Numéro coordonné par Orlane Messey et Audrey Tuaillon Demésy
Les pratiques corporelles de loisir constituent des indicateurs heuristiques permettant d’observer les transformations à l’œuvre au sein des sociétés. En ce sens, l’affaiblissement des sociabilités formées autour des jeux sportifs traditionnels (Pruneau, Dumont, Célimène, 2006 ; Fournier, 2012) témoigne des mutations sociales qui s’opèrent au sein des communautés autrefois « enracinées dans une longue tradition culturelle et à fort ancrage local » (Vigne, Dervillé, 2009 : § 6). La « sportification » de ces jeux (ibid. : §17) et, de manière plus globale, l’apparition des sports modernes font émerger ce que Georges Vigarello appelle une « contre-société » répondant à de nouvelles aspirations individuelles et collectives, marquées par des « orientations individualistes, technicistes et tendues vers la performance sportive » (Vigne, Dervillé, 2009 : §14). Désormais, « le principe n’est plus celui de la contrainte communautaire dictant les solidarités et les oppositions (affrontements quartier contre quartier, mariés contre non-mariés, jeunes contre âgés) ou celui du statut personnel imposant regroupements ou interdits (exclusion de certaines professions, exclusion des ecclésiastiques, des ’gens sans aveu’), mais celui de la ’libre participation’ » (Vigarello, 2002 : 59-60). Calquant ses modèles méritocratiques et démocratiques sur ceux de notre société, cette « contre-société » sportive reproduit à l’échelle des pratiques les valeurs et normes dominantes des sociétés contemporaines occidentales, tout en en proposant un modèle ’purifié’ puisque l’enjeu de ces espaces-temps dédiés au sport est, selon Vigarello, de rebattre les cartes du déterminisme et d’ouvrir un champ des possibles inédit par la pratique d’activités physiques et corporelles. Toutefois, dans le cadre de ce numéro, ce n’est pas la « contre-société » « où prétendent s’appliquer, infiniment mieux qu’ailleurs, nos plus précieux idéaux » (ibid. : 9) que nous souhaitons interroger, mais plutôt les mouvements qui s’opèrent à ses marges. En effet, l’émergence de pratiques corporelles s’écartant du modèle plébiscité par cette contre-société idéale nous informe de mutations qui traversent la société dont certaines activités physiques et/ou sportives se font l’écho.
Les sports de glisse nés dans le sillon des cultures américaines d’avant-garde des années 1960 contrarient l’idéal social dont se réclame la société sportive traditionnelle puisqu’ils se structurent sur de nouvelles valeurs ainsi que sur des « comportements et de[s] motivations qui perturbent fortement le modèle sportif traditionnel » (Loret, 1995 : 108). En apparaissant par ailleurs en dehors de tout cadre institutionnel, légitimé par une structure normative dominante (Jarvie, 2006), ces pratiques corporelles alors émergentes nous invitent à appréhender la « contre-société » sportive non plus par le prisme d’un idéal global, mais comme autant de micro-sociétés construites contre ou à côté d’un modèle hégémonique. Les sports de glisse ont ainsi permis la constitution de champs d’études qui, à l’aube des années 1990, se sont attachés à analyser ce que les différentes approches ont par la suite nommé « pratiques alternatives » ou « sport subculture ». L’intérêt porté initialement au phénomène de la glisse résidait dans sa structuration ’à la marge’ des pratiques mainstream (de ’masse’ ou ’légitimes’). Les chercheurs anglo-saxons sont les premiers à porter un regard sur l’apparition de ces activités. Refusant d’y voir uniquement des formes de déviances juvéniles, ils s’appuient sur les théories portées par les Cultural Studies afin d’étudier l’hypothèse selon laquelle ces mouvements émergents constitueraient « une forme de culture populaire résistant au cadre capitaliste » (Beal, 1995 : 252). En effet, ils refusent souvent, mais pas systématiquement, la compétition et la marchandisation. Abordés sous l’angle des « youth culture » (Wheaton, 2007 ; Heino, 2000), certaines pratiques de glisse comme le skateboard, le roller ou encore le surf défendent un cadre de pratique éloigné du système mainstream. En participant à la création de normes et de valeurs alternatives, ces disciplines affichent leur détachement des institutions et proposent d’autres manières d’envisager la pratique sportive, même si, au fil du temps, ces sports peuvent être peu à peu réappropriés par le modèle capitaliste, témoignant ainsi du passage de l’underground au mainstream.
