À tel point qu’il leur arrive de reconnaître, non sans un sentiment de culpabilité à l’égard de leurs infortunées compagnes, qu’elles célèbrent dans leur for intérieur leur licenciement. Le cas d’Ariane, moins flamboyant que celui des comédiennes, n’en est pas moins émouvant et riche en enseignements. Son « premier métier » lui a donné la matière d’une narration sans laquelle elle n’aurait pas facilement renoué la trame de sa vie pour y intégrer la trace laissée par l’imprévu, par la « bombe atomique » qui lui était « passée dessus ». Ses accompagnateurs jugeaient irréaliste cet attachement à son passé lointain. Mais pour elle, il faisait sens. Il allait lui permettre de transformer l’événement en intrigue, le hasard en destin, la contingence en nécessité de l’histoire d’une vie [21].
Aussi souhaitable soit-il ce retournement en une positivité de nature émancipatrice est l’exception plutôt que la règle. Il risque de l’être de plus en plus. Car les finalités des politiques sociales et d’emploi ne sont plus celles que leur avaient assigné, au lendemain de la seconde guerre mondiale, les grandes figures fondatrices de la Sécurité sociale, notammentWilliam Beveridge en Angleterre et Pierre Laroque en France : « Mettre l’homme à l’abri du besoin » et « débarrasser les travailleurs de la hantise du lendemain ». Certes, au sein de l’Union européenne, les pays scandinaves tentent encore de réformer leurs systèmes de protection sociale en préservant au mieux les équilibres sociaux essentiels et en protégeant les normes du marché du travail [22]. Sans les idéaliser, leurs politiques d’emploi et de prévention de la pauvreté restent des biens collectifs, des biens publics engageant aussi bien la société vis-à-vis des plus vulnérables que l’individu face à l’Etat social. Mais, pour des raisons complexes qu’il ne nous appartient pas d’analyser ici [23], ce n’est plus le cas dans la majeure partie des autres pays européens. L’adaptation aux contraintes économiques internationales y est le plus souvent recherchée au moyen de stratégies privilégiant l’ « austérité compétitive » [24]. Tandis que les politiques sociales et d’emploi invitent les chômeurs à “se prendre en charge”, les rendant par là personnellement responsables de leur sort, les politiques d’austérité compétitive rognent sur les garanties sociales au sens large. Dans un tel contexte, la refondation de la question sociale, rendue certes nécessaire par les mutations de l’économie mondiale, ne se réfère plus aux droits de la citoyenneté et au respect de la dignité humaine. Elle se moule dans un ordre normatif émergent visant à soumettre chacun, depuis les chômeurs jusqu’aux gouvernants, en passant par les entreprises et les travailleurs, à un encadrement (plutôt autoritaire) par les lois du marché [25]. Les élites, au sens de C. Wright Mills, estiment que les principes de concurrence définiraient mieux que toute autre valeur les règles du vivre ensemble et, partant, les droits et les obligations réciproques des citoyens.
Aussi l’ « activation » (la mise au travail ou en activité) des demandeurs d’emploi et des autres “inactifs” (femmes, jeunes, “seniors”, chômeurs de longue durée, etc.) est-elle pensée et organisée sans grande considération pour la personne sur la base de critères économicistes. Il en va de même des mesures de “simplification” du droit du travail, comme l’instauration d’un contrat de travail unique (du type CNE [contrat nouvelles embauches] ou CPE en France). Il s’agit de faciliter des transitions fluides entre plusieurs emplois et, pour les moins chanceux, entre plusieurs seuils de pauvreté, tout en réduisant la durée de “consommation” des droits à indemnisation quand ils existent. Pour emprunter le langage sans détour de certains techniciens anglo-saxons, le premier souci des services d’insertion ou de placement de la main-d’œuvre devrait être désormais de repérer « les demandeurs d’emploi les plus à même d’épuiser rapidement leurs[droits à des]allocations[…]au cours de leur recherche d’emploi » [26]et à les mettre au travail sans plus tarder. Même si cela risque d’entraîner dans l’ordre du vivant des impasses existentielles, des deuils de soi et d’autrui. Même si la pauvreté ou le difficile accès des plus vulnérables au marché du travail régulier neleur permet pas de (re)construire leur identité et de se projeter dans l’avenir. Et quitte à « laisser mourir » [27]une quantité “tolérable” de citoyens, la mort physique ou psychique des personnes concrètes échappant à la sphère de compétence de cette gouvernementalité-là.