En France, l’utilisation détournée des espaces constitue l’angle privilégié des chercheurs travaillant sur ces pratiques. Ils y voient le passage d’un sport historiquement considéré comme étant « d’utilité publique » (c’est-à-dire instrumentalisé à des fins politiques : éducatives, économiques, intégratives) à un sport devenant « d’utilité ludique » (Loret, 1995 : 212), au sein duquel la structure rigide des sports traditionnels s’efface au profit d’une liberté de pratique. Tandis que la glisse urbaine (le skateboard ou le roller) permet aux acteurs de « [sortir] des espaces policés » (Caligoriou, Touché, 1995 : 70), les espaces de pleine nature s’avéreront eux aussi propices à l’émergence de nouvelles pratiques. Les airs (le parapente), la montagne (le snowboard) et la mer (le surf) vont en effet devenir les eldorados de poignées d’individus en quête de nouvelles sensations. Entre détournements urbains ou conquête de nouveaux espaces, ces pratiques représentent, durant les premières années de leur structuration, des réponses à des activités jugées parfois trop compétitives. En outre, la très récente implantation de pratiques émergentes en milieu majoritairement urbain témoigne de la volonté des acteurs de ne pas se satisfaire de l’offre sportive en place et de fabriquer, d’inventer de nouvelles activités. Cette dynamique créative permet ainsi de renouveler les regards portés sur le sport (Tuaillon Demésy, 2021). Dans ce contexte, des travaux en cours auprès de diverses communautés sportives (parkour, quidditch, arts martiaux historiques européens, roller derby, etc.) ont permis de rendre compte de leur structuration sur la base de valeurs qui se détachent de celles plébiscitées par le sport ’traditionnel’ (du mythe méritocratique aux injonctions liées au bien-être). Par exemple, le quidditch terrestre et le roller derby, arrivés en France autour de 2010, proposent chacun un modèle de pratique réglementé, compétitif mais leur forme burlesque participe à détourner les normes sportives traditionnelles (Messey, Tuaillon Demésy, 2023). La défense d’une organisation do it yourself (DIY) (Beaver, 2012 ; Riffaud, 2018) exprime la volonté de repenser l’organisation collective dans un cadre sportif. Diverses enquêtes de terrain nous conduisent à observer le passage d’une logique davantage consumériste, dans laquelle s’inscrivent les pratiques de loisirs traditionnels, à une logique incitative, par laquelle les acteurs « façonnent un univers de sens » (Pasquier, 2005 : 62) qui leur correspond davantage que le cadre offert par le sport mainstream. Selon cette logique, nous entendons par sports alternatifs les activités qui impliquent la transformation ou la structuration à la marge d’un cadre normatif initialement donné. Issus de communautés de pratiquants partageant et revendiquant des valeurs communes (Tuaillon Demésy, 2016, 2017 et 2018 ; Jecker, 2019), les sports alternatifs s’inscrivent dans une logique de dissidence vis-à-vis d’un ordre hégémonique prôné et réifié par les instances ’officielles’, représentatives du sport aux niveaux nationaux et internationaux. Lors de sa diffusion, cet appel à contributions ambitionnait de poursuivre et d’affiner cette définition de l’’alternatif’ dans le cadre sportif afin d’en définir les contours et les limites (une thématique par ailleurs développée dans le programme ANR Aiôn) [1]. Pour ce faire, nous avions envisagé une réflexion selon trois grands axes.
Le premier axe, qui s’intitulait « Création et cycles de vie », invitait à s’intéresser au processus d’implantation de ces sports, apparus en dehors du processus d’institutionnalisation du sport moderne au cours du XIXe siècle (Tétart, 2007). La seconde entrée mettait davantage l’accent sur les « styles » associés aux pratiques alternatives. En effet, dans la continuité des travaux de Christian Pociello portant sur les cultures sportives (1990), les pratiques émergentes proposent de nouveaux répertoires techniques mais reposent également sur des éléments distinctifs, participant à circonscrire les contours des communautés qui les façonnent. Les sports alternatifs véhiculent un ensemble de « signes » (Hebdige, 2008) qui s’érigent contre un modèle normatif hégémonique, tels que l’usage d’un matériel encore inexistant (des anneaux pour faire des buts au quidditch) ou la mobilisation de codes vestimentaires empruntant des traits au carnaval davantage qu’au sport (notamment au roller derby). Dans cette continuité, il semble que les mouvements musicaux contre-culturels constituent toujours une ressource pour la fabrique des sports alternatifs, qui s’appuient sur d’autres modèles que les instances sportives officielles pour se produire, se maintenir et se diffuser. À cet égard, il est possible de citer les imaginaires du punk qui semblent avoir joué un rôle important dans la création du roller derby en 2002 (Pavlidis, 2012 ; Messey, 2021a et 2021b). Enfin, le dernier axe, intitulé « Ruptures et continuités », proposait de porter une attention particulière à l’expression de l’alternatif sur le temps long. Il s’agissait notamment d’interroger les stratégies mises en place par les communautés pour faire vivre leur pratique au fil des ans. Les analyses portant sur le « cycle de vie » de ces loisirs (Stebbins, 1995) suggèrent la fragilité de l’ancrage alternatif de ces sports. En effet, leur récupération et l’intérêt qu’ils suscitent auprès des institutions sportives confortent leur inscription dans un processus de légitimation culturelle et laisse entrevoir l’’échec’ des projets alternatifs qui reposaient initialement sur la recherche de valeurs et de fonctionnements qui ne sont pas ceux des pratiques mainstream (Jorand, Suchet, 2018), notamment à travers un processus de sportivisation et/ou d’institutionnalisation.
Dans le cadre de cet appel à contributions, neuf propositions ont été reçues et quatre seulement ont achevé le processus éditorial. Malgré ce chiffre modeste (qui atteste, peut-être, d’un intérêt moindre porté par le champ scientifique aux sports non mainstream ou non olympiques), les articles retenus montrent que les pratiques sportives alternatives, qu’elles soient dites « à risque », méconnues, underground et/ou anti-conformistes restent des terrains d’étude heuristiques. Par ce numéro, nous montrons ainsi tout l’intérêt qu’il y a à continuer de travailler sur les sports situés à la marge d’un ordre dominant. L’appréhension de la force critique qui accompagne la structuration de ces pratiques de niche nous semble en effet nécessaire pour comprendre la complexité du fait sportif actuel et, plus globalement, notre « civilisation du loisir » (Dumazedier, 1972). Si l’institutionnalisation de pratiques comme le skateboard ou le surf témoigne du poids du fait sportif ’officiel’, l’apparition ces dernières années de nouvelles pratiques de loisirs atteste de la créativité des acteurs sociaux et permet de renouveler les études initiées à la fin des années 1990. Burlesques ou transgressives, ces pratiques ont su faire du détournement un étendard contre la rigidité des cadres sportifs traditionnels, jusqu’à porter en elles les germes d’un changement dans nos manières d’envisager les pratiques corporelles. Les différents articles de ce numéro questionnent le sens accordé au terme d’alternatif, aussi bien vis-à-vis d’un ordre sportif traditionnel que par rapport à un fonctionnement interne. Toujours pensées au regard des pratiques instituées, reconnues, les activités étudiées ici ne sont néanmoins pas imperméables aux mécanismes qui structurent les sports traditionnels (attrait pour la compétition, individualisme, recherche de légitimité) mais négocient leur place dans le champ du loisir à partir de valeurs et de normes qui leurs sont propres.
En ouverture, le premier article, « Pour une relecture historique des dynamiques d’institutionnalisation de sports ‘alternatifs’ : l’exemple du skateboard », rediscute la fabrique du mythe selon lequel les sports alternatifs seraient nés à partir d’une rupture avec le modèle mainstream des sports traditionnels. D’après une revue de littérature portant sur les sports dits « alternatifs », « de risque » ou « de glisse », Louise Laigroz, Charly Machemehl et Romain Roult invitent à penser le manque d’opérationnalité de ces concepts. En effet, ces derniers tendent à homogénéiser une réalité sociale (traversée par le mythe d’une « authenticité anti-institutionnelle ») qui peut difficilement se satisfaire d’une seule opposition entre alternatif et mainstream. Si la participation de skatebordeurs aux derniers Jeux Olympiques a pu être appréhendée comme contraire aux valeurs de la discipline, les auteurs montrent que les logiques de compétition, de codification et de marchandisation n’ont jamais été complètement étrangères à cette forme de glisse urbaine. Contre l’idéologie anticonformiste et radicale à travers laquelle les pratiques alternatives se propagent, leur institutionnalisation est en générale appréhendée de manière négative dans la littérature. L’article permet de rouvrir les discussions autour d’une pratique historiquement discutée par la littérature anglophone, la glisse, prouvant par ailleurs que le sujet n’a pas encore été épuisé. En effet, pourquoi ne pas envisager des processus telles la sportivisation ou l’institutionnalisation comme des solutions à la survie d’un projet émergent ? De plus, la reconnaissance de ces activités en dehors de leur cadre premier d’expression (la communauté à l’origine de leur création) est perceptible dans cette idée d’une rupture avec l’ordre alternatif.