Cette négation du vivant est au cœur du « déficit démocratique » car elle produit des normes auxquelles ne peuvent adhérer les êtres de chair et de sang ; ce sont à proprement parler des règles anomiques. En retirant toute substance aux droits sociaux fondamentaux des citoyens, elles réactivent immanquablement l’autoritarisme politique et le traitement punitif du vivant lorsqu’il s’exprime sous la forme d’une insoumission jugée néfaste à l’ordre établi.
[1] R. Castel, « De l’indigence à l’exclusion, la désaffiliation. Précarité du travail et vulnérabilité relationnelle », in J. Donzelot (Dir.),Face à l’exclusion, le modèle français. Paris, Esprit, 1991, p. 138.
[2] M. Husson (Dir.),Travail flexible, salariés jetables. Fausses questions et vrais enjeux de la lutte contre le chômage, Paris, La Découverte, 2006, p. 40.
[3] Selon R. Castel, Les Métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995.
[4] On ne surestimera pas la glorification religieuse de la pauvreté en tant que valeur spirituelle au Moyen Âge. En présentant l’humilité comme une voie vers l’idéal de vie chrétienne, la pauvreté est investie par l’éthique sociale du christianisme de différentes fonctions qui varient selon le milieu auquel s’adresse la doctrine. Et ses messages ne sont pas suivis d’une reconnaissance de la dignité du pauvre confiné à sa condition humiliante. Au plan « moral, la doctrine chrétienne se préoccupe surtout du personnage du donateur. » B. Geremek,La potence ou la pitié. L’Europe et les pauvres du Moyen Âge à nos jours[1978], Paris, Gallimard, 1987, p. 36.
[5] B. Geremek,Inutiles au monde : Truands et misérables dans l’Europe moderne, 1350-1600, Paris, Gallimard-Julliard, 1980.
[6] A. Supiot,Critique du droit du travail, Paris, PUF, 1994, p. 36.
[7] Observatoire national de la pauvreté,Rapport 2003-2004, Paris, La Documentation française, 2004.
[8] Les « trappes d’inactivité » renvoient à des situations où des personnes ‘‘décideraient’’qu’elles ne travailleraient pas tant que les gains attachés à l’emploi sont trop faibles par comparaison avec les transferts sociaux dont elles bénéficient. VoirF. Dubet et A. Veretout, « Une “réduction” de la rationalité de l’acteur. Pourquoi sortir du RMI ? »,Revue française de sociologie, 42 (3), 2001, p. 407-436.
[9] Voir J. Furtos et C. Laval,La Santé mentale en actes. De la clinique au politique, Érès, 2005. Pour une approche sociologique et des typologies, on peut notamment se reporter aux travaux de S. Paugam, par exempleLes Formes élémentaires de la pauvreté, Paris, PUF, 2005.
[10] Cette liste n’est pas limitative. Voir les résultats de notre enquête collective dans les quatre pays mentionnés in C. Lévy,Vivre au minimum. Enquête dans l’Europe de la précarité, Paris, La Dispute, 2003.
[11] A. Honneth,La Société du mépris. Vers une nouvelle Théorie critique, Paris, La Découverte, 2006.
[12] Voir N. Burgi,La Machine à exclure. Les faux-semblants du retour à l’emploi, Paris, La Découverte, 2006 et « Exiler, désœuvrer les femmes licenciées »,Travail, genre et société, 8, 2002, p. 105-122.