Dans la continuité de ces questionnements, l’article de Bastien Soulé et Véronique Reynier, « Apprivoiser le risque et renforcer la reconnaissance subculturelle : les usages de l’humour dans les snowparks », propose d’analyser les interactions qui structurent et maintiennent le cadre alternatif, notamment sous l’angle de l’humour mobilisé par les acteurs, ce qu’avait également proposé George Jennings pour une autre activité qui peut être qualifiée d’alternative : les arts martiaux historiques européens (Jennings, 2022). Les snowparks constituent des lieux dans lesquels s’observent des pratiques de détournement et de contournement des espaces (en l’occurrence, ceux réservés aux skieurs). Auparavant stigmatisés par les locaux et les touristes qui associent ces espaces à un sentiment d’insécurité, les snowparks sont par la suite devenus un élément d’attraction du tourisme d’hiver, jusqu’à voir leur communauté se transformer, se diversifier. Les auteurs s’intéressent ainsi à la popularisation de ces lieux et à la mixité sociale grandissante de ces sportifs. À travers la pratique du freestyle, les auteurs montrent comment l’engagement corporel des pratiquants participe à établir une hiérarchie dissociant les « insiders » (« nous ») des « touristes », autres participants considérés comme peu légitimes dans cette activité. Grâce à leur potentiel comique, les chutes sont apparues comme révélatrices des logiques sociales à l’œuvre dans ces espaces alternatifs. Cet article nous propose ainsi un éclairage sociologique des résistances à la massification de pratiques dont la stigmatisation initiale participait à les ’protéger’ des interférences extérieures.
Tandis que l’engagement corporel dans les activités à risque permet aux snowboardeurs de préserver un entre-soi, à l’inverse, la pratique dont il sera question dans le troisième article de ce numéro navigue entre une recherche de légitimité et des stratégies de conservation d’une identité alternative. Dans la lignée de pratiques telles que le quidditch ou le roller derby, la pole dance étudiée par Marie Potvain peut être qualifiée d’émergente en ce qu’elle apparaît en France récemment, dans le courant des années 2000. Intitulé « Poles alternatifs : faire de la pole dance un sport sans effacer son identité », ce travail s’intéresse au succès de cette jeune discipline et à sa transformation en pratique performante. Trouvant ses racines dans les spectacles de danses érotiques de la fin du XIXe siècle, la pole dance s’est progressivement défaite de son caractère subversif et sulfureux pour s’imposer comme un loisir ’convenable’. Dans cette perspective, Marie Potvain analyse la normalisation de la pole dance comme relevant d’une dynamique politique et culturelle favorisant un changement de regard sur cette pratique qui offre aux femmes un espace de liberté et d’expérimentation corporelle. La mise aux normes de cette activité (et son corollaire : l’institutionnalisation) est analysée par l’auteure comme une manière de gagner en légitimité. Au niveau interne, si les pratiquantes emploient des stratégies discursives pour défendre le ’sérieux’ de leur discipline, des logiques de préservation de l’ancrage alternatif se laissent observer. Par exemple, la pratique oscille facilement entre exigences physiques et ludisme, et la conservation du « fun » évite l’enfermement de la pole dance dans une trajectoire sportive linéaire. De plus, le principe d’auto-apprentissage défendu par les poleuses témoigne de l’autonomie de la pratique vis-à-vis des cadres officiels. Ces signes, attestant d’une sportivisation inachevée, constituent autant de formes de résistances que les pratiquantes érigent contre la normalisation de la discipline.
À rebours de la pratique de la pole dance au sein de laquelle s’observent des résistances internes face à la sportivisation, Émilie Salaméro, Marie Doga, Myriam Jacolin-Nackaerts et Samuel Juhle montrent comment la pratique du yoga a dû, quant à elle, se défaire de ses caractéristiques alternatives pour que l’institution scolaire l’accepte en son sein. Le dernier article thématique de notre numéro, « Entre ajustement et renouvellement : le yoga au service du métier d’éducateur », s’appuie sur l’exemple de cette pratique de forme pour montrer les réticences des institutions officielles (sportive et scolaire) face à des activités physiques qui ne correspondent ni à leurs normes organisationnelles ni à leurs modes de fonctionnement. Dans cet article, les auteurs montrent comment la pratique du yoga est parvenue à s’insérer dans l’institution scolaire. Loin de faire l’objet d’une régulation par les institutions, ce sont les promoteurs du yoga eux-mêmes qui s’engagent dans un processus d’euphémisation des connotations spirituelles du yoga afin de correspondre aux attentes de l’ordre scolaire et gagner ainsi en « respectabilité ». Si l’institutionnalisation du yoga s’accompagne de la disparition de son ancrage alternatif, les auteurs exposent en quoi sa présence à l’école participe à renouveler le modèle professionnel du métier d’éducateur. Des marges au centre d’un système, l’exemple du yoga montre que les pratiques alternatives portent en elles le pouvoir de modifier les cadres institués.
L’ensemble de ces articles nous permet ainsi de rediscuter les relations existant entre un système (normatif, politique, moral) et ses marges, lieux où s’opère de manière plus ou moins confidentielle et préservée une critique d’un ordre dominant. Cette partie thématique invite ainsi à engager une réflexion globale sur les sports qualifiés d’alternatifs, au moment même où les Jeux olympiques ressurgissent dans l’actualité médiatique. Comment des activités physiques émergentes ou renouvelées sont-elles teintées de mécanismes de résistance et/ou de création face à un ordre sportif hégémonique ? Plus largement, l’enjeu est également de rappeler que l’histoire des sports s’écrit aussi à partir des écarts constatés et des possibilités et volontés de remise en question d’un cadre mainstream.
Du côté de la rubrique Varia, l’article d’Ayoub Chafik et Omar Iharchane s’intéresse au Code marocain de la famille (ou Code du statut personnel) et à ses évolutions depuis 2004, interrogeant les limites des réformes. Selon une méthodologie historique et en considérant à la fois le droit positif et le droit musulman, les auteurs montrent l’importance du volontarisme politique de l’État pour accélérer les avancées en matière des droits des femmes.
Enfin, dans la rubrique Notes de lecture, Kévin Bideaux revient sur l’ouvrage de Corina Chutaux Mila, Esthétique de l’art invisuel, publié aux éditions du Panthéon en octobre 2021. Le chercheur en arts et études de genre rappelle tout d’abord que ce livre constitue un premier aperçu d’une recherche doctorale en cours sur la « (Dé)matérialisation de l’art et de la littérature au XXIe siècle ». Ce préambule conduit l’auteur à relever l’originalité de cette publication « qui se donne […] pour mission de légitimer l’existence des arts invisuels », tout en proposant une lecture critique de cette dernière. À ce titre, l’auteur se penche notamment sur les limites d’une distinction nette entre arts conceptuels et arts invisuels. Kévin Bideaux conclut en soulignant l’intérêt d’un ouvrage qui permet « de porter un regard neuf sur des pratiques artistiques dont on ne saisissait peut-être pas jusqu’alors toute l’ampleur ».
Le comité de rédaction de la revue tient à chaleureusement remercier l’ensemble des experts qui ont permis la réalisation de ce numéro, pour leurs conseils avisés et leur suivi : Lionel Arnaud, Loïc Ballarini, Axiel Cazeneuve, Sylvine Chevalier, Baptiste Cleret, Nathalie Conq, Christophe Deleu, Stéphane Djahanchahi, Marie Doga, Laurent Sébastien Fournier, Mélie Fraysse, Marie-Carmen Garcia, Christophe Guibert, David Le Breton, Stéphane Le Lay, Jérémy Lemarié, Johnny Lourtioux, Sylvie Miaux, Caroline Nizard, Laurent Paccaud, Jérôme Pruneau, Matthieu Quidu, Thomas Riffaud, Iris Sechter Funk, Magalie Sizorn, Jérôme Soldani, Frédéric Vairel.
Références bibliographiques
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[1] À rebours des approches post-modernes, les recherches conduites au sein du programme ANR Aiôn (Socio-anthropologie de l’imaginaire du temps. Le cas des loisirs alternatifs) s’inscrivent dans la lignée des théories anglo-saxonnes et associent à la définition des pratiques alternatives une réflexion autour des dynamiques créatives et contestataires qui en émanent.
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