[13] Les citations qui suivent sont extraites d’ateliers de travail organisés avec des groupes d’intervenants (travailleurs sociaux, responsables municipaux, etc.).
[14] Y. Clot,La Fonction psychologique du travail, Paris, PUF, 1999.
[15] L. Théry,Le Travail intenable. Résister collectivement à l’intensification du travail, Paris, La Découverte, 2006.
[16] Y. Clot,La Fonction psychologique du travail, op. cit.
[17] N. Burgi, « Exiler, désœuvrer les femmes licenciées »,op. cit.
[18] La multiplication de « petits boulots », ou de stages de préparation virtuelle de soi pour des emplois virtuels (lettres de motivation qui restent sans réponse, préparation à des entretiens d’embauche pour des employeurs hypothétiques, rédaction de CV qui restent dans des tiroirs, stages de « conscientisation » ou de « look » pour travailler son image, etc.).
[19] M. Huguet,L’Ennui ou la douleur du temps, Paris, Masson, 1987.
[20] Voir la typologie de l’employabilité des chômeurs construite à la suite de l’enquête RMI dans N. Burgi, « Du RMI au RMA. Et l’(in)employabilité des chômeurs ? »,Revue de l’IRES,n° 50, 2006, p. 63-101.
[21] Je fais allusion aux travaux de P. Ricœur sur l’identité narrative, en particulier àSoi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990. Voir aussi N. Burgi, « D’exils en émotions, l’identité humaine »,in T. Ragi (Dir.), Les territoires de l’identité, Paris, L’Harmattan, 1999, pp. 27-61.
[22] F. Lefresne et C. Tuchzirer, « Dynamiques d’insertion et politiques d’emploi : une comparaison de six pays européens (Belgique, Danemark, Espagne, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni) »,in A. Dang et al (Dir.),Travailler pour être intégré ? Mutations des relations entre emploi et protection sociale, Paris, CNRS Économie, septembre 2006, pp. 68-88.
[23] Voir par exemple O. Holman,« Réglementation asymétrique et gouvernance multidimensionnelle dans l’Union européenne »,A Contrario, 2 (2), 2004, p. 34-57. Voir aussi J. Rigaudiat,Le nouvel ordre prolétaire. Le modèle social français face à l’insécurité économique, Paris, Editions Autrement Frontières, 2007 et J.-P. Fitoussi,La Règle et le choix. De la souveraineté économique en Europe, Paris, Seuil, 2002.
[24] Voir H. Overbeek (Dir.),The Political Economy of European Employment.European integration and the transnationalization of the (un)employment question,Londres, Routledge-RIPE Studies in global political economy, 2003.
[25] Sur ce nouvel ordre normatif, voir A. Supiot, « Un faux dilemme : la loi ou le contrat ? »,Droit social, 1, janvier 2003, p. 59-71 et M. Foucault,Naissance de la biopolitique. Cours du Collège de France. 1978-1979, Paris, Gallimard-Seuil, 2004. Voir aussi N. Burgi,La Machine à exclure,op. cit.,p. 179-250.
[26] Intervention de Randall W. Eberts dans le séminaire de l’ANPE : « Les premiers entretiens de l’emploi des 30 et 31 mars 1999 »,Les Cahiers de l’Observatoire de l’ANPE, 1999, p. 57.
[27] M. Foucault,« Il faut défendre la société » Cours au collège de France. 1976, Gallimard/Seuil, 1997, p. 213 sq.
Burgi Noëlle, « De la précarité de l’emploi à la négation du vivant », dans revue ¿ Interrogations ?, N°4. Formes et figures de la précarité, juin 2007 [en ligne], https://revue-interrogations.org/De-la-precarite-de-l-emploi-a-la (Consulté le 31 octobre 2024).